ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE OCCULTE
Nous l'avons déjà affirmé plus d'une fois, la Philosophie
occulte, malgré la diversité de pays et d'époques,
est partout restée virtuellement la même. En divers temps et en divers
lieux, des floraisons mythologiques très différentes ont été
répandues pour le bien des peuples ; mais sous chaque forme de culte populaire,
la connaissance
religieuse de la minorité
initiée se conservait
identique. La
conception occidentale moderne
du juste, en pareilles matières,
se révolte à la seule pensée qu'une
religion puisse être
gardée comme propriété d'un petit nombre, pendant qu'une
fausse religion, selon la
phraséologie actuelle, est offerte à
la multitude. Avant de permettre à ce sentiment de nous porter à
un blâme trop énergique contre les anciens et silencieux détenteurs
de la vérité, il faudrait déterminer s'il est dû à
la conviction raisonnée que la foule doit bénéficier d'un
enseignement trop subtil pour qu'elle le comprenne, ou s'il provient de l'habitude
acquise de considérer la
religion comme une chose qu'il est important de
professer, sans s'occuper de la comprendre. Si on admet que le bonheur éternel
de l'homme repose sur la déclaration irraisonnée que sa foi est
la seule vraie, au milieu de toutes celles qui auraient pu lui échoir à
la loterie des naissances et des destinées, il est évident que l'impérieux
devoir des personnes conscientes de posséder cette foi unique est de la
proclamer par-dessus les toits. Mais au contraire, s'il est reconnu qu'il n'est
profitable à aucun homme de murmurer des formules, vides de sens pour lui,
et qu'on ne peut présenter à des intelligences grossières
que de rudes ébauches d'idées
religieuses, on pourra mieux apprécier
l'antique attitude de réserve adoptée par les
Initiés ; aujourd'hui
les relations entre eux et la foule semblent pouvoir changer dans le monde
européen
d'aujourd'hui. Le peuple, dans le sens du public en général, comprenant
les intellects les plus affinés, est au moins aussi capable de comprendre
les idées métaphysiques que les gens d'une classe spéciale.
Ces intellects supérieurs dominent la pensée publique à tel
point que sans leur aide, aucune grande idée ne peut triompher parmi les
nations d'
Europe ; et leur aide ne peut s'obtenir que dans le marché ouvert
des compétitions intellectuelles. Il en résulte que la seule notion
d'une science
ésotérique supérieure au savoir qui est publiquement
offert au monde scientifique, frappe l'
esprit moderne occidental comme une absurdité.
Il est nécessaire de combattre ici ce sentiment très naturel et
de demander qu'on ne le pousse pas jusqu'à l'illogisme, c'est-à-dire
ne pas admettre que parce qu'un
Européen contemporain n'aurait jamais l'idée,
s'il était possesseur d'une vérité nouvelle, de la tenir
cachée et de ne la révéler que sous le sceau du secret à
une confrérie, il s'ensuive naturellement qu'une pareille idée ne
peut pas avoir existé chez un
prêtre égyptien ou chez un de
ces
géants intellectuels de la grande civilisation qui couvrit l'Inde
d'après de vraisemblables hypothèses avant l'épanouissement
de l'art et de la science en Egypte. Le système des sociétés
secrètes était aussi naturel au savant de l'antiquité que
la divulgation l'est au nôtre. Et cette dissemblance ne tient pas plus au
temps qu'à la mode. Elle vient de la vaste différence existant entre
l'
essence des recherches poursuivies de nos
jours par les hommes instruits et
celles dont ils s'occupaient dans le passé. Nous appartenons à l'époque
du progrès matériel et le mot d'ordre du progrès matériel
a toujours été : publicité. Les
Initiés à l'ancienne
psychologie appartiennent à l'âge spirituel, et le mot d'ordre du
développement subjectif a toujours été : silence. On pourrait
discuter si, dans les deux cas, la manière d'agir n'est pas imposée
par des nécessités de situation ; d'ailleurs, ces réflexions
suffisent pour montrer qu'il serait peu sage de dogmatiser péremptoirement
sur le caractère de la philosophie et des philosophes qui se contentent
d'accumuler leur sagesse et de pourvoir la foule d'une
religion mieux adaptée
à ses capacités intellectuelles.
