40.
Voici le moment où le nouvel
homme à l'instar des
disciples du Réparateur, va aller
prêcher dans
les villes et dans les villages d'Israël qui est
la terre de l'homme ; voici le moment où au nom de l'
esprit,
il pourra retracer l'élection de douze
disciples, en développant
en lui les dons qui brillèrent dans les douze envoyés
par le Réparateur. Il offrira, en lui-même, un reflet de cette
élection, en raison du pouvoir secret, et de l'opération
continue quoiqu'invisible d'une ancienne loi qui a établi primitivement
douze canaux pour la communication de la lumière, de l'ordre,
et de la mesure parmi les nations ; loi à laquelle tous les dispensateurs
des lois divines ont été fidèles, et qui a été
observée dans tous les temps, même de la part des simples
sectateurs
des sciences élémentaires qui ont universellement consacré
douze signes dans les régions du
firmament matériel.
Il n'ira point porter les
fruits de cette élection
aux
Gentils, ni dans les villes des
Samaritains, parce
que ces nations sont les représentants figuratifs des peuples
réservés pour le
jugement ; mais il ira plutôt vers les
brebis perdues
de la Maison d'Israël ; vers les régions
qui autour de lui ont été troublées et égarées
par les
influences du crime, mais qui n'ont point encore
fermé
leur cur à la pénitence ; et il dira à ces
nations pour les encourager,
que le royaume du ciel est proche
; il rendra au milieu d'elles par ses larmes, par ses prières,
et par ses efforts la santé aux
malades, la vie aux
morts,
la
liberté à ceux qui seront dans les
chaînes du démon
; il n'épargnera rien pour remplir toute sa terre de l'abondance
de ses uvres.
Lorsqu'il entrera dans
quelque ville, ou dans
quelque village, de la terre de l'homme, il y cherchera quelqu'un qui
soit digne de le loger, et il demeurera chez lui jusqu'à ce qu'il
soit dans le cas de s'en aller. En entrant dans une maison, il la saluera
en disant : que la paix soit dans cette maison. Si cette maison en est
digne, la paix viendra sur elle, et si elle n'en est pas digne, la paix
retournera à lui ; parce que la paix ne Peut se confondre
avec les nations qui n'en sont pas dignes.
Mais lorsque le nouvel homme trouvera en soi quelque
maison ou quelque
ville qui ne veuille point le recevoir,
ni écouter ses paroles, il secouera en sortant de cette
ville
ou de cette
maison la poussière de ses souliers ; et
cette
ville et
cette maison deviendront plus coupables que
Sodome
et
Gomorrhe, parce que
Sodome et
Gomorrhe n'ont entendu qu'une doctrine
extérieure qui ne tombait que sur leurs sens corruptibles, et
qui ayant été méprisée de leur part, a fait
tomber la colère du Seigneur sur leurs
corps et sur leurs demeures
terrestres, au lieu que le
disciple dont nous parlons portera à
cette
ville et à cette
maison, la doctrine du nouvel
homme qui frappera sur les fondements mêmes les plus intérieurs
de leur être, et qui, si elle vient à en être dédaignée,
doit leur attirer les fléaux les plus effrayants, et les punitions
les plus cuisantes.
L'
esprit qui envoie ainsi le nouvel homme dans
sa propre terre le préviendra qu'il l'envoie comme une brebis
au milieu des
loups, en lui recommandant d'être prudent comme le
serpent,
et simple comme la
colombe. Il le préviendra de toutes les résistances
qu'il éprouvera de la part des
hommes, c'est-à-dire
des nations
impies et incrédules qui habitent dans le royaume
de ce nouvel homme. Il lui dira :
Ces nations vous feront comparaître
dans leurs assemblées, ils vous feront fouetter dans leurs synagogues,
et vous serez présentés à cause de moi aux gouverneurs
et aux rois pour me rendre témoignage devant eux, et devant les
Gentils. Lors donc que l'on vous mettra entre leurs mains, ne vous mettez
point en peine comment vous leur parlerez, ni de ce que vous leur direz
; ce que vous leur devez dire vous sera donné à l'heure
même car ce n'est pas vous qui parlez, mais l'esprit de votre père
qui parle en vous… Vous serez haïs de tous à cause de mon
nom…
Tel sera le sort du nouvel homme lorsqu'il parcourra
les diverses régions de son être, parce qu'il trouvera partout
en lui des
hommes d'iniquité qui le repousseront, qui
chercheront à le faire tomber en confusion ; mais l'
esprit du
Seigneur sera avec le nouvel homme ; et il sentira naître en lui les
réponses qu'il aura à faire pour le triomphe de celui
qui l'aura envoyé, car le nouvel homme ne viendra de la part
de l'
esprit que pour en combattre les
ennemis.
