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La voie de l'occultiste - Tome 2

Annie Besant
© France-Spiritualités™






FRAGMENT I : LA VOIX DU SILENCE
Chapitre VI : Le Moi et le Moi total

      Lorsque ton âme en bouton prête l'oreille au tumulte du monde ; lorsque ton âme répond à la voix rugissante de la grande illusion ; lorsque effrayée à la vue des chaudes larmes de la douleur, assourdie par les cris de détresse, ton âme se retire comme la timide tortue dans la carapace de l'Egoïsme, sache-le, Disciple, ton âme est un tabernacle indigne de son Dieu silencieux.

      Quand, devenant plus forte, ton âme se glisse hors de sa sûre retraite, et, s'arrachant à son enveloppe protectrice, déroule son fil argenté et s'élance ; quand, apercevant son image sur les vagues de l'espace, elle murmure : « Cela, c'est moi », avoue, Disciple, que ton âme est prise dans le tissu de l'erreur.



      Charles Webster Leadbeater : Au début de ce passage, l'expression « âme en bouton » suggère l'idée d'évolution, idée qui pendant bien des siècles n'exista pas en Europe ; on supposait que le monde et tous les êtres qui l'habitent avaient été créés tout d'un coup, sans se douter que les formes plus complexes étaient sorties, par évolution, de formes inférieures et, poursuivant cette évolution, se rapprocheraient encore de la perfection. Il y a environ cent cinquante ans, naquit l'idée que les formes matérielles des êtres vivants étaient soumises à l'évolution, à un développement attribué, par les uns à une impulsion de la vie profonde, par les autres à l'influence sélective du milieu.

      Pourtant, il existait depuis longtemps une théorie de l'évolution de l'âme, doctrine qui a toujours tenu une très grande place dans les traditions hindoue et bouddhiste : les Théosophes l'ont partout répandue en Occident durant les cinquante dernières années, ainsi que la doctrine de la réincarnation. Celle-ci a été donnée comme la plus logique et la plus morale théorie de la destinée humaine, du moment qu'il a été établi par la science, comme par la religion, que l'âme humaine survit au corps. L'âme se réincarne bien des fois pour acquérir l'expérience ; en conséquence, chacun finira par devenir, non seulement un génie dans tel ou tel domaine de l'intelligence ou de l'activité humaines, mais un homme parfait, prêt à recevoir dans sa plénitude la conscience divine.

      L'évolution de l'homme présente deux grandes étapes : la première se nomme le pravritti marga ou chemin de la sortie ; la seconde, le nivritti marga, ou chemin du retour. Dans la première a lieu le développement de la personnalité ; il est marqué par une forte accumulation de Karma, l'âme ne cessant de chercher dans le monde extérieur la satisfaction de ses multiples désirs ; dans la seconde, l'âme se détourne peu à peu du monde et, faisant face au divin qui est sa source et son but, elle poursuit les progrès qui couronneront la période humaine de son évolution.

      Cette deuxième étape, le nivritti marga, est divisée en Sentier de probation et Sentier de l'Initiation, longuement décrits dans Le Sentier du Disciple et Vers l'Initiation, enfin dans Les Maîtres et le Sentier. Ce marga comporte une évolution volontaire, dans laquelle le candidat s'applique méthodiquement à acquérir les qualités morales supérieures. L'évolution des êtres inférieurs, comme celle des hommes encore sur le pravritti marga, est involontaire ; ils cherchent, ils subissent l'expérience et s'instruisent sans bien comprendre ce qui leur arrive.

      Dans une note concernant le mot « illusion », Mme Blavatsky l'appelle Maha-Maya, la grande illusion, l'univers objectif. Nous avons déjà examiné le sens du terme « illusion » dans son application au monde extérieur. Ne confondons pas cette idée avec celle que le texte nomme « le tissu de l'erreur » et qui, suivant une autre note, s'applique à Sakkayaditthi, l'erreur de la personnalité.

