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Le Nouvel Homme

Louis-Claude Saint-Martin
© France-Spiritualités™






Colombe


61.

      "Que votre cœur ne se trouble point. Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon père. Si cela n'était pas, je vous l'aurais dit, car je m'en vais vous préparer le lieu. Et après que je m'en serai allé, et que je vous aurai préparé le lieu, je reviendrai, et vous retirerai à moi, afin que vous soyez où je serai." Cette demeure qu'il devait préparer était celle que la puissance perverse avait usurpée dans l'univers, et dans l'homme à qui l'esprit venait la rendre pour l'accomplissement des décrets de l'amour, et de la justice du souverain être. Ces différentes demeures qui sont dans la maison de son père, sont les différents dons, et les différentes récompenses qui sont promises à ceux qui les auront fait valoir.

      Vous savez bien où je vais, et vous en savez la voie. Je suis la voie, la vérité, et la vie. Nul ne vient au père que par moi. Parce que nous avons vu que s'il ne naissait pas un fils en nous, jamais notre être ne serait ni connu, ni manifesté ; et tous les êtres de désir qui s'élèvent en nous, n'atteindraient jamais jusqu'à notre être fondamental et constitutif, sans l'intermède de ce fils qui doit naître en nous, si nous voulons que l'harmonie universelle s'y rétablisse.

      "Ne croyez-vous pas que je suis dans mon père, et que mon père est en moi ? Ce que je vous dis, je ne vous le dis pas de moi-même, mais mon père qui demeure en moi, fait lui-même les œuvres que je fais. Ne croyez-vous pas que je suis dans mon père, et que mon père est dans moi ? Croyez-le au moins à cause des œuvres que je fais." Comment ne croirions-nous pas à notre être essentiel, et fondamental, si nous lui voyons naître un fils en nous ? En même temps ce fils peut-il offrir de réels témoignages de son père, s'il n'est pas continuellement dans ce père, et si son père n'est pas continuellement en lui ? Observation qui aurait pu agir sur ceux qui doutent de la divinité du Réparateur, et qui dans le vrai, ne doutent tant de la divinité de ce Réparateur, que parce qu'ils ne doutent pas assez de la divinité de la matière, et parce qu'ils n'ont pas eu soin de travailler à faire naître un fils en eux, puisque si l'homme ne renaît de nouveau, il ne peut entrer dans le royaume des cieux.

      Mais s'ils avaient travaillé à faire naître un fils en eux, c'est à eux que s'adresserait cette parole : "Quoique vous demandiez à mon père en mon nom, je le ferai afin que mon père soit glorifié ; en vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais, et en fera encore de plus grandes, parce que je m'en vais à mon père," et que par ce moyen (comme il a été indiqué dans L'Homme de désir), l'action que ce Réparateur enverra, sera plus abondante et plus puissante dès qu'elle proviendra à la fois de l'action du père et de l'action du fils réunies, puisque sur la terre il n'a agi que comme homme, dans la puissance de l'esprit, au lieu que par sa réunion avec son père, il agira comme Dieu, et par la puissance de l'unité même, image parfaite de deux lois que nous avons déjà souvent observées, et dont la dernière est celle qui peut seule compléter notre réconciliation, en nous réunissant à notre vraie source, comme le Réparateur, après son œuvre temporelle, s'est réuni avec son père.

      "Si vous m'aimez, gardez mes commandements, et je prierai mon père, et il vous donnera un autre consolateur afin qu'il demeure éternellement avec vous, l'esprit de vérité que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne le voit point, et qu'il ne le connaît point ; mais pour vous, vous le connaîtrez, parce qu'il demeurera avec vous, et qu'il sera dans vous " ; c'est ce même fils spirituel, né de nous, et en nous par l'opération divine, qui devient notre consolateur, comme il est devenu notre libérateur, et cela en imitation, et en conformité du consolateur universel, et du libérateur éternel qui veut que nous répétions tous en nous-mêmes l'œuvre qu'il a opérée dans tout notre cercle ; ce consolateur doit en effet demeurer éternellement avec nous dès qu'il est né de l'esprit de Dieu, au lieu que les autres enfants que nous laissons naître journellement dans nous-mêmes, ne voient point subsister leur race, parce qu'ils ont des enfants du monde. Voilà pourquoi ce consolateur particulier ne peut être reçu du monde, parce qu'il est étranger au monde, comme la lumière est étrangère aux ténèbres, et parce que le monde ne le voit point, et ne le connaît point.