Tous les hommes peuvent faire cette observation
sur eux-mêmes, étant bien sûrs qu'avec du soin et de l'attention,
ils entendraient toutes les réponses qu'ils auraient à
faire dans toutes les circonstances s'ils étaient plus dans l'habitude
de scruter, et de profiter des lumières du nouvel homme ; et
à l'imitation des
disciples du Réparateur, ils pourraient
compter que
si, étant persécutés dans une ville,
ils se retiraient dans une autre, ils n'auraient pas achevé de
parcourir toutes les villes d'Israël que le fils de l'homme ne fût venu,
c'est-à-dire qu'ils n'auraient pas parcouru ainsi toutes les
maisons de l'homme que le nouvel homme ne se fit connaître en eux, et
ne les récompensât par sa venue de toutes les humiliations qu'ils
auraient souffertes.
Car
il n'y a rien de caché qui ne doive
être découvert, ni de secret qui ne doive être connu ; espoir
le plus consolant que l'homme puisse attendre ici-bas, puisqu'avec les
notions qu'il peut avoir déjà acquises par tout ce qui
a précédé, il connaît les immenses trésors
renfermés en lui, et doit être tout ému d'admiration en
présumant ce qu'il sera un
jour, lorsque se seront faites toutes
les révélations de toutes les merveilles qui sont encore
scellées dans son sein, et qui le rendront resplendissant comme
la lumière, actif comme le
feu, et pur comme la vérité.
Cependant ces merveilles qui seront un
jour découvertes
dans l'homme ne sont encore que les images et les représentations
de celles qui paraîtront à ses yeux, lorsque le souverain être,
dont il est la ressemblance, aura découvert tout ce qui est caché
de lui pour nous, soit dans les diverses enveloppes du temps, soit au-delà
de cette borne universelle qui met un voile si épais entre nos
yeux spirituels, et le royaume de la lumière.
C'est donc ici où nous pouvons nous remplir
d'une espérance qui devrait nous faire tressaillir de joie, en
lisant ces douces paroles qu'il n'y a rien de
caché dans
l'univers, dans l'homme et dans
Dieu,
qui ne doive être découvert
rien de secret dans l'universalité entière qui ne doive
nous être connu ; homme de paix, homme de désir, nouvel homme,
si vous ne trouvez pas là de puissants encouragements, et comme
autant d'immenses véhicules pour vous soutenir et vous faire
avancer dans la carrière, vous n'êtes pas dignes d'y avoir mis
le pied.
Faites donc ce qui fut recommandé aux
disciples
du Réparateur. "Dites-vous donc à vous-mêmes dans la lumière
de ce qui vous a été dit dans l'obscurité, prêchez
en vous sur le haut des maisons ce qui vous aura été dit
à l'oreille. Ne craignez point ceux qui tuent le
corps et qui
ne peuvent tuer l'
âme, mais celui qui peut perdre dans l'enfer et le
corps et l'
âme ; il ne tombe pas un passereau sur la terre, sans la
volonté de votre père. Les
cheveux mêmes de votre tête
sont tous comptés."
Que votre passion la plus active soit d'avancer
ainsi le lumière dans tout votre être, afin que ce qui est encore
caché en vous soit découvert, et que par vous ensuite
se découvre et se manifeste ce qui est caché dans
Dieu
et dans l'univers ; parce qu'il est écrit :
quiconque me confessera
et me reconnaîtra devant les hommes (à commencer par tout
ce qui dans votre intérieur),
je le reconnaîtrai aussi devant
mon père qui est dans le ciel ; et quiconque me renoncera devant
les hommes, je le renoncerai aussi devant mon père qui est dans
le ciel. Songez que ce père et ce
ciel sont en vous, et que
chaque
jour de votre vie, ces paroles peuvent avoir pour vous leur accomplissement.
