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La voie de l'occultiste - Tome 2

Annie Besant
© France-Spiritualités™






FRAGMENT I : LA VOIX DU SILENCE
Chapitre VII : Les trois Salles

      Trois salles, ô pèlerin fatigué, aboutissent au terme des labeurs. Trois salles, ô conquérant de Mara, te mèneront par trois états au quatrième, et de là dans les sept mondes, les mondes d'éternel repos.
      Si tu veux savoir leurs noms, écoute et souviens-toi. Le nom de la première salle est Ignorance – Avidya.
      C'est la salle où tu as vu le jour, où tu vis et où tu mourras.
      Le nom de la seconde est la salle d'apprentissage. Là ton âme trouvera les fleurs de la vie, mais sous chaque fleur un serpent enroulé.
      Le nom de la troisième salle est Sagesse ; au-delà s'étendent les eaux sans rivages d'Akshara, source intarissable de l'omniscience.



      Charles Webster Leadbeater : Les trois salles peuvent être interprétées de deux façons : soit comme des plans objectifs, soit comme la condition subjective de l'homme.

      Dans le premier cas, la salle de l'ignorance est le plan physique, et la salle de l'apprentissage, définie dans une note comme « la salle où s'instruit l'élève en probation », est ce que l'on pourrait nommer le plan astro-mental (les plans astral et mental inférieur dans leur ensemble).

      En écrivant, il y a seize ans, The Inner Life, j'estimais probable que Mme Blavatsky entendait par salle de l'apprentissage le plan astral et par salle de la sagesse le plan mental inférieur. Depuis lors, ayant beaucoup réfléchi à cette question, l'ayant souvent étudiée, je suis porté à croire que nous interprèterons plus fidèlement la pensée de l'auteur en voyant dans la salle de l'apprentissage non seulement l'astral mais encore le mental inférieur, et en élevant la salle de la sagesse de façon à y comprendre. les plans du manas supérieur et de bouddhi.

      Aryasangha ne regardait pas le plan astral comme la salle de l'apprentissage, ni le monde mental inférieur comme celle de la sagesse ; nous en trouvons la preuve un peu plus loin quand il parle de la seconde comme d'une salle « où toutes ombres sont inconnues, et où la lumière de vérité resplendit d'une gloire ineffaçable ». Le monde mental inférieur ne répond pas à cette description ; bien plus radieux et plus subtil que le plan astral, c'est pourtant un monde matériel, habité par les personnalités humaines. Plus loin, l'instructeur dit aussi que ce qui est incréé a son séjour dans la salle de la sagesse ; or, c'est l'ego, non la personnalité, qui est incréé. Dans le plan mental inférieur, tout comme dans l'astral, un serpent est enroulé sous chaque fleur, car, si la passion et les désirs insensés empoisonnent le second, l'orgueil et les préjugés se trouvent dans le premier. Dans le plan mental supérieur, si bien des connaissances échappent encore à l'ego, celles qu'il possède sont exactes, mais le mental inférieur est une région de personnalité et d'erreur.

      On peut encore juger à quel point les plans inférieurs sont des mondes illusoires, d'après la manière dont s'y exercent nos sens et nos facultés. Prenons pour exemple la vue. Nous voyons parce que notre vue rencontre un obstacle. Si nos regards traversaient librement un mur, nous ne verrions pas ce mur. On peut en dire autant de la marche : nous allons et venons avec une certaine liberté parce que la terre offre à nos pas une certaine résistance. Dans les plans supérieurs, on vit dans la lumière.

