Vous êtes ici : Livres, textes & documents | La voie de l'occultiste - Tome 2 | III - Le destructeur du réel

La voie de l'occultiste - Tome 2

Annie Besant
© France-Spiritualités™






FRAGMENT I : LA VOIX DU SILENCE
Chapitre III : Le destructeur du réel

      Devenu indifférent aux objets de perception, l'élève devra chercher le Rajah des sens, producteur de pensée, celui qui éveille l'illusion.
      Le mental est le grand destructeur du réel.
      Que le disciple détruise le destructeur.



      Il s'agit là de ce qui doit être fait pendant la concentration. Comme l'expliquent les ouvrages hindous relatifs à ce sujet, l'étudiant qui veut se livrer à cet exercice doit, avant de commencer la concentration proprement dite, distraire son attention des objets perçus par les sens ; il doit apprendre à ne prêter d'attention à aucun des spectacles ou des sons assez rapprochés pour lui être perceptibles ; il ne doit éprouver d'attraction pour aucune personne ou pour aucun objet qui s'offrent à sa vue ou affectent le toucher ; alors il sera prêt à observer les pensées et les sentiments qui surgissent dans le mental lui-même et à s'en occuper.

      Comme nous l'avons expliqué déjà, les corps astral et mental sont chez la plupart des hommes, dans un état de constante activité ; ils présentent une quantité de tourbillons dont la suppression s'impose avant que l'on puisse faire de réels progrès ; ils sont la cause des innombrables illusions qui assaillent l'homme moyen, d'où l'extrême difficulté qu'il éprouve à rien juger avec précision. La doctrine de Shri Shankaracharya présente cet axiome : de même que l'œil physique voit nettement quand il se fixe, mais non quand ses regards sont errants, de même le mental comprend clairement lorsqu'il est calme. Mais si les tourbillons y sont nombreux, ils déformeront inévitablement les objets perçus et ainsi feront naître l'illusion.

      Le mental est appelé le rajah ou roi des sens. Quelquefois il est mis au nombre des sens ; par exemple dans la Gîta :

      « Une parcelle de Mon propre Soi, transformé dans le monde de la vie en Esprit immortel, crée autour de soi les sens, enveloppés de Prakriti, dont l'intellect est le sixième. »

      Il est évident que le mental n'agit pas comme une sorte de sens, puisqu'il corrige les témoignages des cinq sens et, de plus, indique la présence d'objets qui ne sont pas à leur portée. Exemple : quand une ombre se projette sur votre seuil, vous pouvez en conclure la présence de quelqu'un.

      Qu'est-ce donc que le mental, exigeant de l'aspirant un traitement si sévère ? Patanjali en parle quand il définit la pratique du yoga comme chitta-vritlti-nirodha, c'est-à-dire la contrainte (nirodha) des tourbillons (vritti) du mental (chitta). Parmi les Védantins ou dans l'école de Shri Shankaracharya, le terme antahkarana n'est pas employé dans le sens que nous lui donnons ordinairement, mais signifie le mental dans le sens le plus étendu de ce mot. Pour eux, c'est littéralement et dans son intégralité l'organe ou instrument interne, placé entre le Moi le plus profond et le monde extérieur ; ils le divisent toujours en quatre parties : « l'auteur du Moi » (ahamkara) ; la connaissance, l'intuition ou la raison pure (bouddhi) ; la pensée (manas) et le discernement des objets (chitta). C'est aux deux derniers que l'Occidental donne en général le nom de mental avec ses facultés de pensée abstraite et de pensée concrète. Quant aux autres activités, il les suppose au dessus du mental.