Prenez donc garde de faiblir dans votre uvre, par la lâcheté,
par des considérations inférieures, ou par le défaut
de confiance en celui que vous devez reconnaître dans tous les points
des facultés qui vous constituent. Il est dit :
Celui qui
ne prend pas sa croix, et ne me suit pas, n'est pas digne de moi, celui
qui conserve sa vie la perdra, et celui qui perd sa vie pour l'amour
de moi la conservera ; parce que les peines, les travaux, et les
afflictions, sont cette violente compression par laquelle seule se peut
exprimer de toutes parts la substance divine qui est en vous, et qui
n'en peut sortir et se faire connaître que par une salutaire contraction.
C'est par là aussi que s'expriment de vous
les substances fausses qui voilent et resserrent cette même substance
divine depuis le péché, et voilà comment se prépare
le
jugement que vous prononcerez un
jour parmi votre peuple sur les
justes, et sur les injustes; sur les bons et sur les méchants.
Car vous savez qu'il est écrit : "Celui qui vous reçoit me reçoit
; et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé. Celui
qui reçoit le prophète, en qualité de prophète,
recevra la récompense du prophète, et celui qui reçoit
le juste, en qualité de juste, recevra la récompense du
juste : et quiconque donnera seulement à boire un verre d'
eau
froide à l'un de ces plus petits comme étant de mes
disciples,
je vous dis en vérité qu'il ne sera point privé
de sa récompense."
Voilà les instructions que vous devez répandre
avec abondance parmi votre peuple, afin que le nouvel homme soit honoré
comme il doit l'être, et qu'il puisse communiquer la vie qu'il a reçue
à tous ceux à qui il est envoyé pour les
délivrer des ténèbres et de l'esclavage de la mort,
car si quelqu'un rougit de lui et de ses paroles, le nouvel homme
rougira aussi de lui, lorsqu'il viendra dans sa gloire, dans celle de
son père et des saints anges.
41.
Il se trouvera peut-être en vous quelques êtres
de désir qui, comme saint Jean, ayant appris dans sa
prison
les uvres que vous faites, enverra vous demander si vous êtes
celui qui doit venir en vous, où si l'on doit en attendre un
autre ; vous leur répondrez donc comme le Réparateur répondit
à saint Jean : "Allez dire à Jean ce que vous entendez,
et ce que vous voyez. Les aveugles voient, les
boiteux marchent, les
lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent,
l'
Evangile est annoncé aux pauvres, et heureux celui qui ne prendra
point de moi un sujet de scandale et de chute !" Mais vous direz à
votre tour en parlant à cet être de désir qui sera envoyé
vers vous : "Qu'êtes-vous allé voir dans le désert? Un
roseau agité par le vent ? Un homme vêtu avec luxe et avec mollesse
? Un prophète ? Oui, certes, je vous le dis et plus qu'un prophète,
car c'est de lui qu'il a été écrit, j'envoie devant
vous mon
ange qui vous préparera la voie ; je vous le dis en
vérité qu'entre tous ceux qui sont nés des femmes,
il n'y en a point de plus grand que Jean-Baptiste, mais celui qui est
le plus petit dans le royaume du
ciel est plus grand que lui."
Oui, vous pourrez dire : voilà cet ami fidèle
qui ne m'a point quitté dans ma détresse et dans ma douleur,
et qui a été mis en prison à cause de moi ; voilà
celui dont le
baptême spirituel et physique m'a rendu un nouvel homme,
voilà le précurseur
qui a crié dans le désert
à tout mon peuple : rendez droites les voies du Seigneur.
Il est plus qu'un prophète, puisque les prophètes n'ont
annoncé la lumière que sous des voiles et des images qui
n'en étaient que comme des ombres, au lieu qu'il a montré
et indiqué lui-même cette lumière, et l'a fait
toucher
au doigt, comme saint Jean découvrit au monde le Réparateur,
lorsqu'il dit en le
voyant venir :
Voici l'agneau de Dieu. Voici
celui qui ôte les péchés du monde. Il est plus qu'un
prophète en ce que, comme saint Jean, c'est par sa bouche qu'a
passé l'annonce et le signalement du salut des nations.