      En Orient, les écoles d'occultisme assemblent assez souvent les plans astral et mental. Les Védantistes parlent d'un seul corps (nommé le manomayakosha, ou corps fait de matière mentale), là où notre littérature théosophique en. distingue généralement deux (l'astral et le mental), et à ce corps, lorsque étant éveillé il est en état de fonctionner, ils attribuent les expériences que confèrent les deux plans. Dans les écoles de Raja Yoga, le candidat au yoga apprenait toujours à employer d'abord le mental et ensuite l'astral. Cette progression très sage se retrouve dans la doctrine de Patanjali, où les deux premiers pas se font dans le domaine moral et où l'on exige à cet égard des progrès sérieux, avant que ne soient autorisées les pratiques éveillant les siddhis ou facultés de yoga. Dans Raja Yoga : The Occult Training of the Hindus, le professeur Wood a nommé ces premiers pas « les dix commandements » et les a traduits par les cinq restrictions : « Tu ne feras de mal à personne ; tu ne mentiras point ; tu ne déroberas point ; tu te garderas de l'incontinence et de la gourmandise », et par les cinq observances : « Tu seras pur, satisfait, maître de toi-même, studieux et dévoué ». Ces méthodes étaient en vigueur bien avant le temps d'Aryasanga. Le pandit N. Bhashyacharya et d'autres sanscritistes soutiennent que Patanjali, qui n'était pas l'auteur du système en question, donna au monde ses célèbres soutras dès le IXème siècle avant J.-C.

      Comme je l'ai expliqué dans Les Maîtres et le Sentier, il arrivait souvent dans les Initiations anciennes que l'on consacrât beaucoup de temps à l'instruction de l'élève au point de vue de son travail astral, car son éveil à l'activité sur ce plan avait lieu relativement plus tard que ne l'est en règle générale celui des théosophes modernes ; ces derniers ont souvent une assez grande pratique du travail astral et par suite, ont appris, longtemps avant de recevoir l'Initiation, les détails du monde astral.

      Si nous considérons subjectivement les trois salles comme des étapes dans le développement humain, nous obtenons ces divisions bien connues : 1) L'homme, encore ignorant, vit dans le monde ; il est attiré ou repoussé par les objets qui l'entourent, incité à l'action par ses passions et ses désirs indomptés ; c'est la période de l'ignorance. 2) L'homme apprend que la nature a des lois précises et se rend compte qu'en leur conformant son travail il peut acquérir des pouvoirs bien supérieurs à ceux dont il disposait au temps de son ignorance ; c'est la salle de l'apprentissage. 3) L'homme sait qu'il existe des lois spirituelles ; il apprend à leur obéir, il n'ignore plus ni la réincarnation, ni le Karma, ni les lois éthiques et morales qui gouvernent les progrès de sa propre âme et des âmes d'autrui ; il se trouve dans la salle de la sagesse.

      Voici comment Mme Blavatsky décrit les trois étapes parcourues par la conscience.

      Les trois états de conscience, qui sont Djagrat, la veille, et Soushoupti, le profond sommeil. Ces trois conditions yoguistes mènent à la quatrième, ou état Turya, au delà de l'état sans rêve : l'état suprême, celui de haute conscience spirituelle.

      Ces états de conscience n'ont rien de fixe mais peuvent être en corrélation avec les groupes de plans ou salles objectives déjà mentionnés, quand il s'agit du candidat préparé à l'initiation de l'Arhat. Dans ce cas, l'état de veille peut être sur le plan physique ; l'état de rêve sur le plan astro-mental ; l'état de sommeil sur les plans mental supérieur et bouddhique ; enfin l'état turya sur le plan atmique.

