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Les Grands Initiés

Edouard Schuré
© France-Spiritualités™






LIVRE VIII
JÉSUS – LA MISSION DU CHRIST


VI – DERNIER VOYAGE À JÉRUSALEM – LA PROMESSE
LA CÈNE, LE PROCÈS, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

« Hosanna au fils de David ! » Ce cri retentissait sur les pas de Jésus, à son entrée par la porte orientale de Jérusalem, et les branches de palmier pleuvaient sous ses pieds. Ceux qui l'accueillaient avec tant d'enthousiasme étaient des adhérents du prophète galiléen, accourus des environs et de l'intérieur de la ville pour cette ovation. Ils saluaient le libérateur d'Israël, qui bientôt serait couronné roi. Les douze apôtres qui l'accompagnaient partageaient encore cette illusion obstinée, malgré les prédictions formelles de Jésus. Lui seul, le Messie acclamé, savait qu'il marchait au supplice et que les siens ne pénétreraient dans le sanctuaire de sa pensée qu'après sa mort. Il s'offrait résolument, de pleine conscience et de pleine volonté. De là sa résignation, sa douce sérénité. Tandis qu'il passait sous le porche colossal, percé dans la sombre forteresse de Jérusalem, la clameur s'engouffrait sous la voûte et le poursuivait comme la voix du Destin, qui saisit sa proie : « Hosanna au fils de David ! »

      Par cette entrée solennelle, Jésus déclarait publiquement aux autorités religieuses de Jérusalem qu'il assumait le rôle du Messie avec toutes ses conséquences. Le lendemain, il parut au temple, dans la cour des Gentils, et s'avançant vers les marchands de bêtes et les changeurs, dont les faces d'usuriers et le cliquetis assourdissant des monnaies profanaient le parvis du saint lieu, il leur dit cette parole d'Isaïe : « Il est écrit : ma maison sera une maison de prière, et vous en faites une caverne de brigands. » Les marchands s'enfuirent, emportant leurs tables et leurs sacs d'argent, intimidés par les partisans du prophète, qui l'entouraient comme d'un rempart solide, mais plus encore par son regard flamboyant et son geste impérieux. Les prêtres ébahis s'étonnèrent de cette audace et restèrent effrayés de tant de puissance. Une députation du sanhédrin vint lui en demander raison avec ces mots : « Par quelle autorité fais-tu ces choses ? » A cette question captieuse, Jésus, selon son habitude, répondit par une question non moins embarrassante pour ses adversaires : « Le baptême de Jean, d'où venait-il, du ciel ou des hommes ? » Si les Pharisiens avaient répondu : Il vient du ciel, Jésus leur eût dit : Alors, pourquoi n'y avez vous pas cru ? S'ils avaient dit : il vient des hommes, ils avaient à craindre le peuple qui tenait Jean-Baptiste pour un prophète. Ils répondirent donc : Nous n'en savons rien. – Et moi, leur dit Jésus, je ne vous dirai pas non plus par quelle autorité je fais ces choses. Mais le coup paré, il prit l'offensive et ajouta : « Je vous dis en vérité que les péagers et les femmes de mauvaise vie vous devancent au royaume de Dieu. » Puis il les compara, dans une parabole, au mauvais vigneron qui tue le fils du maître pour avoir l'héritage de la vigne, et se nomma lui-même « la pierre angulaire qui les écraserait. » Par ces actes, par ces paroles, on voit qu'à son dernier voyage dans la capitale d'Israël, Jésus voulut se couper la retraite. On tenait depuis longtemps de sa bouche les deux grands chefs d'accusation nécessaires pour le perdre : ses menaces contre le temple et l'affirmation qu'il était le Messie. Ses dernières attaques exaspérèrent ses ennemis. A partir de ce moment, sa mort, résolue par les autorités, ne fut plus qu'un affaire de temps. Dès son arrivée, les membres le plus influents du Sanhédrin, Saducéens et Pharisiens, réconciliés dans la haine contre Jésus, s'étaient entendus pour faire périr « le séducteur du peuple ». On hésitait seulement à le saisir en public, car on redoutait un soulèvement populaire. Plusieurs fois déjà, des sergents qu'on avait envoyés contre lui s'en étaient revenus, gagnés par sa parole ou effrayés par les rassemblements. Plusieurs fois les soldats du temple l'avaient vu disparaître au milieu d'eux d'une manière incompréhensible. C'est ainsi que l'empereur Domitien, fasciné, suggestionné et comme frappé de cécité par le mage qu'il voulait condamner, vit disparaître Apollonius de Tyane, devant son tribunal et au milieu de ses gardes ! La lutte entre Jésus et les prêtres continuait ainsi de jour en jour, avec une haine croissante de leur côté, et du sien avec une vigueur, une impétuosité, un enthousiasme surexcités par la certitude qu'il avait de l'issue fatale. Ce fut le dernier assaut de Jésus contre les puissances du jour. Il y déploya une extrême énergie, et toute cette force masculine qui revêtait comme une armure la tendresse sublime, qu'on peut appeler : l'Eternel-Féminin de son âme. Ce combat formidable se termina par les terribles malédictions contre les falsificateurs de la religion : « Malheur à vous, scribes et Pharisiens, qui fermez le royaume des cieux à ceux qui veulent y entrer ! – Insensés et aveugles, qui payez la dîme et négligez la justice, la miséricorde et la fidélité ! – Vous ressemblez aux sépulcres blanchis qui paraissent beaux par dehors, mais qui au-dedans sont pleins d'ossements des morts et de toute sorte de pourriture ! »