      Quand Notre Seigneur le Bouddha révéla aux hommes le Noble Sentier Octuple, le chemin vers la liberté, le moyen pratique de supprimer l'affliction, il leur parla des dix entraves que, l'une après l'autre, le candidat doit rejeter. La première s'appelait Sakkayaditthi, l'erreur de la personnalité. D'où vient-elle ? Un enfant naît ; il est soumis au Karma – c'est le résultat de ses actes dans les vies passées ; il possède un corps d'une certaine constitution et auquel arrivent différentes choses ; avec le temps, il se rend compte de l'opinion d'autrui sur son compte et découvre ce qu'il peut, ou ne peut faire ; il se voit ainsi comme dans un miroir – un de ces miroirs déformants, parfois installés dans les expositions pour amuser les gens à la vue de leurs images grotesquement tassées ou allongées ; il se forme ainsi une idée de lui-même : il est intelligent ou bête, beau ou laid, faible ou fort ; son éducation se poursuit ; il acquiert un rang, une position sociale, un caractère, il prend les habitudes physiques et la mentalité d'un médecin, d'un homme d'affaires, ou d'une mère de famille, et ainsi arrive à se constituer une personnalité déterminée ; croit-il être cette personnalité, il possède ce que l'on a nommé « la personnalité du moi » – exactement la même illusion qui obsède les malheureux internés dans les maisons d'aliénés, qui s'imaginent être des théières, des cornets acoustiques, des pôle Nord, des reine Elisabeth et des Napoléon.

      Une série de corps et une personnalité bien disciplinées, soumises à de bonnes habitudes, présente évidemment des avantages, tout comme une boîte de bons outils ou une bonne automobile. Nous ne désirons pas de personnalités débiles et sans caractère. Cependant, quelle que soit l'excellence de la nôtre, il ne faut pas la regarder comme étant nous-même ; au contraire, nous devrions pouvoir – tout en la prenant pour instrument, tout en la faisant servir à notre vie spirituelle dans le monde matériel – exercer dans leur plénitude toute la force de volonté, toute la force d'aimer, toute la force mentale que nous possédons de naissance. Les personnalités ne doivent pas poser leur candidature à l'immortalité ni chercher à se mettre à l'abri des ravages subis par toutes les choses matérielles, ravages causés par l'usure et par le temps. Un. homme d'un certain âge disait un jour à son fils qui voulait faire un travail à sa place : « Non, non, mon garçon. Il faut toujours user les vieux d'abord ! » Les personnalités doivent se laisser employer et adapter au but spirituel du moment, et cela jusqu'à leur propre usure ; elles doivent se contenter, pour seule récompense, du long et glorieux dévakhane qui suivra la mort du corps extérieur, en ce qui concerne tous ceux qui ont ainsi servi le Moi divin intérieur ; à l'exception, bien entendu, des serviteurs des Maîtres ; ceux-là renoncent à cette récompense et renaissent promptement afin de travailler pour l'humanité.


      Cette terre, disciple, est la salle de douleur ; ici, le long du sentier des dures épreuves, des pièges sont semés pour saisir ton Ego dans l'illusion appelée « la grande hérésie ».

      Le plan physique est un lieu de douleur : c'est là une idée très répandue parmi les Bouddhistes et parmi les Hindous. Un travail contraire aux goûts naturels, souvent déformant et épuisant, l'oppression, la maladie, la dégradation, l'anxiété, tel est souvent le lot de la plupart des hommes. Ceux auxquels leur destinée a donné l'aisance peuvent dire qu'ils y prennent grand plaisir ; mais suivant l'expression de Patanjali : « Pour l'homme éclairé, tout est misère ». Bien des choses n'ont rien de pénible pour les personnes relativement peu évoluées – par exemple, l'odeur de l'alcool, de la viande ou des oignons, les sirènes d'usines ou la musique tapageuse, les mauvaises manières, les vêtements et les bâtiments hideux, et mille autres choses qui affligent les personnes plus sensibles. Mentionnons encore la préoccupation d'assurer nos besoins, la crainte de reperdre nos gains, la souffrance que nous inspirent tous ceux qui nous entourent, sinon la souffrance personnelle. Il faut vraiment que les hommes soient fous pour aimer des chaînes pareilles. Oui, la terre est bien un séjour de douleur ; songez combien ce qu'elle offre de meilleur est peu de chose, au jugement de ceux qui connaissent les plans supérieurs.

      Mais c'est l'homme surtout qui en est responsable. Songez à l'immense océan de vie qui remplit dans la nature les règnes minéral, végétal et animal ; partout il frémit de bonheur. L'image tragique conçue par un poète – « la nature aux dents, aux griffes sanglantes » – pâlit elle-même si nous nous rendons compte que les animaux « ne prévoient ni ne reviennent au passé », comme le fait l'humanité en proie aux désirs et aux craintes pénibles, et que, dans leurs combats, quand le spectacle du sang répandu et des blessures afflige le spectateur, l'excitation de la conscience animale est à son comble et goûte souvent un plaisir extrême. Si la terre est un lieu de douleur, c'est seulement pour l'homme, dont l'avidité et la colère, fruits d'une vive imagination qui alimente ses brûlants désirs, ont communiqué à sa vie personnelle, comme à sa vie sociale, le poison d'innombrables horreurs.