      Ces termes assez curieux – la veille, le rêve, le sommeil semblent avoir été empruntés au point de vue du plan physique, pour indiquer les hauteurs de conscience atteintes par le candidat à tel ou tel moment. Quand l'homme était actif sur le plan physique, avec toutes ses facultés éveillées, il se trouvait dans le premier état. Pour comprendre le second, rappelons-nous qu'il y a deux genres de rêves – les inventions souvent absurdes du cerveau (physique et éthérique) et les expériences véritables de l'homme éloigné de son corps physique et s'instruisant dans les régions astro-mentales ; c'est à ces dernières que s'applique le nom de rêve. Le candidat endormi ou sur le point de s'assoupir en plein jour, se rappellerait ensuite avoir fait des expériences de ce genre, et puis les attribuerait à « la conscience de l'état de rêve ». Supposons maintenant que l'aspirant, après avoir quitté son corps, tombe dans ce que l'on peut appeler un deuxième sommeil et, s'élevant jusqu'au prochain groupe de plans, devienne momentanément conscient sur ce niveau supérieur. En se réveillant sur le plan physique, il ne se rappellerait probablement rien de ce qui s'est passé hors du corps, car son cerveau n'est pas en état d'enregistrer les expériences venant de plans supérieurs à son « état de rêve » ; il aurait donc le sentiment de sortir d'un sommeil profond et sans rêves ; sa seule impression serait en général celle d'une grande satisfaction et d'un grand bien-être. L' « état de sommeil » représente donc la conscience dans cette région encore plus élevée.

      Le quatrième état reçoit quelquefois le nom de transe ; voici pourquoi. Comme nous l'avons souvent expliqué, l'aspirant, quand il n'est pas dans son corps, atteint le degré de conscience immédiatement supérieur à celui qu'il possède dans ce corps. Il est également possible au disciple, pendant la méditation profonde, d'atteindre par la transe un état supérieur et ensuite de transmettre cette expérience à la mémoire de l'état de veille. L'Arhat peut ainsi atteindre le plan bouddhique tout en restant dans son corps physique ; et il parvient au plan atmique ou nirvanique, soit quand il quitte ce corps, soit pendant la méditation ou transe profonde. Le terme akshara appliqué ici à cette quatrième région, signifie simplement « ce qui ne se dissipe pas » ; c'est l'incorruptible.

      Pour les étudiants moins avancés, la même série d'appellations peut servir dans un sens relatif. Pour telle personne la conscience de veille peut exister sur le plan physique, l'état de rêve sur le plan astral, le sommeil profond sur le mental ; telle autre, capable d'exercer les facultés astrales dans sa conscience de veille sur le plan physique, a sa conscience de rêve sur le plan mental inférieur et son état de sommeil sur le plan mental supérieur ; et ainsi de suite. Le turya est un état supérieur, invariablement obtenu par un effort spécial de la volonté et par la méditation, dont le résultat est d'élever toute la série des trois états à un niveau plus élevé que le précédent. Pendant la période transitoire et avant que ne s'établisse le degré nouveau, ce quatrième état existe toujours.

      On le constate dans la méditation. Le candidat s'assied et fixe sa conscience de veille sur un objet quelconque – un chat, par exemple ; puis, s'élevant à « l'état de rêve », il essaie de saisir l'aspect astral de cet animal. Ensuite, il s'élève à « l'état de sommeil » et fixe son attention sur l'être mental du chat. Le quatrième degré constituerait le samadhi – ou contemplation – un effort pour saisir la signification et la réalité que le chat peut avoir aux yeux de l'ego, enfin pour dépasser ses trois formes et atteindre le sens subjectif. Dans le premier cas., la fixation du mental sur le chat se nomme la concentration ; l'élévation de la conscience se nomme la méditation ; la concentration finale dans un champ visuel supérieur, dépassant tout ce qui précède, se nomme la concentration (ou samadhi). Le dernier effort peut se comparer à la traversée d'un nuage ou d'un brouillard d'où la vision nouvelle peut surgir graduellement ou jaillir comme un éclair. Dans l'un et l'autre cas, le praticien doit garder une immobilité complète afin de retenir l'impression aussi longtemps que possible ; une seule pensée donnée au moi, à la vieille relativité personnelle, peut tout faire évanouir, si bien qu'il ne reste même plus le souvenir de ce que fut l'impression ressentie.

