CHAPITRE IX LA TRINITÉ
Pour étudier avec fruit l'Existence Divine, il faut tout d'abord affirmer qu'elle est Une : tous les Sages l'ont proclamé, toutes les religions l'ont
affirmé, toutes les philosophies Lui reconnaissent ce caractère. C'est « l'Unique qui n'a point de second (256) ». « Ecoute, ô Israël ! », s'écrie Moïse, « l'Eternel, notre Dieu est le seul Eternel (257). » « Pour nous il n'y a qu'un Dieu », déclare saint Paul (258). « Il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu », affirme le fondateur de l'Islam, et il fait de ces mots le symbole de sa religion. Une Existence Unique, sans limites, qu'Elle seule connaît dans Sa plénitude, telle est la Nuit Eternelle d'où naît la Lumière. Mais, comme Divinité manifestée, l'Un apparaît sous un Triple Aspect ; Il forme une Trinité d'Etres Divins qui sont Un comme Divinité, mais Triple comme Puissance manifestée. Sur ce point aussi, les grandes religions sont d'accord. Cette vérité, dans ses rapports avec l'homme et avec l'évolution humaine, est d'une importance extrême ; aussi, tient-elle toujours une grande place dans les Mystères Mineurs.
Chez les Hébreux, enclins
à l'anthropomorphisme, la doctrine n'était pas divulguée,
mais les Rabbins étudiaient et adoraient l'Ancien des
jours, Source de
la Sagesse, Cause elle-même de l'Intelligence ; Kéther, Chochmah,
Binah formaient la
Trinité Suprême, le rayonnement dans le Temps
de l'Unique supérieur au Temps. Le
Livre de la Sagesse de Salomon fait
mention de cette doctrine et fait de la Sagesse une Personne. Suivant Maurice,
« le premier Séphira, appelé Kéther ou la
Couronne,
Kadmon la Lumière pure et En Soph l'
Infini (259),
est le Père Tout-Puissant de l'univers... Le second est Chochmah, dont
nous avons suffisamment démontré l'identité avec la Sagesse
créatrice en nous appuyant sur les Ecritures sacrées et les ouvrages
des Rabbins. Le troisième est Binah, l'Intelligence céleste : c'est
le Kneph des Egyptiens et le
Nous Demiurgos de Platon ; c'est encore le
Saint-Esprit qui remplit,
anime et gouverne l'univers
infini (260).
»
Le Doyen Milman, dans son
History
of Christianity, montre l'
influence qu'a exercée cette doctrine
sur les enseignements Chrétiens. « Cet Etre, dit-il (le Verbe
ou la Sagesse), devenait plus ou moins une personnalité, suivant que les
idées de l'époque ou de la race étaient plus populaires ou
plus philosophiques, plus matérielles ou plus spiritualistes. Cette doctrine
se retrouvait du Gange, ou même des rives de la
Mer Jaune, jusqu'à
l'Ilissus ; elle était l'
âme de la
religion et de la philosophie
Indiennes ; elle était la base du Zoroastrisme ; elle était le
Platonisme
pur ; elle était enfin le
Platonisme judaïque de l'
Ecole d'Alexandrie.
Nous pourrions citer mainte admirable page de Philon, où l'auteur montre
l'impossibilité, pour les sens de l'homme, d'arriver à la connaissance
de l'Etre
Primordial, existant en Soi. En
Palestine, il est probable que Jean-Baptiste
et Notre Seigneur Lui-même ne prêchaient pas une doctrine nouvelle,
mais plutôt les idées communes à tous les
esprits éclairés,
quand ils déclaraient que nul homme n'a vu
Dieu. En vertu de ce principe,
les Juifs, dans leur interprétation des Ecritures anciennes, renonçaient
à l'idée d'une communication directe avec le grand
Dieu Unique et
admettaient l'existence d'un ou de plusieurs Etres intermédiaires Le reliant
à l'humanité. Suivant une tradition à laquelle saint Etienne
fait allusion,
la loi a été reçue sur les ordres des anges.