      "Je ne vous laisserai point orphelin, je viendrai à vous. Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus. Mais pour vous, vous me verrez parce que je vis, et que vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon père, et vous en moi, et moi en vous." L'âme de l'homme nourrit son propre fils. Car comme le père a la vie en lui-même, il a donné aussi au fils d'avoir la vie en lui-même. Aussi ce consolateur ne doit laisser en nous aucun orphelin, parce qu'il a la vie en lui, et qu'il peut la communiquer à tous les siens ; aussi tout ce qui est en nous peut voir ce consolateur puisqu'il vit, et qu'il donne à tout ce qui est en nous le pouvoir de vivre comme lui. C'est alors que tout ce qui est en nous reconnaît que le consolateur est dans son père, que tout ce qui est en nous est dans ce consolateur, et que ce consolateur est dans tout ce qui est en nous.

      Celui qui a reçu mes commandements, et qui les garde, est celui qui m'aime. Celui qui m'aime sera aimé de mon père ; et je l'aimerai aussi, et je me découvrirai à lui. Tout ce qui en nous est fidèle à la voix de notre consolateur particulier, et observe ses commandements, aime ce consolateur, et sera aimé du père de ce consolateur, et ce consolateur l'aimera, et se découvrira à lui. Mais comme ce consolateur, ou le fils qui doit naître en nous, possède tout ce qui est dans son père, quelles merveilles ne doit-il pas communiquer à ceux à qui il veut bien se découvrir en nous, c'est-à-dire, à tous ceux qui l'aiment, et qui observent ses commandements ?

      Le mot de conscience a sans doute de grands droits à nos hommages, et c'est le plus grand mot que la sagesse vulgaire puisse employer ; mais il est infiniment inférieur au nom de ce fils, et de ce consolateur spirituel qui peut naître en nous, et nous éclairer.

      "Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon père l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure. Celui qui ne m'aime point ne garde point mes paroles, et la parole que vous avez entendue n'est point ma parole, mais celle de mon père qui m'a envoyé." Non seulement ce consolateur ou ce fils spirituel qui doit naître en nous se découvre à tout ce qui l'aime en nous, non seulement il communique à ce qui l'aime en nous, et qui observe ses commandements, tout ce qu'il reçoit de son père ; mais il fait que le père aime lui-même en nous tout ce qui aime ce consolateur, et qu'ils viennent ensemble en nous, et qu'ils y font leur demeure. Car la parole de ce consolateur, ou de ce fils qui doit naître en nous n'étant point sa parole, mais la parole de son père, il ne peut se montrer nous, que son père ne s'y montre, et n'y naisse avec lui.

      "Je vous ai dit ceci demeurant encore avec vous. Mais le consolateur qui est le Saint-Esprit que mon père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit." Ce nouveau consolateur qui nous est annoncé, est le même que celui qui est déjà né dans le nouvel homme ; mais la différence qu'il y a entre l'un et l'autre, c'est que le premier est né en nous dans l'amertume et dans la douleur, et que le second y doit naître dans la jubilation, ce qui ne peut arriver qu'autant qu'il réalise et effectue en nous physiquement toutes ces consolations, tous ces développements, toutes ces vertus, toutes ces lumières qu'il n'avait fait que nous annoncer pendant le travail pénible de son œuvre, et pendant le séjour qu'il a bien voulu faire dans nos ténèbres, et dans nos abîmes ; et c'est alors qu'il nous fait ressouvenir lui-même de tout ce qu'il nous a dit d'avance.