Voilà pourquoi
entre tous ceux qui sont
nés des femmes ou de la douleur, de la justice, et de la
condamnation aux privations,
il n'y en a point de plus grand que
lui, puisqu'il est venu pour servir de précurseur au règne
de la lumière, et pour vous introduire dans les sentiers de la
vie ; mais l'homme nouveau, c'est-à-dire,
celui qui est le
plus petit dans le royaume du ciel est plus grand que lui, attendu
que cet homme nouveau, au lieu d'être né de la douleur, de la
justice et de la condamnation, est né de la consolation, de l'
amour,
de la
miséricorde, et de la grâce, et qu'au lieu de n'être que
le précurseur de la vie et de la lumière, il vous apporte
lui-même cette vie et cette lumière qu'il a reçues de son père
et dont il a établi l'organe et le dispensateur.
Mais que dire de
ces nations impies au milieu
desquelles cet homme nouveau et son précurseur sont envoyés
? "Elles sont semblables à ces
enfants qui sont assis dans la
place, et qui crient à leurs
compagnons, et leurs disent : nous
avons joué de la flûte pour vous réjouir, et vous n'avez
point dansé ; nous avons chanté des airs lugubres pour
vous exciter à pleurer, et vous n'avez point témoigné
de deuil." Car le précurseur de l'homme nouveau, ou notre fidèle
compagnon est venu dans la douleur, et dans les larmes, comme étant
né des femmes, et les nations
impies ont dit :
Il est possédé
du démon. L'homme nouveau est venu dans la joie et dans la
consolation, comme étant né de l'
esprit, et de l'
amour,
et elles ont dit :
c'est un homme de bonne chère, et qui aime
à boire ; c'est un ami des Publicains, et des gens de mauvaise
vie. Elles ont traité le nouvel homme, et le fidèle
compagnon qui a été son précurseur, comme elles
ont traité le Réparateur, et celui qui marchait devant
lui dans la vertu et l'
esprit d'
Elie, pour préparer les voies
à la
miséricorde.
C'est ainsi qu'elles ont traité les deux
lois, et les deux alliances. La première de ces alliances était
la voie des travaux, des afflictions, et des cérémonies
pénibles et laborieuses, parce qu'elle était la figure
des précurseurs, et comme eux était née des femmes,
puisque ses ministres étaient descendus de la race charnelle
du péché répandu, par la première femme,
sur toute la postérité humaine. La seconde était
l'alliance de la paix, et du repos, puisque celui qui venait l'apporter
sur la terre, était né de son propre
amour, de sa propre
volonté, de sa propre
charité, et venait développer
devant nous, sa
génération éternelle, afin d'élever
notre
esprit, jusqu'à cette sublime et pure région où
cessent toutes les fatigues, et toute la tristesse de l'
esprit.
Mais les nations
impies qui se sont rendues ennemies
de ces deux alliances ont combattu la première ou l'ont négligée,
parce qu'elle imposait des fardeaux trop pesants ; et elles n'ont pas
profité de la seconde, parce que ceux qu'elle leur imposait était
si peu matériels, qu'elles les ont trouvés sans consistance,
faute d'en vouloir considérer le prix, et d'en essaye toute la
valeur ; c'est ainsi que les premiers
prévaricateurs n'ont point
profité de la voie laborieuse de réconciliation qu'ils
auraient trouvée dans le premier homme, avant sa chute, et qu'ils
ont bien moins encore profité des secours qui lui ont été
accordés après son crime. Car, ordinairement une
prévarication
en engendre presque toujours une plus grande ; et la punition que la
justice inflige aux coupables, est de les laisser devenir encore plus
coupables, quand ils ne redoublent pas d'efforts pour rentrer dans les
voies de la vérité, par les voies du repentir, et de la
pénitence, à la
vue des secours qui leur sont envoyés.
