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Le Nouvel Homme

Louis-Claude Saint-Martin
© France-Spiritualités™






Colombe


40.

      Voici le moment où le nouvel homme à l'instar des disciples du Réparateur, va aller prêcher dans les villes et dans les villages d'Israël qui est la terre de l'homme ; voici le moment où au nom de l'esprit, il pourra retracer l'élection de douze disciples, en développant en lui les dons qui brillèrent dans les douze envoyés par le Réparateur. Il offrira, en lui-même, un reflet de cette élection, en raison du pouvoir secret, et de l'opération continue quoiqu'invisible d'une ancienne loi qui a établi primitivement douze canaux pour la communication de la lumière, de l'ordre, et de la mesure parmi les nations ; loi à laquelle tous les dispensateurs des lois divines ont été fidèles, et qui a été observée dans tous les temps, même de la part des simples sectateurs des sciences élémentaires qui ont universellement consacré douze signes dans les régions du firmament matériel.

      Il n'ira point porter les fruits de cette élection aux Gentils, ni dans les villes des Samaritains, parce que ces nations sont les représentants figuratifs des peuples réservés pour le jugement ; mais il ira plutôt vers les brebis perdues de la Maison d'Israël ; vers les régions qui autour de lui ont été troublées et égarées par les influences du crime, mais qui n'ont point encore fermé leur cœur à la pénitence ; et il dira à ces nations pour les encourager, que le royaume du ciel est proche ; il rendra au milieu d'elles par ses larmes, par ses prières, et par ses efforts la santé aux malades, la vie aux morts, la liberté à ceux qui seront dans les chaînes du démon ; il n'épargnera rien pour remplir toute sa terre de l'abondance de ses œuvres.

      Lorsqu'il entrera dans quelque ville, ou dans quelque village, de la terre de l'homme, il y cherchera quelqu'un qui soit digne de le loger, et il demeurera chez lui jusqu'à ce qu'il soit dans le cas de s'en aller. En entrant dans une maison, il la saluera en disant : que la paix soit dans cette maison. Si cette maison en est digne, la paix viendra sur elle, et si elle n'en est pas digne, la paix retournera à lui ; parce que la paix ne Peut se confondre avec les nations qui n'en sont pas dignes.

      Mais lorsque le nouvel homme trouvera en soi quelque maison ou quelque ville qui ne veuille point le recevoir, ni écouter ses paroles, il secouera en sortant de cette ville ou de cette maison la poussière de ses souliers ; et cette ville et cette maison deviendront plus coupables que Sodome et Gomorrhe, parce que Sodome et Gomorrhe n'ont entendu qu'une doctrine extérieure qui ne tombait que sur leurs sens corruptibles, et qui ayant été méprisée de leur part, a fait tomber la colère du Seigneur sur leurs corps et sur leurs demeures terrestres, au lieu que le disciple dont nous parlons portera à cette ville et à cette maison, la doctrine du nouvel homme qui frappera sur les fondements mêmes les plus intérieurs de leur être, et qui, si elle vient à en être dédaignée, doit leur attirer les fléaux les plus effrayants, et les punitions les plus cuisantes.

      L'esprit qui envoie ainsi le nouvel homme dans sa propre terre le préviendra qu'il l'envoie comme une brebis au milieu des loups, en lui recommandant d'être prudent comme le serpent, et simple comme la colombe. Il le préviendra de toutes les résistances qu'il éprouvera de la part des hommes, c'est-à-dire des nations impies et incrédules qui habitent dans le royaume de ce nouvel homme. Il lui dira : Ces nations vous feront comparaître dans leurs assemblées, ils vous feront fouetter dans leurs synagogues, et vous serez présentés à cause de moi aux gouverneurs et aux rois pour me rendre témoignage devant eux, et devant les Gentils. Lors donc que l'on vous mettra entre leurs mains, ne vous mettez point en peine comment vous leur parlerez, ni de ce que vous leur direz ; ce que vous leur devez dire vous sera donné à l'heure même car ce n'est pas vous qui parlez, mais l'esprit de votre père qui parle en vous… Vous serez haïs de tous à cause de mon nom…

