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La Barre-y-va

Maurice Leblanc
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XI – PRIS AU PIÈGE

Après quelques heures de sommeil, Raoul d'Avenac sauta de son lit, s'habilla et se rendit sur les rochers du défilé. Pour reconnaître l'endroit où la lutte s'était produite, il avait laissé son mouchoir.

      Il ne l'y retrouva pas à la même place, mais plus loin, noué deux fois (alors qu'il pouvait affirmer n'avoir fait aucun nœud) et fiché dans le tronc d'un sapin par la pointe d'un poignard.

      « Allons, se dit-il, on me déclare la guerre. C'est donc qu'on a peur de moi. Tant mieux ! Mais tout de même le sieur X a de l'audace... Et quelle virtuosité pour glisser entre les mains comme une anguille ! »

      Cela surtout intéressait d'Avenac. Et le résultat de ses observations l'intéressa davantage encore. L'issue par où son adversaire lui avait échappé était constituée par une fissure naturelle, une sorte de faille, comme il y en avait beaucoup dans le monticule de granit. Celle-ci, creusée entre deux rocs, était profonde tout au plus de soixante à quatre-vingts centimètres, mais longue, et surtout extrêmement étroite. Elle se terminait, dans sa partie descendante, par une sorte de goulot, si rétréci qu'on ne pouvait imaginer que l'homme eût passé par là, et qu'il y eût passé avec un chapeau certainement plus large que ses épaules et avec des chaussures grossières comme des sabots. Pourtant il en était ainsi. Aucune autre issue n'existait.

      Et la faculté de s'étirer, que prouvait son incroyable évasion, concordait bien avec cette impression d'amincissement et de fluidité que Raoul avait éprouvée en le sentant se dissoudre, pour ainsi dire, entre ses doigts.

      Catherine et Bertrande le rejoignirent, très émues encore par l'incident de la nuit, et le visage fatigué par l'insomnie. L'une et l'autre supplièrent Raoul d'avancer la date du départ.

      « Pourquoi ? s'écria-t-il... A cause de ce quartier de roc ?

      – Evidemment, fit Bertrande. Il y a là une tentative.

      – Aucune tentative, je vous jure. Je viens d'examiner l'endroit, et je vous affirme que ce quartier de roc s'est détaché tout seul. C'est donc un hasard malencontreux, et pas davantage.

      – Cependant, si vous avez couru jusqu'au haut, c'est que vous avez cru voir...

      – Je n'ai pas cru voir, affirma-t-il. J'ai voulu me rendre compte s'il n'y avait pas quelqu'un et si la chute n'avait pas été provoquée artificiellement. Mes recherches de cette nuit et celles de ce matin ne me laissent aucun doute à ce propos. D'ailleurs, pour préparer la chute d'un tel bloc, il faut du temps. Or, personne ne pouvait se douter que vous feriez cette promenade nocturne, qui fut, vous le savez, décidée au dernier moment.

      – Non, mais on savait bien que vous la faisiez, vous, depuis plusieurs nuits. Ce n'est plus nous qu'on attaque, mais vous, Raoul.

      – Ne vous tourmentez pas pour moi, dit Raoul en riant.

      – Mais si ! mais si ! Vous n'avez pas le droit de vous exposer, et nous ne le voulons pas. »

      Elles s'effaraient toutes les deux, et l'une ou l'autre, tandis qu'il se promenait dans le jardin, lui tenait le bras et le suppliait.

      « Allons-nous-en ! Je vous assure que nous n'avons plus aucun plaisir à rester. Nous avons peur. Il n'y a que des pièges autour de nous... Allons-nous-en. Pour quelle raison ne voulezvous pas partir ? »

      En fin de compte, il répondit :

      « Pourquoi ? Parce que l'aventure est sur le point de se dénouer, que la date est irrévocablement fixée, et qu'il faut que vous sachiez comment mourut M. Guercin, et d'où provient l'or de votre grand-père. N'est-ce pas votre désir ?

      – Certes, fit Bertrande. Mais ce n'est pas seulement ici que vous pouvez le savoir.

      – Seulement ici, et aux dates fixées qui sont ou le 12, ou le 13, ou le 14 septembre.

      – Fixées par qui ? Par vous ?... ou par l'autre ?