Aussi, "malheur à toi, Corozaïn, malheur
à toi,
Bethsaïde, parce que si les miracles qui ont été
faits au milieu de vous avaient été faits dans
Tyr et
dans
Sidon, il y a déjà longtemps qu'elles auraient fait
pénitence dans le sac et dans la
cendre. C'est pourquoi je vous
déclare qu'au
jour du
jugement,
Tyr et
Sidon, seront traitées
moins rigoureusement que vous. Et toi,
Capharnaüm, t'élèveras-tu
toujours jusqu'au
ciel ? Tu seras abaissée jusqu'au fond des
enfers, parce que si les miracles qui ont été faits au
milieu de toi avaient été faits dans
Sodome, elle subsisterait
peut-être encore aujourd'hui ; c'est pourquoi je vous déclare
qu'au
jour du
jugement,
Sodome sera traitée moins rigoureusement
que vous.
Homme, mon
frère, et mon ami, considère
donc les miracles qui ont été faits au milieu de toi,
et tâche d'éviter le
jugement qui menace en toi Corozaïn,
Bethsaïde,
et
Capharnaüm. L'effet de la première
prévarication du
père des humains avait été de plonger toute sa
postérité dans la région du
destin ; ce malheureux
homme avait abandonné sa demeure spacieuse, et libre, où
nulle borne ne contraignait ses voies, et ne pouvait lui donner d'inquiétude
sur son sort. Il l'avait changée pour une demeure gênante, incommode,
assujettie à des lois rigoureuses, et sévères,
enfin pour une demeure si périlleuse qu'il ne peut jamais savoir
qu'elle sera pour lui l'issue du
destin qui la dirige, et qui y commande
avec un effroyable empire. Il s'était livré à une
région où l'apparence le promène sans cesse d'illusions
en illusions, et où des armées de fantômes se succèdent
continuellement devant lui pour lui dérober la
vue de la réalité.
Par là il s'était imposé une loi terrible, celle
de travailler à rentrer, à quelque prix que ce fût, dans
la région de sa
liberté, s'il ne voulait pas courir les
risques de rester dans la région de son esclavage, sans autre
espoir que les ténèbres, et sans autre appui que le pouvoir
aveugle d'un maître féroce et dur, qui ne connaissant pas le
repos, ne peut en laisser à aucun de ceux qui viennent s'établir
dans ses domaines, et se ranger sous ses dominations.
Il faut donc aujourd'hui que le malheureux homme
ne cesse de verser des sueurs de sang pour transmuer cette effroyable
demeure en une demeure de
liberté et de joie, où son sort
n'ait plus les mêmes alarmes à lui causer, ni la même inquiétude
à lui présenter ; mais au contraire où il marche
comme autrefois dans des sentiers sans borne, et qui lui offrent à
tous les pas, les perspectives les plus consolantes. Il faut qu'il transmue
son
corps de mort, en un
corps d'activité, de puissance, et de
domination sur toutes les lois inférieures par lesquelles ce
bas monde est constitué, et maîtrisé ; il faut qu'il transmue
toutes les illusions qui poursuivent ici-bas son cur, et sa pensée,
en autant de signes certains et invariables, qui soient au moins comme
les indices de ces vérités éternelles, dans lesquelles
il avait puisé la naissance, et qu'il n'aurait jamais dû abandonner.
En un mot, si c'est lui-même qui est venu se former un
destin, et se
coucher sous son joug, il faut que ce soit lui-même qui retire sa vie
divine de
dessous le joug de ce
destin, et qui la lui arrache douloureusement
pour la rétablir dans son aisance primitive.
C'est là où la vie suprême, touchée
de sa misère, n'a pu s'empêcher de venir partager ses maux et
ses privations, pour le mettre à même de partager ensuite avec
elle, cette
liberté qu'il avait perdue ; notre fidèle
compagnon est descendu avec nous dans notre abîme, comme le Réparateur
est descendu dans l'abîme universel ; il verse des sueurs de sang avec
nous, pour nous aider à opérer cette transmutation qui
eût été si visiblement au-dessus de nos
forces ; cet ami
fidèle, en travaillant avec tant de constance à notre
régénération, a développé en nous
le nouvel homme qui nous a appris combien nous pouvions devenir terribles
pour nos
ennemis, puisque nous étions la parole et le nom de
Dieu, et qu'il n'y a rien de si terrible que la parole et le nom du
Seigneur (Ps. 110:9).