      Après avoir ainsi stigmatisé pour les siècles l'hypocrisie religieuse et la fausse autorité sacerdotale, Jésus considéra sa lutte comme terminée. Il sortit de Jérusalem, suivi de ses disciples, et prit avec eux le chemin du Mont des Oliviers. En le gravissant, on apercevait, d'en haut, le temple d'Hérode dans toute sa majesté, avec ses terrasses, ses vastes portiques, son revêtement de marbre blanc incrusté de jaspe et de porphyre, l'étincellement de sa toiture lamée d'or et d'argent. Les disciples, découragés, pressentant une catastrophe, lui firent remarquer la splendeur de l'édifice que le maître quittait pour toujours. Il y avait dans leur ton une nuance de mélancolie et de regret. Car ils avaient espéré jusqu'au dernier moment y siéger comme juges d'Israël, autour du Messie couronné pontife-roi. Jésus se retourna, mesura le temple des yeux et dit : « Voyez-vous tout cela ? Pas une pierre ne restera sur l'autre (150). » Il jugeait de la durée du temple de Jéhova par la valeur morale de ceux qui le détenaient. Il comprenait que le fanatisme, l'intolérance et la haine n'étaient pas des armes suffisantes contre les béliers et les haches du César romain. Avec son regard d'initié, devenu plus perçant par cette clairvoyance que donne l'approche de la mort, il voyait l'orgueil judaïque, la politique des rois, toute l'histoire juive aboutir fatalement à cette catastrophe. Le triomphe n'était pas là ; il était dans la pensée des prophètes, dans cette religion universelle, dans ce temple invisible, dont lui seul avait pleine conscience à cette heure. Quant à l'antique citadelle de Sion et au temple de pierre, il voyait déjà l'ange de la destruction debout à ses portes, une torche à la main.