      – Ni par moi ni par lui.

      – Alors ?

      – Par le destin, et le destin lui-même ne peut les changer.

      – Mais si votre conviction est telle, comment se fait-il que le problème reste obscur pour vous ?

      – Il ne l'est plus, déclara-t-il, en appuyant sur les mots avec une conviction vraiment stupéfiante. Sauf sur quelques points, la vérité m'apparaît clairement.

      – En ce cas, agissez.

      – Je ne puis agir qu'aux dates fixées, et ce n'est qu'à ces dates qu'il me sera possible de mettre la main sur le sieur X et de vous fournir une quantité de poudre d'or. »

      Il prophétisait du ton allègre d'un sorcier qui s'amuserait à intriguer et à dérouter. Et il leur proposa :

      « Nous sommes aujourd'hui le 4 septembre. Vous n'avez plus que six ou sept jours. Patientez, voulez-vous ? Et, sans plus penser à toutes ces choses agaçantes, profitons de cette dernière semaine de campagne. »

      Elles patientèrent. Elles avaient des heures de fièvre et d'inquiétude. Elles se querellaient parfois, sans motif apparent. Elles demeuraient, aux yeux de Raoul, incompréhensibles, fantasques et, par cela même, plus attirantes. Mais elles ne pouvaient se quitter, et surtout elles ne quittaient pas Raoul.

      Aussi ces quelques jours furent-ils charmants. En attendant un combat dont elles s'évertuaient à deviner les péripéties, et tout en se demandant s'il aurait lieu avant ou après le départ, elles en arrivaient, sous l'influence de Raoul, à se détendre et à jouir délicieusement de la vie. Elles riaient de tout ce qu'il disait, légères et graves, ardentes et nonchalantes, et elles se laissaient aller vers lui avec des élans dont il goûtait toute la spontanéité.

      Quelquefois, au milieu de leurs effusions amicales, il s'interrogeait gaiement et sans aller trop au fond de lui.

      « Bigre, mais voilà que je les aime de plus en plus, mes belles amies. Seulement, qui des deux est-ce que j'aime davantage ? Au début c'était Catherine. Elle m'émouvait et je me suis dévoué à elle, insouciant de ce qu'il en adviendrait. Et puis Bertrande, plus femme et plus coquette, me trouble maintenant. En vérité, je perds la tête. »

      Au fond, peut-être les aimait-il toutes deux, et, en les aimant toutes deux, l'une si pure et si ingénue, l'autre si tourmentée et si complexe, peut-être n'aimait-il qu'une seule et même femme, qui était, sous deux formes différentes, la femme de l'aventure à laquelle il consacrait toutes ses forces et toutes ses pensées.

      Ainsi s'écoulèrent le 5, le 6, le 7, le 8 et le 9 septembre. A mesure que la date devenait plus proche, Bertrande et Catherine se maîtrisaient davantage, jusqu'à partager la sérénité de Raoul. Elles préparaient leurs malles, tandis que M. Arnold et Charlotte rangeaient le manoir.

      Théodore Béchoux, très complaisant, ne dédaignait pas de donner un coup de main à Charlotte. Celle-ci devant aller dans sa famille durant une semaine, et Béchoux, qui voulait l'accompagner, ayant déclaré qu'il prendrait le train, Raoul avait obtenu des sœurs qu'elles fissent avec lui, en auto, le tour de la Bretagne. Pendant ce temps, le domestique mettrait en ordre l'appartement de Paris.

      Le 10 septembre, après le déjeuner, Bertrande sortit du manoir et se rendit au village pour régler les factures des fournisseurs. Quand elle revint, elle aperçut d'abord Raoul qui pêchait à la ligne, installé dans la barque, puis vingt mètres plus loin, à l'entrée du pont, Catherine qui le regardait.

      Elle s'assit vingt mètres avant la barque, et le regarda comme faisait sa sœur. Il était penché sur l'eau et ne semblait pas s'occuper de son bouchon qui se balançait. Considérait-il un spectacle quelconque au fond de la rivière ? ou suivait-il quelque idée en lui-même ?

      Raoul dut sentir qu'on l'observait car il tourna la tête du côté de Catherine à qui il sourit, puis du côté de Bertrande à qui il sourit également. Elles montèrent dans la barque.

