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La voie de l'occultiste - Tome 2

Annie Besant
© France-Spiritualités™






FRAGMENT II : LES DEUX SENTIERS
Chapitre XVI : La Vie d'action

      Si l'on te dit que pour devenir Arhan tu dois cesser d'aimer tous les êtres, dis-leur qu'ils mentent.
      Si l'on te dit que pour gagner la délivrance tu dois haïr ta mère et te détourner de ton fils, désavouer ton père et l'appeler chef de famille, renoncer à toute pitié pour l'homme et pour la bête, dis-leur que leur langue est fausse.
      Ce sont là les enseignements des Tirthikas, des incrédules.
      Si l'on t'enseigne que le péché naît de l'action et le bonheur de l'inaction absolue, dis-leur qu'ils se trompent. La non-continuation de l'action humaine, la délivrance du mental, de son esclavage, par la cessation du péché et des fautes, ne sont pas pour les Egos Dévas. Ainsi déclare la doctrine du cœur.



      Charles Webster Leadbeater : Appeler un homme chef de famille, c'est dire que ses intérêts s'attachent encore aux choses de ce monde, mais le traiter ainsi avec mépris, comme notre texte le donne à comprendre, indique à coup sûr les hautaines et austères qualités du Sentier de gauche, menant aux sommets des magiciens noirs qui tiennent l'Amour humain pour sentimentalité pure. Si même le candidat s'est élevé plus haut que les désirs personnels, il ne peut nnépriser les hommes qui en sont encore aux premières phases de l'évolution, ni les ignorer. La compassion et le vif désir d'assister autrui sont en lui des qualités naturelles.

      Dans la note suivante, Mme Blavatsky dit que l'expression « Chef de famille » doit être interprétée dans un sens métaphorique :

      Rathapala, le grand Arhat, interpelle ainsi son père dans la légende appelée Rathapala Soutrasanne. Mais toutes les légendes de ce genre sont allégoriques (ainsi, le père de Rathapala a une maison à sept portes) ; de là le reproche fait à ceux qui les acceptent à la lettre.

      Mme Blavatsky décrit les Tirthikas comme « des Brahmanes ascètes qui fréquentent les sanctuaires et surtout, au bord des cours d'eau, les lieux sacrés où se font les ablutions ». Un Tirtha est littéralement « un lieu où l'on traverse ». C'est donc soit un point où l'on débarque, soit un lieu d'ablutions, soit tout sanctuaire donnant accès à d'autres mondes ou à la vie supérieure. Un sanctuaire est par conséquent un lieu où s'opère un rapprochement spécial entre les mondes intérieur et extérieur. Les Brahmanes orthodoxes et Hindous en général qui visitaient de semblables Tirthas, comme par exemple Bénarès ou Hardwar, étaient sans doute traités d'incroyants parce qu'ils n'acceptaient pas d'habitude la prarole du Bouddha, déclarant que « l'homme doit en soi-mêrne chercher la délivrance ».

      Dans les entretiens sur Aux pieds du Maître, nous avons longuement considéré la nécessité de l'action et la possibilité que, malgré l'extrême activité physique, l'homme peut rester, au fond, calme, équilibré, serein et fort. Les Egos-Dévas sont, d'après Mme Blavatsky, les egos soumis à la réincarnation, mais suivant le Swami T. Subba Rao, ce nom s'applique à ceux qui aspirent à collaborer avec les dévas, dans l'assistance du monde.

      La doctrine contenue dans Le Livre des Préceptes d'or s'adresse évidemment aux personnes qui désirent se consacrer à ce genre d'activité. Pour le moment, les egos incarnés prêts à recevoir un enseignement et un entraînement spéciaux sont assez rares : il serait à peu près inutile, par exemple, de chercher à Londres, dans les quartiers de l'Est (Note FS), des gens prêts à devenir élèves des Maîtres. Mais le temps passe ; les hommes dont il faut s'occuper deviendront très vite beaucoup plus nombreux et, d'ici quelques centaines d'années, il faudra bien des Arhats pour les instruire. Un grand nombre d'assistants deviendra par conséquent nécessaire et c'est la tâche qui attend beaucoup d'entre nous.


      Le Dharma de l'œil est l'incarnation de l'extérieur et du non-existant.
      Le Dharma du cœur est l'incarnation de Bodhi, le permanent et l'éternel.


