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Monsieur Philippe, l'Ami de Dieu

(extrait de l'ouvrage)
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Nous vous proposons ci-dessous un chapitre de l'ouvrage "Monsieur Philippe, 'l'Ami de Dieu'", de Serge Caillet. Cet extrait est reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur et des Editions Dervy. Toute reproduction sous quelque forme que ce soit strictement interdite.

Menu Extraits d'ouvrages  l  Maître Philippe de Lyon dans son temps  l  Portrait de Maître Philippe de Lyon
             "Monsieur Philippe, Ami de Dieu et des hommes", entrevue avec Serge Caillet

Avant-propos

      Monsieur Philippe, comme l'appelaient respectueusement jadis ses proches et ses admirateurs (1), ou "maître Philippe" comme on dit généralement aujourd'hui – et souvent avec une capitale à "Maître" – voire le "mage Philippe", et même le "Dr. Philippe" comme il advint qu'on le qualifiât aussi, a troublé, fasciné en son temps des occultistes qui l'avaient approché sans peut-être toujours le comprendre. Et il captive encore de nos jours beaucoup de cherchants.

      Parce qu'il visitait, recevait et, aux dires de beaucoup, soulageait ou guérissait les souffrances physiques et morales de ses contemporains, M. Philippe, que des médecins occultistes protégeaient et que des malades vénéraient, a très tôt inquiété la médecine officielle au point qu'à plusieurs reprises – nous verrons dans quelles circonstances – la justice s'en mêla.

      Surtout, par ses relations avec certains souverains d'Europe, principalement Nicolas Il et Alexandra Féodorovna, M. Philippe inquiéta plus encore, quoique ce fut sans raison, la police politique russe et le Gouvernement français, incapables l'un et l'autre d'appréhender des réalités spirituelles, inaptes à comprendre le rôle joué par le thaumaturge de Lyon à la cour de Russie ou auprès d'autres monarques. On le soupçonna d'activisme politique, de fomenter des intrigues, on l'accusa de charlatanisme, et l'Eglise russe elle-même fit peut-être pression pour qu'on l'écartât de la cour impériale. De nos jours encore, les accusations les plus grossières, les allégations les plus fantaisistes, les ragots colportés par la presse européenne au tout début de 1900, et qui sont le plus souvent sans le moindre fondement, se retrouvent encore accrédités par des auteurs réputés sérieux. Et combien de biographes de Nicolas II, d'Alexandra Féodorovna ou de Raspoutine, que le cas de M. Philippe intéresse accessoirement, recopient à leur tour ces sornettes, quand ils n'y ajoutent pas des erreurs de leur cru (2).

      M. Philippe, charlatan pour la médecine officielle qui, échouant à le comprendre, chercha en vain à l'interdire d'exercer et à le discréditer jusqu'après la tombe, M. Philippe imposteur pour la police française, et intrigant aux yeux des hommes politiques et des journalistes, répondait de son mieux à la vocation que le destin lui avait fixée. Soignant souvent avec succès les âmes et les corps, reconnu par les souverains russes comme Ami de Dieu dans une tradition qui remonte au XVIIe siècle, il a œuvré, prié, vécu sur terre, certes comme un fort brave homme, mais plus encore, conscient d'être à sa façon un messager des Cieux.

      En tête d'un petit livre de souvenirs, Marie Emmanuel Lalande, qui avait bien connu M. Philippe avant d'épouser son gendre en secondes noces, avoue son embarras : « Je ne voulais pas écrire ce livre, sachant bien qu'il est impossible de rendre la personnalité de Monsieur Philippe telle qu'elle était » (3). Son disciple Paul Sédir confie lui aussi : « C'est une entreprise ardue que de peindre une personnalité aussi rare et aussi complexe. » (4) C'est dire la difficulté de l'historien, que la vie pourtant toute simple de M. Philippe embarrasse en effet, parce qu'elle est entourée de mystères, quand elle n'est pas l'expression du mystère lui-même. Du reste, nombre de documents, de témoignages aujourd'hui accessibles au chercheur, sont à prendre avec réserve. Au seuil du livre magistral qu'il a consacre à Cagliostro, et qui n'est pas, nous le verrons, sans rapport avec notre homme, le Dr. Marc Haven, gendre de M. Philippe, s'insurge : « Je me souviens toujours d'un article de journal paru au XXe siècle et donnant d'un contemporain une biographie ornée de la reproduction de sa photographie. Celui qui, s'occupant du personnage en question, retrouvera dans cent ans ce journal, pourra-t-il ne pas classer cette étude parmi les plus importants de ses documents ? Or, le cliché était celui d'un inconnu, ne ressemblant même pas au héros de l'histoire, et la biographie faisait naître à Constantinople, dans un harem, celui qui avait vu le jour, fils de simples cultivateurs, dans un village, en France » (5). Or, le personnage allégué par Marc Haven n'est autre que M. Philippe, sur lequel, en effet, tant d'erreurs grossières, tant de propos abjects ont été répandus de son vivant même, rendant plus difficile encore, un siècle plus tard, l'indispensable séparation du bon grain de l'ivraie.

