On ne saurait dire, très savant et très illustre Agripppa, combien votre honneur m'intéresse, combien je me réjouis de votre gloire, combien surtout j'admire votre érudition « qui doit couler beaucoup de l'abondance du cur et non simplement du bout des lèvres », pour me servir des paroles de ce Nazianze (127) dont les écrits sont pour beaucoup, et surtout pour moi, de l'or presque pur.
Hélas ! mes lettres ont beau vous appeler ; vous ne venez pas passer quelques jours auprès de nous. J'attends toujours cependant que vos affaires vous conduisent ici. Avec quel empressement j'irai me jeter dans vos bras ! Mais je m'abandonne à la familiarité et j'oublie votre grandeur. Votre bonté excessive est cause de ma hardiesse, pardonnez-moi, si vous êtes un autre Socrate. Quelques-uns de nos Maîtres en capuchon de la secte dominicaine, ces persécuteurs ou plutôt ces inquisiteurs de notre foi, entrèrent par hasard ces jours derniers dans notre parloir : la conversation tomba sur notre savant Erasme, et, au milieu d'accusations plus ou moins violentes, ils se mirent à vomir contre lui et contre Luther tout le venin de leurs injures, déblatérant contre les quatre Antechrists de l'Eglise : Erasme, Luther, Jean Reuchlin et d'Etaples.