Il nous a appris que notre
essence qui est le nom
et la parole du Seigneur pouvait communiquer à nos facultés
le droit d'être aussi le nom, et la parole du Seigneur, comme l'Eternel
communique son nom, sa parole, et ses puissances à tous les êtres
émanés de lui, et employés comme les ministres
de ses volontés, et les dispensateurs de ses bienfaits ; et par
là, cet ami fidèle nous apprend que les portes de la vie
sont encore ouvertes pour nous, puisque les portes de la vie sont en
nous. "Je vous rends gloire, mon père, Seigneur du
ciel et de
la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux
savants, et que vous les avez révélées aux simples,
et aux petits. Oui, mon père, cela est ainsi, parce que vous
l'avez voulu. Mon père m'a mis toutes choses entre les mains,
et nul ne connaît le fils que le père, comme nul ne connaît le
père que le fils, et celui à qui le fils aura voulu le
révéler. Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués,
et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. Prenez mon joug sur
vous, et apprenez de moi que je suis doux, et humble de cur, et
vous trouverez le repos de vos
âmes ; car mon joug est doux, et mon
fardeau est léger."
42.
Si le nouvel homme est dépositaire d'aussi
grands privilèges, quel flambeau suivra-t-il pour en communiquer
les
fruits, et pour en donner les témoignages, et les signes
à ceux qui les lui demanderont ? Ce sera le flambeau de l'analogie,
et de la similitude auquel il s'attachera fidèlement ; et comme
il aura le sentiment intime, et invincible de la nature spirituelle
de son être, et de la divinité de la source d'où il a
reçu tout ce qu'il est, et tout ce qu'il possède, il commencera
par observer les interrogateurs qui naîtront en lui.
Si par l'examen qu'il en fera, il les trouve non
seulement chancelants sur ces bases fondamentales, mais encore disposés
à en nier l'existence, et ne s'approchant de lui que par l'
esprit
du doute, et comme pour l'éloigner lui-même des sentiers de sa
foi, et le faire tomber en confusion, il ne leur répondra rien
; ou il leur dira, comme le Réparateur disait aux Juifs qui lui
demandaient des prodiges et des miracles :
Ils n'en auront point
d'autres que celui du prophète Jonas. Parce que ce miracle
est visible dans l'
âme de l'homme qui est ici-bas emprisonné
pendant trois
jours élémentaires, pour n'avoir pas voulu
remplir sa mission auprès des anciens
Ninivites, et que,
par conséquent, l'homme a, en lui-même, un miracle suffisant
pour être inexcusable de n'avoir pas de foi.
Mais si ces interrogateurs qui naîtront en lui,
lui paraissent pleins de la même persuasion que lui ; s'ils viennent
à lui avec une conformité de confiance, et de désir
qui tende à leur avancement spirituel, et à la gloire
de leur commun maître, il n'hésitera pas à leur ouvrir
tous ses trésors, parce qu'il y sera entraîné par le rapport,
et la similitude qui se trouveront entre eux et lui, et en outre, il
aura le vif espoir que ces êtres de désir, s'unissant à
lui, ils obtiendront plus aisément, par leur réunion,
les grâces, et les secours dont ils ont, et auront toujours besoin,
comme n'étant que les serviteurs de
Dieu ; il n'aura, dis-je,
le vif espoir que cette réunion obtiendra plus facilement la
manifestation des puissances divines, et que par là s'accroîtra
le nombre des adorateurs du vrai
Dieu.
L'homme nouveau ne fera en cela que marcher sur
les traces du Réparateur dans toute la conduite qu'il a tenue
envers ceux qui l'ont fréquenté, et sollicité pendant
son séjour sur la
nerre. Car il ne commençait point par se rendre
aux désirs de ceux qui lui demandaient des miracles, mais il
leur demandait :
Croyez-vous que je puisse opérer ce que vous
désirez ? Et quand il s'était assuré de leur
foi, il déployait sa puissance en leur faveur, et ils étaient
guéris ; il en est à qui il n'avait pas besoin de faire
de semblables questions, parce que leur foi se découvrait visiblement
par leur ardeur à s'approcher de lui.
