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Le Nouvel Homme

Louis-Claude Saint-Martin
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Colombe


10.

      Le moment de la naissance est arrivé. Les puissances supérieures après avoir formé en nous par l'esprit la conception de notre fils spirituel, ont décrété selon leur sagesse que le moment est venu de lui donner le jour. Nous allons donc sortir de ces abîmes dans lesquels nous avons séjourné, dans lesquels, le saint par excellence n'a pas craint de descendre lui-même, et dans lesquels il ne craint pas de descendre tous les jours pour en arracher les victimes, et pour libérer les esclaves ; nous allons recevoir dans la nouvelle atmosphère où nous arrivons, des affections plus vives et plus douces que celles de cette région ténébreuse d'où nous sortons et qui dès lors est censée morte pour nous.

      Nous n'aurons pas cependant de beaucoup plus vastes connaissances, ou plutôt, nous recevrons la lumière et tous les secours de la vie sans pouvoir contempler leur source, encore moins sans pouvoir nous en emparer ; comme l'enfant jouit de tous les biens que ses parents et ses guides lui procurent sans qu'il puisse se rendre compte de la manière dont tous ces bienfaits lui sont prodigués.

      Défie-toi donc, homme, de ces lumières précoces qui t'arrivent sur la nature de l'être qui veut te gouverner à ton insu. Il est le Dieu inconnu, il veut planer sur toi, comme le soleil plane sur les humbles plantes, et lorsqu'il te viendra de ces rayons brillants qui ont tant de pouvoir pour nous éblouir, dis-leur : vous me ravissez, vous m'éclairez, mais dès que je vous vois, vous n'êtes point mon Dieu, vous n'en êtes que les images. Mon Dieu est encore au-dessus de vous, parce que son action doit être éternellement une surprise et un miracle pour moi, sans quoi je ne serais pas son fils. Dis-leur que tu veux rester constamment et exclusivement dans la main de ce Dieu inconnu qui t'approche secrètement, et te soulève pour te faire voguer en sûreté au-dessus des abîmes, et te remplir par là de plus de joies et de consolations que si tous les trésors des cieux étaient ouverts devant tes regards. Car voilà la véritable renaissance ; voilà ce fils chéri qui vient de recevoir le jour.

      Tremble Hérode, ton trône est menacé. Il vient de naître un roi des Juifs. Les bergers ont entendu les anges chanter la naissance de ce fils de l'homme ; les mages ont vu son étoile dans l'Orient, ils viennent le visiter, et leur offrir leur or et leur encens. Tu as beau faire exterminer les enfants de Rachel pour calmer tes craintes, ce fils est un fils qui ne s'extermine point par la main de l'homme, parce qu'il n'est point né de la volonté de chair, ni de la volonté de l'homme, ni de la volonté du sang, mais il est né de Dieu ; aussi le Dieu qui l'a formé saura veiller sur ses jours, et il le fera réfugier dans l'Égypte, jusqu'à ce que les temps de ta fureur soient écoulés, et que le temps de la gloire de son fils soit arrivé.

      Et toi, homme, ne t'offense point de te voir naître dans une étable et parmi des animaux, tu ne nais que dans l'humiliation, tandis qu'auparavant tu existais dans des abîmes. Ces animaux vont faire pour toi, ce que tu aurais dû faire pour eux si tu eusses conservé tes droits ; ils vont te réchauffer de leur haleine, comme tu aurais dû les réchauffer de ton esprit, et leur conserver par là leur caractère, et leurs formes primitives. Car c'est aujourd'hui ta forme qui te préserve, au lieu qu'autrefois tu aurais dû préserver ta forme. Tu iras bientôt au temple pour y recevoir la circoncision, et Siméon chantera le cantique de joie en te prenant dans ses bras et en disant que tu es un enfant né pour le salut et pour la ruine de plusieurs.