      Les trois salles, est-il dit, aboutissent au terme des labeurs et non – remarquez-le – au terme du travail. Dans ces mondes inférieurs, nous nous faisons du travail une idée certainement très différente de ce que l'on en pense sur des niveaux supérieurs. Ici-bas, le mot est à peu près synonyme de peine et souvent de corvée, mais à un point de vue supérieur, c'est en réalité un jeu. La corvée c'est l'action – sans plus ; sur l'homme qui l'entreprend, elle n'exerce pas d'action créatrice. Au contraire, la moindre tâche remplie à l'insu de chacun, mais de tout cœur « pour Dieu et point pour les hommes » et remplie mieux qu'elle ne le fut jamais, favorise l'évolution de la personne qui s'en acquitte. Si, par exemple, en écrivant une lettre, on s'efforce de le faire proprement et même avec art, et de s'exprimer en termes brefs, clairs et élégants, on développe du même coup la main, l'œil, le cerveau, la force mentale, la force d'aimer, la force de vouloir. Le vrai travail – tel celui de l'artiste – est une source d'influence créatrice et de joie. Si, même dans ce genre d'activité, nous trouvons un certain labeur à cause des obstructions spéciales aux plans inférieurs, il n'existe pas cependant ici-bas de distinction bien nette entre le labeur et le jeu. Faites par exemple une longue étape à cheval ; au commencement, tout est plaisir pour le cavalier comme pour sa monture ; peu à peu le plaisir diminue et la fatigue s'affirme, et tout d'un coup l'homme s'aperçoit que le jeu est devenu labeur, ou plutôt corvée. Dans d'autres cas, il peut s'agir d'une tâche d'assez courte durée mais qui dépasse légèrement nos forces ; alors naît un sentiment de labeur. Mais au fond, tout travail est un jeu quand il y a bonne volonté, sans fatigue ni effort excessif.

      A cet égard, les animaux et même les plantes ont beaucoup à nous apprendre. « Croîs comme croît la fleur », dit La Lumière sur le Sentier, « en ouvrant ton âme au soleil ». Le Christ a dit : « Considérez les lis des champs, comment ils croissent : ils ne travaillent ni ne filent. Et cependant, je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n'a pas été vêtu comme l'un d'eux (19) ». C'est l'anxiété éprouvée par les hommes en songeant au lendemain, qui transforme leur travail en labeur et en cruel effort. Mais la Loi nous dit : « Accomplis aujourd'hui ce qui est sage et bon, sans t'occuper du résultat ». Cc n'est pas là une doctrine de paresse, mais de travail – d'un travail qui est un jeu et non un labeur.

      Nous en trouvons un exemple dans la manière dont différentes personnes entreprennent un long déplacement. L'une prendra le train à Chicago et sera dans un état de fiévreuse impatience pendant les trois ou quatre jours que mettra le train pour atteindre San Francisco, but de son voyage ; elle a fixé toutes ses pensées sur ce qu'elle se propose d'y faire ; en attendant, le voyage est pour elle un labeur et une souffrance. Une autre observe, pendant le parcours, mille choses intéressantes – le paysage, les gens rencontrés, le train lui-même ; le voyage est pour elle un agréable délassement et, en fin de compte, elle a beaucoup plus accompli que la première. Le paysan hindou vit en union étroite avec la nature et certainement « croît comme la fleur ». Un homme quitte son village ; il va chercher le courrier, ou le porter à un bureau de poste peut-être éloigné de seize ou vingt milles. Son allure n'a rien de lourd ni de pénible ; ses nerfs n'ont pas à souffrir des mouvements sans grâce par lesquels se traduisent le mécontentement ou l'impatience. Son courrier ne représente pas pour lui une idée fixe, à l'exclusion de tout autre intérêt, et qui lui fait maudire la longueur du chemin. Non ; il y a les insectes, les oiseaux, les fleurs, les arbres, les cours d'eau, les nuages, les champs, les gens et les animaux, enfin la terre bénie elle-même, sur laquelle, comme sur un velours, il peut reposer dans les bras divins. L'homme blanc connaît bien peu la vie, mais beaucoup le labeur !