      Jésus savait que son heure était proche, mais il ne voulait pas se laisser surprendre par le sanhédrin et se retira à Béthanie. Comme il avait une prédilection pour le mont des Oliviers, il y venait presque tous les jours s'entretenir avec ses disciples. De cette hauteur, on jouit d'une vue admirable. L'œil embrasse les sévères montagnes de la Judée et de Moab aux teintes bleuâtres et violacées ; on aperçoit au loin un bout de la mer Morte comme un miroir de plomb, d'où s'échappent des vapeurs sulfureuses. Au pied du mont s'étend Jérusalem que dominent le temple et la citadelle de Sion. Encore aujourd'hui, quand le crépuscule descend dans les gorges funèbres d'Hinnôm et de Josaphat, la cité de David et du Christ, protégée par les fils d'Ismaël, surgit imposante de ces sombres vallées. Ses coupoles, ses minarets retiennent la lumière mourante du ciel et semblent toujours attendre les anges du jugement. C'est là que Jésus donna à ses disciples ses dernières instructions sur l'avenir de la religion qu'il était venu fonder et sur les destinées futures de l'humanité, leur léguant ainsi sa promesse terrestre et divine, profondément liée à son enseignement ésotérique.

      Il est clair que les rédacteurs des Evangiles synoptiques ne nous ont transmis les discours apocalyptiques de Jésus que dans une confusion qui les rend presque indéchiffrables. Leur sens ne commence à devenir intelligible que dans celui de Jean. Si Jésus avait réellement cru à son retour sur les nuages, quelques années après sa mort, comme l'admet l'exégèse naturaliste ; ou bien, s'il s'était figuré que la fin du monde et le jugement dernier des hommes auraient lieu sous cette forme, comme le croit la théologie orthodoxe, il n'eût été qu'un illuminé chimérique, un visionnaire très médiocre, au lieu du sage initié, du Voyant sublime que démontre chaque mot de son enseignement, chaque pas de sa vie. Evidemment, ici plus que jamais, ses paroles doivent être entendues dans le sens allégorique, selon le symbolisme transcendant des prophètes. Celui des quatre Evangiles qui nous a le mieux transmis l'enseignement ésotérique du maître, celui de Jean, nous impose lui-même cette interprétation d'ailleurs si conforme au génie parabolique de Jésus, quand il nous rapporte ces paroles du maître : « J'aurais encore plusieurs choses à vous dire, mais elles sont au-dessus de votre portée... Je vous ai dit ces choses par des similitudes ; mais le temps vient que je ne vous parlerai plus par des similitudes, mais je vous parlerai ouvertement de mon Père. »

      La promesse solennelle de Jésus aux apôtres vise quatre objets, quatre sphères grandissantes de la vie planétaire et cosmique : la vie psychique individuelle ; la vie nationale d'Israël ; l'évolution et la fin terrestres de l'humanité ; son évolution et sa fin divines. Reprenons un à un ces quatre objets de la promesse, ces quatre sphères où rayonne la pensée du Christ avant son martyre, comme un soleil couchant qui remplit de sa gloire toute l'atmosphère terrestre jusqu'au zénith, avant de luire à d'autres mondes.

      1. Le premier jugement signifie : la destinée ultérieure de l'âme après la mort. Elle est déterminée par sa nature intime et par les actes de sa vie. J'ai exposé plus haut cette doctrine à propos de l'entretien de Jésus avec Nicodème. Au mont des Oliviers, il dit à ce sujet aux apôtres : « Prenez garde à vous-mêmes, de peur que vos cœurs ne soient appesantis par la gourmandise et que ce jour ne vous surprenne (151) ». Et encore : « Tenez-vous prêts, car le Fils de l'Homme viendra à l'heure que vous ne pensez pas. (152) »

      2. La destruction du temple et la fin d'Israël. « Une nation s'élèvera contre une autre... Vous serez livrés aux gouverneur pour être tourmentés... Je vous dis en vérité que cette génération ne passera point que toutes ces choses n'arrivent (153). »