      On nous donne peu d'instruction sur les soins que l'on doit à l'enfance ; cependant, homme, ce temps va être pour ton fils le temps le plus précieux de sa vie, car tu vas être à la fois ton fils, ton père, ta mère, tous les serviteurs qui seront employés à la plus sublime des tâches. Que ce fils nouveau-né devienne donc pour toi l'objet de tes soins les plus assidus. Ce fils est amour, et il est amour Divin, tâche que toutes les lumières qui se développeront en lui ne lui parviennent que par cette même voie ; j'allais presque dire, que par son nom ; ce sera un moyen de le rendre homme dans un âge où tant d'hommes sont, non seulement encore enfants, non seulement pas encore nés, mais même pas encore conçus ; sans compter ceux qui sont nés par avortement, ou qui ont péri depuis longtemps par mille autres accidents, quoique tu les voies marcher devant toi, se bien porter, et remplir parfaitement toutes les fonctions ostensibles de l'homme.

      Mais n'oublie pas que ce fils est aussi le fils de la douleur, que c'est le second né de Rachel, qu'il a coûté la vie à sa mère, qu'il est le seul des douze chefs de tribus qui soit né dans la terre promise, et qu'il y est né après que son père eût offert un sacrifice au Seigneur, et qu'il lui eût érigé un autel à Béthel.

      Si tu veux donc conserver ce précieux rejeton, nourris-le chaque jour des mêmes éléments qui lui ont donné naissance ; fais couler à chaque instant sur lui le sang de l'alliance qui doit le préserver du glaive de l'ange exterminateur ; bien plus, fais pénétrer sans cesse dans toutes ses veines, ce même sang de l'alliance qui doit donner la mort à tous les Égyptiens, et le mettre à même de les dépouiller un jour de leurs vaisseaux d'or et d'argent avec lesquels ils font des festins d'iniquité. Laisse couler dans ses veines ce sang corrosif qui n'aura point de relâche qu'il n'ait rongé jusqu'aux moindres traces du péché ; tu verras par là les membres de ton fils acquérir peu à peu de la force et de la consistance.

      Et pourquoi ce sang accumulera-t-il ainsi la vie dans les membres de son fils ? C'est qu'il est le sang de la douleur, et que la douleur n'est point sans la vie, puisqu'elle n'est qu'une contraction de la mort contre la vie, et de la vie contre la mort ; voilà pourquoi plus il y a de douleurs plus il y a de vie, voilà pourquoi ce sang de l'alliance est si souffrant puisqu'il est composés des ténèbres et de la lumière de la corruption et de la santé, de la nature et de la Divinité, du temps et de l'éternité.

      Fais donc tomber à grands flots ce sang de la douleur sur ton fils, plonge-le dans cette mer de douleur qui seule peut lui donner et lui conserver le sentiment ; qu'il y séjourne plus longtemps que Jonas dans la baleine, plus longtemps que Moïse sur la montagne, plus longtemps que l'arche sur les eaux du déluge, plus longtemps que les Hébreux dans le désert, plus longtemps que ces mêmes Hébreux dans toutes les captivités, qu'il y séjourne pendant toute sa vie terrestre, parce que ce n'est que par ce moyen que ce sang déposera dans son cœur, dans ses os, dans sa moëlle, dans ses veines, dans toutes les fibres de son être le vrai élément sacerdotal d'où doivent naître pour lui la lance et l'épée. Qu'il mange chaque jour de ce pain sacerdotal, et qu'il s'enivre du vin de la colère du Seigneur.

      Qu'il passe les jours et les nuits dans les déserts, que la mort des lions soit comme les jeux de son enfance ; et qu'il s'annonce de bonne heure comme devant être redoutable aux nations, attendu qu'il aura mangé chaque jour de sa vie le pain sacerdotal. Les temps viendront où l'élément sacerdotal qui se sera déposé en lui y fera fleurir à son tour l'hysope et l'olivier ; car, ce n'est que pour triompher de la mort et faire régner la vie que le sang de l'alliance s'est rendu le sang de la douleur.

      Mais que les longueurs du temps ne te fassent pas manquer ton but par l'impatience. Vois avec quelle lenteur se forment les pierres dans les carrières : ce ne sera de même qu'après une longue suite de périodes progressives que tu sentiras déposées en toi une assez grande quantité de substances réelles, et se consolidant à mesure, pour qu'elles puissent former cette pierre fondamentale de l'église. C'est dans ces substances ainsi rassemblées et consolidées que s'accumule le feu de vie ; et quand sa mesure est complète, il fermente, il fait une explosion qui rompt les barrières, il s'enflamme, et devient à jamais inextinguible.