      Le Théosophe reconnaîtra dans ces quatre divisions védantines les quatre principes qui lui sont familiers : atma, bouddhi, manas et le mental inférieur. Mme Blavatsky appelait ce dernier kâma-manas parce que c'est la partie du manas accessible au désir et qui par conséquent s'intéresse aux objets matériels. Il faut considérer Kâma comme se rapportant non seulement aux désirs et passions inférieurs mais aussi à tout désir ou à tout intérêt éprouvé, pour lui-même, dans le monde extérieur. A ce point de vue, le triple Moi supérieur est simplement l'Antahkarnna (ou agent interne) placé entre la monade et le moi inférieur ; il est devenu une tétrade parce que, durant l'incarnation, le manas est double.

      Les trois parties du Moi supérieur sont regardées comme les trois aspects d'une grande conscience ou d'une grande intelligence ; toutes sont des modes de cognition. Atma n'est pas le Moi mais cette conscience qui connaît le Moi ; bouddhi est cette conscience qui, par sa propre perception, connaît directement la vie dans les formes ; manas est la même conscience contemplant au dehors le monde objectif ; enfin, kâma-manas est une partie de manas qui, immergé dans ce monde, en subit l'influence. Le véritable Moi, c'est la Monade, dont la vie est supérieure même à la conscienec et qui est la vie de ce mental complet – le Moi Supérieur. Patanjali et Shankara sont donc bien d'accord : c'est chitta, le kâma-manas, le mental inférieur qui est le destructeur du réel et c'est lui dont la destruction est nécessaire.

      Il faut comprendre dans le kâma-manas ou chitta des Indiens une grande partie de ce que les Théosophes nomment le corps astral. Mme Blavatsky mentionne aussi les quatre divisions du mental. D'abord manas-taijasi, le manas resplendissant ou illuminé qui est en réalité bouddhi ou tout au moins l'état de l'homme quand son manas s'est immergé en bouddhi, ayant renoncé à toute volonté indépendante. Ensuite le manas proprement dit, le manas supérieur, le mental de la pensée abstraite. Puis l'antahkarana, terme simplement employé par Mme Blavatsky pour indiquer le lien, canal ou pont unissant pendant l'incarnation le manas supérieur et le kâma-manas. Enfin, le kâma-mânas, qui représente dans notre théorie la personnalité.

      Parfois elle appelle manas le déva-ego, c'est-à-dire le Moi divin distingué du moi personnel. Le manas supérieur est divin parce qu'il possède la pensée positive ou kryashakti, la faculté d'accomplir. En réalité, tout ce que nous faisons est l'œuvre de la puissance mentale ; ce n'est pas à la main du sculpteur mais à la puissance mentale directrice de cette main, qu'est due l'œuvre sculptée. Le manas supérieur est divin parce qu'il est un penseur positif, mettant en jeu les qualités de sa propre vie intérieure qui rayonne au dehors.Voilà ce que signifie le mot divin, dont la racine est div, briller. Quant au mental inférieur, c'est un simple réflecteur ; comme tout autre objet matériel, il n'a pas de lumière propre ; c'est un intermédiaire que traverse la lumière ou le son ; c'est un masque ou persona, et rien de plus.

      Dans les ouvrages théosophiques, l'antahkarana est généralement considéré comme le lien unissant le Moi supérieur ou ego divin au moi inférieur ou ego personnel. Le chitta dans ce dernier le met à la merci de tout, si bien que notre vie d'ici-bas pourrait se comparer à l'expérience d'un homme s'efforçant de nager dans un maelström. A ceci, plus ou moins vite après la mort, succèdera une période de vie céleste. L'homme a été ballotté en tous sens ; il a vu beaucoup de choses, mais, au lieu de les étudier avec un mental tranquille et serein, il l'a fait avec kâma-manas ; aussi n'a-t-il pas saisi ce qu'elles représentent pour l'âme. Par contre, l'ego peut dans le monde céleste élargir l'antahkarana car maintenant tout est calme ; point de nouvelles expériences à recueillir ; dès lors rien n'empêche de se remémorer tranquillement les anciennes, de les revivre à loisir et d'en recueillir en quelque sorte l'essence dans le déva-ego, car c'est son intérêt. Ainsi, très souvent, l'ego commence en réalité le cycle de sa vie propre au moment de son entrée dans le monde céleste et ne prête à la personnalité, pendant la période où elle rassemble des matériaux, que le moins d'attention possible.