      Et pourtant, la victoire emportée sur l'égoïsme suffirait pour supprimer toutes ces horreurs et pour offrir à l'humanité entière les joies de ce monde – le frémissement, la paix profonde et immuable que donnent la beauté, la découverte, l'œuvre créatrice, le bien-être social et physique.

      La note de Blavatsky mentionne ensuite :

      Attavada, l'hérésie de la croyance à l'âme, ou plutôt à la séparation de cette âme ou Soi d'avec le Soi unique, universel et infini.

      Atta est l'équivalent pali du sanscrit atma, et vada signifie doctrine. La doctrine de l'atma, que nous avons déjà étudiée, est la grande cause des dissentiments entre Hindous et Bouddhistes, mais au fond la différence est purement verbale car, en disant que le Moi ou atma dans l'homme est un avec le Moi universel, l'Hindou entend par ce mot, non pas ce qu'entendent habituellement les gens quand ils pensent à eux-mêmes ou parlent d'eux-mêmes, mais quelque chose d'infniment plus profond et que le yogui avancé est seul capable de concevoir. Certain passage du Shri Vakya Soudha prévient l'aspirant qu'en répétant la grande formule religieuse « Je suis Cela », il doit bien se rendre compte de ce qu'il entend par « Je ». Suivant les explications données dans ce texte, il faut considérer comme triple l'individu séparé. La formule « Tu es Cela » et autres sentences proclament uniquement l'union avec Brahman du plus élevé de ces trois principes. Comme nous l'avons dit plus haut, la personnalité n'est pas le Moi ; le « vous » en moi ne l'est pas davantage ; non, le Moi ne peut se distinguer du Moi universel, dans lequel se confondent la multiplicité des êtres et l'Unique. La doctrine de Notre Seigneur le Bouddha nie la permanence du « vous », que les hommes appellent « Moi ».

      Il est regrettable que deux grandes religions comme l'Hindouisme et le Bouddhisme se trouvent séparées principalement par un aussi léger malentendu., et qu'en même temps celui-ci ait rendu très lente la diffusion de la doctrine théosophique parmi les Bouddhistes. Nous possédons maintenant une littérature théosophique considérable, où se rencontrent sans cesse les mots « atma » et « Soi » ; ceci a éloigné de nous beaucoup de Bouddhistes qui ne se sont pas donné la peine d'écarter l'obstacle verbal que nous avons par mégarde élevé sur leur chemin.


      Cette terre, ô disciple ignorant, n'est que l'entrée sinistre menant au crépuscule qui précède la vallée de vraie lumière, cette lumière que nul ne peut éteindre, cette lumière qui brûle sans mèche ni aliment.

      Cette sentence et d'autres qui suivront donnent aux plans de la nature des noms poétiques. Encore une fois, les occultistes orientaux associent fréquemment les plans astral et mental inférieur, et Mme Blavatsky fait souvent de même dans ses propres instructions. Nous trouvons un exemple de cette association dans l'image : « le crépuscule qui précède la vallée de la pure lumière ». Ainsi décrite, la « vallée de la pure lumière » est évidemment la région de l'âme et du Moi Supérieur, les plans où résident bouddhi et le manas supérieur.

      Si nous divisons les plans par une ligne séparant le mental inférieur du mental supérieur, nous constatons une différence radicale entre les plans situés au-dessous et les plans situés au-dessus. Dans les premiers, la matière domine ; on s'en aperçoit immédiatement ; la Conscience rayonne difficilement à travers les formes. Au contraire, dans les plans supérieurs, la vie tient la première place, et les formes ne sont présentes que pour la servir. Sur les plans inférieurs, la difficulté est de permettre à la vie de s'exprimer dans les formes ; sur les plans supérieurs, c'est tout le contraire : la difficulté consiste à retenir le flux vital et à lui donner forme. Au-dessus de la ligne de démarcation, et là seulement, la lumière de la Conscience ne subit l'action d'aucun vent et brille de sa lumière propre. Le symbole d'un feu spirituel s'applique fort bien à la Conscience sur ces niveaux, par opposition aux plans moins élevés où serait plus approprié le symbole du feu consumant un combustible.


      Il est dit dans la grande loi : « Avant de devenir le connaisseur du Tout-Soi, tu dois être d'abord le connaisseur de ton Soi. » Pour arriver à connaître ce Soi, il faut abandonner le soi au non-soi, l'être au non-être.