      Tel sera le sort du nouvel homme lorsqu'il parcourra les diverses régions de son être, parce qu'il trouvera partout en lui des hommes d'iniquité qui le repousseront, qui chercheront à le faire tomber en confusion ; mais l'esprit du Seigneur sera avec le nouvel homme ; et il sentira naître en lui les réponses qu'il aura à faire pour le triomphe de celui qui l'aura envoyé, car le nouvel homme ne viendra de la part de l'esprit que pour en combattre les ennemis.

      Tous les hommes peuvent faire cette observation sur eux-mêmes, étant bien sûrs qu'avec du soin et de l'attention, ils entendraient toutes les réponses qu'ils auraient à faire dans toutes les circonstances s'ils étaient plus dans l'habitude de scruter, et de profiter des lumières du nouvel homme ; et à l'imitation des disciples du Réparateur, ils pourraient compter que si, étant persécutés dans une ville, ils se retiraient dans une autre, ils n'auraient pas achevé de parcourir toutes les villes d'Israël que le fils de l'homme ne fût venu, c'est-à-dire qu'ils n'auraient pas parcouru ainsi toutes les maisons de l'homme que le nouvel homme ne se fit connaître en eux, et ne les récompensât par sa venue de toutes les humiliations qu'ils auraient souffertes.

      Car il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu ; espoir le plus consolant que l'homme puisse attendre ici-bas, puisqu'avec les notions qu'il peut avoir déjà acquises par tout ce qui a précédé, il connaît les immenses trésors renfermés en lui, et doit être tout ému d'admiration en présumant ce qu'il sera un jour, lorsque se seront faites toutes les révélations de toutes les merveilles qui sont encore scellées dans son sein, et qui le rendront resplendissant comme la lumière, actif comme le feu, et pur comme la vérité.

      Cependant ces merveilles qui seront un jour découvertes dans l'homme ne sont encore que les images et les représentations de celles qui paraîtront à ses yeux, lorsque le souverain être, dont il est la ressemblance, aura découvert tout ce qui est caché de lui pour nous, soit dans les diverses enveloppes du temps, soit au-delà de cette borne universelle qui met un voile si épais entre nos yeux spirituels, et le royaume de la lumière.

      C'est donc ici où nous pouvons nous remplir d'une espérance qui devrait nous faire tressaillir de joie, en lisant ces douces paroles qu'il n'y a rien de caché dans l'univers, dans l'homme et dans Dieu, qui ne doive être découvert rien de secret dans l'universalité entière qui ne doive nous être connu ; homme de paix, homme de désir, nouvel homme, si vous ne trouvez pas là de puissants encouragements, et comme autant d'immenses véhicules pour vous soutenir et vous faire avancer dans la carrière, vous n'êtes pas dignes d'y avoir mis le pied.

      Faites donc ce qui fut recommandé aux disciples du Réparateur. "Dites-vous donc à vous-mêmes dans la lumière de ce qui vous a été dit dans l'obscurité, prêchez en vous sur le haut des maisons ce qui vous aura été dit à l'oreille. Ne craignez point ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l'âme, mais celui qui peut perdre dans l'enfer et le corps et l'âme ; il ne tombe pas un passereau sur la terre, sans la volonté de votre père. Les cheveux mêmes de votre tête sont tous comptés."