      Les Hindous ont toujours pensé que Dieu Se livrait à un jeu. La lila, ou jeu de Shri Krishna, comme on l'appelle, est la grande œuvre de l'évolution ; or, l'évolution nous paraît si laborieuse que nous tremblons à la pensée des âges immenses qu'elle exigera, et que nous aspirons au repos. Songez aux 311.040.000 millions d'années de notre mahakalpa. Quelle illusion ! Quand prendront fin nos pénibles efforts, la vie ne sera plus que jeu et que bonheur.

      Sur le quatrième Sentier, l'entrée du candidat dans le plan nirvanique marque la fin de son labeur, mais non de son travail ; pour lui ont pris fin les efforts imposés par le rejet des cinq premières entraves – la personnalité du moi, le doute, la superstition, les préférences et les antipathies – toutes preuves de sa sujétion aux objets matériels et qui firent de sa vie une longue et pénible ascension. Maintenant les cinq entraves qui lui restent à rejeter sont intérieures ; il doit s'en rendre maître, en vérité, mais il a pour armes la sérénité, la tranquillité, le calme et l'exercice de la volonté qui est, de toutes les choses d'ici-bas, la plus sereine. Ces entraves s'appellent : le désir de vivre dans une forme, le désir de vivre sans forme, l'orgueil, l'agitation et l'ignorance. Il y aurait peu d'avantage à les examiner ici en détail ; il suffit d'indiquer leur caractère interne et de dire que, pour les supprimer, l'homme doit arriver au calme pour lui-même et pour les véhicules supérieurs à la ligne tracée entre la personnalité et l'ego.

      Plus tôt, avant la fin de ses efforts, l'étudiant fera bien d'organiser sagement sa vie, afin que son travail pour le Maître soit autant que possible un jeu ; ce devrait être un pur bonheur, une joie sans mélange ; alors les progrès seraient rapides. Le labeur n'a rien de méritoire, ni de très profitable, bien qu'il soit parfois nécessaire. Que de fois un étudiant se livre à la méditation sans y prendre d'intérêt, mais comme un devoir à remplir, fût-ce au prix d'un pénible et douloureux effort ! Pour vous, la méditation doitêtre un bonheur, un jeu. Songez tout au moins au temps où cela vous deviendra possible. Certaines personnes s'en remettent avec délices à l'époque actuelle et disent : « Jouissons du temps présent, sans nous occuper de l'avenir ». D'autres, fiers de leur force, s'isolent en disant : « Nous refusons de répondre à ce qui peut nous troubler ». Mais le disciple doit se prêter aux coups du temps ; il songe avec bonheur au long avenir qui s'étend devant lui, au jeu où chaque mouvement peut être une cause d'allégresse.

      Mme Blavatsky dit, au sujet des sept mondes :

      Certains mystiques orientaux placent sept plans d'être, les sept Lokas ou mondes spirituels, dans le corps de Kala-Hamsa, le cygne hors du temps et de l'espace, qui devient le cygne dans le temps, lorsqu'il devient Brahmâ au lieu de Brahma neutre.

      Dans la nature, toutes les manifestations septénaires, comme les sept principes dans l'homme ou les sept plans dans le monde, dérivent d'une division septuple issue de Parabrahman. Trois des sept principes se manifestent dans la conscience universelle et trois de plus dans Moulaprakriti. L'un demeure à sa source et contient tous les autres, car la multiplicité n'altère en rien l'unité du Principe qui vraiment est l'Unique. Ainsi, à son niveau inférieur, l'homme qui s'élève au-dessus du groupe moyen de ses principes (atma-bouddhi-manas) et parvient au premier (la Monade) s'échappe sans doute des plans ou mondes, mais les trouve tous présents dans cette nouvelle, condition de nirvana véritable qui dépasse l'état-conscience comme l'état-conscience dépasse lui-même la simple condition physique. Si nous en parlons à la troisième personne, c'est une simple concession à l'ignorance ; nous tenons à faire comprendre que dans tout ce qui précède, et si l'on veut le comprendre, « vous » doit s'appliquer à la Conscience et « Moi » à la vie réelle du nirvana super conscient. Cependant, ces mondes ne sont pas accessibles à l'Arhlat, mais seulement à l'Adepte accompli.