Ailleurs, ce rôle est dévolu à un seul
ange appelé
parfois l'
Ange de la Loi (Voyez
Galates, III, 19) et par d'autres
encore le Métatron. Mais ce qui représentait le plus ordinairement
Dieu pour l'intellect humain, c'était Memra, la Parole Divine. Il est à
remarquer que cette même expression se retrouve dans les systèmes
de l'Inde et de la Perse, dans ceux de Platon et de l'
Ecole d'Alexandrie. Le Targum,
c'est-à-dire le plus ancien commentaire
Juif des Ecritures, avait appliqué
déjà ce terme au
Messie. Il est inutile enfin de faire remarquer
le caractère sacré que le mot a pris, en passant dans le système
Chrétien
(261).
Comme le dit le savant doyen, l'idée d'une parole,
d'un LOGOS, était universelle ; elle faisait partie de la
conception Trinitaire.
Chez les Hindous, les philosophes donnent à
Brahman manifesté les
noms de Sat-Chit-Ananda l'Existence, l'Intelligence et la
Béatitude.
Pour la masse, le
Dieu Manifesté est une
Trinité : Shiva, le Commencement
et la Fin
Vishnou, le Préservateur
Brahmâ, le Créateur
de l'Univers. La
religion de
Zoroastre présente une
Trinité analogue
: Ahuramazdao, le Grand Etre, le Premier puis « les
Jumeaux »,
la Seconde Personne sous son double aspect (la Seconde Personne d'une
Trinité
est toujours double et c'est l'
ignorance des temps modernes qui L'a transformée
en deux Personnalités ennemies,
Dieu et le Diable) enfin, la Sagesse
Universelle, Armaiti. Dans le
Bouddhisme du Nord, nous trouvons Amithâba,
la lumière sans limites Avalokiteshvara, la source des incarnations
Mandjusri, l'Intelligence Universelle. Dans le
Bouddhisme du Sud, l'idée
de
Dieu a disparu, mais, avec une persistance significative, la triplicité
se retrouve dans ce refuge du Bouddhiste méridional : le Bouddha
le
Dharma (la Doctrine) le Sangha (l'Ordre). Le Bouddha Lui-même
est d'ailleurs quelquefois adoré comme
Trinité. Sur une pierre trouvée
à Bouddha Gaya, on
lit cette salutation qui Lui est adressée, comme
à une incarnation de l'Etre Eternel : «
Om ! Tu es
Brahmâ,
Vishnou et Mahesha (Shiva)... Je T'adore, Toi qu'on célèbre sous
mille noms et sous des formes variées sous l'aspect de Bouddha,
le
Dieu de
Miséricorde (262) »
Dans les
religions disparues se retrouve la même idée
d'une
Trinité. En Egypte, le culte en était imprégné.
« Le British Museum possède une inscription hiéroglyphique
datant du règne de Sénéchus (VIIIème siècle
avant l'ère Chrétienne) et montrant qu'à cette époque
déjà la doctrine de la
Trinité dans l'Unité faisait
partie de la
religion des Egyptiens
(263). »
On peut en dire autant d'une époque bien plus reculée. Râ,
Osiris et
Horus formaient une
Trinité partout vénérée.
Osiris, Isis et
Horus étaient adorés à
Abydos. D'autres villes
rendaient un culte à d'autres noms, et le
triangle est fréquemment
employé comme
symbole du
Dieu Triple et Unique. Quels que soient les Noms
Divins, une citation de
Manéthon nous montre l'idée sur laquelle
reposaient toutes ces
Trinités : « D'abord
Dieu, puis la Parole
et avec Eux l'
Esprit » dit un oracle, censurant l'orgueil d'Alexandre
le Grand
(264).
Chez les Chaldéens,
Anou, Ea et Bel formaient la
Trinité
Suprême.
Anou représentait l'Origine de tout, Ea la Sagesse et Bel
l'
Esprit Créateur.
Williamson nous dit ce que nous trouvons chez les Chinois
: « Dans la Chine ancienne, les empereurs avaient coutume d'offrir, tous
les trois ans, un sacrifice à
Celui qui est un et triple. On disait
alors :
Fô est une seule personne, mais il a trois formes...
Une
trinité figure également
dans le système philosophique si élevé appelé en Chine
le Taôisme.