      "Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix, je ne vous la donne pas comme le monde la donne... Que votre cœur ne se trouble et ne s'épouvante point... Vous avez ouï que je vous ai dit : Je m'en vais et je reviens à vous." Il nous laisse la paix de l'espérance, et cette paix est réelle, puisque c'est la sienne elle-même. Il ne nous la donne point comme le monde la donne, puisque la paix du monde n'est qu'une obscurité qui nous conduit toujours par des routes ténébreuses pour ne nous faire arriver qu'à des déceptions ; au lieu que la paix du consolateur ou de l'esprit qui naît en nous est une paix vive, une paix de feu qui devient chaque jour plus claire, et qui ne doit se terminer que par la splendeur de la lumière.

      Aussi ne redoutons point la suspension où cet esprit nous laisse pour quelques moments. Nourrissons-nous de la paix et de l'espérance qu'il nous a données, et soyons sûrs qu'il ne retourne à son père que pour revenir vers nous chargé de plus nombreuses richesses et de plus grands trésors. Notre ennemi ne va-t-il pas lui-même chercher sept autres esprits pour s'emparer de la maison qu'il a laissée ? Comment le consolateur, et le prince de la paix et de la puissance n'aurait-il pas les mêmes pouvoirs dans l'ordre de la vérité ?

      "Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vous ai dit, que je m'en vais à mon père, parce que mon père est plus grand que moi." Désirons que notre consolateur particulier ou l'esprit qui doit naître en nous retourne promptement vers son père, puisque son père est plus grand que lui, et puisque par là nous devons obtenir de nouvelles forces, de nouvelles faveurs et de nouvelles consolations. Si nous l'aimons, nous devons désirer ce retour vers son père, puisque non seulement il doit par là faire notre bonheur, mais qu'il doit aussi faire le sien propre par son union avec sa source.

      Désormais je ne vous parlerai plus guère, car le prince du monde va venir, et il n'a rien en moi qui lui appartienne. La voix de la vérité ou de notre consolateur se tait lorsque la voix du mensonge s'approche pour nous faire subir notre épreuve ; elle se tait pour nous faire développer nos forces ; elle se retire parce que ce n'est point avec elle que l'ennemi a affaire, c'est avec nous.

      Mais je m'en vais afin que le monde connaisse que j'aime mon père, et que je fais ce que mon père m'a ordonné. Si nous aimons notre consolateur ou l'esprit qui doit naître en nous, nous ne cesserons de retourner vers lui, afin que tout ce qui est en nous connaisse que nous l'aimons, et que nous sommes fidèles au commandement qu'il nous a fait de le regarder comme la source de nos joies et le salutaire agent de notre délivrance. Nous ne cesserons de lui rendre des actions de grâces pour tous ses bienfaits, et c'est en nous approchant de lui le plus, qu'il nous sera possible que nous lui donnerons de véritables témoignages de notre reconnaissance et de notre amour.


62.

      Je suis la vraie vigne, et mon père est le vigneron. Il retranchera toutes les branches qui ne portent point de fruit en moi, et il taillera toutes celles qui portent du fruit, afin qu'elles en portent davantage. Ce que le Réparateur opère sur toute la famille humaine, l'esprit l'opère sur notre fils spirituel pour lui procurer une saine et robuste constitution, et pour lui faire produire des fruits nombreux ; et à son tour ce fils spirituel le doit opérer en nous sur tout notre être. Car ce fils spirituel est notre vraie vigne dont nos facultés sont les branches, comme tout notre être est une branche de la vigne universelle ou de l'éternel Réparateur.