Il est impossible de former des conjectures quant à
la date approximative où la philosophie
occulte a commencé à
prendre l'aspect sous lequel nous la voyons de nos
jours. Mais quoiqu'on puisse
raisonnablement présumer que les deux ou trois mille dernières années
ne se sont pas écoulées sans que les
Initiés voués
à la garde et à la transmission de la Science
occulte n'aient contribué
à son développement, la compétence des
Initiés appartenant
aux époques historiques les plus reculées semble avoir été
aussi profonde et presque aussi merveilleuse que celle des
Adeptes contemporains.
Nous pouvons donc assigner une très grande antiquité aux débuts
de la connaissance
occulte sur la terre. En vérité, la question
ne peut être soulevée sans nous mener d'induction en induction à
des conclusions absolument stupéfiantes sous ce rapport.
En dehors de ces spéculations archéologiques
spéciales, on a indiqué qu' « une philosophie si profonde,
un code moral aussi ennoblissant, des résultats pratiques aussi concluants
et si uniformément démontrables ne sont pas le produit d'une
génération
ni même d'une seule époque. Faits sur faits, et déductions
sur déductions ont été accumulés ; la science a engendré
la science et des myriades de brillantes intelligences humaines ont réfléchi
sur les Lois de la nature avant que cette antique doctrine ait pris une forme
concrète. Les preuves de l'identité de la doctrine fondamentale
de toutes les
religions se trouvent dans la prévalence d'un système
d'
initiation ; dans les castes sacerdotales secrètes qui avaient la garde
des paroles
mystiques de pouvoir et dans la démonstration publique d'un
contrôle phénoménal sur les
forces naturelles, indiquant des
relations avec des êtres surhumains. Chez toutes les nations, l'approche
des mystères était gardée avec le même soin jaloux
et chez toutes, la peine de mort était édictée contre l'
Initié,
quel que fût son degré, coupable d'avoir divulgué les secrets
qui lui avaient été confiés ». Le livre d'où
cette citation est tirée prouve que tel était le cas pour les mystères
d'
Eleusis et de
Bacchus parmi les
Mages chaldéens et les
Hiérophantes
égyptiens. Le livre hindou des cérémonies
brahmaniques, l'
Agrushada
Parikshai, contient la même loi qui avait été,
semble-t-il, également adoptée par les Esséniens, les
Gnostiques
et les Théurges Néo-Platoniciens. La
Franc-Maçonnerie a copié
les vieilles formules, mais elle a perdu sa raison d'être, en ne conservant
rien de la philosophie
occulte, si ce n'est des formes et des cérémonies
dont le sens lui échappe. On retrouve les traces évidentes de cette
identité dont nous parlons dans les vux, formules,
rites et doctrines
des diverses fois anciennes ; et ceux qui sont, je crois, qualifiés pour
parler du fait avec autorité, affirment « que non seulement le souvenir
de la doctrine est encore conservé dans l'Inde, mais que l'association
secrète est vivante et aussi active que jamais ».