      Que votre passion la plus active soit d'avancer ainsi le lumière dans tout votre être, afin que ce qui est encore caché en vous soit découvert, et que par vous ensuite se découvre et se manifeste ce qui est caché dans Dieu et dans l'univers ; parce qu'il est écrit : quiconque me confessera et me reconnaîtra devant les hommes (à commencer par tout ce qui dans votre intérieur), je le reconnaîtrai aussi devant mon père qui est dans le ciel ; et quiconque me renoncera devant les hommes, je le renoncerai aussi devant mon père qui est dans le ciel. Songez que ce père et ce ciel sont en vous, et que chaque jour de votre vie, ces paroles peuvent avoir pour vous leur accomplissement. Prenez donc garde de faiblir dans votre œuvre, par la lâcheté, par des considérations inférieures, ou par le défaut de confiance en celui que vous devez reconnaître dans tous les points des facultés qui vous constituent. Il est dit : Celui qui ne prend pas sa croix, et ne me suit pas, n'est pas digne de moi, celui qui conserve sa vie la perdra, et celui qui perd sa vie pour l'amour de moi la conservera ; parce que les peines, les travaux, et les afflictions, sont cette violente compression par laquelle seule se peut exprimer de toutes parts la substance divine qui est en vous, et qui n'en peut sortir et se faire connaître que par une salutaire contraction.

      C'est par là aussi que s'expriment de vous les substances fausses qui voilent et resserrent cette même substance divine depuis le péché, et voilà comment se prépare le jugement que vous prononcerez un jour parmi votre peuple sur les justes, et sur les injustes; sur les bons et sur les méchants. Car vous savez qu'il est écrit : "Celui qui vous reçoit me reçoit ; et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé. Celui qui reçoit le prophète, en qualité de prophète, recevra la récompense du prophète, et celui qui reçoit le juste, en qualité de juste, recevra la récompense du juste : et quiconque donnera seulement à boire un verre d'eau froide à l'un de ces plus petits comme étant de mes disciples, je vous dis en vérité qu'il ne sera point privé de sa récompense."

      Voilà les instructions que vous devez répandre avec abondance parmi votre peuple, afin que le nouvel homme soit honoré comme il doit l'être, et qu'il puisse communiquer la vie qu'il a reçue à tous ceux à qui il est envoyé pour les délivrer des ténèbres et de l'esclavage de la mort, car si quelqu'un rougit de lui et de ses paroles, le nouvel homme rougira aussi de lui, lorsqu'il viendra dans sa gloire, dans celle de son père et des saints anges.


41.

      Il se trouvera peut-être en vous quelques êtres de désir qui, comme saint Jean, ayant appris dans sa prison les œuvres que vous faites, enverra vous demander si vous êtes celui qui doit venir en vous, où si l'on doit en attendre un autre ; vous leur répondrez donc comme le Réparateur répondit à saint Jean : "Allez dire à Jean ce que vous entendez, et ce que vous voyez. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, l'Evangile est annoncé aux pauvres, et heureux celui qui ne prendra point de moi un sujet de scandale et de chute !" Mais vous direz à votre tour en parlant à cet être de désir qui sera envoyé vers vous : "Qu'êtes-vous allé voir dans le désert? Un roseau agité par le vent ? Un homme vêtu avec luxe et avec mollesse ? Un prophète ? Oui, certes, je vous le dis et plus qu'un prophète, car c'est de lui qu'il a été écrit, j'envoie devant vous mon ange qui vous préparera la voie ; je vous le dis en vérité qu'entre tous ceux qui sont nés des femmes, il n'y en a point de plus grand que Jean-Baptiste, mais celui qui est le plus petit dans le royaume du ciel est plus grand que lui."

      Oui, vous pourrez dire : voilà cet ami fidèle qui ne m'a point quitté dans ma détresse et dans ma douleur, et qui a été mis en prison à cause de moi ; voilà celui dont le baptême spirituel et physique m'a rendu un nouvel homme, voilà le précurseur qui a crié dans le désert à tout mon peuple : rendez droites les voies du Seigneur. Il est plus qu'un prophète, puisque les prophètes n'ont annoncé la lumière que sous des voiles et des images qui n'en étaient que comme des ombres, au lieu qu'il a montré et indiqué lui-même cette lumière, et l'a fait toucher au doigt, comme saint Jean découvrit au monde le Réparateur, lorsqu'il dit en le voyant venir : Voici l'agneau de Dieu. Voici celui qui ôte les péchés du monde. Il est plus qu'un prophète en ce que, comme saint Jean, c'est par sa bouche qu'a passé l'annonce et le signalement du salut des nations.