      Vous êtes déjà purs à cause de la parole que je vous ai dite : Demeurez en moi, et moi en vous. De la part de la vérité, cette simple invitation a un effet actif, parce qu'elle ne peut avoir lieu que par la manifestation de la parole, et que la parole de la vérité ne se prononce point sans répandre autour d'elle la pureté dont elle est le principe ; aussi c'est être déjà pur que d'avoir entendu la parole ; voilà pourquoi celui qui l'a entendue, et qui ne la pratique pas sera sans excuse, puisqu'il n'aura été ni sans lumière ni sans moyens. L'esprit nous fait aussi entendre journellement cette parole :

      "Comme la branche de la vigne ne peut point porter de fruit par elle-même, mais qu'il faut qu'elle demeure attachée au cep ; ainsi vous n'en pouvez point porter si vous ne demeurez en moi. Je suis le cep de la vigne, et vous en êtes les branches. Celui qui demeure en moi, et en qui je demeure, porte beaucoup de fruits, car vous ne pouvez rien faire sans moi. " C'est une chose douce et consolante de sentir véritablement que c'est de notre adhérence à l'esprit et à la parole que dépend notre fructification ; de sentir qu'il doit se former en nous un mariage réel de la parole avec notre être divin, et que c'est de là que résulte ce fils spirituel, et ce nouvel homme qui nous fait revoir les belles campagnes de la terre promise.

      Mais toujours fidèles à la nature, ne comptons sur la solidité de cette alliance, et sur les longs jours de celui qui doit en recevoir en nous la naissance, qu'autant que la vie divine vient s'établir en nous comme à notre insu, et qu'il s'y forme comme dans le secret une source vivante et intarissable dont tous les ruisseaux vont à leur tour former des alliances particulières avec toutes les formes et toutes les propriétés de notre être.

      Nous ne pouvons sentir cette délicieuse et active vérité sans reconnaître la certitude de ces paroles : "Vous ne pouvez rien faire sans moi... celui qui ne demeure pas en moi sera jeté dehors comme un sarment inutile. Il sèchera, il sera ramassé et jeté au feu, et il brûlera." Voulez-vous éviter cet effroyable danger ? Evitez que tout votre être ne passe ses jours dans la stérilité, et dans la sécheresse. Voulez-vous, dis-je, éviter ce danger ? Placez devant vous le nom du Seigneur ; que cet autel soit toujours dressé, et toujours prêt à recevoir vos offrandes. Ne prenez pas une résolution, n'accordez pas un mouvement à votre être sans venir auparavant le présenter au temple, comme la loi des Hébreux l'ordonnait pour les prémices de toutes les productions de la terre ; ayez sans cesse l'encensoir à la main pour honorer celui de qui vous tenez ce fils de l'homme, ce premier-né en vous qui devient votre guide pendant vos pénibles voyages, et qui doit vous apprendre à célébrer ce nom du Seigneur, dans vos triomphes, dans vos besoins, dans vos consolations, dans vos détresses, puisque sans lui toutes les branches de votre arbre spirituel demeureraient dans la sécheresse et seraient condamnées au feu, et que sans lui vous seriez sans activité, sans pénitence, sans courage, sans humilité, sans amour, sans confiance ; puisqu'enfin sans lui, tout en vous serait sans parole.

      Au contraire "Si nous demeurons en lui, et si ses paroles demeurent en nous, nous demanderons tout ce que nous voudrons, et il nous sera accordé, parce que la gloire de son père est que nous rapportions beaucoup de fruits et que nous devenions ses vrais disciples."

      "Si vous gardez mes commandements vous demeurerez dans mon amour; comme j'ai gardé aussi les commandements de mon père, et que je demeure dans son amour. " Telle est en effet la véritable demeure du nouvel homme, parce qu'il ne peut habiter qu'avec son père, puisque c'est de lui qu'il reçoit continuellement la vie, et c'est une semblable demeure que le nouvel, homme ou notre fils spirituel nous promet si nous demeurons dans son amour, comme il demeure dans l'amour de son père. Or demeurer dans l'amour du Seigneur, c'est n'en pas sortir, c'est ne pas aller ailleurs, c'est ne pas même bouger de la place ; et si cet amour du Seigneur pouvait demeurer en nous avec la même constance, notre félicité ne serait-elle pas dès lors imperturbable ? Oh combien sont grands et puissants ceux qui sont calmes, fixes, et paisibles comme l'est la vie de l'unité et dans l'unité?