      3. Le but terrestre de l'humanité qui n'est pas fixé à une époque déterminée, mais qui doit être atteint par une série d'accomplissements échelonnés et successifs. Ce but est l'avènement du Christ social, ou de l'homme divin sur la terre ; c'est-à-dire l'organisation de la Vérité, de la Justice et de l'Amour dans la société humaine, et par suite la pacification des peuples. Isaïe avait déjà prédit cette époque lointaine dans une vision magnifique qui commence par ces mots : « Pour moi, voyant leurs œuvres et leurs pensées, je viens pour rassembler toutes les nations et toutes les langues ; elles viendront et verront ma gloire, et je mettrai mon signe en eux, etc. (154) » Jésus complétant cette prophétie explique à ses disciples quel sera ce signe. Ce sera le dévoilement complet de mystères ou l'avènement du Saint-Esprit, qu'il appelle aussi le Consolateur ou « l'Esprit de Vérité qui vous conduira dans toute vérité ». – « Et je prierai mon Père qui vous donnera un autre Consolateur, afin qu'il demeure éternellement avec vous, savoir l'Esprit de Vérité que le monde ne peut recevoir parce qu'il ne le voit point ; mais vous le connaissez parce qu'il demeure avec vous et qu'il sera en vous (155). » Les apôtres auront cette révélation à l'avance, l'humanité l'aura plus tard, dans la série des temps. Mais chaque fois qu'elle a lieu dans une conscience ou dans un groupe humain, elle les traverse de part en part et jusqu'au fond. « L'avènement du Fils de l'Homme sera comme un éclair qui sort de l'Orient et va jusqu'en Occident (156). » Ainsi quand s'allume la vérité centrale et spirituelle, elle illumine toutes les autres et tous les mondes.

      4. Le jugement dernier signifie la fin de l'évolution cosmique de l'humanité ou son entrée dans un état spirituel définitif. C'est ce que l'ésotérisme persan avait appelé la victoire d'Ormuzd sur Ahrimane ou de l'Esprit sur la matière. L'ésotérisme indou le nommait la résorption complète de la matière par l'Esprit ou la fin d'un jour de Brahma. Après des milliers et des millions de siècles une époque doit venir, où, à travers la série des naissances et des renaissances, des incarnations et des régénérations, les individus qui composent une humanité seront définitivement entrés dans l'état spirituel ou bien anéantis comme âmes conscientes par le mal, c'est-à-dire par leurs propres passions que symbolisent le feu de la géhenne et les grincements de dents. « Alors le signe du Fils de l'Homme apparaîtra dans le ciel. Le Fils de l'Homme viendra sur la Nue. Il enverra ses Anges avec un grand son de trompette et il rassemblera ses Elus des quatre vents (157) » – Le Fils de l'Homme, terme générique, signifie ici l'humanité dans ses représentants parfaits, c'est-à-dire le petit nombre de ceux qui se sont élevés jusqu'au rang de fils de Dieu. – Son signe est l'Agneau et la Croix, c'est-à-dire l'Amour et la Vie éternelle. – La Nue est l'image des Mystères devenus translucides, ainsi que de la matière subtile transfigurée par l'esprit, de la substance fluidique qui n'est plus un voile épais et obscur, mais un vêtement léger et transparent de l'âme, non plus une entrave grossière mais une expression de la vérité, non plus une apparence trompeuse, mais la vérité spirituelle elle-même, le monde intérieur instantanément et directement manifesté. – Les Anges qui rassemblent les élus sont les esprits glorifiés, issus eux-mêmes de l'humanité. – La Trompette qu'ils sonnent symbolise le verbe vivant de l'Esprit, qui montre les âmes telles qu'elles sont et détruit toutes les apparences mensongères de la matière.

      Jésus, se sentant à la veille de la mort, ouvrit et déroula ainsi devant les apôtres étonnés les hautes perspectives qui, dès les temps antiques, avaient fait partie de la doctrine des mystères, mais auxquelles chaque fondateur religieux a toujours donné une forme et une couleur personnelles. Pour graver ces vérités dans leur esprit, pour en faciliter la propagation, il les résuma dans ces images d'une extrême hardiesse et d'une incisive énergie. L'image révélatrice, le symbole parlant était le langage universel des initiés antiques. Il possède une vertu communicative, une force de concentration et de durée qui manque au terme abstrait. En s'en servant, Jésus ne fit que suivre l'exemple de Moïse et des prophètes. Il savait que l'Idée ne serait pas comprise sur-le-champ, mais il voulait l'imprimer en lettres flamboyantes dans l'âme naïve des siens, laissant aux siècles le soin de générer les puissances contenues dans sa parole. Jésus se sent un avec tous les prophètes de la terre qui l'avaient précédé, comme lui porte-voix de Vie et du Verbe éternel. Dans ce sentiment d'unité et de solidarité avec la vérité immuable, devant ces horizons sans bornes d'une sidérale radiance qui ne s'aperçoivent que du zénith des Causes premières, il osa dire à ses disciples affligés ces fières paroles : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas ».