Il en est aussi qui n'avaient pas même besoin de
lui donner semblables démonstrations pour que leur foi lui fût
connue, parce que, comme étant le suprême modèle du nouvel
homme, il lisait plus clairement que lui encore dans leur intérieur,
puisque le premier caractère et le premier droit de l'
esprit
est de lire dans l'
esprit, de communiquer, et de pénétrer
dans tout ce qui est
esprit. Mais il attendait toujours pour développer
les trésors de sa sagesse et de ses pouvoirs, qu'il se fût assuré
de la foi de ceux qui en étaient l'objet, soit par ses questions,
soit par leurs témoignages visibles, soit par sa
vue intime et
pénétrante, trois modes d'éclaircissement qui doivent
également être à la
disposition du nouvel homme, selon
ses proportions et ses mesures, et qui sont tracés d'après
la triple enceinte qui nous environne, puisque nous sommes plus ou moins
élevés dans notre foi, selon que nous sommes liés
à l'une ou l'autre de ces trois enceintes. Mais quand le réparateur
ne trouvait dans ceux qui l'approchaient, aucune espèce de foi,
ni dans leurs réponses à ses questions, ni dans les démonstrations
de leur zèle, ni dans leur intérieur, il les renvoyait
sans les satisfaire, et il fermait soigneusement ses trésors
pour ne pas les exposer à l'insulte et à la profanation.
Ainsi à l'imitation du Réparateur,
le nouvel homme ne s'offensera point des réponses de
Nathanaël,
parce qu'au milieu de sa franchise et de sa sincérité,
il découvrira la droiture de son cur, et la pureté
de la foi de cet Israélite.
Il sera touché des pleurs de
Magdeleine,
et des soins qu'elle prendra d'oindre ses pieds et de les essuyer avec
ses
cheveux, et il lui remettra ses péchés.
Il sera dans l'admiration de la foi du
centenier,
lorsqu'il entendra dire : "Je ne suis pas digne que vous entriez en
ma maison, dites seulement une parole, et mon serviteur sera guéri,
car quoi que je ne sois qu'un homme soumis à d'autres, ayant
néanmoins des soldats sous moi, je dis à l'un : allez
là, et il y va, et à l'autre : venez ici, et il vient,
et à mon serviteur : faites ceci, et il le fait."
Il ne
fermera pas son cur ni ses puissances
à ses
disciples lorsqu'étant sur la mer au milieu d'une
tempête, ils le réveilleront dans leur frayeur, et lui diront
:
maître sauvez-nous. Il se contentera de les
accuser de timidité
et de peu de foi en eux-mêmes, mais il verra par leur demande même
combien ils se reposent sur lui de leur salut, et il commandera alors
aux
éléments de se calmer.
Bien moins encore se refusera-t-il à ceux
qui viendront à lui avec une confiante humilité, et qui
attendront de sa seule approche l'accomplissement de leurs désirs
; "et quand cette femme, qui depuis douze ans a une perte de sang, s'approchera
de lui par derrière, et touchera le bord de son vêtement, en
disant en elle-même : si je puis seulement
toucher son vêtement je serai
guérie ; il se retournera, et la
voyant, il lui dira : ma fille
ayez confiance, votre foi vous a guérie, et cette femme sera
guérie à la même heure."
A plus forte raison exaucera-t-il les demandes
de ceux qui en adresseront, comme ce lépreux qui viendra à
lui en disant :
Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir.
Le nouvel homme étendra la main, le touchera, et lui dira :
Je
le veux, soyez guéri, et sa lèpre sera guérie
au même instant.
Mais ce nouvel homme donnant lui-même l'exemple
de l'humilité rendra même
hommage à la loi temporelle
et aux canaux visibles qui lui auront transmis ses droits et sa puissance
;
puisqu'il est écrit que le salut vient des Juifs...