      Voilà pourquoi entre tous ceux qui sont nés des femmes ou de la douleur, de la justice, et de la condamnation aux privations, il n'y en a point de plus grand que lui, puisqu'il est venu pour servir de précurseur au règne de la lumière, et pour vous introduire dans les sentiers de la vie ; mais l'homme nouveau, c'est-à-dire, celui qui est le plus petit dans le royaume du ciel est plus grand que lui, attendu que cet homme nouveau, au lieu d'être né de la douleur, de la justice et de la condamnation, est né de la consolation, de l'amour, de la miséricorde, et de la grâce, et qu'au lieu de n'être que le précurseur de la vie et de la lumière, il vous apporte lui-même cette vie et cette lumière qu'il a reçues de son père et dont il a établi l'organe et le dispensateur.

      Mais que dire de ces nations impies au milieu desquelles cet homme nouveau et son précurseur sont envoyés ? "Elles sont semblables à ces enfants qui sont assis dans la place, et qui crient à leurs compagnons, et leurs disent : nous avons joué de la flûte pour vous réjouir, et vous n'avez point dansé ; nous avons chanté des airs lugubres pour vous exciter à pleurer, et vous n'avez point témoigné de deuil." Car le précurseur de l'homme nouveau, ou notre fidèle compagnon est venu dans la douleur, et dans les larmes, comme étant né des femmes, et les nations impies ont dit : Il est possédé du démon. L'homme nouveau est venu dans la joie et dans la consolation, comme étant né de l'esprit, et de l'amour, et elles ont dit : c'est un homme de bonne chère, et qui aime à boire ; c'est un ami des Publicains, et des gens de mauvaise vie. Elles ont traité le nouvel homme, et le fidèle compagnon qui a été son précurseur, comme elles ont traité le Réparateur, et celui qui marchait devant lui dans la vertu et l'esprit d'Elie, pour préparer les voies à la miséricorde.

      C'est ainsi qu'elles ont traité les deux lois, et les deux alliances. La première de ces alliances était la voie des travaux, des afflictions, et des cérémonies pénibles et laborieuses, parce qu'elle était la figure des précurseurs, et comme eux était née des femmes, puisque ses ministres étaient descendus de la race charnelle du péché répandu, par la première femme, sur toute la postérité humaine. La seconde était l'alliance de la paix, et du repos, puisque celui qui venait l'apporter sur la terre, était né de son propre amour, de sa propre volonté, de sa propre charité, et venait développer devant nous, sa génération éternelle, afin d'élever notre esprit, jusqu'à cette sublime et pure région où cessent toutes les fatigues, et toute la tristesse de l'esprit.

      Mais les nations impies qui se sont rendues ennemies de ces deux alliances ont combattu la première ou l'ont négligée, parce qu'elle imposait des fardeaux trop pesants ; et elles n'ont pas profité de la seconde, parce que ceux qu'elle leur imposait était si peu matériels, qu'elles les ont trouvés sans consistance, faute d'en vouloir considérer le prix, et d'en essaye toute la valeur ; c'est ainsi que les premiers prévaricateurs n'ont point profité de la voie laborieuse de réconciliation qu'ils auraient trouvée dans le premier homme, avant sa chute, et qu'ils ont bien moins encore profité des secours qui lui ont été accordés après son crime. Car, ordinairement une prévarication en engendre presque toujours une plus grande ; et la punition que la justice inflige aux coupables, est de les laisser devenir encore plus coupables, quand ils ne redoublent pas d'efforts pour rentrer dans les voies de la vérité, par les voies du repentir, et de la pénitence, à la vue des secours qui leur sont envoyés.