11.

      Lorsque Dieu voit qu'en nous donnant à lui, nous n'avons rien gardé de nous, il nous donne en retour une étincelle sacrée qui, à elle seule, est des millions de fois plus que notre être, et qui nous apprend combien nous avons gagné dans cet échange. Oui, notre Dieu est un Dieu effectif et réel ; ce qu'il opère alors en nous doit être effectif et réel comme lui. Ainsi ce n'est point une espérance mensongère que celle qui nous promet de nous faire sentir physiquement l'épée divine, le souffle divin, le feu du sanctuaire, et le contact vif de la puissance active et animante. Et même nous ne sommes que dans les ombres et dans les figures, tant que ce mouvement sacré et sensible ne s'est pas opéré en nous ; comme le feu des corps est nul en quelque sorte, tant qu'il n'est pas en contact et en conjonction avec tous les points de l'air libre, et de l'atmosphère vivante qui l'environne.

      Ce n'est même qu'après que ce grand mouvement est opéré en nous que nous avons mis le pied dans la ligne, et d'après ce qui nous est promis, nous devons voir s'il y a rien qui doive nous coûter pour franchir la barrière. Mets-toi en sang, mets-toi en lambeaux, comme en passant au travers des ronces et des épines ; car n'est que de l'autre côté de la haie qu'est le trésor. Tu le manqueras si, pour former cette entreprise, tu attends que tu jouisses du repos et des commodités de la vie ; car, si tu jouissais de ce repos et de ces commodités, il faudrait les oublier en entier pour aller en avant ; comment songerais-tu donc à t'y appuyer en espérance, et ne les ayant point encore ? L'ennemi ne sait que te tromper par ces considérations illusoires ; ne dispute point avec lui, mais marche sans lui rien dire ; car, si tu l'écoutes, il t'abusera jusqu'à la fin de ta vie, par des promesses flatteuses de circonstances plus favorables qui n'arriveront jamais si tu ne les crées, c'est-à-dire, si tu ne les prends hors de cette région de ténèbres.

      Car dès que ces circonstances favorables en apparence t'arriveront, le même ennemi qui se défend, mettra dessus son tarif, et les diminuera, par là, au point de les rendre presque nulles, pour ne pas dire préjudiciables, en ce qu'elles te rendront son esclave et son tributaire, au lieu de l'état libre que tu en avais attendu. Mais si c'est hors de la région des ténèbres que tu ailles créer tes circonstances, l'ennemi ne peut y établir d'imposition, il ne sait pas même que ces circonstances existent, et tu le laisses errer dans son abîme, sans qu'il puisse apercevoir ni tes mouvements ni tes succès.

      N'espère donc que de ton courage et de tes sacrifices ces circonstances puisées dans la ligne ; elles seules te découvriront les trésors qui t'attendent, comme c'est un seul soleil qui manifeste les riches couleurs de l'arc-en-ciel.

      Car, ce n'est point assez que l'ennemi diminue par son tarif les circonstances favorables qu'il t'aura fait longtemps attendre ; il essayera, lorsqu'il te verra décidé à t'avancer, de te retrancher même celles dont tu jouissais, afin d'augmenter tes entraves ; ne sais-tu pas que les royaumes du monde lui appartiennent ? S'il ne les donne pas en entier à ceux qui l'adorent, au moins il les leur promet, et il ne retient pas toujours tout pour lui ; mais il les retranche à ceux qui ne le suivent pas, parce que ceux qui ne le suivent pas, ne se trouvant ni sous son action, ni sous celle du monde qui est la même chose, il n'est pas étonnant qu'ils soient comme étrangers à l'une et à l'autre, et même, c'est une grâce d'en haut quand on les en dépouille ; c'est une marque de leur avancement.