Aussi au milieu de tous ces prodiges, il dira à ceux qu'il aura
guéris : "Gardez-vous bien de parler de ceci à personne,
mais allez vous montrer au
prêtre, et offrez le don prescrit par Moïse,
afin que cela leur serve de témoignage" ; c'est-à-dire,
rendez
hommage avec moi à la loi, et aux voies de celui de qui
nous tenons tout. Comme le nouvel homme sait que c'est par la foi que
s'entretient et se conserve l'humilité, il sait aussi que c'est
par l'humilité que la foi se conserve et s'entretient, et que
sans ces deux vertus tous les dons de l'
esprit se retirent. C'est pour
cette raison sainte, et de première nécessité,
qu'à l'image du Réparateur il ne se laissera
toucher que
par les désirs qu'il saura être nés de la foi et de l'humilité,
puisqu'il en donnera lui-même le premier exemple, n'ayant obtenu sa
renaissance qu'au prix de cette foi et de cette humilité qu'il
manifeste dans ses uvres les plus glorieuses. Car c'est aussi
pour cette raison que le Réparateur n'a cessé de recommander
la foi et l'humilité dans toutes les instructions qu'il a répandues.
Or, quelle est cette foi tant recommandée
par le Réparateur ? C'est celle qui s'est développée
dans le nouvel homme, c'est celle qui repose sur le sentiment de la
sainteté et de la
force de son être, quand par sa
fidélité
aux mouvements secrets que nous recevons tous, il aura obtenu que la
main bienfaisante de la sagesse vienne le délivrer de ses ténèbres,
et rompre ses chaînes, pour lui faire connaître les régions de
la vie et de la lumière qui sont en lui, et qui étaient
seulement enveloppées de nuages. Mais de même qu'un seul rayon
du
soleil qui perce au travers des nuages suffit pour dissiper l'obscurité,
de même le moindre rayon de notre être qui peut sortir de ses
gouffres
et de ses abîmes est suffisant pour nous éclairer sur l'étendue
de nos possessions, pour découvrir à nos yeux tous les
plans des
ennemis qui sont sans cesse occupés à ravager
notre terre, et pour nous donner la
force de renverser tous leurs
projets. Voilà pourquoi le Réparateur disait à
ses
disciples que
s'ils avaient de la foi gros comme un grain de
sénevé, ils diraient à une montagne de se jeter
dans la mer, et elle s'y jetterait ; ce serait le combat de la vie
contre la mort ; il ne serait donc pas étonnant que la mort eût
tous les désavantages, et que la vie eût tous les triomphes.
C'est en même temps cette persuasion des pouvoirs
de l'homme qui était affligeante pour le Réparateur, quand
il voyait ses
disciples hésiter dans leurs uvres et dans
leur confiance. Que devait-il donc éprouver, quand il trouvait
des hommes ensevelis dans leurs ténèbres au point d'être
les premiers adversaires et les premiers destructeurs de cette persuasion,
et surtout quand ces hommes étaient placés dans la chaire
de l'instruction ? Aussi comment a-t-il traité les
scribes et
les
Pharisiens et les docteurs de la loi !
Si la foi est réellement le nouvel homme,
l'humilité en est réellement la nourriture. Aussi n'est-ce
que dans l'humilité et dans une sainte frayeur que l'on sent
Dieu, que l'on apprend ses secrets et que l'on peut apprendre à
en faire un utile usage ; or, que pouvons-nous faire tant que nous ne
sentons pas
Dieu physiquement en nous? Voilà pourquoi le Réparateur
ne cessait de dire aux Juifs, "qu'il ne pouvait rien faire de lui-même,
qu'il ne jugeait que selon ce qu'il entendait, mais que son
jugement
était juste, parce qu'il ne recherchait pas sa volonté
propre, mais la volonté de son père qui l'a envoyé."
Voilà pourquoi aussi il ne cessait de leur donner les raisons
de leur peu de foi, en leur reprochant qu'ils ne s'appuyaient point
sur les véritables témoignages, et qu'ils tiraient toute
leur gloire des hommes ;
comment pourriez-vous croire, vous qui recherchez
la gloire que vous vous donnez les uns aux autres, et qui ne recherchez
point la gloire qui vient de Dieu seul ? (Jean 5:44).