      « Vous pensiez à nous, n'est-ce pas ? demanda l'une d'elles en riant.

      – Oui, dit-il.

      – A laquelle ?

      – Aux deux. Je ne puis vraiment pas vous séparer l'une de l'autre. Comment ferais-je pour vivre sans vous deux ?

      – Nous partons toujours demain ?

      – Oui, demain matin, 11 septembre. C'est ma récompense, ce petit voyage en Bretagne.

      – On part... cependant rien n'est résolu, fit Bertrande.

      – Tout est résolu », dit-il.

      Un long silence s'établit entre eux ; Raoul ne pêchait rien et n'avait aucun espoir de rien pêcher, la rivière étant dépourvue du moindre goujon. Mais tout de même ils contemplaient tous trois les jeux du bouchon de liège. De temps à autre ils échangeaient une phrase, et le crépuscule les surprit dans cette intimité heureuse.

      « Je vais donner un coup d'œil à mon auto, dit Raoul. Vous m'accompagnez ? »

      Ils se rendirent à ce hangar où il remisait son automobile, non loin de l'église. Tout allait bien. Le moteur tournait avec un murmure régulier.

      A sept heures Raoul quitta Bertrande et Catherine, en leur disant qu'il viendrait les chercher le lendemain vers dix heures et demie, et qu'ils traverseraient la Seine sur le bac de Quillebeuf. Puis il rejoignit Béchoux dans sa chaumière, où, pour plus de commodité, ils devaient passer cette dernière nuit.

      Après le dîner, l'un et l'autre gagnèrent leurs chambres. Bientôt Béchoux ronflait.

      Alors Raoul sortit de la maison, prit sous le toit de chaume une échelle suspendue à deux crochets, l'emporta, suivit le sentier qui longeait, à droite, le mur de la Barre-y-va, tourna en haut vers la gauche, et monta sur ce mur. Arrivé au faîte, dans l'ombre épaisse d'un arbre dont les branches tombaient autour de lui et le cachaient, il laissa glisser l'échelle au-dehors, à l'aide d'une corde, et la coucha parmi les ronces.

      Durant une demi-heure il resta dans l'arbre. Il voyait tout le parc, sous une lune étincelante qui diffusait une clarté blanche et calme, semblait fouiller les ténèbres, et se baignait dans l'eau argentée de la rivière.

      Au loin, les lumières du manoir, une à une, s'éteignirent. L'horloge de Radicatel sonna dix coups.

      Raoul veillait. Il ne croyait pas que le moindre danger menaçât les deux jeunes femmes, mais il ne voulait rien laisser au hasard. En supposant même qu'aucune embûche ne fût tendue, l'ennemi pouvait rôder, poursuivre ses préparatifs, se rapprocher du but qu'il croyait atteindre déjà, et s'assurer que lui-même n'était pas surveillé.

      Soudain, Raoul tressaillit. L'événement allaitil lui donner raison de s'être mis à l'affût, et n'allait-il pas surprendre quelque manœuvre ? A cinquante pas de lui, à l'intérieur de l'enceinte qu'il avait suivie, non loin de la petite porte par où, le premier matin, Catherine avait passé, il apercevait une forme immobile, collée contre le tronc d'un arbre, mais qui ne semblait pas en faire partie. De fait, elle oscilla plusieurs fois, puis parut diminuer de hauteur, jusqu'à s'étendre sur le sol. Si Raoul n'avait pas assisté à ce mouvement imperceptible, il n'aurait jamais détaché cette ombre allongée de l'ombre d'un grand if, et qui se mit à ramper dans la ligne même de l'obscurité.

      Elle gagna ainsi le monticule qui s'était formé autour et au-dessus de la serre démolie, chaos de pierres et d'herbes et de buissons, où un passage se dessinait en courbe blanchâtre. Elle s'éleva peu à peu, traînant sur le sol, puis disparut dans les fourrés.

      Raoul aussitôt, certain de n'être pas vu, sauta de son arbre, et se mit à courir en choisissant les endroits où n'arrivait pas le rayonnement de la lune. Ses yeux ne quittaient pas le point culminant des ruines. Quelques minutes lui suffirent pour en atteindre la base. Là, sans plus prendre de précautions, il s'engagea dans le passage pratiqué au milieu des éboulements et monta la piste qui serpentait.