      Je vous ai dit ceci afin que ma joie demeure en vous, et que votre joie soit pleine et parfaite. Si le nouvel homme nous communique la joie dont il est rempli, et qu'il puise sans interruption dans la joie de son père, notre joie sera pleine et parfaite, parce qu'elle sera le fruit divin de la vie éternelle, lequel fruit ne peut manifester sa maturité et toute la douceur de ses sucs si salutaires, que quand il est parvenu jusque dans l'âme de l'homme, et qu'il en a tellement vivifié et pénétré toutes les facultés, qu'elles soient devenues à leur tour des arbres superbes et fertiles, à l'imitation de cet arbre dont elles doivent être les représentants sur la terre.

      "Nul ne peut avoir un plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous serez mes amis si vous faites tout ce que je vous commande." Qu'est-ce que l'esprit nous commande ? C'est de le laisser passer en nous, et se manifester par nous afin qu'il soit connu des nations, et que tout soit rempli de sa lumière et de sa plénitude. La manière dont nous devenons ses amis est qu'il ne peut passer en nous, sans y laisser des rayons de la vie dont il est la source, et sans se prononcer lui-même en nous selon notre propre mode, et selon toutes les formes de notre être.

      "Je ne vous appellerai plus maintenant serviteurs, parce que le serviteur ne sait ce que fait son maître, mais je vous appellerai mes amis parce que je vous ai fait savoir tout ce que j'ai appris de mon père. Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis, et je vous ai établis afin que vous portiez beaucoup de fruits." Voilà le véritable but de l'esprit sur nous, et tel est aussi celui du nouvel homme, et c'est pour cela que l'amour se propage, et que quand tout est ami en nous, nous devenons les amis du Seigneur.

      "Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui serait à lui. Mais parce que vous n'êtes point du monde, je vous ai choisis et séparés du monde." Nouveau tableau de la destination primitive de l'homme par laquelle il devait planer au-dessus de ce monde, et puiser continuellement sa mission divine dans la source supérieure et éternelle.

      "Le serviteur n'est pas plus grand que le maître ; s'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront. Mais ils vous feront tous ces mauvais traitements à cause de mon nom ; parce qu'ils ne connaissent point celui qui m'a envoyé." L'ennemi qui s'est emparé du royaume de ce monde comprend dans sa haine tous ceux qui se rangent du parti de celui dont il s'est rendu l'adversaire ; et si nous considérons comment il en a traité les ouvrages, nous ne serons plus étonnés de la manière dont il en traite les ouvriers. Mais que pourrons-nous craindre si nous savons nous rallier à cette vérité ? L'ennemi dans ses projets n'a agi que contre lui-même, et n'a jamais rien pu contre elle, il ne pourra donc rien contre nous si nous nous unissons à elle, et qu'à son exemple nous planions au-dessus de la région des destinées.

      "Si je n'étais point venu, et que je ne leur eusse point parlé, ils n'auraient point de péché, mais maintenant ils n'ont point d'excuse de leur péché. Celui qui me hait, hait aussi mon père." Voir le fils et ne pas reconnaître le père, c'est manquer à la fois, et d'intelligence et de volonté. C'est manquer d'intelligence, parce que qui voit le fils, voit le père ; puisqu'il en est de cette manifestation comme de celle de notre parole, dans laquelle ceux à qui nous la manifestons peuvent voir notre pensée qui est le père ; c'est manquer de volonté, puisque cette parole qui se présente sous la forme humaine nous annonce assez clairement quels sont nos droits et nos privilèges, et ce qu'ils pourraient nous faire obtenir pour peu que nous voulussions en user.