      Ami, tu es peut-être surpris que je te parle si peu de sciences, et que je te parle tant d'exhortation et d'avertissement. C'est que j'ai sondé la science, et que j'ai sondé l'exhortation. La science est grande, elle est fille de la lumière, elle est l'éclat vivant du soleil éternel ; mais elle ne veut pas connaître d'autre organe et d'autre voie que le cœur de l'homme : quand on la force de se présenter par une autre entrée, elle souffre de se voir prostituée, et elle se sauve aussitôt qu'elle le peut. Aussi, homme, mon ami, si l'on t'avait communiqué le tableau universel de la lumière, et le flambeau de toutes les révélations passées, présentes et futures, tu pourrais encore n'avoir pas fait un pas si tu n'avais commencé par ouvrir ton âme à l'esprit de la vie, et à ce médicament actif dont tout ton être a besoin à tous les instants ; et au contraire, si tu ouvrais un instant ton âme à cet esprit de la vie, tu te sentirais marcher comme naturellement dans le sentier de la lumière et de la science.

      D'ailleurs, veux-tu voir par toi-même les effets de cette science si respectable, et combien elle a peu profité aux hommes ? La terre est remplie des monuments de cette science Divine, et des immenses développements qu'elle n'a cessé de fournir depuis le commencement du monde ? Tout a été écrit, dit, publié ; il n'y a point de profondeur ici-bas qui n'ait été sondée, il n'y a point de secret qui n'ait été découvert, point de lumière qui n'ait été manifestée; les hommes regorgent de trésors en ce genre, ils en sont inondés, entourés, encombrés ; et cependant quel chemin leur vois-tu faire dans la carrière de la vérité et de la paix ? Ils croient leur cœur en sûreté, dès que leur esprit voit des rayons de lumière ; et ils ne songent pas que sans le secret et douloureux médicament, ils ne font, avec toutes leurs clartés, que se jeter plus sciemment dans le précipice.

      Veux-tu savoir ce qui leur est nécessaire, et ce qu'ils peuvent attendre de la voie simple, cachée et naturelle ? C'est qu'une parcelle puisse se détacher de la grande mesure, et apporter sur tout leur être cet esprit de mesure, d'aplomb, d'équilibre, de justesse, de sécurité, de certitude, et de confiance animée et irrésistible dont elle est à la fois le foyer, la source, l'organe, le sceau, le signe, le caractère, et le continuel, majestueux, universel et triomphant effet : tâche de parvenir à ce degré à la fois délicieux et sanctifiant ; tâche qu'il n'y ait plus en toi qui ait quelque chose à toi ; car plus cette parcelle imperceptible, que j'ai appelée la mesure, trouvera en toi de choses qui lui appartiennent, plus tu seras plein de ces mesures si salutaires, et dont la seule présence peut servir de date à ta régénération.

      Je voudrais bien qu'ils me crussent, mes malheureux frères, je pourrais leur présenter sur cet objet des vérités bien consolantes. Je leur dirais : vous voyez que votre langue et votre palais ont le discernement des saveurs, et des diverses propriétés des sels ; vous voyez que les substances alimentaires sont soumises à ce discernement de votre organe matériel ; vous voyez que votre intelligence a le discernement des esprits, et que par elle vous pouvez les éprouver, les vérifier, les goûter, et les juger ; eh bien, descendez encore un peu plus au fond de vous-mêmes, vous allez trouver que votre cœur a le discernement des intentions, des facultés, des opérations, et des mouvements de votre Dieu lui-même ; et que vous êtes l'organe sacré auquel il veut bien laisser faire l'épreuve de tout ce qu'il daigne envoyer hors de son éternel centre ; c'est sur cette langue invisible, mais impérissable que se peut faire l'essai de tous les sels Divins que la sagesse envoie continuellement dans l'atmosphère l'esprit.