Pour appuyer les
vues que je viens d'exposer, je dois puiser
dans le grand livre de Mme Blavatsky,
Isis Dévoilée,
et il est nécessaire de donner quelques explications concernant la genèse
de cet ouvrage. Le lecteur, qui aura suivi ma narration, sera mieux préparé
pour les comprendre. J'ai montré comment, au milieu des occupations les
plus ordinaires de sa vie quotidienne, Mme Blavatsky était constamment
en communication au moyen du système de télégraphie
psychique que les
Initiés emploient avec ses
Frères
supérieurs en occultisme. Cet état de choses admis, il est facile
de concevoir qu'en faisant une compilation telle qu'
Isis
Dévoilée, elle ne pouvait être exclusivement
laissée à ses propres ressources, car
Isis
Dévoilée renferme tout ce qui petit être dit,
au monde extérieur, sur l'occultisme. La vérité, que Mme
Blavatsky serait la dernière personne au monde à vouloir dissimuler,
est que l'aide qu'elle reçut des
Frères, par des moyens
occultes,
pendant toute la rédaction de son livre, fut à tel point abondante
et continue qu'elle n'est pas tellement l'auteur d'
Isis
que l'un des membres du groupe de collaborateurs par qui l'ouvrage fut véritablement
écrit. On m'a donné à entendre que Mme Blavatsky commença
le livre sans se douter de la grandeur de la tâche qu'elle assumait. Elle
écrivit d'abord sous la dictée les passages dictés
ne sont plus en tête des volumes complets pour complaire à
des amis
occultes, sans savoir si la
composition qu'elle entreprenait serait un
article de journal, un essai destiné à une revue ou un ouvrage de
plus vastes
dimensions ; mais le manuscrit grossissait. Elle comprit bientôt
ce qui en était et y mit aussi beaucoup du sien, une fois franchement lancée.
Les
Initiés paraissent avoir toujours travaillé avec elle, non seulement
par l'intermédiaire de son cerveau en dictant, mais en employant quelquefois
les méthodes de
précipitation dont j'ai parlé et par
ce moyen des quantités de feuilles, portant d'autres écritures que
la sienne, s'accumulaient pendant la nuit. A son lever, Mme Blavatsky trouvait
parfois jusqu'à trente fiches ajoutées au manuscrit qu'elle avait
laissé sur sa table la veille au soir. Le livre
Isis
est en fait sans parler de son contenu un
phénomène
aussi grand qu'aucun de ceux que j'ai décrits.
Les imperfections du livre, évidentes pour le lecteur,
sont ainsi expliquées, aussi bien que sa valeur extraordinaire, pour ceux
qui cherchent avec anxiété à pénétrer le plus
loin possible dans les mystères de l'occultisme. Les pouvoirs déifiques
dont jouissent les
Initiés ne sauraient préserver un ouvrage littéraire,
commune production de plusieurs
esprits même tels que les leurs
d'une confusion inhérente à ce mode de
composition. Outre le désordre
qui règne dans son arrangement, le livre offre une variété
de styles qui nuit à sa valeur littéraire et doit arrêter
et embarrasser à la fois le lecteur ordinaire. Pour ceux qui connaissent
le secret de cette irrégularité de forme, elle est plutôt
un avantage et permet, à l'étudiant perspicace, d'expliquer quelques
divergences minimes qu'on constate dans différentes parties du livre ;
en dehors de cela, il pourra, pour ainsi dire, reconnaître la voix
des divers auteurs quand ils prennent tour à tour la parole.
Isis a été écrit matériellement
à New
York. Mme Blavatsky était complètement dépourvue
de livres de références. Il regorge cependant de références
puisées à toutes sortes de sources et en contient beaucoup d'un
caractère inusité. L'exactitude des citations peut être facilement
vérifiée dans les grandes bibliothèques d'
Europe, car des
notes indiquent le numéro des pages d'où elles sont tirées.
Je puis maintenant extraire quelques passages d'
Isis
dans le but de montrer l'unité de la philosophie
ésotérique
sous la multiplicité des
religions anciennes et la valeur particulière
que les étudiants de cette philosophie attribuent au
Bouddhisme, système
qui, parmi tous les autres, paraît nous offrir l'occultisme sous la forme
la moins adultérée. Naturellement le lecteur devra se garder de
l'idée préconçue que le
Bouddhisme, expliqué par des
écrivains non occultistes, doit être accepté comme l'expression
des
vues des
Initiés. Par exemple, pour les érudits occidentaux,
une des idées principales du
Bouddhisme,
Nirvana, signifie annihilation.
Ils peuvent avoir raison de dire que l'explication du
Nirvana, donnée
par le
Bouddhisme exotérique, les mène à cette conclusion
; mais, en tous cas, ce n'est pas la doctrine secrète.