La Raison Eternelle a produit l'Unique l'Unique a
produit les Deux les Deux ont produit les Trois les Trois ont produit
toutes choses : Ceci, dit encore Le Compte, tendrait à prouver qu'ils avaient
quelque notion de la Trinité (265). »
La Doctrine Chrétienne de la
Trinité s'accorde
parfaitement avec d'autres
religions, en ce qui concerne le rôle joué
par chacune des Personnes Divines. Le mot Personne vient de
persona (un
masque, ce qui recouvre un objet), et signifie le masque de l'Existence Unique,
la manière dont Elle Se révèle sous une forme. Le Père
est l'Origine et la Fin de tout ; le Fils est double dans Sa nature. Il est le
Verbe, ou la Sagesse. Le
Saint-Esprit est l'Intelligence Créatrice qui,
planant sur le
chaos de la matière
primordiale, la rend apte à servir
à l'élaboration des formes.
Cette identité des rôles, malgré la grande
variété des noms, montre l'existence, non seulement d'une ressemblance
extérieure, mais encore d'une vérité profonde. Il existe
un principe dont cette triplicité est la manifestation, un principe qu'il
est possible de découvrir dans la nature et dans l'évolution et
qui, reconnu par nous, permettra de comprendre le développement de l'homme
et les phases évolutives de sa vie. Nous constatons de plus que, dans le
langage universel des
symboles, les Personnes ont pour signes distinctifs certains
emblèmes qui permettent de Les reconnaître sous la variété
des formes et des noms.
Mais il reste un point à retenir avant de laisser la doctrine
exotérique
de la
Trinité. A toutes ces
Trinités se rattache une quatrième
grande manifestation, la Puissance de
Dieu, qui toujours se présente sous
une forme féminine. Dans l'Hindouisme, chacune des Personnes de la
Trinité
possède une Puissance manifestée distincte ; l'Unique et ces six
aspects constituent le Septénaire sacré. Dans beaucoup des
Trinités
apparaît une forme féminine ; elle se rattache toujours, dans ce
cas, à la Deuxième Personne, et il en résulte le Quaternaire
sacré.
Passons maintenant à la vérité intérieure.
L'Unique Se manifeste comme l'Etre
primordial, le Seigneur Existant par Lui-même, la Racine de toutes choses,
le Père Suprême. Le mot Volonté ou Puissance semble exprimer
le mieux cette Révélation première, puisque aucune manifestation
n'est possible avant l'apparition d'une Volonté et que, sans volonté
manifestée, il ne saurait exister aucune impulsion rendant possible un
développement ultérieur. L'univers, peut-on dire, a sa racine dans
la Volonté divine. Puis, vient le second aspect de l'Unique, la Sagesse.
Voilà pourquoi il est écrit :
Rien de ce qui a été
fait n'a été fait sans elle (266).
La Sagesse est d'une nature double, comme nous le verrons tout à l'heure.
Quand les aspects de la Volonté
et de la Sagesse se sont révélé, un troisième doit
forcément les suivre pour les rendre efficaces, l'Intelligence Créatrice,
l'Intellect divin en Action.
C'est lui qui a fait la terre par Sa vertu,
dit un prophète Juif et qui a agencé le monde par Sa sagesse
et qui a étendu les cieux par Son intelligence (267).
L'allusion aux trois activités distinctes est ici évidente
(268).
Les trois Personnes sont les aspects inséparables, indivisibles, de l'Unique.
Pour plus de
clarté, Leurs activités peuvent être envisagées
isolément, mais ne sauraient être dissociées ; elles sont
nécessaires les unes aux autres ; chacune est présente dans les
deux autres. Dans l'Etre
Primordial, la Volonté ou Puissance est prédominante
et caractéristique, mais la Sagesse et l'Action Créatrice sont,
Elles aussi, présentes. Dans la Deuxième Personne, la Sagesse prédomine,
mais la Puissance et l'Action Créatrice n'en sont pas moins représentées
en Elle. Dans la Troisième Personne, enfin, l'Action prédomine,
mais la Puissance et la Sagesse Se montrent pourtant toujours. Nous employons
les mots Première, Deuxième, Troisième, parce que, dans le
temps, les Personnes de la
Trinité Se manifestent, Se succèdent
dans cet ordre ; mais, dans l'Eternité, Elles dépendent les unes
des autres et sont égales. « Aucune n'est plus grande ni moindre
qu'une Autre
(269). »
Cette
Trinité est le Moi divin,
l'
Esprit Divin, le
Dieu manifesté, Celui
qui était, qui est et
qui va venir (270), la racine de la triplicité
fondamentale de l'existence et de la conscience.