      Aussi, "malheur à toi, Corozaïn, malheur à toi, Bethsaïde, parce que si les miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, il y a déjà longtemps qu'elles auraient fait pénitence dans le sac et dans la cendre. C'est pourquoi je vous déclare qu'au jour du jugement, Tyr et Sidon, seront traitées moins rigoureusement que vous. Et toi, Capharnaüm, t'élèveras-tu toujours jusqu'au ciel ? Tu seras abaissée jusqu'au fond des enfers, parce que si les miracles qui ont été faits au milieu de toi avaient été faits dans Sodome, elle subsisterait peut-être encore aujourd'hui ; c'est pourquoi je vous déclare qu'au jour du jugement, Sodome sera traitée moins rigoureusement que vous.

      Homme, mon frère, et mon ami, considère donc les miracles qui ont été faits au milieu de toi, et tâche d'éviter le jugement qui menace en toi Corozaïn, Bethsaïde, et Capharnaüm. L'effet de la première prévarication du père des humains avait été de plonger toute sa postérité dans la région du destin ; ce malheureux homme avait abandonné sa demeure spacieuse, et libre, où nulle borne ne contraignait ses voies, et ne pouvait lui donner d'inquiétude sur son sort. Il l'avait changée pour une demeure gênante, incommode, assujettie à des lois rigoureuses, et sévères, enfin pour une demeure si périlleuse qu'il ne peut jamais savoir qu'elle sera pour lui l'issue du destin qui la dirige, et qui y commande avec un effroyable empire. Il s'était livré à une région où l'apparence le promène sans cesse d'illusions en illusions, et où des armées de fantômes se succèdent continuellement devant lui pour lui dérober la vue de la réalité. Par là il s'était imposé une loi terrible, celle de travailler à rentrer, à quelque prix que ce fût, dans la région de sa liberté, s'il ne voulait pas courir les risques de rester dans la région de son esclavage, sans autre espoir que les ténèbres, et sans autre appui que le pouvoir aveugle d'un maître féroce et dur, qui ne connaissant pas le repos, ne peut en laisser à aucun de ceux qui viennent s'établir dans ses domaines, et se ranger sous ses dominations.

      Il faut donc aujourd'hui que le malheureux homme ne cesse de verser des sueurs de sang pour transmuer cette effroyable demeure en une demeure de liberté et de joie, où son sort n'ait plus les mêmes alarmes à lui causer, ni la même inquiétude à lui présenter ; mais au contraire où il marche comme autrefois dans des sentiers sans borne, et qui lui offrent à tous les pas, les perspectives les plus consolantes. Il faut qu'il transmue son corps de mort, en un corps d'activité, de puissance, et de domination sur toutes les lois inférieures par lesquelles ce bas monde est constitué, et maîtrisé ; il faut qu'il transmue toutes les illusions qui poursuivent ici-bas son cœur, et sa pensée, en autant de signes certains et invariables, qui soient au moins comme les indices de ces vérités éternelles, dans lesquelles il avait puisé la naissance, et qu'il n'aurait jamais dû abandonner. En un mot, si c'est lui-même qui est venu se former un destin, et se coucher sous son joug, il faut que ce soit lui-même qui retire sa vie divine de dessous le joug de ce destin, et qui la lui arrache douloureusement pour la rétablir dans son aisance primitive.

      C'est là où la vie suprême, touchée de sa misère, n'a pu s'empêcher de venir partager ses maux et ses privations, pour le mettre à même de partager ensuite avec elle, cette liberté qu'il avait perdue ; notre fidèle compagnon est descendu avec nous dans notre abîme, comme le Réparateur est descendu dans l'abîme universel ; il verse des sueurs de sang avec nous, pour nous aider à opérer cette transmutation qui eût été si visiblement au-dessus de nos forces ; cet ami fidèle, en travaillant avec tant de constance à notre régénération, a développé en nous le nouvel homme qui nous a appris combien nous pouvions devenir terribles pour nos ennemis, puisque nous étions la parole et le nom de Dieu, et qu'il n'y a rien de si terrible que la parole et le nom du Seigneur (Ps. 110:9).