Nirvana, est-il déclaré dans
Isis,
signifie la certitude de l'immortalité personnelle en
esprit, pas
en
âme ; l'
âme étant une émanation limitée
doit absolument désintégrer ses atomes qui sont un
composé
de sensations et passions humaines, de désirs pour une forme quelconque
d'existence objective, avant que l'immortel Ego soit complètement libéré
et par cela même à l'abri de toute réincarnation. Comment
l'homme peut-il atteindre à cette
hauteur aussi longtemps que l'
Oupadana,
état de désir de vivre, de vivre davantage, ne disparaît pas
de l'être doué de sensation, de l'
Ahankara revêtu, cependant,
d'un
corps sublimé ? C'est l'
Oupadana ou le désir intense
qui produit la
volonté, la
volonté développe
la
force et cette dernière engendre la
matière ou
un objet ayant forme. Ainsi l'Ego désincarné, par ce seul désir
survivant en lui, fournit inconsciemment les conditions de ses incarnations successives,
sous des formes variées qui dépendent de son état mental
et de
Karma, soit des bonnes ou des mauvaises actions de son existence
précédente, habituellement appelées
mérites
ou
démérites. Il y a un monde de pensée métaphysique
suggestive dans cette doctrine qui vient à l'appui de ce que nous disions
sur la portée de la philosophie Bouddhiste envisagée au point de
vue occulte.
Le malentendu sur la signification du
Nirvana est
tellement général en
Europe que les explications suivantes sont
à considérer :
« Pour la philosophie bouddhique, annihilation signifie
simplement dispersion de la matière, sous quelque forme ou apparence que
ce soit ; car tout ce qui a forme a été créé et doit
tôt ou tard périr c'est-à-dire changer d'enveloppe. Donc,
cette chose temporaire, qui semble permanente, n'est qu'une illusion :
Maya,
car l'Eternité n'ayant ni commencement ni fin, la durée plus ou
moins prolongée d'une forme particulière passe, pour ainsi dire,
avec la rapidité de l'éclair. Avant que nous ayons pu réaliser
ce que nous avons vu, cela a disparu pour jamais ; ainsi nos
corps astraux, l'éther pur, ne sont que des illusions de la matière aussi longtemps qu'ils conservent leur contour terrestre ; ce dernier change, dit le Bouddhiste selon les mérites ou démérites de la personne pendant sa vie et ceci est la réincarnation. Quand l'entité spirituelle se sépare à jamais de toute particule de matière, alors seulement elle entre dans l'Eternel et inchangeable
Nirvana. Elle existe en
esprit, en
rien ; comme forme, apparence, elle est complètement annihilée et ainsi ne mourra plus, car l'
esprit seul n'est pas
maya,
il est l'unique réalité dans un univers d'illusions, rempli de formes
transitoires... Accuser la philosophie bouddhique de rejeter un Etre suprême
Dieu et l'immortalité de l'
âme, l'accuser en un mot
d'athéisme, sous prétexte que
Nirvana signifie annihilation
et que
Svabhavat n'est pas une personne, est simplement absurde. Le En
(ou Aim) de l'Ensoph juif se traduit aussi par nihil ou rien, ce qui n'est pas
(
quo ad nos), mais personne ne s'est aventuré à taxer les
Juifs d'athéisme. Dans les deux cas, la signification réelle du
mot rien comporte l'idée que
Dieu n'est pas une chose, n'est pas un être
visible et concret auquel un nom représentant un objet quelconque connu
de nous sur terre puisse être appliqué convenablement ».
Et encore : «
Nirvâna est le monde des
causes dans lequel disparaissent tous les effets trompeurs ou les illusions
de nos sens.
Nirvâna est la plus haute
sphère que l'on puisse
atteindre ».
Les doctrines secrètes des
Mages, des Bouddhistes
prévédiques, des
hiérophantes de l'Egyptien
Toth ou
Hermès,
étaient, explique-t-on dans
Isis,
identiques dès le commencement, identité qui s'applique également
aux doctrines secrètes des
adeptes de n'importe quelle époque ou
nationalité, en y comprenant les Cabbalistes chaldéens et les
Nazar
Juifs.