      On peut imaginer l'Arhat pénétrant de plusieurs autres manières dans les sept mondes du repos éternel.

      A certains égards, ces mondes sont les sous plans du plan atmique que traverse l'Arhat au cours de son ascension. L'homme qui en a fait sa demeure se distingue par une inaltérable sérénité, car tout apparaît comme le Moi Unique et cette conviction ne laisse plus de place ni à la crainte, ni à l'anxiété. Dans les termes de la Gîta : « Lorsqu'il (le sage) est devenu parfait dans le Yoga, c'est la sérénité qui est devenue le moyen (20) ».

      Non pas que dans ces régions l'activité soit absente – c'est une immense vague de vie toujours en mouvement – mais la volonté de l'Unique n'y rencontre pas d'obstacles. Sur le plan bouddhique, la dualité persiste encore, dans un certain sens, car là chacun voit ses semblables, bien qu'en eux comme en nous soit reconnue la présence du même « Moi » ; mais il faut s'élever au-dessus de bouddhi, parce que l'amour implique une dualité.

      La sérénité de 1'Arhat ne cesse de grandir et communique un aspect nouveau aux plans ordinaires de l'existence ; il y jouit d'une liberté inconnue aux autres hommes ; il a constaté que le travail est un jeu. Entré dans la Vallée bienheureuse, il a découvert que, non seulement là mais encore sur tous les plans, la vie est pure béatitude. Non seulement il voit et aime la vie qui toujours progresse derrière les formes périssables, mais il sent aussi avec joie la Volonté Divine derrière la vie changeante. Le repos éternel qu'il goûte n'est pas l'inaction, mais la paix intérieure et absolue résultant de la conviction que tout est pour le mieux, que la Volonté Divine est présente, même dans ce qui pour d'autres semble constituer des obstacles aux progrès – présente aussi dans le progrès apparent. Un philosophe entrevit un jour cette idée, quand il dit : « Gardez la sérénité, car si vous subissez un échec dont vous n'êtes pas responsable, votre échec représente un succès due vous ne soupçonniez pas, car la Volonté Divine s'accomplit. » L'Arhat apprend à connaître la paix qui passe toute imagination parce qu'il commence à vivre dans l'Eternel. C'est là, dit Mme Blavatsky, « la région de la pleine conscience spirituelle au delà de laquelle il n'y a plus de danger pour celui qui l'a atteinte ».


      Si tu veux traverser sain et sauf la première salle, ne permets pas à ton esprit de prendre pour le soleil de vie les feux de luxure qui y brûlent.
      Si tu veux franchir sans danger la seconde, ne t'arrête pas à respirer le parfum de ses fleurs soporifiques. Si tu veux être libre des chaînes karmiques, ne cherche pas ton Gourou dans ces régions mayaviques.
      Les sages ne s'attardent pas dans les bosquets des sens.
      Les sages ne prennent pas garde aux voix mielleuses de l'illusion.
      Celui qui doit te donner naissance, cherche-le dans la salle de la Sagesse, la salle qui s'étend au delà, où toutes ombres sont inconnues et où la lumière de vérité resplendit d'une gloire ineffaçable.


      Le gourou dont il est parlé ici est le Maître, l'Instructeur. Dans les termes de Mme Blavatsky :

      L'Initié qui conduit le disciple, par la connaissance qui lui est donnée, à sa naissance spirituelle ou seconde, est appelé le Père, Gourou ou Maître.

