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La voie de l'occultiste - Tome 2

Annie Besant
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FRAGMENT I : LA VOIX DU SILENCE
Chapitre IV : Le réel et l'irréel

      Lorsqu'à lui-même sa forme paraîtra non réelle, comme au réveil paraissent les formes vues en rêve ; lorsqu'il aura cessé d'entendre la variété, il pourra discerner l'Unique, le son intérieur qui tue l'extérieur.


      Charles Webster Leadbeater : Le rêve et le sommeil sont des comparaisons souvent employées par les philosophes orientaux ; elles ont leur utilité mais ne doivent pas nous induire en erreur. En nous éveillant, au sortir d'un rêve ordinaire, nous reconnaissons que nos sens ont été trompés ; ce que nous avions pris pour une expérience réelle n'était rien de semblable. Mais ce n'est pas tout à fait ce qui arrive quand s'éveille en nous la perception de la réalité spirituelle. Nous nous éveillons à une existence supérieure et plus vaste ; nous découvrons pour la première fois les limitations écrasantes dont nous ne soupçonnions pas l'existence et qui nous enserraient jusqu'ici. Ne croyons pas, cependant, qu'avant ce moment notre existence n'ait été que vanité et illusion. Par suite de notre éveil aux réalités supérieures, notre ancienne attitude mentale prend un caractère irrationnel, mais après, tout ceci est relatif. Nous agissions alors d'après les lumières dont nous disposions et d'après nos connaissances ; maintenant les unes et les autres se sont accrues au point de transformer nos pensées et nos actions.

(7) ». Ce grand Instructeur, loin de blâmer une vie active, l'encourageait absolument ; mais il disait qu'au lieu de s'attacher aux activités et aux objets dont elles s'occupent, il fallait rechercher uniquement la sagesse qu'elles peuvent donner. C'est dans la sagesse que l'homme, faisant partie du Logos, a son véritable centre de vie. Ecoute-t-il la voix de la sagesse, il deviendra de plus en plus maître de soi et de son existence. Le son intérieur fera cesser le tumulte extérieur qui incite aux activités fiévreuses les hommes ordinaires.

(8) », mais il n'est peut-être pas libre de consacrer sa vie entière à une tâche supérieure, tant qu'il n'a pas satisfait aux exigences du Karma généré par lui-même dans ses existences passées ou dans la première partie de sa vie présente ; il peut, à coup sûr, éprouver le sentiment de vairagya mais, tant qu'il lui reste à remplir des devoirs physiques, il doit encore s'y intéresser suffisamment pour s'en acquitter avec toute la perception possible.

      Si son désir de libération est assez énergique et à moins que son Karma ne place sur son chemin un obstacle insurmontable, l'homme verra probablement bientôt s'ouvrir devant soi le chemin conduisant à la liberté. J'ai fait moi-même une expérience de ce genre. Je reçus de mon Maître un message m'offrant certaines occasions que j'acceptai avec une vive reconnaissance. Si cette bienveillante proposition m'avait été faite un peu plus tôt, je n'aurais pu l'accepter, n'étant pas libre ; j'avais encore à remplir un devoir très net qu'il m'était impossible de négliger.

      Il y a deux degrés dans Vairagya : l'apara ou vairagya inférieur, et le para, ou vairagya supérieur.

      L'abandon de tout attachement aux choses extérieures comporte trois périodes. D'abord, l'homme se lasse des objets auxquels il prenait autrefois plaisir, pourtant il regrette d'en être las ; il voudrait en jouir encore, mais en vain. Alors, cette satiété le pousse à chercher ailleurs d'autres satisfactions. Enfin, après avoir nettement entrevu la vie supérieure, ses désirs spirituels s'éveillent et leur attrait est si vif qu'il cesse de penser aux autres. Ou bien encore, ayant appris l'existence des choses supérieures et décidé de les rechercher, il se met, dans la deuxième période, soit à noter l'insuffisance des choses inférieures de façon à provoquer en lui-même une sorte de dégoût artificiel, soit à mettre toute sa volonté et son inflexible détermination à repousser leur charme et faire périr d'inanition le désir qu'elles lui inspirent. Finalement, comme, dans le cas précédenl, peut-être après maintes fluctuations, l'homme ouvre les yeux à la vie supérieure ; il entend le son intérieur qui tue le son extérieur ; dès lors, il possède le vairagya supérieur.

      Au milieu du conflit, l'homme en arrive souvent à une répugnance positive pour les objets qui jadis faisaient sa joie ; c'est généralement le signe qu'il s'en est tout récemment délivré et qu'il craint encore leur séduction ; il sent que leur proximité pourrait agir sur lui ; il tremble à cette idée ; il les évite et cherche à les détruire, avec véhémence et sans raisonner. Tous ces différents aspects de la deuxième période sont des formes de vairagya inférieure.


      Alors, et alors seulement, il abandonnera la région d'Asat, le faux, pour entrer dans le royaume de Sat, le vrai.

      Ici gardons-nous des méprises. On a souvent donné à ce passage le sens que les plans inférieurs étaient pure illusion, or le sens est tout autre. J'ai déjà parlé du réel et de l'irréel, et expliqué que tout plan est réel pour la conscience qui y fonctionne. Ce qui est vrai c'est que, sans être arrivé à entendre la voix intérieure et à envisager l'existence connue on l'envisage des plans supérieurs, l'homme ne peul saisir la vérité sous le voile de la manifestation infiniment complexe dont nous sommes entourés.