      C'est pour cela que le Réparateur ajoute : "Si je n'avais point fait parmi eux des œuvres que nul autre n'a faites, ils n'auraient point de péché ; mais maintenant ils les ont vues, et ils ont haï et moi, et mon père." Puisque si celui qui voit le fils, voit le père, si celui qui aime le fils, aime le père, il est impossible par la même raison de haïr le fils sans haïr le père, attendu que le père est dans le fils, comme le fils est dans le père.

      "Mais quand le consolateur que je vous enverrai de la part de mon père sera venu, comme l'esprit de vérité qui procède du père, il rendra témoignage de moi." Malheureusement ceux qui n'auront pas vu le père dans le fils, pourront n'y pas voir l'esprit davantage, et c'est alors que leur faute sera tellement constatée et confirmée, qu'ils seront sans aucune excuse, et que pour eux la justice, au lieu de se convertir en miséricorde et en amour, se convertira en jugement (Ps. 93:15).

      Mais pour vous, vous en rendez aussi témoignage, parce que vous êtes dès le commencement avec moi. Comment ceux qui auront vu le fils, et qui auront été avec lui dès le commencement ne lui rendraient-ils pas témoignage devant le consolateur, puisqu'ils peuvent même, ayant vu le fils, rendre également témoignage du père ? Et c'est un semblable témoignage que le nouvel homme attendra de tout ce qui est en lui, puisque sa pensée, sa parole, et son action seront intimement liées, et que rendre témoignage à l'une, c'est nécessairement rendre témoignage aux deux autres.


63.

      "Je vous ai dit ces choses pour vous préserver des scandales et des chutes. lis vous chasseront de leurs synagogues, et le temps va venir que quiconque vous fera mourir, croira faire un sacrifice à Dieu. Ils vous traiteront de la sorte parce qu'ils ne connaissent ni mon père, ni moi." Le scandale est la honte de l'intelligence, tant de la part de celui qui le donne, que de la part de celui qui le reçoit, parce que celui qui a les yeux ouverts s'observe dans ses propres mesures, et discerne trop bien celles des autres pour ne leur pas rendre ce qui leur appartient, soit l'intérêt du dévouement lorsqu'elles sont justes, soit celui de la condescendance et de la pitié lorsqu'elles ne le sont pas.

      "Je ne vous les ai pas dites dès le commencement parce que j'étais avec vous ; maintenant je m'en vais à celui qui m'a envoyé et nul de vous ne me demande où je vais ; mais parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre cœur. " Ces scandales ne peuvent arriver que quand l'esprit de vérité est à demeure dans l'homme, parce qu'il éclaire tout ; c'est pourquoi l'homme s'afflige quand il prévoit des suspensions où il aura de la peine à démêler en lui-même la lumière d'avec les ténèbres parce qu'il sera seul. Mais il ne prévoit pas que ces suspensions ne sont que pour lui préparer les voies à l'accomplissement de son œuvre, sans quoi il se remplirait de consolations.

      "Il vous est utile que je m'en aille, car si je ne m'en vais point, le consolateur ne viendra point à vous, mais si je m'en vais, je vous l'enverrai." Comment le consolateur, ou l'œuvre effectif naîtrait-il en nous si la volonté, l'amour, et la parole, ne nous l'envoyaient ? Et comment cette parole nous l'enverrait-elle si elle ne rentrait dans son père dont elle est née elle-même ?

      "Et lorsqu'il sera venu, il convaincra le monde touchant le péché, touchant la justice, et touchant le jugement. Touchant le péché, parce qu'ils n'ont pas cru en moi," malgré qu'ils eussent en eux une parole qui leur prouvait l'existence de leur pensée, comme ma parole, et mes œuvres leur prouvaient l'existence de mon père.

      Touchant la justice, parce que je m'en vais vers mon père, et que vous ne me verrez plus, attendu que je n'ai paru près de vous que pour vous délivrer de votre esclavage, et de vos chaînes, et qu'il faut maintenant vous laisser développer vos forces pour que vous atteigniez le but, et que vous obteniez les récompenses qui sont promises à tous les fidèles serviteurs.