      Dans Les Maîtres et le Sentier, il est fait mention des Gourous ou Maîtres, de leur existence et de leur action ; un passage concernant une méditation du Maître Kouthoumi y donne une faible idée de leurs pouvoirs merveilleusement exaltés. Assis dans Son jardin ou dans Sa demeure, Il semble méditer, mais en réalité prête attention à des millions d'hommes et s'occupe individuellement de chacun comme le ferait une personne ordinaire qui s'occuperait exclusivement de cet homme-là.

      Tout ego est assisté par l'un des Maîtres ; aussi, l'homme qui parvient à vivifier le lien qui rattache le moi inférieur au Moi supérieur peut-il recevoir cette assistance dans sa vie personnelle. Les gourous rencontrés sur le plan physique sont en général Initiés, élèves avancés, des Adeptes accomplis.


      Ce qui est incréé réside en toi, Disciple, comme aussi dans cette salle. Si tu veux y atteindre et fusionner les deux, il faut dépouiller tes sombres vêtements d'illusion. Etouffe la voix de la chair, ne laisse passer aucune image des sens entre cette lumière et la tienne, afin que les deux puissent se fondre en une. Dès que tu auras appris ta propre Ajnana, fuis la salle d'apprentissage. Cette salle est dangereuse dans sa perfide beauté, et n'est utile que pour ta probation. Prends garde, Lanou, qu'éblouie par un rayonnement illusoire, ton âme ne s'attarde et ne se prenne à cette clarté décevante.
      Cette clarté rayonne du joyau du grand ensorceleur (Mara). Elle charme les sens, aveugle l'esprit, et abandonne l'imprudent comme une épave.


      Par « ce qui est incréé », il faut entendre la triade supérieure, atma-bouddhi-manas, par opposition à la personnalité et à ses corps. La salle de l'apprentissage, est-il dit, n'est utile que pour la probation ; ceci s'applique également à la salle de l'ignorance. Less plans matériels – physique, astral et mental inférieur – représentent seulement les bâtiments et l'installation d'une école destinée à l'homme, dans laquelle il est instruit au moyen de jouets. Nulle expérience qui ne modifie l'âme et ne lui confère un peu de sagesse, mais l'homme qui en toutes reconnaît une valeur éducatrice et cherche avec ardeur à s'instruire et à tirer de la vie d'ici-bas des leçons à jamais précieuses, ne trouve dans les jouets eux-mêmes aucun attrait. Il ressemble à l'abeille qui prend le miel d'une fleur et puis s'envole, sans être enivrée par le parfum ni par l'éclat de cette fleur.

      Mara personnifie l'attrait des objets extérieurs ; voici comment le décrit Mme Blavatsky :

      Mara dans les religions exotériques est un démon, un Asoura ; mais en philosophie ésotérique, il est la personnification de la tentation par les vices des hommes, et, traduit littéralement, signifie « ce qui tue l'âme ». Il est représenté comme Roi (des Maras), avec une couronne où brille un joyau de tel éclat qu'il aveugle ceux qui le regardent ; cet éclat est évidemment une allusion à la fascination exercée par le vice sur certaines natures.

      Dans La Lumière d'Asie (21), Sir Edwin Arnold nous a fait un tableau saisissant de ce prince des ténèbres, s'avançant, à la tête de ses anges du mal, vers Notre Seigneur le Bouddha, assis sous l'arbre Bodhi, un peu avant Son illumination (22).


      La phalène, attirée vers la flamme étincelante de la lampe nocturne est condamnée à périr dans l'huile visqueuse. L'âme imprudente, qui manque l'occasion de saisir à bras-le-corps le démon moqueur de l'illusion, reviendra vers la terre, esclave de Mara.
      Regarde les légions d'âmes. Observe comme elles errent au dessus de la mer orageuse de la vie humaine, et comment, épuisées, sanglantes, les ailes brisées, elles tombent l'une après l'autre dans les vagues enflées. Ballottées par les vents furieux, poursuivies par l'ouragan, elles dérivent dans les remous et disparaissent dans le premier grand tourbillon.