      Le revolver en main, car il éprouvait quelque méfiance, il parvint au sommet et chercha d'un coup d'œil. N'apercevant rien de suspect, il pensa que l'ennemi redescendait l'autre pente, et il fit encore trois pas.

      Il eut une seconde ou deux d'hésitation. Il y a des instants où l'excès de calme, où la trop grande impassibilité des feuilles et des herbes vous paraissent autant de menaces. Il avança, cependant, tous ses sens aux aguets, et brusquement il eut l'impression qu'un craquement de branches se produisait sous ses pieds et qu'une fissure s'ouvrait au milieu des décombres.

      Il tomba dans le vide, et sans doute sa chute avait été combinée de telle façon qu'il reçut à la hauteur du torse comme un formidable coup de bélier, qui l'empêcha de tomber debout, lui fit perdre l'équilibre, et l'abattit comme une masse inerte. Aussitôt il fut enveloppé d'une sorte de couverture, roulé et ficelé avant qu'il eût eu le temps de s'y reconnaître et d'opposer seulement un essai de résistance.

      Tout cela fut exécuté avec une rapidité extraordinaire, et, autant qu'il put en juger, par un unique agresseur. Et non moins rapide fut la suite de l'opération. D'autres cordes s'enroulèrent qui durent être fixées à des points d'attache solidement établis, pieux, piquets de fer ou mœllons cimentés. Puis il eut un éboulement de cailloux et de sable que l'on précipitait sur lui d'en haut.

      Et puis, plus rien, le silence, les ténèbres, le poids d'une pierre tombale. Raoul était enseveli.

      Ce n'était pas un homme à se considérer comme perdu et à supprimer en lui la notion de l'espoir. En toute occurrence, sans se dissimuler la gravité d'une situation, d'abord il apercevait les côtés rassurants. Et comment ne se fût-il pas dit sur-le-champ que, somme toute, on aurait pu le tuer, et qu'on ne l'avait pas fait. C'eût été si facile ! Un coup de poignard, et l'on en finissait avec l'obstacle en quelque sorte invincible qu'il constituait pour son adversaire. Si on ne l'avait pas tué, c'est que sa suppression n'était pas indispensable, et qu'on pouvait se contenter de le réduire à l'impuissance durant les quelques jours que nécessitait la besogne envisagée.

      Et cette hypothèse était d'accord avec ce que savait pertinemment Raoul.

      Mais, néanmoins, l'ennemi ne reculait pas devant la solution criminelle. Il s'en remettait à la décision du destin. Si Raoul succombait, tant pis pour lui.

      « Je ne succomberai pas, se dit Raoul. L'essentiel c'est que je n'aie pas d'autre attaque à redouter. »

      Et, dès le début, son instinct lui faisant prendre la meilleure position possible, il avait tendu toutes ses forces pour plier un peu les genoux, raidir ses bras et gonfler sa poitrine. Il gardait ainsi une certaine liberté de mouvements et la place de respirer. D'autre part, il se rendait compte exactement de l'endroit où il se trouvait. Plusieurs fois, en effet, se glissant sous les débris de la serre, en quête des refuges où l'homme au chapeau pouvait se cacher, il avait remarqué ce vide situé non loin de l'entrée d'autrefois.

      Donc deux espoirs de salut, par en haut à travers les briques, les cailloux, le sable et toute la ferraille écroulée ; par en bas, sur le sol même où jadis était bâtie la serre. Mais pour tenter l'évasion, il fallait se mouvoir. Et c'était là, peutêtre, l'insurmontable difficulté, les cordes étant nouées de telle manière qu'au moindre effort, elles resserraient leur étreinte.

      Cependant, il s'ingénia par tous les moyens à se retourner et à se faire de la place. En même temps, le cours de ses idées se poursuivait. Il imaginait toutes les phases de l'embuscade, la surveillance exercée sur tous ses actes, la façon dont il avait été repéré au faîte du mur, sous les branches de l'arbre, et la façon habile dont l'adversaire l'avait attiré dans le piège.