      Nous savons aussi que des propos apocryphes de M. Philippe – qui n'a rien écrit ou presque – se sont glissés un peu partout, et il s'avère bien difficile de les extraire aujourd'hui de la masse considérable de citations qui lui sont attribuées. II est bien laborieux aussi de discerner des faits historiques d'éléments légendaires ou symboliques qui, s'ils n'en sont pas moins dignes d'intérêt et porteurs de sens, doivent être situés sur un autre plan que celui de la réalité historique. Car certains disciples ont pu interpréter à leur façon des propos tout symboliques de leur maître. D'autres auditeurs ont pu ne pas comprendre ce qu'il leur disait, ou encore généraliser un mot qui n'était adressé qu'à eux seuls, ou un message personnel auquel M. Philippe avait donné une forme allégorique qui a pu leur échapper.

      Qui fut, qui est M. Philippe ? A cette question, maintes fois posée depuis un siècle, des réponses très diverses, parfois contradictoires, ont été apportées. Le Dr. Gérard Encausse, autrement dit le mage Papus, le premier, le dépeint sans le nommer sous les traits du "maître inconnu". En 1913, Marc Haven filigrane à son tour M. Philippe à travers Le Maître inconnu Cagliostro, dont il dresse un portrait qui séduit. Et Yvon Le Loup, alias Paul Sédir, range son maître défunt dans la galerie merveilleuse de Quelques Amis de Dieu, et en 1901, son roman Initiation le dépeint sous les traits étonnants des personnages d'Andréas et de Théophane.

     Dans un tout autre genre, dès 1920, Louis Maniguet consacre à cet "empirique lyonnais", "hystéro-névropathe", d'une "grande intelligence", une thèse de doctorat en médecine, présentée (on devine dans quel état d'esprit et avec quels arguments) devant la Faculté de Lyon. (6)

      Parmi les principaux auteurs, ni Jean Bricaud dont le petit Maître Philippe destiné aux "étudiants de l'occultisme" parut en 1926 (7), ni Marie Emmanuel Lalande, seconde épouse de Marc Haven, dont la brochure de 1948, Lumière blanche (8), visait à réparer à sa façon les attaques du Dr. Weber-Bauler, qui avait publié en 1944 un ouvrage virulent, d'ailleurs romancé, Philippe, guérisseur de Lyon (9), n'ont voulu faire œuvre de biographe.

      En 1954, un médecin éminent doublé d'un homme de foi, le Dr. Philippe Encausse, qui venait de réveiller deux ans plus tôt l'Ordre martiniste fondé par son père Gérard Encausse-Papus en 1887-1891, publia un ouvrage plus conséquent, Le Maître Philippe, de Lyon, thaumaturge et "Homme de Dieu", ses prodiges, ses guérisons, ses enseignements, dont la neuvième et dernière édition de son vivant a été couronnée par l'Académie française, en 1982 (10). Sur M. Philippe, Philippe Encausse a produit quantité de témoignages, de documents puisés dans ses archives personnelles, et il en a dressé le portrait touchant d'un ami et d'un messager de Dieu, particulièrement influent dans le milieu occultiste de la Belle Epoque.

      Dernier témoin vivant du temps de M. Philippe dont il avait fait la connaissance, grâce à Papus, en 1899, Alfred Haehl, après avoir rassemblé pour quelques intimes quantité de notes, jugea utile de publier un nouvel ouvrage qui situât M. Philippe en dehors du microcosme de l'occultisme où Philippe Encausse l'avait à ses yeux principalement placé. D'une collaboration avec Daniel Nazir, fils spirituel de Marc Haven, naquit donc en 1959 Vie et paroles du Maître Philippe (11). Nous aurons souvent recours à ce témoignage.

      Les essais irremplaçables de Philippe Encausse et d'Alfred Haehl, qui n'entendaient ni l'un ni l'autre faire œuvre d'historien, ne sauraient cependant être considérés comme des études historiques et critiques (12). Une biographie en règle de l'homme de Lyon restait donc à écrire. La voici établie d'après l'ensemble des documents imprimés et manuscrits auxquels j'ai pu personnellement avoir accès à ce jour. D'autres pièces existent dans des collections privées, jalousement gardées par leurs détenteurs, qui permettraient sans doute de préciser des points qui demeurent encore obscurs, et peut-être même d'ajouter des chapitres significatifs à cette biographie qui reste donc un travail provisoire. Un jour peut-être...