      Dans ce cas, l'aspect du mental, nommé (dans la classification de Mme Blavatsky) antahkarana, ne fonctionne guère avant la phase de vie céleste. Mais, pour devenir expert sur les plans astral et mental pendant la vie du corps physique, l'homme doit faire descendre et passer par ce canal les facultés positives du Moi supérieur et cela en pratiquant dharana (la concentration) ; il devient ainsi complètement maître de sa personnalité. En d'autres termes, il doit supprimer les tourbillons astrals et mentals. Un homme doué de génie sur un point spécial peut trouver facile de se concentrer avec une énergie extrême sur son travail particulier mais, quand vient la détente, sa vie ordinaire peut fort bien présenter encore des quantités de tourbillons. Ce n'est pas ce que nous voulons : notre but est la destruction complète de tous les tourbillons, afin de purger le mental inférieur des éléments indésirables et d'en faire en tout temps le calme et obéissant serviteur du Moi supérieur.

      Ces tourbillons qui peuvent se cristalliser et se cristallisent en effet constamment en préjugés fixes, forment de vraies stases matérielles ressemblant beaucoup à des verrues couvrant le corps mental. Quand donc l'homme essaie de regarder au dehors, à travers l'un de ces points particuliers du corps mental, sa vision n'est pas nette ; tout se trouve déformé, car sur ces points, la matière mentale n'est plus vivante et fluide mais stagnante et en décomposition. Le remède consiste à s'instruire, à remettre la matière en mouvement ; ensuite, l'un après l'autre, les préjugés seront emportés dans le courant et dissous.

      Si le mental est le grand destructeur du réel, c'est qu'à travers ce corps nous ne voyons aucun objet comme il est en réalité, mais seulement les images que nous sommes capables de nous en former et ces formes-pensées dont nous sommes les créateurs communiquent nécessairement à toute chose leur coloration particulière. Remarquez la manière dont deux personnes à idées préconçues, placées dans des circonstances identiques et s'accordant au sujet des événements, en font deux récits tout à fait différents. C'est pourtant ce qui arrive lorsqu'il s'agit de personnes ordinaires. Nous ne savons pas que nous déformons toutes choses d'une façon absurde. Le disciple doit surmonter cela ; il doit « détruire le destructeur ». Bien entendu, il ne doit pas détruire son mental, car il ne peut s'en passer, mais il doit le mater ; il possède le mental mais n'est pas le mental, bien que celui-ci tâche de le lui faire croire. La meilleure façon d'empêcher ses divagations est de mettre en jeu la volonté. Les efforts du mental sont très semblables à ceux du corps astral qui cherche toujours à vous persuader que ses désirs sont les vôtres. L'un et l'autre demandent à être pris exactement de même.

      Les tourbillons qui remplissent le mental de préjugés et d'erreurs ont-ils disparu, il subsiste encore beaucoup d'illusion. La traduction du mot sanscrit avidya par le terme « ignorance » n'est peut-être pas très heureuse, bien qu'elle soit universellement acceptée. Il existe en sanscrit tant de muances subtiles difficiles à rendre en anglais ! Dans le présent cas, il s'agit peut-être moins d'ignorance que d'absence de sagesse. Des connaissances extrêmement étendues ne confèrent pas la sagesse ; elles ont trait aux objets et à leurs relations dans le temps et dans l'espace, tandis que la sagesse s'occupe de l'âme ou de la conscience incorporée dans ces objets. Un homme politique éclairé par la sagesse comprend la pensée des gouvernés ; une mère sage comprend celle de ses enfants. Malgré toutes les connaissances possibles relatives aux choses matérielles, si l'on possède la vision matérielle sans celle de la vie, on n'en est encore qu'â l'Avidya ou manque de sagesse. « C'est aux dépens de la sagesse que vit en général l'intelligence », dit Mme Blavatsl:y. De cette privation de sagesse, ou ignorance, naissent encore quatre grands obstacles s'opposant au progrès spirituel, soit au total cinq obstacles nommés les Kleshas.