      Avant que l'âme puisse voir, il faut avoir obtenu l'harmonie intérieure et rendu les yeux de chair aveugles à toute illusion.
      Avant que l'âme puisse entendre, l'image (l'homme) doit être devenue sourde aux fracas comme aux murmures, aux cris des éléphants barrissants comme au bourdonnement argentin de la luciole d'or.
      Avant que l'âme puisse comprendre et se souvenir, elle doit être unie au Parleur silencieux, comme à l'esprit du potier la forme sur laquelle l'argile est modelée.


      L'harmonie intérieure est celle qui règne entre l'ego et ses véhicules, et aussi, naturellement, entre ces véhicules eux-mêmes. Dans l'homme moye,n il y a lutte perpétuelle entre le corps astral et le corps mental, entre les désirs et l'intelligence ; ces corps ne s'accordent ni l'un ni l'autre avec l'ego et sont encore incapables de lui servir de véhicules. La personnalité doit être purifiée ; le canal qui l'unit à l'ego doit être ouvert et élargi. Tant que ceci n'est pas accompli, la personnalité voit toute chose et toute personne de la façon très superficielle qui lui est propre. L'ego ne peut se rendre compte de ce qui se passe réellement ; il voit seulement l'image déformée obtenue par la personnalité ; celle-ci est comme un appareil photographique muni d'un objectif défectueux qui déforme les rayons lumineux et d'une plaque ou pellicule de mauvaise fabrication, avec le résultat que tout est brouillé, indistinct, inégal.

      Voilà pourquoi, chez la plupart des hommes, l'ego ne peut trouver aucune satisfaction dans la personnalité avant d'être entré dans la vie céleste. L'ego distingue le vrai du faux ; il reconnaît à première vue le vrai et rejette le faux, mais en général, en jetant un coup d'eil au-dessous de lui, sur la personnalité, il aperçoit des formes-pensées incohérentes mêlées dans une si folle confusion qu'il ne peut rien distinguer nettement ; il se détourne avec désespoir et se résoud à attendre le calme de la vie céleste avant de chercher à découvrir les fragments de vérité dans ce lamentable chaos. Dans ces conditions plus paisibles, quand surgissant l'une après l'autre, les émotions et les pensées de la récente existence physique se trouvent exposées à la vive lumière du monde céleste, elles sont estimées à leur valeur précise ; le rebut est jeté, le trésor conservé. Le disciple doit chercher à obtenir ce résultat avant même d'avoir quitté le corps physique, en purifiant la personnalité et en la mettant à l'unisson de l'âme.

      Les possibilités d'erreur personnelle sont à peu près infimes. Imaginez qu'un ver, un oiseau, un singe et un voyageur regardent simultanément un arbre. Le premier y verra une nourriture, le second une demeure, le troisième un gymnase, le quatrième une sorte de parapluie ; ces images, toutes dissemblables, différeront à leur tour de l'idée que l'arbre se fait de soi-même.

      Si la vision se rapporte aux objets extérieurs, l'audition se rapporte à ce qui procède de nous. Pour distinguer la voix subtile, le calme est nécessaire ; l'homme y parvient par dharana ou la concentration. Pour permettre à l'âme de percevoir avec certitude et netteté la voix intérieure, aucune influence extérieure ne doit nous ébranler – ni le fracas des grandes vagues qui nous assaillent ici-bas, ni le doux murmure des flots apaisés ; il faut apprendre à conserver un grand calme et à n'éprouver ni désirs, ni aversions.

      L'homme ne peut guère invoquer l'intuition, s'il n'est absolument décidé à la prendre pour son guide le meilleur et le plus sûr, et à ne pas faire intervenir ses désirs personnels. A quoi bon demander à l'intuition de résoudre un problème concernant la conduite si en même temps l'homme désire telle ou telle solution. Sauf les cas peu communs où l'intuition est particulièrement puissante, c'est seulement quand les désirs et les aversions personnels ayant cessé d'exister, la voix du monde extérieur n'a plus d'autorité sur lui, qu'il devient possible à l'homme d'entendre la voix intérieure, ce guide infaillible qui devrait être le sien.

      Avant que l'âme puisse pleinement et à la fois comprendre la portée de toutes les leçons reçues de l'extérieur et l'intuition qui naît au dedans, un nouvel accord doit s'établir ; le manas doit se conformer graduellement à la volonté qui, dès lors, prend la direction de sa vie.

      Trois périodes se distinguent dans le développement de la conscience. Sur le sentier de probation, la plus haute conscience de l'homme est active sur le plan mental supérieur ; après la Première Initiation et jusqu'à la Quatrième, elle ne cesse de s'élever à travers le plan bouddhique et, à la fin de cette période, elle pénètre dans le plan atmique et spirituel. L'homme s'unit alors à la volonté, à l'agent directeur, arbitre de sa destinée. Dans la période intermédiaire, il pouvait dire : « Que Votre Volonté soit faite et non la mienne » ; il dit maintenant : « Votre Volonté et la mienne sont une ». Comme le modèle du vase existe d'abord dans le mental du potier, comme le modèle d'une race humaine existe d'abord dans le mental du Manou qui le reçut d'en haut – de même le but que chacun de nous doit atteindre est déjà déterminé par la Monade ; puis, s'y conformant, le principe spirituel qui est en l'homme y adapte l'évolution de sa vie.

      Le mot âme se trouve donc avec raison employé dans ces trois sentences. C'est l'âme qui suit le chemin du progrès, ce n'est pas la personnalité. Jusqu'à mi-chemin, elle s'unit de plus en plus étroitement au bouddhi, et devient ainsi l'âme spirituelle manas-taijasi. Mais tout le travail s'opère sous la direction de l'âtma, la voix du silence.


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(7)  Op. cit., IV, 33.

(8)  Col., III, 2.




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