      Le mot dharma peut se traduire ici par « forme de religion », et bodhi simplement par « sagesse ».


      La lampe brûle brillamment quand la mèche et l'huile sont propres. Pour les rendre propres, il faut que quelqu'un les nettoie ; la flamme ne sent pas l'opération du nettoyage. « Les branches d'un arbre sont secouées par le vent ; le tronc reste immobile ».
      L'action comme l'inaction peuvent trouver place en toi ; que ton corps s'agite, que ton mental soit tranquille, que toit âme soit limpide comme un lac de la montagne.


      Quelles que soient les souffrances rencontrées sur le sentier du progrès, le moi inférieur les subit seul. Le Moi, au-dedans, connaît la valeur des expériences, même pénibles ; sa satisfaction est donc complète. Beaucoup de gens ne comprennent pas que la souffrance est surtout une affaire de disposition morale. Dans Le Christianisme ésotérique, notre Présidente a montré que certains grands martyrs étaient pleins de joie au moment même où ils subissaient ce qui serait pour d'autres des souffrances cruelles, car ils pensaient à l'insigne honneur dont ils étaient l'objet, étant admis à souffrir pour l'amour du Seigneur. Il est donc vrai qu'en fin de compte, les idées fausses ou l'ignorance sont la source de toute souffrance.

      La douleur physique est la plus difficile à supporter. Il nous arrive de pouvoir, en nous extériorisant, nous séparer de notre corps physique lorsqu'il souffre, mais cela ne veut pas dire que nous ayons maîtrisé la douleur. Si elle résulte d'une maladie particulière dans la quelle un microbe doit accomplir son évolution, aucun raisonnement n'en délivrera une personne ordinaire, mais dans tous les cas la sérénité fait une grande différence. On parvient en général à dominer la souffrance astrale, si l'on veut s'en donner la peine ; on peut refuser aux sentiments la permission de s'attarder sur l'idée pénible. Les émotions indésirables, telles que la jalousie, l'envie, l'orgueil et la peur peuvent s'appeler des maladies astrales ; il est toujours possible de les supprimer en cherchant par un effort soutenu, à éprouver les émotions inverses. La souffrance mentale, surtout la préoccupation, est plus facile encore à maîtriser.

      Dans le corps causal, l'homme peut éprouver un sentiment d'inquiétude, celui d'être incomplet ou insuffisant – mais rien de plus. Si même il est désappointé par les défauts de son représentant inférieur, il en sait assez pour être patient et pour persévérer. Il n'est pas ignorant ; mais ici-bas, c'est l'ignorance qui rend notre souffrance si poignante. Au temps de notre enfance, quand nous étions plus ignorants encore, une peine qui durait une journée nous semblait une tragédie terrible ; si nous n'étions pas reçus à un examen, l'obligation d'attendre toute une année pour retrouver l'occasion perdue nous paraissait un désastre, bien qu'à un âge plus avancé une année semble courte. Pour la personnalité, une existence manquée peut sembler tragique, mais pour l'ego qui a connu des centaines ou des milliers d'incarnations ce n'est pas un malheur immense.

      L'ego a émis une personnalité, comme un pêcheur jette sou filet : il ne s'attend pas à réussir à tout coup et s'il ramène un filet vide, il ne s'en fait guère de souci. Comme la surveillance de la personnalité n'est qu'une de ses activités, il peut fort bien trouver une consolation dans les succès obtenus dans d'autres. Dans tous les cas, c'est un jour perdu, et l'ego peut dire : « Eh bien, nous espérons mieux réussir demain ». Souvent la personnalité voudrait que là-haut l'ego lui accordât un peu plus d'attention, ce qu'il fera – elle peut en être sûre – dès qu'elle le méritera, dès que l'ego l'en trouvera digne. M. Sinnett exprimait avec humour ce désir de la personnalité ; il faudrait, disait-il, une école où les egos apprendraient à s'occuper de leurs personnalités.

      Au degré immédiatement supérieur – sur le plan bouddhique –, l'homme touche à la béatitude intense qui est la vie du Logos ; en même temps, il entre plus étroitement en relation avec autrui ; sur les plans inférieurs, il commence à partager leurs peines ; mais plus haut il les connaît comme des étincelles dans la flamme divine et c'est pour lui une joie indescriptible qui semble réduire la souffrance à néant. Affliction et douleur sont ainsi pour la personnalité seule ; elles n'existent que si la conscience est fixée sur les plans inférieurs.