      Si avidya est le premier obstacle, le second est asmita, l'idée que « Je suis cela », ou ce qu'un Maître a un jour appelé « la personnalité du moi ». Sous l'influence de la vie, la personnalité devient une chose bien caractérisée, possédant une forme physique, astrale et mentale bien à elle, ce qui n'a aucun inconvénient si le spécimen est bon. Mais, si la vie profonde peut être amenée à croire qu'elle est cette personnalité, elle en épousera les intérêts au lieu d'en faire usage pour ses fins spirituelles.

      En conséquence de cette seconde erreur, les hommes aspirent à une richesse, à une puissance et à une renommée excessives. Passant en revue ses maisons de campagne et ses maisons en ville, ses yachts et ses automobiles, leur possesseur est gonflé d'orgueil et se croit grand parce qu'il en est dit le propriétaire ; ou bien, entendant partout prononcer son nom, sachant que des milliers de personnes s'expriment élogieusement sur son compte (ou même en termes sévères, car la notoriété fait souvent plaisir aux gens qui ne peuvent arriver à la célébrité), un homme se croit un fort grand personnage. Telle est « la personnalité du moi », l'une des plus grandes superstitions d'ici-bas et, pour tous, l'origine de bien des peines. Par contre, l'homme spirituel se juge heureux s'il peut rester maître de sa main et de son cerveau ; il préfère conserver dans sa pensée l'image de milliers d'autres hommes afin de pouvoir les assister, que de voir avec plaisir son image multipliée, exaltée dans leur propre pensée. Aussi la personnalité du moi oppose-t-elle le plus grand obstacle à l'utilisation de la personnalité par le Moi supérieur et par suite au progrès spirituel.

      Les troisième et quatrième obstacles peuvent être considérés ensemble : c'est raga et divesha, aimer et ne pas aimer, l'attraction et la répulsion ; eux aussi ont pour cause celte même personnalité du moi. Il n'appartient pas à celle-ci de manifester ses préférences ; c'est comme si une automobile ayant un avis à donner, exprimait tout son mécontentement quand son maître s'engage dans un mauvais chemin, ou trépidait de satisfaction en roulant sur une route unie. La chaussée peut ne pas être bonne pour la voiture mais, au point de vue du conducteur, l'important est qu'une route existe, car il a un but et l'atteindrait difficilement sans voie de communication. Il est agréable d'avoir des fauteuils et des cheminées, la lumière électrique et le chauffage à la vapeur, mais pour progresser il faut voir du pays, quelquefois matériellement, toujours en ce qui concerne les pensées et les sentiments. On aime les choses qui s'accordent avec les commodités usuelles et avec les habitudes ; tout ce qui les trouble est « mauvais » ; tout ce qui les favorise est « bon ». Cette façon d'envisager l'existence n'est pas en harmonie avec le progrès spirituel ; nous ne refusons pas le bien-être lorsqu'il nous échoit, mais il faut y devenir indifférent et prendre la vie comme elle vient. L'importance attachée à ce que l'on aime ou à ce que l'on n'aime pas doit disparaître. Le Moi supérieur doit, dans sa sérénité, rester seul juge de ce qui est bon on mauvais.