      Dans une note, Mme Blavatsky établit une distinction entre l'Atmajnani mentionné ici et le Tattvajnani. Dans la littérature hindoue, la distinction est en général faible et habituellement ignorée, mais l'auteur ajoute : « Le Tattvajnani est celui qui connaît ou discerne les principes de la nature ou de l'homme ; et l'Atmajnani est le connaisseur d'Atman ou du Soi universel, unique.

      La Théosophie a toujours enseigné que, pour faire des progrès, il faut mettre en pratique la vieille formule grecque : « Connais-toi toi-même » ; c'est pourquoi une très grande partie de nos ouvrages théosophiques modernes est consacrée à la constitution, à l'histoire et à la destinée de l'homme. C'est l'étude des différents principes et corps de l'homme qui nous permet graduellement de distinguer ce qu'il est et de le séparer, par la pensée, des véhicules dont il se sert, jusqu'à ce que nous arrivions enfin au Moi véritable. Alors, grâce à ce Moi véritable présent en nous, le Moi universel nous deviendra compréhensible ; et de fait, les deux ne font qu'un.

      Seulement, pour connaître en nous-mêmes le Moi réel, le moi inférieur doit être mis de côté et ne plus compter pour rien. Comme déjà nous l'avons vu, la destruction radicale de « la personnalité du moi » est la première tâche qui s'impose à l'Initié sur le Sentier proprement dit, puisque Sakkayaditthi, l'illusion du moi personnel, constitue la première entrave à rejeter.


      Alors tu pourras reposer entre les ailes du Grand Oiseau. Oui, doux est le repos entre les ailes de ce qui n'est pas né, de ce qui ne meurt pas, mais qui est l'Aum, à travers l'éternité des âges.

      Au sujet du Grand Oiseau, qui occupe une si grande place dans le symbolisme religieux oriental, Mme Blavatsky ajoute la note suivante :

      Kala Hamsa, l'oiseau ou cygne. Il est dit dans la Nadavindoupanishat (Rig Veda), traduite par la Société théosophique de Koumbakonam :
      « La syllabe A est considérée comme son aile droite ; U comme l'aile gauche ; M comme la queue, et l'Ardhainatra (demi-mètre), comme la tête. »


      Le mot Aum, généralement prononcé Om, précède tout bon travail ou toute bonne pensée, parce que c'est une formule de pouvoir, symbole de la création divine. D'innombrables ouvrages sanscrits sont d'accord pour affirmer que l'ouïe, le toucher, la vue, le goût et l'odorat correspondent respectivement aux ordres de matière appelés akasha (l'éther ou ciel), vayou (l'air), tejas ou agni (le feu), apas ou jala (l'eau) et prithivi (la terre) – c'est-à-dire aux cinq plans bien connus de la manifestation humaine – plans atmique, bouddhique, mental, astral et physique – tous créés dans cet ordre, en commençant par le plan atmique quand le son servit d'énergie créatrice. Celui-ci, bien entendu, n'avait rien de commun avec notre son physique, qui est une pulsation dans l'air ou dans une autre substance physique ; il était de la nature de la voix du silence ou volonté d'atma. Pourtant, même sur notre plan physique, le son est un grand constructeur de formes, comme le sait tout étudiant en sciences élémentaires, qui a fait les expériences de Chladni ou d'autres du même genre. On trouve dans les textes sacrés hindous de nombreux symboles offrant cette idée que le monde fut créé par le son.

      Le mot Aum possède, dit-on, comme mantra une valeur particulière parce que c'est le mot humain le plus complet. Il commence par la voyelle A prononcée au fond de la bouche, continue par la voyelle U prononcée au centre de la bouche, et se termine par la consonne M prononcée en serrant les lèvres ; il offre ainsi toute la gamme du langage humain et représente ainsi dans l'homme le mot créateur intégral. Ses trois parties symbolisent aussi la manifestation de la Trinité, et cela de tant de manières que l'on pourrait en remplir un volume ; par exemple Parabrahman, Daiviprakriti et Moulaprakriti ; Shiva, Vishnou et Brahma ; la volonté, la sagesse et l'activité ; ananda, chit et sat, ou le bonheur, la conscience et l'être ; atma, bouddhi et manas ; tamas, rajas et sattva – et bien d'autres. Aum rappelle ainsi constamment la triplicité présente en toutes choses ; c'est à la fois une clef donnant la solution de nombreux mystères et une formule de pouvoir. La tête de l'oiseau représente donc l'origine, non manifestée, du mot triple.