      Chose curieuse, malgré la couverture qui l'enveloppait, et malgré le rempart que dressait autour de lui la masse accumulée, il entendait, non pas confusément, mais avec une incroyable netteté, les bruits du dehors, ou du moins tous ceux qui s'élevaient du côté de la Seine et de ce côté seulement. Ils étaient amenés, sans aucun doute, par, quelque interstice qui restait ouvert entre les décombres, le long du sol, et qui formait, dans la direction de la Seine, une sorte de conduit de cheminée presque horizontale.

      Ainsi, des sirènes de bateau mugirent sur le fleuve. Des trompes d'auto retentirent sur la route. L'église de Radicatel sonna onze fois, et le dernier coup n'avait pas frappé qu'il perçut les premiers ronflements d'un moteur que l'on mettait en marche et qui était le sien. Il le reconnaissait. Il l'eût reconnu entre mille.

      Et ce fut bien son moteur qui partit, qui tourna dans le village, qui prit la grande route, et qui, à une allure croissante, s'en alla vers Lillebonne.

      Mais Lillebonne, était-ce le but ? L'ennemi, car ce ne pouvait être que lui, ne continuait-il pas jusqu'à Rouen, jusqu'à Paris ? Et pour quoi faire ?

      Un peu las depuis son dur travail de libération, il se reposa et réfléchit. Au fond, la situation se présentait ainsi : le lendemain, 11 septembre, à dix heures et demie du matin, il devait venir au manoir et emmener Catherine et Bertrande. Donc, jusqu'à dix heures et demie et jusqu'à onze heures, rien d'anormal. Catherine et Bertrande ne s'inquiéteraient pas, ne le chercheraient pas. Mais après ? Au cours de la journée, est-ce que sa disparition, sa disparition à lui, si évidente, ne provoquerait pas des investigations qui pourraient le sauver ?

      En tout cas, l'ennemi devait prévoir que les deux jeunes femmes resteraient à la Barre-y-va et attendraient. Or, cela, c'était l'échec de toute la combinaison, puisque le projet de l'ennemi supposait une liberté absolue d'action. En fin de compte, il fallait que, l'une et l'autre, elles partissent. Le moyen ? un seul. Les appeler à Paris. Une lettre, on reconnaît l'écriture. Donc, un télégramme... un télégramme, signé Raoul, leur disant qu'il a dû soudainement s'en aller, et leur prescrivant de prendre le train dès le reçu de la dépêche.

      « Et comment n'obéiraient-elles pas ? pensait Raoul. L'injonction leur paraîtrait tellement logique ! Et puis, pour rien au monde, elles ne resteraient à la Barre-y-va sans ma protection. »

      Il travailla une partie de la nuit, dormit assez longtemps, bien qu'il eût un certain mal à respirer, et se remit à l'œuvre. Sans en avoir la certitude, il croyait bien avancer du côté de l'issue, car les bruits de l'extérieur lui arrivaient avec plus de netteté encore. Mais de combien de centimètres se composait cette avance, obtenue au prix de tant de peine et par de menus mouvements du corps ?

      Quant à ses liens, ils ne bougeaient pas. Seules les cordes fixées à des points d'attache, comme des amarres, se relâchaient peut-être un peu.

      Vers six heures du matin, il crut reconnaître le ronflement familier de son auto. Erreur sans doute. Le bruit s'arrêta bien avant Radicatel. D'ailleurs, pourquoi l'ennemi aurait-il ramené cette voiture dont la présence aurait compromis l'effet du télégramme ?

      La matinée se passa. A midi, bien qu'il n'eût perçu le roulement d'aucun véhicule, il supposa que les deux sœurs avaient quitté Radicatel dès le reçu de la dépêche, pour aller prendre le train à Lillebonne.

      Contrairement à ses prévisions, vers une heure, l'horloge de l'église continuant à le renseigner régulièrement, il entendit une voix qui criait, non loin de lui :

      « Raoul ! Raoul ! »

      C'était la voix de Catherine.

      Et la voix de Bertrande cria également :

      « Raoul ! Raoul ! »

      Il hurla leurs deux noms à son tour. Rien.

      D'autres appels furent lancés par les deux jeunes femmes, mais ils s'éloignaient.

      Et, de nouveau, le silence.




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