LIVRE SECOND
Le Mystère royal ou l'Art de soumettre les puissances
CHAPITRE XI : Les Arcanes de l'Anneau de Salomon
Cherchez dans le tombeau de Salomon, c'est-à-dire
dans les
cryptes de la philosophie
occulte, non pas son anneau, mais
sa science.
A l'aide de la science et d'une persévérante volonté,
vous arrivez à posséder le suprême
arcane de la sagesse qui est la domination
libre sur le mouvement équilibré. Vous pouvez alors vous procurer l'anneau
en le faisant fabriquer par un orfèvre, auquel vous n'aurez pas besoin
de recommander le secret. car ne sachant pas lui-même ce qu'il fait,
il ne pourra le révéler aux autres.
Voici la recette de l'Anneau :
Prenez et incorporez ensemble une petite quantité
d'or et le double d'
argent aux heures du
soleil et de la
lune, joignez-y
trois quantités, semblables à la première, de cuivre bien purifié, quatre
quantités d'
étain, cinq de fer, six de mercure et sept de plomb. Incorporez
le tout ensemble aux heures qui correspondent aux métaux et faites du
tout un anneau dont la partie circulaire soit aplatie et un peu large
pour y graver les caractères.
Mettez à cet anneau un chatin de forme carrée contenant
une pierre d'
aimant rouge enchâssée dans un double anneau d'or.
Gravez sur la pierre, dessus et
dessous, le double
sceau de Salomon.
Gravez sur l'anneau les signes
occultes des sept
planètes tels qu'ils sont représentés dans les archidoxes magiques de
Paracelse ou dans la philosophie
occulte d'Agrippa, magnétisez fortement
l'anneau en le consacrant tous les
jours pendant une semaine avec les
cérémonies marquées dans notre rituel, sans négliger ni la
couleur des
vêtements, ni les parfums spéciaux, ni la présence des
animaux sympathiques,
ni les conjurations spéciales que devra toujours précéder la conjuration
des quatre, marquée dans notre rituel.
Vous enveloppez ensuite l'anneau dans un drap de
soie et après l'avoir parfumé, vous pouvez le porter sur vous.
Une pièce ronde de métal ou un talisman préparé
de la même manière aurait autant de vertu que l'anneau.
Une chose ainsi préparée est comme un réservoir
de la volonté. C'est un réflecteur magnétique qui peut être très utile,
mais qui n'est jamais nécessaire.
Nous avons dit d'ailleurs que les anciens
rites
ont perdu leur efficacité depuis que le Christianisme a paru dans le
monde.
La
religion chrétienne et
catholique en effet est
la fille légitime de
Jésus, roi des mages.
Son culte n'est autre chose
que la haute magie soumise aux lois de la hiérarchie qui lui sont indispensables
pour qu'elle soit raisonnable et efficace.
Un simple scapulaire porté par une personne vraiment
chrétienne, est un talisman plus invincible que l'anneau et le pantacle
de Salomon.
Jésus-Christ, cet homme
Dieu, si humble, le disait
en parlant de lui-même : la reine de Saba est venue du fond de l'Orient
pour voir et entendre Salomon, et il y a ici plus que Salomon.
La messe est la plus prodigieuse des évocations.
Les nécromanciens évoquent les morts, le sorcier
évoque le diable et il tremble, mais le
prêtre catholique ne tremble
pas en évoquant le
Dieu vivant !
Qu'est-ce que tous les talismans de la science
antique auprès de l'hostie consacrée ?
Laissez dormir dans sa tombe de pierre le
squelette
de Salomon et l'anneau qu'il pouvait avoir à son doigt décharné. Jésus-Christ
est ressuscité, il est vivant. Prenez un de ces anneaux d'
argent qu'on
vend à la porte des
églises et qui portent l'image du crucifié avec
les dix grains du
rosaire. Si vous êtes digne de le porter, il sera
plus efficace dans votre main que ne serait le véritable anneau de Salomon.