      Touchant le jugement, parce que le prince du monde est déjà jugé, et que la présence du consolateur fera connaître à ce prince du monde qu'il n'a plus rien à espérer, que ses projets sont déconcertés, que ses forces sont détruites, que la honte, la confusion, et les plus horribles châtiments vont tomber sur lui, et sur ses adhérents ; tandis que la lumière, et les consolations vont remplir ceux qu'il a voulu rendre ses victimes. Vous ne pouvez douter de l'existence de ces trois témoignages de l'esprit, puisque le nouvel homme qui est l'image de cet esprit peut vous les faire trouver tous les trois en vous-mêmes.

      "J'ai encore beaucoup de choses à vous dire ; mais vous ne pouvez pas les porter maintenant. Quand l'esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité ; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu'il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir." Le nouvel homme découvre en lui chaque jour de nouvelles clartés dont les diverses intelligences de son être ne sont point encore susceptibles ; il est obligé de les renfermer en lui-même jusqu'à ce que ces intelligences aient acquis plus de forces, et plus de consistance, c'est-à-dire, jusqu'à ce que les rayons de l'esprit aient transformé leur substance incomplète, en une substance de réalité, et de vérité ; mais aussi il se remplit chaque jour d'une nouvelle espérance que ces salutaires effets s'accompliront, parce qu'en combattant ardemment l'apparence dont il est environné lui-même, il parvient à sentir en lui, comme le contact de la vie même, comme ce punctum saliens, dont il a tout lieu de croire qu'avec le temps, il ne peut résulter que des fleuves abondants qui ne laisseront dans la stérilité aucune des régions de son être.

      "C'est lui qui me glorifiera, parce qu'il prendra de ce qui est en moi, et il vous l'annoncera; tout ce qu'a mon père est à moi, c'est pourquoi je vous ai dit qu'il prendra de ce qui est à moi, et qu'il vous l'annoncera." Lorsque l'esprit prendra de ce qui est au fils, il prendra de ce qui est au père, puisque tout ce qui est au père, est au fils ; voilà pourquoi il glorifiera le fils, puisqu'il développera, et manifestera comme appartenant au fils, les merveilles dont le père est le dépositaire et la source. Voilà pourquoi la gloire du nouvel homme sera si grande quand toutes ses facultés auront été renouvelées par l'esprit, puisque cet esprit témoignera par là que le nouvel homme est lui-même rempli des merveilles du père, et que cette Divinité suprême a réellement passé en lui tout entière.

      Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus, et encore un peu de temps, et vous me verrez, parce que je m'en vais à mon père. La première apparition du nouvel homme en vous est une apparition voilée, et couverte des nuages de la région figurative et passagère, aussi elle ne peut avoir qu'un temps, et quand ce temps est accompli, elle doit cesser ; mais elle ne cesse que pour revenir avec plus de splendeur, puisque le nouvel homme, se rapprochant de la source d'où il est émané, y prend une nouvelle vie, et une existence toute spirituelle, paroles que les apôtres ne pouvaient comprendre.

      En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez, et vous gémirez vous autres, et le monde sera dans la joie ; vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie. Pourquoi le monde sera-t-il dans la joie quand le nouvel homme sera disparu ? C'est qu'il croira ce nouvel homme disparu pour jamais, et que ce nouvel homme est pour lui un être scandaleux, et qui, par sa seule présence, lui reproche son néant, et son impiété. C'est que le monde fait alors envers ce nouvel homme, ce qu'Hérode a fait envers le précurseur à Jérusalem.

      "Lorsqu'une femme enfante, elle est dans la tristesse parce que son heure est venue, mais après qu'elle a enfanté un fils, elle ne se souvient plus de ses maux dans la joie qu'elle a de ce qu'un homme est né dans le monde." C'est cette joie que le nouvel homme seul peut connaître quand il sent qu'il est sorti de l'esclavage, et du lieu de ténèbres, et que l'esprit lui a donné la naissance ; il la sentira cette joie bien plus vivement encore lorsque cette naissance sera confirmée en lui par la présence du consolateur.