      Oh ! Homme, purifie donc sans cesse cet organe ; l'usage en est si doux, la perspective qu'il t'offre est si sublime, que je ne sais pas comment tu pourrais encore permettre à tes yeux de se fermer après avoir considéré une semblable merveille. Cependant quelqu' admirable qu'elle soit, elle ne te surprendrait plus si tu te rappelais que la Divinité doit nous traverser tout entière, soit dans sa souffrance, soit dans sa gloire : car si elle doit nous traverser tout entière, il n'est plus étonnant pour nous que nous soyons ordonnés, et formés pour en avoir le discernement ; apprends donc ici à simplifier tes idées sur le caractère et l'emploi du prophète ; compare son élection et tout ton être avec ce fils qui vient d'être conçu en toi par l'esprit, et avec tous les autres types que tu as parcourus ; car il faut t'attendre à trouver la même chose à tous les pas.


12.

      Puisque notre Dieu est un être effectif, tout doit être effectif dans ce qui l'approche, comme dans ce qui sort de lui. Ainsi, pourvu que nous le recherchions avec une pénitence effective, une humilité effective, un courage effectif, nous ne devons pas douter qu'il ne vienne à nous avec des puissances effectives, avec des dons effectifs, et qu'il n'imprime sur nous des témoignages effectifs de son intérêt et de son effectivité ; croyons en outre que si par cette effective influence Divine, nous nous trouvons dans une nouvelle situation effective de joie, de lumières, de forces, de vertus, de foi, de piété, de sainteté, enfin si nous nous trouvons effectivement dans une atmosphère réellement vive, nous pouvons espérer de produire cette même température effective dans tout ce qui nous environne, parce que la vraie et vive effectivité de notre Dieu ne cherche qu'à s'établir et se répandre, afin que selon son désir tout soit plein de lui.

      Lorsque David écrit, psaume cent dix, verset 7 : Les œuvres de ses mains ne sont autre chose que vérité et que justice, il dit plus, que l'intelligence ordinaire ne peut apercevoir dans ces paroles, et on ne peut les comprendre effectivement que par la jonction de cette influence effective pour laquelle nous sommes tous faits, et qui nous est si nécessaire, que nous ne pouvons être renouvelés sans elle. Mais aussi dès qu'elle existe, nous devons nous remplir d'une ardeur sans borne pour obtenir d'en être pénétrés à tous les moments, et d'en pénétrer à notre tour tous les ouvrages de nos mains, et tous les objets de nos œuvres.

      Oui, Dieu de ma vie, tu m'appelleras, et je te répondrai en t'immolant des sacrifices effectifs dont les fruits et la récompense seront de vivre avec ton esprit, par ton esprit, et dans ton esprit. Tu veux bien ne pas dédaigner mon âme quelque misérable et quelqu'infirme qu'elle soit ; après lui avoir fait prendre le médicament d'amertume, tu lui feras connaître aussi le médicament de la joie, et de l'adoucissement ; et cet adoucissement, ce sera de t'emparer d'elle, de la presser par l'impulsion de ta main dans tous les mouvements qu'elle a à faire, et de ne pas la laisser un instant sans toi.

      Venez, humilité sainte, venez vivre dans la prédication intérieure que mon âme entend chaque jour au-dedans d'elle-même, et unissez votre activité à la parole intérieure qui me poursuit, afin que je sois sans interruption un être effectif, et que, par votre moyen, le Divin et universel défenseur repose sur moi, et me préserve de la colère du Seigneur.

      L'homme est tranquille au milieu des abîmes qui l'environnent ; il oublie que ses ennemis sont si redoutables, qu'il ne peut pas abattre le moindre degré de leur puissance, qu'autant que la force Divine, elle-même, se met en mouvement, et sans qu'il n'en coûte à Dieu, une opération, et un acte réel de sa force et de son action entière. L'ennemi ne l'ignore pas cette vérité ; aussi, il ne remue pas tant que nous ne mettons en jeu que nos puissances inférieures et particulières à l'homme ténébreux ; et un de ses grands secrets, c'est d'abuser les mortels par d'apparents succès fondés sur des prières faibles et illusoires, qui les font dormir dans le sommeil de la mort ; c'est par là qu'il dévore journellement toute la terre.

      Mais quand nous avons le bonheur de ne pas nous reposer sur nos propres forces, quand enfin c'est cet être puissant, lui-même, qui agit et qui opère, l'ennemi tremble, et fuit dans ses antres obscurs, ne pouvant pas résister à la force invincible du lion de la tribu de Juda, à qui l'Éternel a juré par son nom redoutable, que tout empire lui serait donné ; c'est cette promesse irréfragable qui assure le triomphe à la seule présence de cet agent sacré, et qui fait sentir à l'ennemi la différence de la parole de vérité à une parole variable ou fausse.