      Veux-tu devenir un Yogui du cercle du temps ? Alors, ô Lanou :
      Ne crois pas que s'asseoir dans les forêts sombres, dans une hautaine réclusion et à part des hommes, ne crois pas que vivre de racines et de plantes, qu'étancher sa soif avec de la neige de la grande chaîne, ne crois pas, ô Dévot, que cela te conduira au but de la délivrance finale.
      Ne crois pas que briser tes os, déchirer ta chair et tes muscles t'unisse à ton Soi silencieux ; ne crois pas que, quand les pêchés de ta forme grossière sont vaincus, ô victime de tes ombres, ton devoir est terminé envers la nature et envers l'homme.


      Aryasanga s'élève une fois encore ici contre la recherche de la libération, comme moyen d'échapper à la roue des naissances et des morts. Le yogui du cercle du temps est celui qui consent à s'y soumettre afin d'aider son prochain. En songeant au temps infini que mirent Notre Seigneur le Bouddha et Notre Seigneur Maitreya pour se préparer à Leur grande tâche, exposée dans Les Maîtres et le Sentier (50), en songeant à ces immenses périodes d'existence incarnée, on éprouve un sentiment d'oppression. Sans doute, le temps ne peut être pour Eux exactement ce qu'il est pour nous. Si même on ne peut leur appliquer le passage du psaume : « Mille âges sont à Vos yeux comme un soir qui passe », Leur façon de considérer le temps doit être absolument différente de la nôtre. D'ailleurs, Leur œuvre est certainement pour Eux une source de joie infinie ; or, comme chacun le sait par expérience, quand le bonheur règne le temps ne compte pas ; que dis-je, nous voudrions dans ce cas qu'il pût être prolongé.

      L'ascétisme a donné lieu dans la plupart des religions aux idées les plus fausses. En grec ancien, asketes signifiait tout simplement celui qui s'exerce comme athlète, mais l'église s'est appropriée ce terme et en a changé le sens en l'appliquant à la pratique de l'abnégation, sous diverses formes, en vue du progrès spirituel ; car elle estime que la nature corporelle, avec ses passions et ses convoitises, a été, depuis la chute d'Adam, la forteresse du mal inhérente à l'homme et qu'elle doit en conséquence être supprimée par le jeûne et par la pénitence. Dans les religions orientales se rencontre parfois une idée similaire : la matière, disent-elles. est essentiellement mauvaise ; par suite, le seul moyen d'approcher du bien idéal, d'échapper aux misères de l'existence, est de maîtriser ou de torturer le corps.

      Ces deux théories dénotent une grande confusion de pensée. Le corps et ses désirs ne sont en eux-mêmes ni mauvais, ni bons, mais il est vrai qu'avant de pouvoir accomplir des progrès véritables, il faut les soumettre en nous au Moi supérieur. Maîtriser le corps est nécessaire ; le torturer est insensé.

      Une opinion fausse et qui semble très répandue veut que, pour être bon, il ne faut jamais éprouver de bien-être et que son absence est en elle-même agréable au Logos. Rien de plus ridicule qu'une semblable idée. En Europe, cette théorie malheureusement commune est un des legs nombeux et horribles dus à l'affreux blasphème calviniste. J'ai moi-même entendu ces mots prononcés par un enfant : « Pour être aussi content, il faut que je sois très méchant ». Et voilà le résultat vraiment affreux d'un enseignement criminellement dénaturé.

      Cet évangile du malaise a encore une autre raison : on prend l'effet pour la cause. On observe que les personnes véritablement avancées ont des habitudes simples et souvent ne se soucient pas de bien des agréments jugés importants et indispensables par l'homme ordinaire. Pourtant, cette indifférence n'est pas la cause mais l'effet de leur avancement ; elles négligent ces petites choses parce que, en général, celles-ci ont perdu pour elles leur attrait et ne les intéressent plus, pas du tout parce qu'elles leur semblent répréhensibles. Telle autre personne qui, fort attachée à ces plaisirs, s'en abstient par imitation n'en est pas plus avancée pour cela.