      Il nous a appris que notre essence qui est le nom et la parole du Seigneur pouvait communiquer à nos facultés le droit d'être aussi le nom, et la parole du Seigneur, comme l'Eternel communique son nom, sa parole, et ses puissances à tous les êtres émanés de lui, et employés comme les ministres de ses volontés, et les dispensateurs de ses bienfaits ; et par là, cet ami fidèle nous apprend que les portes de la vie sont encore ouvertes pour nous, puisque les portes de la vie sont en nous. "Je vous rends gloire, mon père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux savants, et que vous les avez révélées aux simples, et aux petits. Oui, mon père, cela est ainsi, parce que vous l'avez voulu. Mon père m'a mis toutes choses entre les mains, et nul ne connaît le fils que le père, comme nul ne connaît le père que le fils, et celui à qui le fils aura voulu le révéler. Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués, et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi que je suis doux, et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes ; car mon joug est doux, et mon fardeau est léger."


42.

      Si le nouvel homme est dépositaire d'aussi grands privilèges, quel flambeau suivra-t-il pour en communiquer les fruits, et pour en donner les témoignages, et les signes à ceux qui les lui demanderont ? Ce sera le flambeau de l'analogie, et de la similitude auquel il s'attachera fidèlement ; et comme il aura le sentiment intime, et invincible de la nature spirituelle de son être, et de la divinité de la source d'où il a reçu tout ce qu'il est, et tout ce qu'il possède, il commencera par observer les interrogateurs qui naîtront en lui.

      Si par l'examen qu'il en fera, il les trouve non seulement chancelants sur ces bases fondamentales, mais encore disposés à en nier l'existence, et ne s'approchant de lui que par l'esprit du doute, et comme pour l'éloigner lui-même des sentiers de sa foi, et le faire tomber en confusion, il ne leur répondra rien ; ou il leur dira, comme le Réparateur disait aux Juifs qui lui demandaient des prodiges et des miracles : Ils n'en auront point d'autres que celui du prophète Jonas. Parce que ce miracle est visible dans l'âme de l'homme qui est ici-bas emprisonné pendant trois jours élémentaires, pour n'avoir pas voulu remplir sa mission auprès des anciens Ninivites, et que, par conséquent, l'homme a, en lui-même, un miracle suffisant pour être inexcusable de n'avoir pas de foi.

      Mais si ces interrogateurs qui naîtront en lui, lui paraissent pleins de la même persuasion que lui ; s'ils viennent à lui avec une conformité de confiance, et de désir qui tende à leur avancement spirituel, et à la gloire de leur commun maître, il n'hésitera pas à leur ouvrir tous ses trésors, parce qu'il y sera entraîné par le rapport, et la similitude qui se trouveront entre eux et lui, et en outre, il aura le vif espoir que ces êtres de désir, s'unissant à lui, ils obtiendront plus aisément, par leur réunion, les grâces, et les secours dont ils ont, et auront toujours besoin, comme n'étant que les serviteurs de Dieu ; il n'aura, dis-je, le vif espoir que cette réunion obtiendra plus facilement la manifestation des puissances divines, et que par là s'accroîtra le nombre des adorateurs du vrai Dieu.

      L'homme nouveau ne fera en cela que marcher sur les traces du Réparateur dans toute la conduite qu'il a tenue envers ceux qui l'ont fréquenté, et sollicité pendant son séjour sur la nerre. Car il ne commençait point par se rendre aux désirs de ceux qui lui demandaient des miracles, mais il leur demandait : Croyez-vous que je puisse opérer ce que vous désirez ? Et quand il s'était assuré de leur foi, il déployait sa puissance en leur faveur, et ils étaient guéris ; il en est à qui il n'avait pas besoin de faire de semblables questions, parce que leur foi se découvrait visiblement par leur ardeur à s'approcher de lui.