      Deux témoignages essentiels, deux documents d'importance issus du legs Philippe Encausse à la Bibliothèque municipale de Lyon, dont Robert Amadou me confia la publication, en 1986, viennent fort utilement illustrer cette esquisse biographique : le carnet personnel de Papus, où celui-ci avait relevé et classé des propos de son maître spirituel et des anecdotes à son sujet ; et un journal de comptes-rendus de séances de guérison et d'enseignement, tenu par une main anonyme. Ces pièces, partiellement exploitées par Philippe Encausse, sont ici publiées in extenso pour la première fois.

      Pour l'heure, voici l'homme singulier qui, quelques mois avant sa mort, confiait à un journaliste : « J'ignore tout de moi, je n'ai jamais compris ni cherché à m'expliquer mon mystère... » (13), voici Monsieur Philippe, l'Ami de Dieu.


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 (1)  Parce que c'est bien de cette seule façon que l'ont désigné en leur temps Marc Haven, Papus, Alfred Haehl et nombre de ses amis, parce que ce titre-là prévient les déviations idolâtres et que, d'ailleurs, l'Evangile condamne l'usage abusif de l'adjectif "maître"appliqué à tout homme, "Monsieur" Philippe, ainsi qualifié dès le titre même de cet ouvrage, sera donc le seul titre que je lui donnerai au fil des pages suivantes.

 (2)  Comment ne pas regretter, par exemple, que le Nicolas II de l'académicien Henri Troyat colporte non seulement sur M. Philippe les pires bêtises, mais forge un personnage hybride, moitié Papus moitié Philippe, nommé... Philippe Encausse ! Le Raspoutine du même auteur (Paris, Flammarion, 1995 ; J'ai Lu, 1998, p. 33), tout en dressant un portrait attachant du staretz sibérien, range malheureusement M. Philippe aux côtés «d'innocents à demi idiots » qui précédèrent Raspoutine à la cour, tous imposteurs à ses yeux. Seul ou presque, Michel de Enden (Raspoutine et le crépuscule de la monarchie en Russie, Paris, Arthème Fayard, 1976, pp. 141-148) examine sérieusement le rôle tenu à la cour par le thaumaturge lyonnais, dont il campe un portrait fidèle.

 (3)  Marie Emmanuel Lalande, Lumière blanche. Evocation d'un passé, Lyon, imprimerie Audin, 1948, p. 10.

 (4)  Paul Sédir, Quelques Amis de Dieu, Paris, Les Amitiés spirituelles, 1923, p. 112.

 (5)  Marc Haven, Le Maître inconnu Cagliostro. Etude historique et critique sur la haute magie, Paris, Dorbon aîné, s. d. (1913) ; nouvelle édition revue et corrigée, Paris, Editions Pythagore, 1932 ; nouvelle édition, Lyon, Derain, 1964 (puis Paris, Dervy-Livres, 1966) ; nouvelle édition préfacée par Bruno Marty, Paris, Editions Dervy, 1995, p. 7.

 (6)  Un empirique lyonnais, Philippe. Contribution à l'étude de l'influence des empiriques sur les malades. Etude médico-social, thèse soutenue devant la Faculté de Lyon, le 11 février 1920.

 (7)  Jean Bricaud, Le Maître Philippe, Paris, Chacornac frères, 1926 ; nouvelle édition en fac-similé, Paris, Le Monde inconnu, 1989.

 (8)  Marie Emmanuel Lalande, Lumière blanche. Evocation d'un passé, op. cit.

 (9)  Dr. Weber-Bauler, Philippe, guérisseur de Lyon, à la cour de Nicolas II, Baudry-Neuchâtel, La Baconnière, 1944.

 (10)  Philippe Encausse, Le Maître Philippe, de Lyon, thaumaturge et "Homme de Dieu", ses prodiges, ses guérisons, ses enseignements, Paris, La Diffusion scientifique, 1954 ; nombreuses rééditions revues et augmentées de documents inédits, dont la neuvième, Paris, Editions Traditionnelles, 1982. La dixième et toute dernière édition, Paris, Editions traditionnelles, 1985, reste fidèle au texte de 1982 auquel ont été ajoutées quelques illustrations inédites.

 (11)  Vie et paroles du Maître Philippe. Témoignage d'Alfred Haehl, Lyon, Paul Derain, 1959 ; Paris, Dervy-Livres, 1980, 1985, 1990 ; nouvelle édition en fac-similé, Paris, Dervy, 1997.

 (12)  Dernière en date, Renée-Paule Guillot (Philippe de Lyon. Médecin, thaumaturge et conseiller du tsar, Paris, Les deux océans, 1994) ne comble pas non plus cette lacune.

 (13)  "Philippe le mage : un thaumaturge lyonnais confident des rois et conseiller du tsar. Une interview dans un train", La Dépêche de Lyon, 13 mars 1905.

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