      Le sujet des « âmes perdues » est très complexe. Les unes ressemblent à des écoliers qui, faisant partie d'une classe quelconque, ne sont pas prêts à suivre la plupart de leurs camarades à la fin de l'année scolaire dans la classe suivante, soit qu'ils soient trop jeunes, soit qu'ils aient été paresseux. Il y a aussi des cas où la personnalité, pendant son incarnation, s'est laissée prendre dans le réseau de la matière au point de ne plus rien avoir à donner à l'ego ; elle risque alors d'être supprimée. En troisième lieu, il faut mentionner les conséquences terribles des pratiques de magie noire. Le temps nous manque pour développer ici cette question. Nous en avons parlé assez longuement dans un article intitulé Lost Souls (Ames perdues) dans le premier volume de The Inner Life (23).

      Dans ces passages, quelques expressions ont toute l'énergie de l'imagination orientale. Ne prenons pas trop littéralement les épaves abandonnées et les ailes brisées. L'homme qui abondonne le Sentier sous l'influence du désir matériel met évidemment fin pour le moment à ses espoirs spirituels ; pourtant, même dans ce cas, il a appris une leçon dont plus tard profitera l'âme. En tout cas, le mieux pour l'homme est de s'instruire par la réflexion éclairée ; s'il la néglige – et alors seulement – elle devra être remplacée par d'amères expériences.

      Il n'est aucunement nécessaire qu'un être humain passe par des expériences de tout genre. Plus l'homme avance et devient sage, plus grandit sa faculté d'observation et il trouve beaucoup à apprendre dans des expériences que d'autres négligeraient, les trouvant sans valeur. L'insensé, dit-on, est incapable d'apprendre, même d'un sage ; par contre le sage peut toujours apprendre, même de l'insensé. Pour savoir que le feu brûle, il n'est pas nécessaire d'y mettre la main ; il se peut que l'insensé le fasse, mais le sage a d'autres manières de se convaincre que le feu est ardent. Néanmoins, reconnaissons comme très heureux que l'homme qui, ne voulant pas réfléchir, ne cherche pas à s'instruire, subisse les sévères leçons de l'expérience, sans lesquelles il n'apprendrait rien et ne ferait aucun progrès.

      La loi du Karma, qui apporte à chacun les expériences qu'il a procurées à autrui, est donc sa bienfaitrice et finalement sa libératrice – point un instrument de vengeance ni un châtiment. Supposons par exemple qu'un voleur de grand chemin attaque un passant, le fasse tomber sous ses coups, peut-être même le tue, et le dévalise. Tôt ou tard, la loi karmique lui infligerait à son tour une pénible expérience du même genre. Pour être capable d'agir ainsi, le voleur devait être un individu grossier, dénué de sensibilité et d'imagination ; autrement il aurait donné une pensée, soit aux sentiments de sa victime, soit à la femme et aux enfants du malheureux, et cette pensée eût arrêté sa main. Etant grossier, obtus, sans imagination, le malfaiteur a besoin de subir les expériences violentes qu'il impose à autrui ; cela seul aura une action sur lui. Plus tard, quand la rétribution karmique lui aura infligé quelques souffrances, le souvenir lui en reviendra au moment d'attaquer une autre personne et arrêtera son bras. Ensuite, il s'amendera, grâce à la loi qui instruit toujours mais ne punit jamais.


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(19)  St Matthieu, VI, 28.

(20)  Op. cit., VI, 3.

(21)  Op. cit., livre VI.

(22)  Op. cit., livre VI.

(23)  L'Occultisme dans la Nature, vol. I.




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