      Le cinquième obstacle est abhinivesha, suite du précédent : c'est l'état de l'homme fixé, établi, attaché à telle forme ou à tel genre d'existence, ou encore à la personnalité ; en résultent la peur de la vieillesse et de la mort, éventualités qu'ignore l'homme proprement dit, mais auxqelles ne peut, quand le temps en est venu, échapper la personnalité. Du cinquième obstacle peut résulter une véritable paralysie de notre existence ; l'homme donne sa jeunesse pour assurer le bien-être et la sécurité de sa vieillesse ; devenu vieux, il veut retrouver sa jeunesse perdue ou hésite à employer le corps, de crainte de l'épuiser. Il ressemble à l'acheteur d'une belle automobile qui resterait assis dans sa voiture, sans quitter le garage, heureux de sa nouvelle acquisition, mais sans pouvoir se décider à l'employer de peur de la détériorer. Notre rôle est de nous conformer à la volonté du Moi supérieur, tout prêts à mourir, au besoin, pour son service.

      Les tourbillons sont tous produits par ces cinq obstacles ; la concentration et la méditation donnent le moyen de les supprimer complètement. Quand le kâma-manas ne tend plus vers le bas, le manas peut s'élever et devenir le manastai jasi.

      Un autre mot sanscrit, s'applique à cette personnalité du moi : c'est mana, que l'on traduit quelquefois par « orgueil », mais que l'on rendrait peut-être mieux par « suffisance ». Nous en retrouvons la racine dans le mot nirmanakaya, qui signifie un être qui a dépassé cette illusion – nirmana. Suivant Mme Blavatsky, il y a trois genres ou modes d'incarnation : d'abord celui des avataras, ceux qui descendent des sphères supérieures, les ayant atteintes dans un cycle évolutif antérieur au nôtre ; deuxièmement, le genre ordinaire, lorsqu'une personne après avoir traversé les mondes astral et mental, prend un corps nouveau ; troisièmement, celui des nirmanakayas, qui se réincarnent sans intervalle, parfois après quelques jours seulement. Dans La Doctrine Secrète, l'auteur cite comme exemple le cardinal de Cuse qui très vite reprit naissance et fut Copernic ; elle ajoute que ces réincarnations rapides ne sont pas rares. Elle appelle ces personnes des adeptes, sans donner au mot tout à fait le même sens que nous lui donnons aujourd'hui, voulant dire qu'elles sont adeptes ou expertes sur les plans astral et mental inférieur ; elle assure que ces adeptes se manifestent quelquefois au cours des séances spirites et que les Frères de l'Ombre leur font particulièrement opposition, craignant sans doute leurs progrès, tant personnels que pour l'humanité en général.

      H. P. B. dit qu'il y a deux sortes de nirmanakayas : ceux qui ont renoncé au monde céleste, comme nous l'avons expliqué tout à l'heure, et ceux qui, parvenus plus tard à un degré plus élevé, renoncent à ce qu'elle nomme le nirvâna absolu, afin de rester ici-bas pour aider l'humanité. La littérature théosophique moderne applique uniquenaenl ce terme à cette dernière catégorie, mais il s'agit, pour le moment, de la moins élevée. L'homme qui a détruit le destructeur a supprimé, ou à peu près, les cinq obstacles ; dès lors, il sert le Moi supérieur ; rien en lui qui ne se prête aux intentions de ce Moi. L'élargissement de son antahkarana lui permet, pendant sa vie corporelle, d'être en contact direct avec le Moi supérieur, qui ne cesse de prendre ce dont il a besoin. L'abeille peut à tout moment visiter la fleur car le calme règne, et, quand périt le corps physique, la partie subtile de la personnalité peut servir de nouveau, dans la prochaine incarnation, parce qu'elle ne contient pas de tourbillons traduisant les désirs fixes, les opinions rigides, enfin les sentiments et pensées présentant un caractère égoïste.




Site et boutique déposés auprès de Copyrightfrance.com - Toute reproduction interdite
© 2000-2024  LB
Tous droits réservés - Reproduction intégrale ou partielle interdite

Taille des
caractères

Interlignes

Cambria


Mot de passe oublié
Créer un compte LIVRES, TEXTES
& DOCUMENTS