      "Vous êtes donc maintenant, vous autres, dans la tristesse, mais je vous verrai de nouveau, et votre cœur se réjouira, et nul ne vous ravira votre joie." Parce que l'homme que vous aurez mis au monde ne sera né ni de la chair, ni du sang, ni de la volonté de l'homme, mais de la volonté de l'esprit, et qu'ainsi cet homme sera nommé le fils de Dieu.

      En ce jour-là, vous ne m'interrogerez plus de rien. Car comment pourriez-vous avoir besoin de m'interroger, puisque celui qui doit venir et vous enseigner toute vérité sera pour vous la continuelle expression du père, et du fils, et qu'il développera sans cesse à votre cœur et à votre esprit tous les trésors de la sagesse, et toutes les merveilles de l'unité.

      "Je vous ai dit ceci en paraboles. Le temps, vient que je ne vous entretiendrai plus en paraboles, mais que je vous parlerai ouvertement de mon père. En ce temps-là vous demanderez en mon nom, et je ne vous dis point que je prierai mon père pour vous, car mon père vous aime lui-même, parce que vous m'avez aimé, et que vous avez cru que je suis sorti de Dieu." Le temps des paraboles est celui où nous sommes encore sous les ombres de notre région ténébreuse qui, comme l'ancienne alliance, ne nous permet de voir que des éclairs de la vérité ; lorsque l'âge de la maturité de l'esprit est arrivé pour le nouvel homme, il est au-dessus des paraboles, puisque la parole ou la bouche du père est ouverte pour lui, et que le père cherche à le récompenser de l'avoir reconnu dans la parole et la bouche de son fils.

      Je suis sorti de mon père, et je suis venu dans le monde ; maintenant je laisse le monde, et je m'en vais vers mon père. Comment le nouvel homme pourrait-il se montrer à nous aux ténèbres qui nous composent, s'il ne sortait de son père ? Comment la lumière supérieure, et les ténèbres inférieures pourraient-elles habiter ensemble ? Mais aussi puisque la lumière supérieure, et les ténèbres inférieures ne peuvent demeurer ensemble, comment le nouvel homme, après être sorti de son père pour venir dans nous ou dans ce bas monde, ni quitterait-il pas ce bas monde pour s'en retourner vers son père ?

      "Vous croyez maintenant, mais le temps va venir et il est déjà venu que vous serez dispersés, chacun de son côté, et que vous me laisserez seul ; mais je ne suis pas seul, parce que mon père est avec moi." La présence du nouvel homme réjouit pour un temps nos facultés ténébreuses ; mais quand il se retire pour retourner vers son père, elles restent livrées à leurs ténèbres, et ne se souviennent plus de lui, jusqu'à ce qu'il revienne pour les régénérer de nouveau. Mais elles ont beau le laisser seul ; il ne peut être seul, puisqu'il est un témoignage vivant de l'existence et de la présence de son père auprès de lui.

      "Je vous ai dit ceci afin que vous trouviez la paix en moi vous aurez des afflictions dans le monde, mais ayez confiance, j'ai vaincu le monde." Le nouvel homme ne vient au milieu de nous que pour rompre nos liens, et pour vaincre le monde qui est en nous ; ainsi les ténèbres qui nous environnent encore après son retour vers son père, ne sont plus vivantes comme elles l'étaient auparavant, et elles doivent finir par s'éclairer infailliblement, puisque la racine en est coupée, et que le nouvel homme a vaincu le monde. C'est sous ce rapport que ce nouvel homme est si précieux pour nous, puisque sans lui toutes nos substances spirituelles auraient conservé à jamais et leurs ténèbres, et la racine de ces mêmes ténèbres.




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