    Kala, mot qui signifie « le temps », est un des noms de Vishnou, c'est-à-dire Avalokiteshvara. – Kala-hamsa signifie par conséquent le cygne du temps ou dans le temps hamsa étant un cygne. Ce symbole de l'oiseau implique le temps, car l'oiseau traverse l'espace. La conscience a pour caractéristique de progresser ou d'évoluer ; donc elle existe dans le temps. La conscience du Logos est le temps ; elle ne commence ni ne finit dans le temps ; par suite, elle n'est point née et ne meurt point.

      Cet oiseau est donc un symbole du Deuxième Logos, qui est aussi la grande Sagesse. Une fable hindoue bien connue rattache également le hamsa ou cygne à l'idée de sagesse, car elle raconte de lui que, si un mélange d'eau et de lait lui est présenté, il peut séparer l'un de l'autre. La sagesse opère de même dans la vie humaine : elle prélève sur nos expériences diverses l'aliment essentiel de l'âme. Quand les expériences ont pris fin, la sagesse survit dans l'âme spirituelle de l'homme, car, suivant l'expression de la Bhagvad Gita : « Toutes les actions, intégralement, culminent dans la sagesse (18). »

      Sur le Sentier, l'homme qui a reçu la Troisième Initiation est aussi nommé un Hamsa ou cygne. Comme il s'applique à rejeter raga et dwesha, les quatrième et cinquième entraves, c'est-à-dire la préférence et l'aversion, il s'exerce tout particulièrement à la sagesse. Dans le monde, les gens sont dominés par leurs préférences et par leurs aversions ; leurs propres opinions les font donc beaucoup souffrir. Délivré de ces deux entraves, le Hamsa devient semblable au sage dont il est dit dans la Gîta qu'il trouve satisfaction dans la sagesse et dans le savoir, ne fait aucune différence entre une motte de terre, une pierre et de l'or, et voit du même œil ses amis et ses ennemis, le juste et le pécheur. Cet homme n'estime-t-il donc ni l'or, ni les amis ? Si, il les estime, mais il estime aussi l'argile et ses propres ennemis. Le sage met à profit les expériences de tout genre ; chacune est utile à l'âme. C'est ce qu'affirmait Epictète en disant : « Dieu m'a envoyé dans le monde uniquement afin que je progresse en vertu ; et pour cela il n'est rien ici-bas qui ne puisse me servir ».

      Hamsa est aussi l'équivalent de la sentence : « Aham Sah », ou Je suis Cela », fréquemment prononcée « So ham », où se retrouvent les mêmes mots inversés. Quand donc l'aspirant répète cette sentence, il se souvient aussi que la manière de chevaucher le Hamsa ou oiseau de la vie, c'est de reconnaître en soi-même le Moi. Le pieux yogui prononce, dit-on, cette formule à chaque respiration. Or, on en compte 21.600 dans un jour et dans une nuit, car l'air est supposé pénétrer en nous avec le son « sah » et être expiré avec le son « ha ».

      Tant que l'oiseau vole, le mot créateur résonne et le temps existe. Bien que la durée n'ait point de commencement ni de fin, elle est cependant mesurable – et c'est un grand mystère. Mme Blavatsky ajoute ici la note suivante :

      Eternité signifie pour les Orientaux tout autre chose que pour nous, et indique généralement les 100 années ou l'âge de Brahma, la durée d'un Kalpa, ou une période de 4320 millions d'années.

      Cette partie du sujet se termine par les mots :

      Monte l'oiseau de vie, si tu veux savoir.

que suivent ces notes :

      D'après le Nadavindou : « Un Yogui qui monte le Hamsa (qui médite sur Aum) n'est pas affecté par les influences karmiques ni par des crores de péchés. »
      Abandonne la vie de la personnalité physique si tu veux vivre en Esprit.


      Une crore vaut dix millions. Il ne faut pas conclure pourtant que le yogui soit autorisé à commettre ces péchés ; autrement il ne serait pas yogui. C'est simplement une façon orientale d'exprimer que le monde matériel ne l'affecte en rien. L'homme qui pense et qui agit sans désir personnel et avec un altruisme parfait ne subit aucune conséquence karmique ; le fruit de tous ses efforts est recueilli dans le grand réservoir d'énergie spirituelle destiné à l'assistance de l'humanité, comme nous l'avons déjà expliqué.


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(18)  Op. cit., IV, 33.




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