      Il en est aussi qui n'avaient pas même besoin de lui donner semblables démonstrations pour que leur foi lui fût connue, parce que, comme étant le suprême modèle du nouvel homme, il lisait plus clairement que lui encore dans leur intérieur, puisque le premier caractère et le premier droit de l'esprit est de lire dans l'esprit, de communiquer, et de pénétrer dans tout ce qui est esprit. Mais il attendait toujours pour développer les trésors de sa sagesse et de ses pouvoirs, qu'il se fût assuré de la foi de ceux qui en étaient l'objet, soit par ses questions, soit par leurs témoignages visibles, soit par sa vue intime et pénétrante, trois modes d'éclaircissement qui doivent également être à la disposition du nouvel homme, selon ses proportions et ses mesures, et qui sont tracés d'après la triple enceinte qui nous environne, puisque nous sommes plus ou moins élevés dans notre foi, selon que nous sommes liés à l'une ou l'autre de ces trois enceintes. Mais quand le réparateur ne trouvait dans ceux qui l'approchaient, aucune espèce de foi, ni dans leurs réponses à ses questions, ni dans les démonstrations de leur zèle, ni dans leur intérieur, il les renvoyait sans les satisfaire, et il fermait soigneusement ses trésors pour ne pas les exposer à l'insulte et à la profanation.

      Ainsi à l'imitation du Réparateur, le nouvel homme ne s'offensera point des réponses de Nathanaël, parce qu'au milieu de sa franchise et de sa sincérité, il découvrira la droiture de son cœur, et la pureté de la foi de cet Israélite.

      Il sera touché des pleurs de Magdeleine, et des soins qu'elle prendra d'oindre ses pieds et de les essuyer avec ses cheveux, et il lui remettra ses péchés.

      Il sera dans l'admiration de la foi du centenier, lorsqu'il entendra dire : "Je ne suis pas digne que vous entriez en ma maison, dites seulement une parole, et mon serviteur sera guéri, car quoi que je ne sois qu'un homme soumis à d'autres, ayant néanmoins des soldats sous moi, je dis à l'un : allez là, et il y va, et à l'autre : venez ici, et il vient, et à mon serviteur : faites ceci, et il le fait."

      Il ne fermera pas son cœur ni ses puissances à ses disciples lorsqu'étant sur la mer au milieu d'une tempête, ils le réveilleront dans leur frayeur, et lui diront : maître sauvez-nous. Il se contentera de les accuser de timidité et de peu de foi en eux-mêmes, mais il verra par leur demande même combien ils se reposent sur lui de leur salut, et il commandera alors aux éléments de se calmer.

      Bien moins encore se refusera-t-il à ceux qui viendront à lui avec une confiante humilité, et qui attendront de sa seule approche l'accomplissement de leurs désirs ; "et quand cette femme, qui depuis douze ans a une perte de sang, s'approchera de lui par derrière, et touchera le bord de son vêtement, en disant en elle-même : si je puis seulement toucher son vêtement je serai guérie ; il se retournera, et la voyant, il lui dira : ma fille ayez confiance, votre foi vous a guérie, et cette femme sera guérie à la même heure."

      A plus forte raison exaucera-t-il les demandes de ceux qui en adresseront, comme ce lépreux qui viendra à lui en disant : Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir. Le nouvel homme étendra la main, le touchera, et lui dira : Je le veux, soyez guéri, et sa lèpre sera guérie au même instant.