Mais, comme nous l'avons constaté, il existe encore une Quatrième
Personne ou, dans certaines
religions, une seconde
Trinité féminine,
la Mère. C'est le principe qui rend la manifestation possible ; éternellement
présent dans l'Unique, il est la racine de la limitation et de la
division
; sous sa forme manifestée, nous l'appelons matière ; c'est le Non-Moi
divin, la Matière divine, la Nature manifestée. Considérée
isolément, la Personne féminine vient en Quatrième ; Elle
rend possible l'activité des Trois ; Elle est, en vertu de Sa divisibilité
infinie, Leur Champ de travail ; Elle est à la fois la servante du Seigneur
(271) et la Mère du Seigneur, car Elle donne sa propre substance pour former
le
Corps de son Fils, quand la Puissance Divine vient La couvrir de son ombre
(272).
Un examen attentif nous montre que la Quatrième Personne
est, Elle aussi, triple ; Elle se présente sous trois aspects inséparables,
sans lesquels
Son existence serait impossible. Ces aspects sont la Stabilité
(l'Inertie ou la Résistance), la Mobilité, le Rythme, et sont appelés
les qualités essentielles de la Matière. Permettant seuls à
l'
Esprit d'agir effectivement, ils ont été regardés comme
les Puissances Manifestées de la
Trinité. La Stabilité ou
Inertie donne au levier une base, un point d'appui ; le Mouvement se manifeste
alors, mais à lui seul ne produirait que le
chaos. Le Rythme intervient
ensuite, et la Matière
entrant en vibration, devient plastique et malléable.
Quand les trois qualités s'équilibrent, l'Unité règne,
la Matière Vierge est inféconde. Mais quand la Puissance Suprême
La couvre de son ombre et que le souffle de l'
Esprit descend en Elle, l'
équilibre
est rompu, et Elle devient la Mère divine des mondes.
Tout d'abord,
entrant en contact avec la Troisième Personne de la
Trinité,
Elle en reçoit la faculté de donner naissance à la forme.
Alors apparaît la Seconde Personne, qui se revêt de la substance ainsi
produite et devient la Médiatrice, unissant en Elle-même l'
Esprit
et la Matière : c'est l'Archétype des formes. Par la Seconde Personne,
seule, Se manifeste la Première, comme Père de tous les
Esprits.
Il devient possible, maintenant,
de comprendre pourquoi, dans la
Trinité Spirituelle, la Seconde Personne
est toujours double. Elle est l'Unique revêtu de Matière, en Qui
les deux moitiés jumelles de la Divinité apparaissent unies, mais
non identiques. Par suite, Elle est la Sagesse, car, envisagée du côté
de l'
Esprit, la Sagesse est la Raison
Pure, qui sait qu'Elle est l'Existence Unique
et, dans ce Moi, atteint et embrasse la compréhension de toutes choses.
Envisagée du côté de la Matière, Elle est l'
Amour qui,
groupant l'infinie diversité des formes, fait de chaque forme une unité
distincte et non une simple agglomération de particules ; le principe d'attraction
qui maintient les mondes et tout ce qu'ils contiennent, dans un ordre et un
équilibre
parfaits. Telle est la Sagesse, dont il est dit qu'Elle
ordonne toutes choses
avec puissance et douceur (273), la Sagesse qui maintient
et conserve l'univers.
Dans les
symboles du Cosmos,
symboles
qui se retrouvent dans toute
religion, le Point c'est-à-dire ce
qui n'a que la position représente la Première Personne de
la
Trinité. Parlant de ce
symbole,
Saint Clément d'
Alexandrie observe
que nous pouvons soustraire d'un
corps ses différentes propriétés,
ensuite sa profondeur, sa largeur et sa longueur : « Le point qui reste,
est, pour ainsi dire, une unité possédant une certaine position.