      Ainsi glissaient les matins et les soirs sur le mont des Oliviers. Un jour, par un de ces mouvements de sympathie propres à sa nature ardente et impressionnable, qui le faisaient revenir brusquement des plus sublimes hauteurs aux souffrances de la terre qu'il sentait comme siennes, il versa des larmes sur Iéroushalaïm, sur la ville sainte et sur son peuple, dont il pressentait le destin épouvantable. Le sien aussi approchait à pas de géant. Déjà le sanhédrin avait délibéré sur son destin et décidé sa mort ; déjà Judas de Kériot avait promis de livrer son maître. Ce qui détermina cette noire trahison ne fut pas l'avarice sordide, mais l'ambition et l'amour-propre blessé. Judas, type d'égoïsme froid et de positivisme absolu, incapable du moindre idéalisme, ne s'était fait disciple du Christ que par spéculation mondaine. Il comptait sur le triomphe terrestre, immédiat du prophète et sur le profit qui lui en reviendrait. Il n'avait rien compris à cette profonde parole du maître : « Ceux qui voudront gagner leur vie la perdront et ceux qui voudront la perdre la gagneront ». Jésus, dans sa charité sans limite, l'avait admis au nombre des siens dans l'espoir de changer sa nature. Quand Judas vit que les choses tournaient mal, que Jésus était perdu, ses disciples compromis, lui-même frustré de toutes ses espérances, sa déception se tourna en rage. Le malheureux dénonça celui qui, à ses yeux, n'était qu'un faux Messie et par lequel il se croyait trompé lui-même. De son regard pénétrant, Jésus avait deviné ce qui se passait dans l'apôtre infidèle. Il résolut de ne plus éviter le destin dont l'inextricable filet se resserrait chaque jour autour de lui. On était à la veille de Pâques. Il ordonna à ses disciples de préparer le repas, dans la ville, chez un ami. Il pressentait que ce serait le dernier et voulait lui donner une solennité exceptionnelle.

      Nous voici parvenus au dernier acte du drame messianique. Il était nécessaire, pour saisir l'âme et l'œuvre de Jésus à leur source, d'éclairer par le dedans les deux premiers actes de sa vie, à savoir son initiation et sa carrière publique. Le drame intérieur de sa conscience s'y est déroulé. Le dernier acte de sa vie, ou le drame de la passion, est la conséquence logique des deux précédents. Connu de tous, il s'explique tout seul. Car le propre du sublime est d'être à la fois simple, immense et clair. Le drame de la passion a puissamment contribué à faire le christianisme. Il a arraché des larmes à tous les hommes qui ont un cœur, et converti des millions d'âmes. Dans toutes ces scènes, les Evangiles sont d'une beauté incomparable. Jean lui-même descend de ses altitudes. Son récit circonstancié prend ici la vérité poignante d'un témoin oculaire. Chacun peut revivre en soi-même le drame divin, personne ne saurait le refaire. Je dois cependant, pour achever ma tâche, concentrer les rayons de la tradition ésotérique sur les trois événements essentiels par lesquels s'acheva la vie du divin Maître : la sainte Cène, le procès du Messie, et la résurrection. Si la lumière se fait sur ces points, elle rejaillira en arrière sur toute la carrière du Christ, et, en avant, sur toute l'histoire du christianisme.