      En vérité, notre devoir envers le monde n'est pas accompli quand nous sommes arrivés à nous purifier. C'est alors seulement qu'il nous devient possible de consacrer au prochain nos meilleurs efforts, et puisque dans la vie supérieure règne le principe « à chacun de donner ce qu'il peut, à chacun de recevoir ce dont il a besoin », nous assumons de très sérieux devoirs à cet instant où les ombres, les corps inférieurs, ont été soumis.

      Dans ce passage, le Soi silencieux représente selon Mme Blavatsky le septième principe, l'atma. Dans notre étude du premier fragment, nous avons déjà montré pourquoi l'idée de silence est attachée à cette partie du Moi supépérieur.


      Les bénis ont dédaigné ces pratiques. Le Lion de la Loi, le Seigneur de pitié, percevant la vraie cause de la douleur humaine, abandonna immédiatement le doux mais égoïste repos des tranquilles lieux sauvages. D'Aranyaka il devint le Précepteur du genre humain. Après que Joulaï fut entré au Nirvana, il prêcha par les monts et par les plaines, et tint des discours dans les cités, aux Dévas, aux hommes et aux Dieux.

      Toutes les traditions bouddhistes du Nord et du Sud s'accordent pour déclarer que le Bouddha quitta la solitude dès qu'Il eut atteint l'illumination intérieure et résolu le problème de la vie, et que son enseignement public commença immédiatement.

      « Aranyaka » signifie un habitant des forêts. Les textes rapportent que Gautama se rendit dans la forêt afin d'y méditer et que là il s'assit sous l'arbre bodhi, avec la volonté d'arriver à l'illumination. Y étant parvenu, Il se demanda s'Il reprendrait Ses enseignements dans le monde ; Il savait que la plupart des hommes ne les comprendraient pas et que, par conséquent, Ses leçons pourraient avoir des inconvénients. Mais à ce moment-là, comme nous l'avons fait observer au commencement de ce fragment, la voix de la terre monta vers Lui et lui demanda d'enseigner. Je ne sais exactement ce que signifie la voix de la terre, mais c'est elle, dit-on, qui Le décida à instruire l'humanité sur le plan physique.

      Dans ce passage, le Bouddha reçoit plusieurs titres. Il est appelé Joulaï ; c'est, en chinois, l'équivalent de Tathagata, titre donné à tout Bouddha. Tathagata signifie littéralement « celui qui est également parti » ; c'est-à-dire : qui a suivi les pas de ses prédécesseurs.

      En fait, quand le Bouddha prêchait, les auditeurs humains n'étaient pas seuls à se réunir autour de Lui pour écouler Sa parole et jouir de Son aura.


      Sème des actes aimables et tu cueilleras leurs fruits. L'omission d'un acte de pitié devient une commission de péché mortel.

      J'ai déjà cité ce passage dans mon commentaire d'Aux pieds du Maître. Chacun est responsable de l'usage qu'il fait des facultés de conscience développées par lui ; si, par indolence, il néglige de les employer, il pèche par omission, ce qui est tout aussi grave que le péché commis. Par exemple, notre devoir est d'intervenir, quand cela nous est possible, sans faire plus de mal que de bien, en présence de l'injustice ou de la cruauté, telle que la cruauté envers les animaux ou envers les enfants. Le sage qui est témoin de ces actes ne se laisse pas dominer par l'indignation ; l'homme coupable de cruauté et qui doit, lui aussi, inspirer pitié est à bien des égards plus à plaindre que sa victime ; lui aussi devra souffrir ; la loi karmique l'exige. Si donc nous pouvons l'amener à reconnaître ses erreurs de conduite et à ne plus être cruel, nous aurons rendu service à l'un et à l'autre. Quand notre devoir est d'intervenir et que nous ne le faisons pas, nous partageons le Karma du pécheur. Il en est de même si nous permettons aux autres de nous léser sans leur opposer de résistance ; nous les aidons et le Karma nous en revient en partie.


      Ainsi parle le Sage.
      T'abstiendras-tu d'agir ? Ce n'est pas ainsi que ton âme obtiendra sa liberté. Pour atteindre le Nirvâna, on doit atteindre la Soi-connaissance, et c'est de la bonté en action que la Soi-connaissance est fille.