      Cet ennemi de toute vérité a des puissances à ses ordres qu'il envoie devant lui comme des espions dès qu'on le poursuit et qu'on l'attaque dans son pays ; il a à ses ordres des chiens, des loups qui observent s'ils ne pourront pas dévorer le cavalier et sa monture, et ensuite faire main basse à leur aise sur toute la bergerie. Mais sitôt qu'ils aperçoivent ou seulement qu'ils sentent le lion de la tribu de Juda, ils fuient à toutes jambes, tant ce lion de la tribu de Juda a des armes tranchantes et à l'épreuve de tout. Ses armes n'ont pas même besoin de se mouvoir ; il approche et tout tremble devant lui.

      Ne cherchons pas un autre chef. N'est-ce pas lui qui a appelé l'âme de l'homme et qui lui a dit : sur cette pierre je bâtirai mon église ? Mais notre âme embrasse et pénètre tout notre être, comme l'esprit du Seigneur embrasse et pénètre tout l'univers ; ainsi chaque portion de nous, chacune de nos facultés, chacune de nos pensées, chacun de nos mouvements peuvent donc se transformer en autant d'églises où le nom du Seigneur soit perpétuellement honoré ; c'est pour cela que le nom du Seigneur sera loué de l'orient jusqu'à l'occident, du nord au midi, et dans toute l'étendue de la terre. C'est là ce que seront les fonctions de ce nouveau-né à qui l'esprit vient de donner le jour ; car, son ministère circulera dans le quaternaire ; ainsi l'homme aura à vaquer aux fonctions Divines à l'angle d'orient, aux fonctions spirituelles dans l'angle du nord, aux fonctions de l'ordre mixte dans l'angle d'ouest et aux fonctions de la justice, du combat et du jugement dans l'angle du midi. De là il retournera sur ses pas, pour purifier, et sanctifier de nouveau les régions et leur faire part de ses triomphes et venir ensuite en rendre hommage à l'universel triomphateur, sans lequel il n'y aurait aucun conquérant.

      Mais répétons-le, c'est dans les plus creuses profondeurs de l'âme humaine, que l'architecte doit venir poser le fondement de l'église ; et il faut qu'il les cimente avec la chair, le sang et la vie de notre verbe, et de tout notre être. Voilà le travail le plus pénible de la régénération ; c'est celui qui porte sur cette intime substance de nous-mêmes. Au milieu des supplices que notre corps peut subir, nous pouvons dans notre âme en subir un plus grand encore.

      C'est ce qui est arrivé au réparateur qui ne songeait point à la mort de son corps lorsqu'il demandait que ce calice s'éloignât de lui ; enfin c'est le combat de l'esprit, c'est cette douleur à laquelle aucune douleur ne se compare, et qui, par sa grandeur même, nous met dans le cas de supporter toutes les autres avec une sorte d'indifférence.

      Car, si nous voulions courageusement faire pénétrer notre esprit vivant dans toutes les subdivisions et régions de notre être, pour y porter la vie et la renaissance, nous ne compterions pour rien les maux ordinaires auxquels notre nature et notre vie temporelle nous exposent ; et il n'y aurait plus de douleur qui pût se mettre en parallèle avec notre douleur ; mais aussi, où seraient les joies qui finalement pourraient se mettre en parallèle avec nos joies ?

      Nous apprendrions là, en peu de temps, toute notre histoire. Nous y apprendrions que nous naissons dans le Divin, que nous prenons forme dans l'esprit, que nous rectifions l'apparence, et que nous séparons l'iniquité, et que ces quatre grandes opérations se font par l'impression de la force, de l'amour et de la sainteté, sur notre corps, notre cœur et notre front ; le tout sous l'aspect du grand nom central qui plane au-dessus de nous, pour nous vivifier, comme il vivifie tous les êtres dont il est à jamais le centre unique et universel.




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