Supprimons l'idée de position abstraite, et nous atteignons la
conception
de l'unité
(274). » La Première Personne
fait, en quelque sorte, rayonner dans les Ténèbres sans limites
un Point lumineux, centre d'un univers futur, Unité qui renferme, dans
leur ensemble, toutes choses. La matière destinée à former
l'univers, champ de
Son activité, est délimitée par le va-et-vient
du Point, vibrant dans toutes les directions et déterminant une
sphère
immense limitée par Sa Volonté, par Sa Puissance. C'est la création
de la Terre par Sa puissance, dont parle
Jérémie (275).
Le
symbole complet est donc le point dans un cercle. La Seconde Personne est représentée
par une Ligne, diamètre de ce cercle, figurant une des vibrations complètes
du Point et rayonnant, de même, dans toutes les directions à l'intérieur
de la
sphère. Cette ligne, qui
divise le cercle en deux parties, indique
qu'en Elle, la Matière et l'
Esprit, confondus en un seul principe dans
la Première Personne, sont visiblement distincts, bien qu'unis. La Troisième
Personne est représentée par une
Croix, formée par deux diamètres
perpendiculaires entre eux, la seconde ligne de la
Croix partageant les parties
supérieures et inférieures du cercle. C'est la
Croix Grecque
(276).
Quand la
Trinité est représentée comme Unité, le
symbole
employé est le
Triangle, soit inscrit, soit isolé. L'Univers est
représenté par deux
triangles entrelacés, La
Trinité
Spirituelle avec le sommet du
triangle en haut, La
Trinité Matérielle
avec le sommet du
triangle renversé. Dans le cas où les
couleurs
sont employées, le premier est blanc, jaune,
couleur d'or ou de
flamme,
et le second noir ou d'une nuance foncée.
Nous pouvons maintenant suivre le
processus cosmique. L'Unique S'est dédoublé ; les Deux sont devenus
Trois, et la
Trinité S'est ainsi révélée. La Matière
cosmique, délimitée, attend l'action de l'
Esprit. Tel fut
le
Commencement, dont parle la
Genèse, quand
Dieu créa
le ciel et la terre (277). Cette déclaration
est élucidée par maint passage biblique disant qu'Il fonda la terre
(278). Les matériaux cosmiques sont prêts
à servir, mais ce n'est encore que le
chaos sans forme et vide (279).
Alors entre en
jeu l'Intelligence
Créatrice, le
Saint-Esprit qui
se mouvait à la surface des eaux
(280), de l'immense océan de matière. L'
Esprit,
bien qu'il soit à la Troisième Personne, agit donc le premier. Le
fait est de la plus haute importance.
Ce travail de l'
Esprit, les Mystères
le montraient d'une manière détaillée préparant la
matière Cosmique, formant les atomes, les agglomérant entre eux,
les groupant ensuite en
éléments qu'il fait entrer dans la
composition
des gaz, des liquides et des
corps solides. Ce travail ne se borne pas à
la matière dite physique : il s'étend à tous les états
de matière subtils, dans le domaine des mondes invisibles. La Troisième
Personne, comme
Esprit d'Intelligence, conçoit ensuite les formes
que doit revêtir la matière préparée : Elle n'édifie
pas ces formes, mais, par l'action de l'Intelligence Créatrice, en produit
les Idées ou Prototypes célestes, comme on les nomme souvent. C'est
à ce travail que fait allusion le passage :
Il a étendu les cieux
par Son intelligence (281).
La Deuxième Personne commence
Son travail après celui de la Troisième. Par Sa sagesse Elle a
fondé
le monde (282), édifié les globes et
tout ce qu'ils renferment.