Les
rites magiques et les pratiques minutieuses
du culte sont tout, pour les ignares et les superstitieux, et nous rappellent
malgré nous une historiette très connue, que nous allons rappeler en
peu de mots parce que sa place est ici.
Deux moines entrent dans une chaumière que l'on
avait laissée à la garde de deux
enfants. Ils demandent à se reposer
et à dîner si cela est possible. Les
enfants répondent qu'ils n'ont
rien et qu'ils ne peuvent rien donner. Eh bien, dit l'un des moines,
voici du
feu ; prêtez-nous seulement une marmite et un peu d'
eau, nous
ferons nous-mêmes notre potage. Avec quoi ? Avec ce caillou, dit
le malin
religieux en allant ramasser un fragment de silex. Ignorez-vous
donc, mes
enfants, que les
disciples de saint
François ont le secret
de la soupe au caillou ?
La soupe au caillou ? Quelle merveille pour
les
enfants ! On leur promet qu'ils en goûteront et la trouveront excellente.
Vite on prépare la marmite, on y verse de l'
eau, on attise le
feu et
le caillou est déposé dans l'
eau avec précaution. Très bien, disent
les moines. Maintenant un peu de sel et quelques légumes ; tenez, il
y en a là dans votre
jardin. Ne pourrait-on y
joindre un peu de lard
fumé ? La soupe n'en sera que meilleure. Les
enfants accroupis devant
l'âtre regardent avec ébahissement. La marmite bout.
Allons, taillez
du pain et approchez cette terrine. Hein, quel fumet ! Couvrez et laissez
tremper. Quant au caillou, enveloppez-le avec soin, nous vous le laissons
pour votre peine, il ne s'use jamais et peut servir toujours. Maintenant,
goûtez la soupe ! Eh bien, qu'en dites-vous ? -- Oh, elle est excellente
! disent les petits paysans en battant des mains. C'était, en effet,
une bonne soupe aux choux et au lard que les
enfants n'auraient jamais
su offrir à leurs hôtes sans la merveille du caillou.
Les
rites magiques et les pratiques
religieuses
sont un peu le caillou des moines. Ils servent de prétexte et d'occasion
à la pratique des vertus qui seules sont indispensables à la vie morale
de l'homme. Sans le caillou, les bons moines n'eussent pas dîné ; le
caillou avait donc véritablement une puissance ? -- Oui, dans l'imagination
des
enfants mise en
jeu par l'habileté des bons pères.
Ceci soit dit sans blâmer et sans offenser personne.
Les moines eurent de l'
esprit et ne furent pas menteurs. Ils aidèrent
les
enfants à faire une bonne action, et les émerveillèrent, leur firent
partager un bon potage, et sur ce, nous conseillons à ceux qui ont faim
et pour qui la soupe aux choux est quelque chose de trop difficile à
faire, ou peut-être de trop simple, de faire la soupe au caillou.
Qu'on nous comprenne bien ici. Nous ne voulons
pas dire que les signes et les
rites soient une grande
mystification.
Il en serait ainsi si les hommes n'en avaient pas besoin. Mais il faut
tenir compte de ce fait incontestable que toutes les intelligences ne
sont pas égales. On a toujours conté des
fables aux
enfants et on leur
en contera tant qu'il y aura des nourrices et des mères. Les
enfants
ont la foi et c'est ce qui les sauve. Figurez-vous un bambin de sept
ans qui disait : je ne veux rien admettre de ce que je ne comprends
pas. Que pourrait-on apprendre à ce petit monstre ? - Admets d'abord
la chose sur la parole de tes maîtres, mon bonhomme, puis, étudie, et
si tu n'es pas
idiot, tu comprendras.
Il faut des
fables aux
enfants, il faut des
fables
et des cérémonies au peuple ; il faut des auxiliaires à la faiblesse
de l'homme. Heureux celui qui possédait l'anneau de Salomon, mais plus
heureux celui qui égalerait ou même qui surpasserait Salomon en science
et en sagesse sans avoir besoin de son anneau !