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Les Grands Initiés

Edouard Schuré
© France-Spiritualités™






LIVRE PREMIER
RAMA – LE CYCLE ARYEN


III – L'EXODE ET LA CONQUÊTE

Dans ce rêve, comme sous une lumière fulgurante, Ram vit sa mission et l'immense destinée de sa race. Dès lors, il n'hésita plus. Au lieu d'allumer la guerre entre les peuplades de l'Europe, il résolut d'entraîner l'élite de sa race au cœur de l'Asie. Il annonça aux siens qu'il instituerait le culte du feu sacré, qui ferait le bonheur des hommes ; que les sacrifices humains seraient à jamais abolis ; que les Ancêtres seraient invoqués, non plus par des prêtresses sanguinaires sur des rochers sauvages dégouttants de sang humain, mais à chaque foyer, par l'époux et par l'épouse, unis dans une même prière, dans un hymne d'adoration, près du feu qui purifie. Oui, le feu visible de l'autel, symbole et conducteur du feu céleste invisible, unirait la famille, le clan, la tribu et tous les peuples, centre du Dieu vivant sur la terre. Mais pour récolter cette moisson, il fallait séparer le bon grain de l'ivraie ; il fallait que tous les hardis se préparassent à quitter l'Europe pour conquérir une terre nouvelle, une terre vierge. Là, il donnerait sa loi ; là, il fonderait le culte du feu rénovateur.

      Cette proposition fut accueillie avec enthousiasme par un peuple jeune et avide d'aventures. Des feux allumés et entretenus pendant plusieurs mois sur les montagnes, furent le signal de l'émigration en masse pour tous ceux qui voulaient suivre le Bélier. La formidable émigration, dirigée par ce grand pasteur des peuples, s'ébranla lentement et se dirigea vers le centre de l'Asie. Le long du Caucase, elle eut à prendre plusieurs forteresses cyclopéennes des Noirs. En souvenir de ces victoires, les colonies blanches sculptèrent plus tard de gigantesques têtes de béliers dans les rochers du Caucase. Ram se montra digne de sa haute mission. Il aplanissait les difficultés, pénétrait les pensées, prévoyait l'avenir, guérissait les maladies, apaisait les révoltés, enflammait les courages. Ainsi les puissances célestes que nous nommons Providence, voulaient la domination de la race boréenne sur la terre et lançaient, par le génie de Ram, des rayons lumineux sur son chemin. Cette race avait déjà eu ses inspirés de second ordre pour l'arracher à l'état sauvage. Mais Ram qui, le premier, conçut la loi sociale comme une expression de la loi divine fut un inspiré direct et de premier ordre.

      Il fit amitié avec les Touraniens, vieilles tribus scythiques croisées de sang jaune, qui occupaient la haute Asie, et les entraîna à la conquête de l'Iran d'où il refoula complètement les Noirs, voulant qu'un peuple de pure race blanche occupât le centre de l'Asie et devînt pour tous les autres un foyer de lumière. Il y fonda la ville de Ver, ville admirable, dit Zoroastre. Il enseigna à labourer et à ensemencer la terre, il fut le père du blé et de la vigne. Il créa les castes selon les occupations et divisa le peuple en prêtres, guerriers, laboureurs, artisans. A l'origine, les castes ne furent point rivales ; le privilège héréditaire, source de haine et de jalousie, ne s'introduisit que plus tard. Il défendit l'esclavage autant que le meurtre, affirmant que l'asservissement de l'homme par l'homme était la source de tous les maux. Quant au clan, ce groupement primitif de la race blanche, il le conserva tel quel et lui permit d'élire ses chefs et ses juges.

      Le chef-d'œuvre de Ram, l'instrument civilisateur par excellence créé par lui, fut le rôle nouveau qu'il donna à la femme. Jusqu'alors l'homme n'avait connu la femme que sous une double forme : ou l'esclave misérable de sa hutte qu'il écrasait et maltraitait brutalement, ou la troublante prêtresse du chêne et du rocher dont il recherchait les faveurs et qui le dominait malgré lui, magicienne fascinante et terrible, dont il redoutait les oracles et devant laquelle tremblait son âme superstitieuse. Le sacrifice humain, c'était la revanche de la femme contre l'homme, lorsqu'elle enfonçait le couteau dans le cœur de son tyran farouche. Proscrivant ce culte affreux et relevant la femme devant l'homme dans ses fonctions divines d'épouse et de mère, Ram en fit la prêtresse du foyer, gardienne du feu sacré, l'égale de l'époux, invoquant avec lui l'âme des Ancêtres.

      Comme tous les grands législateurs, Ram ne fit donc que développer, en les organisant, les instincts supérieurs de sa race. Afin d'orner et d'embellir la vie, Ram ordonna quatre grandes fêtes de l'année. La première fut celle du printemps ou des générations. Elle était consacrée à l'amour de l'époux et de l'épouse. La fête d'été ou des moissons appartenait aux fils et aux filles qui offraient les gerbes du travail aux parents. La fête de l'automne célébrait les pères et les mères ; ceux-ci donnaient alors des fruits aux enfants en signe de réjouissance. La plus sainte et la plus mystérieuse des fêtes était celle de Noël ou des grandes semailles. Ram la consacra à la fois aux enfants nouveau-nés, aux fruits de l'amour conçus en printemps et aux âmes des morts, aux Ancêtres. Point de conjonction entre le visible et l'invisible, cette solennité religieuse était à la fois l'adieu aux âmes envolées et le salut mystique à celles qui reviennent s'incarner dans les mères et renaître dans les enfants. Dans cette nuit sainte, les antiques Aryas se réunissaient dans les sanctuaires de l'Aïryana-Vaéïa comme ils l'avaient fait jadis dans leurs forêts. Par des feux et des chants, ils célébraient le recommencement de l'année terrestre et solaire, la germination de la nature au cœur de l'hiver, le tressaillement de la vie au fond de la mort. Ils chantaient l'universel baiser du ciel à la terre et l'enfantement triomphal du nouveau Soleil par la grande Nuit-Mère.