Toutes choses ont été faites par Elle
(283) ; Elle est la Vie qui organise les mondes ; en Elle,
tous les Etres ont leur racine
(284). La vie du Fils, ainsi
manifestée dans la matière préparée par le
Saint-Esprit
(nous retrouvons ici le grand «
Mythe » de l'Incarnation), est la
vie qui construit, garde et maintient toutes les formes ; car le Fils est l'
Amour,
la puissance qui attire, qui donne aux formes la cohésion et leur permet
de se développer sans se
dissoudre, le Préservateur, le Conservateur,
le Sauveur. Voilà pourquoi
tout doit être soumis au Fils (285),
tout doit se trouver en Lui, et que nul ne vient au Père que par Lui
(286).
Le travail de la Première
Personne suit, en effet, le travail de la Deuxième, comme celui de la Deuxième
avait suivi le travail de la Troisième. L'Ecriture L'appelle le
Père
des Esprits (287)
le Dieu des esprits de
toute chair (288). L'homme Lui doit l'
Esprit Divin,
le Moi véritable, l'
Esprit humain est la vie Divine du Père, émanant
de Lui et versée dans le vaisseau préparé, par le Fils, des
matériaux vivifiés par l'
Esprit. Cet
Esprit humain venant du Père
d'où procédèrent le Fils et le
Saint-Esprit
est un comme Lui-même et offre, en un seul, Ses trois aspects de l'Unité.
L'homme est donc véritablement fait
à notre image, à notre
ressemblance (289) et peut devenir
parfait comme
votre Père céleste est parfait (290).
Tel est le processus cosmique ; il se répète dans l'évolution
humaine, car : « Ce qui est en haut est analogue à ce qui est en bas. »
Dans l'homme, la
Trinité Spirituelle, étant
formée à la ressemblance divine, doit présenter les attributs
divins. Aussi trouvons-nous en lui la Puissance qui, soit sous sa forme supérieure
de la Volonté, soit sous sa forme inférieure de Désir, pousse en avant son évolution. Nous trouvons encore en lui la Sagesse, la Raison
Pure, dont l'expression, dans le monde des formes, est l'
Amour, enfin l'Intelligence ou Mental, l'énergie active et créatrice. Nous constatons que, dans l'évolution humaine, le troisième de ces attributs se manifeste d'abord, puis le second, puis le premier. La plupart des hommes développent le mental, acquièrent l'intelligence, dont nous voyons partout l'action séparatrice isolant, en quelque sorte, les atomes humains pour les développer individuellement et en faire des matériaux propres à la construction d'une Humanité divine. Notre race en est arrivée à ce point ; c'est encore là sa tâche.
Si nous considérons maintenant une faible minorité humaine, nous constatons l'apparition du deuxième aspect de l'
Esprit Divin. Les Chrétiens l'appellent « le Christ dans l'homme ».
Son évolution, comme nous l'avons dit plus haut, ne commence qu'après la première des Grandes
Initiations. La Sagesse et l'
Amour sont les caractéristiques de l'
Initié et rayonnent de plus en plus en lui, à mesure qu'il développe cet aspect de l'
Esprit. Ici encore il est vrai que
nul ne vient au Père que par Moi, car ce n'est qu'au moment où la vie du Fils touche à son terme qu'Il peut prononcer cette prière :
Maintenant, toi, Père, glorifie-moi auprès de toi, de la gloire que je possédais auprès de toi, avant que le monde fût (291). Le Fils monte alors vers le Père et devient Un avec Lui dans la gloire divine. Il manifeste désormais l'existence-en-soi, l'existence inhérente à sa nature divine, qui s'est développée du
germe à la
fleur car,
de même que le Père a la vie en lui-même, de même il a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même (292). Il devient un Centre vivant et conscient dans la Vie de
Dieu, un Centre capable de
subsister comme tel, délivré des conditions limitatives de son existence
passée, S'élargissant jusqu'à la conscience divine, tout en conservant pleinement
Son identité, un Centre vivant et ardent dans la
Flamme divine.