      Nous ne pouvons réellement connaître la vie avant d'avoir commencé à travailler pour autrui. Cet effort nous permet de constater où nous en sommes et les qualités à développer. Dans le sud de l'Inde vivait un vieillard aveugle ; il disait que sa cécité avait été indirectement pour lui une source de grand bonheur. Extrêmement pauvre, il avait passé sa vie à errer de village en village ; là, il donnait des conseils aux gens embarrassés et parfois mettait à leur service ses pouvoirs de yogui. Il leur racontait comment, par la méditation, il était parvenu à retrouver le souvenir de ses existences passées. Il se rappelait avoir été, quelques centaines d'années auparavant, un homme très riche et très puissant et qu'il en avait abusé pour nuire à ceux dont les actes lui déplaisaient. Reconnaissant que sa cécité et sa pauvreté étaient la conséquence des mauvaises actions commises dans cette vie passée, il assurait que, s'il était demeuré dans l'opulence, il n'aurait peut-être jamais appris à aimer son prochain, car il menait une vie absolument égoïste. Maintenant il devait se mêler aux autres hommes dont beaucoup subissaient des souffrances qu'il connaissait ; ils avaient été très bons pour lui et il avait appris à les aimer. La joie que lui donnait cet amour, disait-il encore, comparée à sa condition ancienne, était si grande et si incomparable qu'à son avis aucune souffrance n'était trop grande pour l'acquérir. Cet homme se disait élève de l'un de nos Maîtres, et certainement il offrait la preuve vivante que la connaissance de soi « est fille de la bonté en action ».


      Sois patient, candidat, comme quelqu'un qui ne craint pas l'échec, qui ne courtise pas le succès. Fixe le regard de ton âme sur l'étoile dont tu es le rayon, l'étoile flamboyante qui brille dans les obscures profondeurs du Toujours-être, dans les champs sans bornes de l'inconnu.

      Le disciple n'a pas d'insuccès à craindre, sachant que le plan du Logos s'exécutera ; aucun de nos échecs personnels n'y changera rien. L'occasion d'assumer une partie de cette œuvre peut s'offrir à nous ; si nous ne la saisissons pas, le travail sera fait d'une autre manière et par une autre personne. Pour le Logos aucune différence, mais une très grande pour nous-mêmes. S'il arrive constamment que les hommes négligent les occasions, les grands plans ont tout prévu. Quand nous perdons une occasion, nos Maîtres ne semblent jamais s'en apercevoir, mais je crois qu'ils le savent fort bien. Mme Blavatsky disait parfois de telle ou telle personne : « Elle a su mériter le droit d'avoir de la chance ». Le Maître s'attend toujours à nous voir saisir les occasions.

      L'étudiant a-t-il essayé de faire un travail utile, mais constaté que les forces d'opposition l'empêchaient d'agir, il n'éprouvera ni désappointement, ni impatience, à la condition de comprendre qu'à tout effort en vue du bien doit nécessairernent correspondre un certain résultat proportionnel, bien que ce résultat puisse être invisible – absente aussi, pour la personnalité, la satisfaction donnée par la constatation du bien accompli. Il en est de même du travail de nuit fourni sur le plan astral ; il est tout aussi bon et aussi efficace si ses auteurs ne peuvent en rapporter dans leur cerveau physique le moindre souvenir. Les résultats nous échappent, nous perdons le souvenir de nos activités, mais les lois naturelles ne cessent pas pour cela d'opérer.

      En général, les hommes qui ont accompli dans le monde le travail le plus important n'en voient pas le résultat. Soit, par exemple, les trois années données par le Christ à Sa prédication. Il mourut comme un malfaiteur, exécré de la populace, et lorsqu'Il périt Il n'avait que cent-vingt fidèles ; ils comptent aujourd'hui bien des millions. William Wilberforce, qui lutta plus de quarante ans contre les pires difficultés pour l'abolition de l'esclavage dans les colonies anglaises, apprit trois jours avant sa mort que l'abolition complète de l'esclavage était enfin ordonnée par la loi. L'impatience et le découragement auraient ruiné sa cause. Dans nos activités plus modestes, il en est de même pour nous. Chacun peut entreprendre un travail utile et y persévérer avec une patience inlassable et infinie, sans penser au succès immédiat ni à l'insuccès.