      Ram reliait ainsi la vie humaine au cycle des saisons, aux révolutions astronomiques. En même temps il en faisait ressortir le sens divin. C'est pour avoir fondé d'aussi fécondes institutions, que Zoroastre l'appelle « le chef des peuples, le très fortuné monarque. » C'est pourquoi le poète indou Valmiki, qui transporte l'antique héros à une époque beaucoup plus récente et dans le luxe d'une civilisation plus avancée, lui conserve cependant les traits d'un si haut idéal. « Rama aux yeux de lotus bleu, dit Valmiki, était le seigneur du monde, le maître de son âme et l'amour des hommes, le père et la mère de ses sujets. Il sut donner à tous les êtres la chaîne de l'amour. »

      Etablie dans l'Iran, aux portes de l'Himalaya, la race blanche n'était pas encore maîtresse du monde. Il fallait que son avant-garde s'enfonçât dans l'Inde, centre capital des Noirs, les antiques vainqueurs de la race rouge et de la race jaune. Le Zend-Avesta parle de cette marche sur l'Inde de Rama (11). L'épopée indoue en a fait l'un de ses thèmes favoris. Rama fut le conquérant de la terre qu'enferme l'Himavat, la terre des éléphants, des tigres et des gazelles. Il ordonna le premier choc et conduisit la première poussée de cette lutte gigantesque, où deux races se disputaient inconsciemment le sceptre du monde. La tradition poétique de l'Inde renchérissant sur les traditions occultes des temples, en a fait la lutte de la magie blanche avec la magie noire. Dans sa guerre contre les peuples et les rois du pays des Djambous, comme on l'appelait alors, Ram ou Rama, comme l'appelèrent les Orientaux, déploya des moyens miraculeux en apparence, parce qu'ils sont au-dessus des facultés ordinaires de l'humanité, et que les grands initiés doivent à la connaissance et au maniement des forces cachées de la nature. Ici la tradition le représente faisant jaillir des sources d'un désert, là trouvant des ressources inattendues dans une sorte de manne dont il enseigna l'usage, ailleurs, faisant cesser une épidémie avec une plante nommée hom, l'amomos des Grecs, la perséa des Egyptiens, dont il tira un suc salutaire. Cette plante devint sacrée parmi ses sectateurs et remplaça le gui du chêne conservé par les Celtes de l'Europe.

      Rama usait contre ses ennemis de toutes sortes de prestiges. Les prêtres des Noirs ne régnaient plus que par un culte bas. Ils avaient l'habitude de nourrir dans leurs temples d'énormes serpents et des ptérodactyles, rares survivants d'animaux antédiluviens qu'ils faisaient adorer comme des dieux et qui terrifiaient la foule. A ces serpents ils faisaient manger la chair des captifs. Quelquefois Rama apparut à l'improviste dans ces temples, avec des torches, chassant, terrifiant, domptant les serpents et les prêtres. Quelquefois il se montrait dans le camp ennemi, s'exposant sans défense à ceux qui cherchaient sa mort et repartait sans que personne eût osé le toucher. Lorsqu'on interrogeait ceux qui l'avaient laissé échapper, ils répondaient qu'en rencontrant son regard ils s'étaient sentis pétrifiés ; ou bien, pendant qu'il parlait, une montagne d'airain s'était interposée entre eux et lui, et ils avaient cessé de le voir. Enfin, comme couronnement de son œuvre, la tradition épique de l'Inde attribue à Rama la conquête de Ceylan, dernier refuge du magicien noir Ravana sur lequel le magicien blanc fait pleuvoir une grêle de feu, après avoir jeté un pont sur un bras de mer avec une armée de singes qui ressemble fort à quelque peuplade primitive de bimanes sauvages, entraînée et enthousiasmée par ce grand charmeur de nations.


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(11)  Il est très remarquable que le Zend-Avesta, le livre sacré des Parsis, tout en considérant Zoroastre comme l'inspiré d'Ormuzd, le prophète de la loi de Dieu, en fait le continuateur d'un prophète beaucoup plus ancien. Sous le symbolisme des temples antique, on saisit ici le fil de la grande révélation de l'humanité qui relie entre eux les vrais initiés. Voici ce passage important :
      1. Zarathoustra (Zoroastre) demanda à Ahura-Mazda (Ormuzd, le Dieu de lumière) : Ahura-Mazda, toi, saint et très sacré créateur de tous les êtres corporels et très purs ;
      2. Quel est le premier homme avec lequel tu t'es entretenu, toi qui es Ahura Mazda ?
      ...4. Alors Ahura Mazda répondit : « C'est avec le bel Yima, celui qui était à la tête d'un rassemblement digne d'éloges, ô pur Zarathoustra » ;
      ...13. Et je lui dis : « Veille sur les mondes qui sont à moi, rends-les fertiles en ta qualité de protecteur.
      ...17. Et je lui apportai les armes de la victoire, moi qui suis Ahura Mazda :
      18. Une lance d'or et une, épée d'or.
      ...31. Alors Yima s'éleva jusqu'aux étoiles vers le midi, mur la route que suit le soleil.
      ...37. Il marcha sur cette terre qu'il avait rendue fertile. Elle fut d'un tiers plus considérable qu'auparavant.
      ...43. Et le brillant Yima réunit l'assemblée des hommes les plus vertueux dans le célèbre Airyana-Vaéja, créé pur. (Vendidad-Sadé, 2èmeFargard. – Traduction d'Anquetil Duperron.)




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