      Mais ce nouvel homme donnant lui-même l'exemple de l'humilité rendra même hommage à la loi temporelle et aux canaux visibles qui lui auront transmis ses droits et sa puissance ; puisqu'il est écrit que le salut vient des Juifs... Aussi au milieu de tous ces prodiges, il dira à ceux qu'il aura guéris : "Gardez-vous bien de parler de ceci à personne, mais allez vous montrer au prêtre, et offrez le don prescrit par Moïse, afin que cela leur serve de témoignage" ; c'est-à-dire, rendez hommage avec moi à la loi, et aux voies de celui de qui nous tenons tout. Comme le nouvel homme sait que c'est par la foi que s'entretient et se conserve l'humilité, il sait aussi que c'est par l'humilité que la foi se conserve et s'entretient, et que sans ces deux vertus tous les dons de l'esprit se retirent. C'est pour cette raison sainte, et de première nécessité, qu'à l'image du Réparateur il ne se laissera toucher que par les désirs qu'il saura être nés de la foi et de l'humilité, puisqu'il en donnera lui-même le premier exemple, n'ayant obtenu sa renaissance qu'au prix de cette foi et de cette humilité qu'il manifeste dans ses œuvres les plus glorieuses. Car c'est aussi pour cette raison que le Réparateur n'a cessé de recommander la foi et l'humilité dans toutes les instructions qu'il a répandues.

      Or, quelle est cette foi tant recommandée par le Réparateur ? C'est celle qui s'est développée dans le nouvel homme, c'est celle qui repose sur le sentiment de la sainteté et de la force de son être, quand par sa fidélité aux mouvements secrets que nous recevons tous, il aura obtenu que la main bienfaisante de la sagesse vienne le délivrer de ses ténèbres, et rompre ses chaînes, pour lui faire connaître les régions de la vie et de la lumière qui sont en lui, et qui étaient seulement enveloppées de nuages. Mais de même qu'un seul rayon du soleil qui perce au travers des nuages suffit pour dissiper l'obscurité, de même le moindre rayon de notre être qui peut sortir de ses gouffres et de ses abîmes est suffisant pour nous éclairer sur l'étendue de nos possessions, pour découvrir à nos yeux tous les plans des ennemis qui sont sans cesse occupés à ravager notre terre, et pour nous donner la force de renverser tous leurs projets. Voilà pourquoi le Réparateur disait à ses disciples que s'ils avaient de la foi gros comme un grain de sénevé, ils diraient à une montagne de se jeter dans la mer, et elle s'y jetterait ; ce serait le combat de la vie contre la mort ; il ne serait donc pas étonnant que la mort eût tous les désavantages, et que la vie eût tous les triomphes.

      C'est en même temps cette persuasion des pouvoirs de l'homme qui était affligeante pour le Réparateur, quand il voyait ses disciples hésiter dans leurs œuvres et dans leur confiance. Que devait-il donc éprouver, quand il trouvait des hommes ensevelis dans leurs ténèbres au point d'être les premiers adversaires et les premiers destructeurs de cette persuasion, et surtout quand ces hommes étaient placés dans la chaire de l'instruction ? Aussi comment a-t-il traité les scribes et les Pharisiens et les docteurs de la loi !

      Si la foi est réellement le nouvel homme, l'humilité en est réellement la nourriture. Aussi n'est-ce que dans l'humilité et dans une sainte frayeur que l'on sent Dieu, que l'on apprend ses secrets et que l'on peut apprendre à en faire un utile usage ; or, que pouvons-nous faire tant que nous ne sentons pas Dieu physiquement en nous? Voilà pourquoi le Réparateur ne cessait de dire aux Juifs, "qu'il ne pouvait rien faire de lui-même, qu'il ne jugeait que selon ce qu'il entendait, mais que son jugement était juste, parce qu'il ne recherchait pas sa volonté propre, mais la volonté de son père qui l'a envoyé." Voilà pourquoi aussi il ne cessait de leur donner les raisons de leur peu de foi, en leur reprochant qu'ils ne s'appuyaient point sur les véritables témoignages, et qu'ils tiraient toute leur gloire des hommes ; comment pourriez-vous croire, vous qui recherchez la gloire que vous vous donnez les uns aux autres, et qui ne recherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ? (Jean 5:44).




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