      « L'étoile dont tu es le rayon » est toujours celle qui resplendit au-dessus de nous ; pour l'un, c'est l'ego ; pour l'autre, plus avancé, la Monade ; et ainsi de suite, jusqu'au Logos Planétaire et même pour le Logos de notre système. Connaître notre propre étoile, c'est connaître aussi le rayon dont nous faisons partie – celui des sept qui nous rattache spécialemcnt au Logos. Il est question de ces sept rayons dans le chapitre relatif aux Chohans des Rayons, dans Les Maîtres et le Sentier, comme aussi dans The Seven Rays, du professeur Ernest Wood. Quand le Moi supérieur s'est rendu maître de la personnalité, il devient possible pour le disciple de se spécialiser dans le travail du rayon auquel appartient le Moi supérieur et, dès lors, de faire de très rapides progrès en puissance et en utilité.


      Sois persévérant comme quelqu'un qui dure à jamais. Les ombres vivent et s'évanouissent ; ce qui est en toi vivra toujours, ce qui en toi connaît (car c'est ta connaissance) n'est pas de cette vie fuyante ; c'est l'homme qui a été, qui est et qui sera, pour qui l'heure ne sonnera jamais.

      Outre la patience, la persévérance nous est nécessaire et rien ne peut même développer en nous cette qualité que de comprendre nettement que nous traverserons les siècles et de voir dans la mort un incident passager, incapable de nous faire dévier de notre chemin. On dit quelquefois : « Pourquoi entreprendre tel ou tel travail ? La vie ne me suffirait pas pour le mener à bien. » Mais en réalité il n'y a qu'une seule vie – celle de l'ego qui, pratiquement parlant, est éternelle. Il est sage d'entreprendre tout travail qui vous intéresse ou la grande tâche d'éliminer vos défauts, même dans un âge avancé, car tout le bien accompli se reporte au prochain corps, et dans celui-ci, l'incitation à continuer la tâche se fera sentir dès la jeunesse. Si l'on remet le travail à une vie future, il se peut qu'une fois encore la vieillesse survienne avant que ne se présente l'occasion qui attirera sur lui notre attention. Si, âgé de quatre-vingt-dix ans, vous venez seulement de connaître la Théosophie, et si vous tenez à la retrouver dès votre jeunesse dans votre prochaine existence, consacrez-lui dès aujourd'hui toute l'énergie dont vous être capable. Un grand avantage vous est donné par votre séjour en devakhane (à moins que vous ne soyez de ceux qui ont le privilège de pouvoir renoncer à cette période), car là tout travail accompli reste un sujet d'étude et permet d'acquérir des facultés qui dans la prochaine incarnation vous seront d'un grand secours.

      La persévérance est également nécessaire, aucun travail sérieux ne pouvant être en peu de temps complètement terminé. Prenons pour exemple l'artiste qui peint un grand tableau ; les premiers jours, peut-être même pendant plusieurs semaines, il aura peu de chose à montrer ; rien ne prouve d'ailleurs que, mécontent de son œuvre au bout de ce temps, il ne soit obligé de tout recommencer.

      Etudiez les débuts de la Société Théosophique ; vous pourrez en tirer une excellente leçon de persévérance. Les deux grands fondateurs, Mme Blavatsky et le Colonel Olcott, n'auraient pas réussi à donner à la Société un caractère permanent et à lui assurer les éléments de son développement futur s'ils n'avaient été doués d'une vue pénétrante et s'ils n'avaient compris que leur tâche se rattachait à un plan poursuivi à travers les siècles et dont par conséquent le succès était certain. Ils fondèrent la Société à New York en 1875. Isis dévoilée leur coûta un travail acharné ; sa publication eut lieu. Et pourtant, cinq ans plus tard, se trouvant encore presque seuls, ils durent aller rejoindre aux Indes quelques-uns de leurs amis, afin d'essayer un nouvel effort. Là même les poursuivirent, d'année en année, mille soucis que bien peu de personnes auraient comme eux supportés sans faiblir. Si Mme Blavatsky, dont les souffrances physiques ne cessaient guère, fut capable de produire La Doctrine Secrète et d'autres grands ouvrages, c'est qu'elle connaissait les Maîtres et le côté occulte de la vie.


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(Note FS)  East End, quartier traditionnellement populaire de Londres, très miséreux à l'époque où fut écrit ce livre. Il est aujourd'hui en partie rénové et réhabilité.

(50)  Op. cit., chap. XIV.




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