« Quand nous nous servons du terme Bouddhiste, nous
ne l'étendons pas au
Bouddhisme exotérique institué par les
disciples de Gautama Bouddha ni à la
religion bouddhique moderne, mais
à la philosophie secrète de Sakyamuni, qui dans son
essence est
certainement identique à l'ancienne Religion-Sagesse du
sanctuaire, le
Brahmanisme pré-Védique. Le schisme de
Zoroastre, comme on l'appelle,
en est une preuve directe, car strictement parlant, ce n'était pas un schisme,
mais seulement l'exposition publique partielle de vérités
religieuses
monothéistes, jusque-là réservées à l'enseignement
des
sanctuaires et que
Zoroastre avait apprises des
Brahmanes ; primitif fondateur
du culte du
feu, il ne peut être appelé l'auteur du système
dualiste. Il n'a pas non plus été le premier à prêcher
l'unité de
Dieu, car il n'a enseigné que ce qu'il tenait des
Brahmanes.
Ce
Zarathoustra et ses adhérents, les Zoroastriens, étaient établis
dans l'Inde avant d'émigrer en Perse. Max Muller le prouve aussi : «
Que les Zoroastriens et leurs ancêtres » dit-il, « vinrent de
l'Inde pendant la période védique, cela peut être aussi nettement
démontré que l'origine grecque des premiers habitants de
...
De nombreux
dieux des Zoroastriens apparaissent... comme de simples réflexions
ou déflexions des
dieux des Védas ».
Si maintenant nous pouvons prouver, et nous le pouvons
en nous appuyant sur la
Cabbale et les traditions les plus reculées
de la Religion-Sagesse, philosophie des antiques
sanctuaires que tous ces
dieux des Zoroastriens ou des Védas n'étaient qu'autant de pouvoirs
occultes de la Nature personnifiés, fidèles serviteurs des
Adeptes
de la sagesse secrète magie nous serons sur un terrain solide.
Ainsi, nous pouvons dire que la cabbale et le
gnosticisme
procèdent du mazdéisme ou du zoroastrianisme, c'est la même
chose, à moins que nous ne parlions de culte
exotérique, ce que
nous ne faisons pas. De même, et dans ce sens nous faisons écho à
King, l'auteur des
Gnostiques et à plusieurs autres archéologues,
nous pouvons affirmer que les deux premiers viennent du
Bouddhisme qui est à
la fois la philosophie la plus simple et la plus satisfaisante, et aboutit à
l'une des
religions les plus pures du monde. Mais que ce soit parmi les Esséniens
ou les néo-Platoniciens ou encore au milieu des innombrables sectes nées
seulement pour lutter et mourir, on retrouve toujours les mêmes doctrines
identiques en substance et en
esprit, si elles ne le sont pas toujours dans la
forme. Par
Bouddhisme, nous entendons la
religion qui signifie littéralement
doctrine de sagesse, et qui est antérieure de bien des siècles à
la philosophie métaphysique de Siddartha Sakyamuni. »
Le christianisme moderne s'est aussi naturellement fort éloigné de sa propre philosophie initiale, mais l'identité de cette dernière avec la philosophie primitive de toutes les
religions est soutenue dans
Isis au cours d'une intéressante argumentation.
«
Luc qui était médecin est surnommé
dans les textes
syriaques
Asaia, l'Essène ou Essénien.
Josèphe et Philon le
Juif ont suffisamment décrit cette secte des
Esséniens pour ne laisser aucun doute dans l'
esprit au sujet du Réformateur
nazaréen qui, après avoir été élevé
dans leurs retraites du désert et dtlment
initié aux mystères,
préféra la vie libre et indépendante d'un
Nazaria
errant et, ainsi séparé d'eux ou
inazarianisé, devint
un Thérapeute voyageur ou
Nazaria : un guérisseur... Dans
ses discours et ses sermons,
Jésus parlait toujours en paraboles et se
servait de
métaphores devant son auditoire. Cette habitude était
commune aux Esséniens et aux Nazaréens ; les Galiléens, habitant
les villes et les villages, n'employaient pas ce langage
allégorique...