De cette évolution dépend
aujourd'hui la possibilité, dans l'avenir, d'Incarnations divines, comme, dans le passé, elle les a rendues possibles dans notre propre monde. Ces centres vivants ne perdent ni Leur identité, ni le souvenir de Leur passé, ni le
fruit d'aucune expérience recueillie au cours de Leur longue ascension. Un de ces Etres Soi-conscients peut descendre du Sein du Père et Se révéler pour secourir le monde ; Il a conservé, réunis en lui-même, l'
Esprit et la Matière, le double aspect de la Deuxième personne (voilà pourquoi toutes les Incarnations Divines Se rattachent à la Deuxième Personne de la
Trinité) ; aussi peut-Il aisément reprendre le vêtement nécessaire à la manifestation physique et redevenir Homme ; ayant conservé cette nature Médiatrice, Il forme un lien entre les
Trinités céleste et terrestre.
Dieu avec nous (293) a toujours été
Son nom.
Un Etre semblable,
fruit glorieux d'un univers passé, peut paraître dans toute la perfection de Sa Sagesse et de
Son Amour divins, conservant intacte la mémoire de
Son passé, capable, en vertu de cette mémoire, d'être pour toute créature vivante un Aide parfait, connaissant chacune des phases de l'évolution, parce qu'Il les a vécues, capable, partout et toujours, d'assister les hommes, puisqu'Il a fait Lui-même toutes les expériences.
C'est parce qu'Il a souffert après avoir été lui-même tenté, qu'il peut secourir ceux qui sont tentés (294).
Cette Incarnation divine Lui est rendue possible grâce à
Son humanité passée ; Il redescend des sommets qu'Il a gagnés pour aider d'autres hommes à les gravir à leur tour. A mesure que nous comprenons ces vérités et que nous apparaît la signification de la
Trinité,
Celle d'en-haut et
Celle d'en-bas, ce qui était autrefois un simple dogme, ardu et inintelligible, devient une vérité vivante et vivifiante. L'existence de la
Trinité dans l'homme peut seule faire comprendre l'évolution humaine. Dès lors nous voyons comment l'homme développe d'abord la vie intellectuelle, puis la vie du Christ. Ce fait est la base même du
mysticisme et de notre ferme espoir d'atteindre la connaissance de
Dieu. Les Sages l'ont enseigné et, à mesure que nous avançons dans le Sentier où Ils nous appellent, nous reconnaissons la vérité de Leur témoignage.
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(256) Chehândogyopanishat, XI, II, 1.
(257) Deut., VI, 4.
(258) 1 Cor., VIII, 6.
(259) Ceci est une erreur. En, ou Ain Soph ne fait pas partie de la
Trinité ; il est l'existence unique qui se révèle par une triple manifestation. Kadmon, ou
Adam Kadmon n'est pas une Séphira ; c'est l'ensemble des Séphiroth.
(260) Cité par Williamson,
The Great Law, pp. 201-202.
(261) H. H. Milmant,
The History of Christianity, 1867, pp. 70-72.
(262) Asiatic Researches, I, p. 285.
(263) S. Sharpe,
Egyptian Mythology and Egyptian Christology, p. 14.
(264) Williamson,
The Great Law, p. 196.
(265) Loc. cit., pp. 208, 209.
(266) St Jean, I, 3.
(267) Jér., LI, 15.
(268) Ante, pp. 185, 186.
(269) Credo d'Athanase.
(270) Apoc., IV.
(271) St Luc, I, 38.
(272) Ibid., 35.
(273) Livre de la Sagesse, VIII, 1.
(274) Ante-Nicene Library,
Saint Clément d'
Alexandrie,
Stromata, 1. V, chap. II.
(275) Jér., LI, 15.
(276) Ante. 212.
(277) Gen., I, 1.
(278) Gab., XXXVIII, 4 ;
Zach., XII, 1, etc.
(279) Gen., I, 2.
(280) Gen., I, 2.
(281) Jér., LI, 15.
(282) Jér., LI, 15.
(283) St Jean, I, 3.
(284) Bhagavad Gitâ, IX, 4.
(285) 1 Cor., XV, 27 28.
(286) St Jean, XIV, 6 ; voir p. 207 l'interprétation plus complète de ce texte.
(287) Héb., XII, 9.
(288) Nombr., XVI, 22.
(289) Gen., I, 26.
(290) St Matthieu, V, 48.
(291) St Jean, XVIII, 5.
(292) St Jean, V, 26.
(293) St Matthieu, I, 22.
(294) Héb., II, 18.