Quelques-uns des
disciples de
Jésus, galiléens comme lui, s'étonnaient
même de la forme d'expression qu'il donnait à sa parole en s'adressant
au peuple. « Pourquoi leur parles-tu par paraboles ? » demandaient-ils
souvent. « Parce qu'il vous a été donné de connaître
les mystères du royaume du
ciel et non pas à eux. » Réponse
qui était celle d'un
Initié. « Par conséquent, je leur parle
en paraboles, parce que,
voyant, ils ne voient pas ; entendant, ils n'entendent
pas, ni ne comprennent... » De plus nous trouvons
Jésus exprimant
ses pensées... en sentences purement pythagoriciennes quand il dit, dans
le sermon sur la
montagne : « Ne donnez pas ce qui est sacré aux
chiens,
ni ne jetez vos perles devant les porcs ; car les porcs les piétineront
et les
chiens, se tournant contre vous, vous déchireront. » Le Professeur
A. Wilder, éditeur des
Mystères éleusiens
de Taylor, observe « une même
disposition de la part de
Jésus et
de Paul à classer leurs doctrines en
ésotérique et
exotérique
: les mystères du Royaume de
Dieu pour les
disciples ; les paraboles pour
la multitude. »
« Nous parlons sagesse », dit Paul, « au
milieu de ceux qui
sont parfaits ou Initiés ». Dans les mystères d'
Eleusis et les autres, les participants étaient toujours séparés en deux classes : les
néophytes et les
parfaits... La narration de l'apôtre Paul seconde
épître aux Corinthiens a frappé plusieurs érudits versés dans les descriptions classiques des
rites mystiques de l'
Initiation comme faisant
indubitablement allusion à l'Epopteia finale :
« Je connais un certain homme qui soit dans
son
corps ou hors de son
corps, je ne sais pas,
Dieu le sait a été
ravi au Paradis et a entendu d'
ineffables choses qu'il est contre la loi de répéter...
» Ces mots ont rarement été considérés que nous
sachions, par les commentateurs, comme faisant allusion aux
visions béatifiques
d'un
voyant initié ; cependant la
phraséologie ne permet aucun doute.
Ces choses qu'il est contre la Loi de répéter, il y est fait allusion
avec les mêmes mots par Platon,
Proclus,
Jamblique,
Hérodote et d'autres
auteurs classiques, et la raison donnée est la même que celle que
nous trouvons indiquée à maintes reprises par ces auteurs. « Nous
parlons sagesse seulement au milieu de ceux qui sont parfaits », dit Paul. L'indiscutable et simple traduction est : « Nous parlons des plus profondes doctrines
ésotériques
finales des mystères dénommées sagesse à
ceux-là seuls qui sont
initiés. » En ce qui se rapporte à l'homme ravi au Paradis évidemment Paul lui-même le mot chrétien Paradis a remplacé celui d'Elysée. »
Le but final de la philosophie
occulte est de montrer ce
que l'Homme
était,
est,
sera. « Ce qui survit
à une individualité », dit
Isis, « après la mort du
corps, est l'
âme réelle, que Platon, dans le
Timée et le
Gorgias, appelle l'
âme mortelle, parce que selon la doctrine
Hermétique, elle rejette ses particules les plus matérielles à chaque changement progressif qui la porte vers une
sphère plus haute... L'
esprit astral est
un fidèle duplicata du
corps, au sens physique et spirituel. L'
esprit immortel
le plus élevé, le Divin, ne peut être ni puni ni récompensé. Soutenir une telle doctrine serait à la fois absurde et blasphématoire, car c'est non seulement une
flamme allumée à l'inextinguible source centrale de lumière, mais c'est une partie intégrante de cette lumière
et son
essence est identique ; elle assure l'immortalité à l'être
individuel astral en proportion de sa bonne volonté à la recevoir.
Aussi longtemps que l'homme double l'homme de chair et d'
esprit
se maintient dans les limites de la loi de continuité spirituelle ; aussi
longtemps que l'étincelle divine demeure en lui, si faible soit sa lueur,
il est sur la route de l'immortalité dans l'état futur. Mais ceux
qui se résignent à une existence matérielle, fuyant le divin
rayonnement que répandait leur
esprit au commencement de leur
pèlerinage
terrestre, étouffant les admonestations de cette fidèle gardienne,
la conscience qui sert comme de foyer à la lumière de l'
âme
des êtres tels que ceux-là, ayant laissé derrière
eux conscience et
esprit, ayant franchi les dernières barrières
qui les séparaient de la matière, devront nécessairement
en suivre les lois. » Encore : « La doctrine secrète enseigne
que l'homme, s'il gagne l'immortalité, restera pour jamais la
trinité
qu'il est dans la vie et continuera ainsi à travers toutes les
sphères.
Le
corps astral recouvert en cette vie d'une grossière enveloppe physique
devient, à son tour, quand il est allégé de ce fardeau par
la mort corporelle, l'habit d'un autre
corps plus éthéré
; ce dernier commence à se développer dès l'instant de la
mort et se perfectionne quand le
corps astral de la forme terrestre se sépare
finalement de lui. »
Les passages ci-dessus, lus à la lueur des explications
que j'ai données, permettront au lecteur, s'il y est disposé, de
comprendre
Isis et d'y découvrir
les riches filons de métal précieux qui y sont enfouis. Mais on
ne doit pas espérer trouver dans
Isis
ni dans aucun autre livre de philosophie
occulte écrit ou à écrire
d'ici quelque temps, des explications parfaitement nettes, précises, directes,
sur les mystères de la naissance, de la mort et de l'avenir. En poursuivant
ce genre d'études, on est irrité, d'abord, par la difficulté
d'arriver à savoir ce que les occultistes croient réellement au
sujet de l'état futur, la nature de la vie à venir et son ensemble
général. Les
religions connues ont des
vues très arrêtées
sur ces questions, rendues pratiques par l'affirmation de certaines d'entre elles
: que des personnes qualifiées, déléguées par les
églises, peuvent lancer les
âmes désincarnées sur la
bonne ou la mauvaise voie à proportion de la confiance que ces
âmes
leur accordent. Ces sortes de théories sont intelligibles et ont au moins
le mérite de la simplicité, mais elles ne sont peut-être pas
suffisantes pour l'
esprit quant aux détails. L'étudiant reconnaîtra
après de courtes investigations dans le domaine de la philosophie
occulte,
que là il ne rencontrera aucune
conception pouvant outrager son
idéal
le plus pur, qu'il s'agisse de
Dieu ou de la vie à venir. Il sentira bientôt
que le système d'idées qu'il explore va jusqu'aux limites
extrêmes
du grandiose et du majestueux... accessibles à l'
esprit humain. Mais il
cherchera, pour ne pas rester dans le vague, des renseignements explicites sur
tel ou tel point, jusqu'à ce qu'il se rende graduellement compte que la
vérité absolue sur l'origine et les destinées de l'
âme
humaine est trop subtile et compliquée pour qu'il soit possible de l'exprimer
dans un langage direct. Des idées parfaitement claires peuvent être
acquises par les
esprits purifiés d'étudiants avancés en
occultisme, qui, ayant concentré toutes leurs facultés à
poursuivre et à assimiler ces idées, parviennent à la fin
à les comprendre, grâce au secours de pouvoirs intellectuels particuliers,
spécialement développés dans ce but. Mais il ne s'ensuit
pas du tout, qu'avec la meilleure volonté du monde, ces personnes puissent
nécessairement résumer en une douzaine de lignes un credo
occulte
contenant la théorie complète de l'Univers. L'étude de l'occultisme,
même pour des gens du monde, engagés dans des occupations ordinaires,
peut promptement élargir et purifier la compréhension au point de
permettre à l'
esprit de contrôler l'absurdité de toute hypothèse
religieuse erronée. Cependant la structure absolue de la croyance
occulte est une chose qui, en raison de sa nature, peut être seulement édifiée
avec lenteur dans l'
esprit de chaque architecte intellectuel. Cela justifie la
répugnance des occultistes à donner une explication catégorique
de leurs doctrines. Ils savent que vraiment les plantes vivaces de la connaissance
doivent germer dans l'
esprit de chaque homme et ne peuvent être transplantées
quand elles sont en pleine maturité dans le sol d'une intelligence non
préparée. Elles sont assez prêtes à donner la semence,
mais tout homme doit faire croître son propre
arbre de science. De même
que l'
Adepte n'est pas fait, mais
devient, ainsi à un moindre
degré, la personne qui aspire à comprendre l'
Adepte et sa manière
de voir, doit développer par elle-même sa faculté de compréhension
en passant des notions rudimentaires à leurs légitimes conclusions.
Ces considérations s'enchaînent et justifient
la réserve de l'occultisme. De plus, elles suggèrent une explication
sur ce qui, à première
vue, semble embarrassant au lecteur d'
Isis : si des parties importantes du livre sont, comme je l'ai attesté, l'uvre de vrais
adeptes, qui savent par eux-mêmes la vérité réelle sur plusieurs des mystères qu'on y discute, pourquoi n'exposent-ils pas nettement ce qu'ils ont à dire au lieu de tourner autour du pot et de présenter
des arguments tirés de telle ou telle source ordinaire, de preuves historiques
ou littéraires, ou de spéculations d'après les harmonies
de la nature ? La réponse parait être :
1° que les
adeptes
ne peuvent guère écrire : « Nous savons que ceci ou cela est
le fait. » sans qu'on leur riposte : « Comment le savez-vous ? ».
Et il est manifestement impossible qu'ils puissent répondre à la
question sans entrer dans des détails qu'il serait « contre la Loi
», comme le dirait un écrivain biblique, de divulguer ; ou sans proposer
d'appuyer leur témoignage par des manifestations de pouvoirs qu'il est
vraiment impraticable pour eux d'avoir sans cesse en main, pour satisfaire successivement
chaque lecteur du livre.
2° j'imagine, qu'en accord avec le principe
invariable de chercher moins à enseigner qu'à encourager le développement spontané, les
Adeptes ont plutôt visé dans
Isis à produire un effet sur l'
esprit du lecteur qu'à y jeter une provision de faits accumulés
d'avance. Ils ont montré que la
Théosophie ou la Philosophie
occulte
ne se présente pas en débutante à l'attention du monde, mais
qu'elle vient, de nouveau, affirmer des principes qui ont été reconnus
dès l'enfance de l'humanité. L'enchaînement historique qui
établit le fait se retrouve distinctement au travers des évolutions
successives des écoles philosophiques, d'une manière qu'il m'est
impossible de répéter dans un ouvrage de la
dimension de celui-ci,
et la théorie exposée est appuyée par d'abondants récits
des démonstrations expérimentales du pouvoir
occulte, attribuées
aux divers thaumaturges. Les auteurs d'
Isis se sont expressément abstenus
d'en dire plus que ne l'aurait fait un écrivain non
initié, en supposant
qu'il ait la possibilité de connaître toute la littérature
traitant du sujet, et qu'il soit doué d'une intelligence assez éclairée pour en pénétrer la signification.
Mais une fois la position réelle des auteurs ou inspirateurs
d'
Isis bien réalisée, la valeur de tout argument lancé par
eux dépasse aussitôt et de beaucoup le niveau des lieux communs relatifs
avancés pour l'appuyer. Les
Adeptes peuvent ne pas vouloir fournir autre
chose que des preuves
exotériques à l'appui de telle thèse
qu'ils désirent soutenir, mais le seul fait qu'ils consentent à
l'appuyer aura une énorme signification pour celui qui, par des voies indirectes,
sera parvenu à la compréhension de l'autorité qui leur donne
le droit de parler.