      Les douze, formant treize avec le Maître, s'étaient réunis dans la chambre haute d'une maison de Jérusalem. L'ami inconnu, l'hôte de Jésus, avait orné la chambre d'un riche tapis. Selon la mode orientale, les disciples et le Maître se couchèrent trois par trois sur quatre larges divans en forme de tricliniums, disposés autour de la table. Lorsqu'on eut apporté l'agneau pascal, les vases remplis de vin et la coupe précieuse, le calice d'or prêté par l'ami inconnu, Jésus, placé entre Jean et Pierre, dit : « J'ai ardemment désiré de manger avec vous cette Pâque, car je vous dis que je n'en mangerai plus jusqu'à ce qu'elle soit accomplie dans le royaume du ciel (158) ». Après ces mots, les visages se rembrunirent et l'air devint lourd. « Le disciple que Jésus aimait », et qui seul devinait tout, pencha en silence sa tête vers le sein du Maître. Selon la coutume des Juifs au repas de Pâque, on mangea sans parler les herbes amères et le charoset. Alors Jésus prit le pain, et, ayant rendu grâces, il le rompit et le leur donna en disant : « Ceci est mon corps qui est donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. » De même il leur donna la coupe après souper, en leur disant : « Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui est répandu pour vous (159) ».

      Telle est l'institution de la Cène dans toute sa simplicité. Elle renferme plus de choses qu'on ne le dit et ne le sait communément. Non seulement cet acte symbolique et mystique est la conclusion et le résumé de tout l'enseignement du Christ, il est encore la consécration et le rajeunissement d'un très ancien symbole d'initiation. Chez les initiés d'Egypte et de Chaldée, comme chez les prophètes et les Esséniens, l'agape fraternelle marquait le premier degré de l'initiation. La communion sous l'espèce du pain, ce fruit de la gerbe, signifiait la connaissance des mystères de la vie terrestre en même temps que le partage des biens de la terre, et, par suite, l'union parfaite des frères affiliés. Au degré supérieur, la communion sous l'espèce du vin, ce sang de la vigne pénétré par le soleil, signifiait le partage des biens célestes, la participation aux mystères spirituels et à la science divine. Jésus, en léguant ces symboles aux Apôtres, les élargit. Car, à travers eux, il étend la fraternité et l'initiation, jadis limitées à quelques-uns, à l'humanité tout entière. Il y ajoute le plus profond des mystères, la plus grande des forces : celle de son sacrifice. Il en fait la chaîne d'amour invisible, mais infrangible, entre lui et les siens. Elle donnera à son âme glorifiée un pouvoir divin sur leurs cœurs et sur celui de tous les hommes. Cette coupe de vérité venue du fond des âges prophétiques, ce calice d'or de l'initiation que le vieillard essénien lui avait présenté en l'appelant prophète, ce calice de l'amour céleste que les fils de Dieu lui avaient offert dans le transport de sa plus haute extase – cette coupe où maintenant il voit reluire son propre sang – il la tend à ses disciples bien-aimés avec la tendresse ineffable de l'adieu suprême.

      La voient-ils, la comprennent-ils, les Apôtres, cette pensée rédemptrice qui embrasse les mondes ? Elle brille dans le profond et douloureux regard que le Maître reporte du disciple aimé sur celui qui va le trahir. Non, ils ne comprennent pas encore ; ils respirent péniblement, comme dans un mauvais rêve ; une sorte de vapeur pesante et rougeâtre flotte dans l'air, et ils se demandent d'où vient l'étrange rayonnement de la tête du Christ. Lorsque,enfin, Jésus déclare qu'il va passer la nuit en prière au jardin des Oliviers et se lève pour dire : Allons ! – ils ne se doutent pas de ce qui va suivre.

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      Jésus a traversé la nuit et l'angoisse de Gethsémani. D'avance, avec une effrayante lucidité, il a vu se rétrécir le cercle infernal qui va l'étreindre. Dans la terreur de cette situation, dans l'horrible attente, au moment d'être saisi par ses ennemis, il a frémi ; un instant son âme a reculé devant les tortures qui l'attendent ; une sueur de sang a perlé sur son front. Puis la prière l'a raffermi. – Des rumeurs de voix confuses, des lueurs de torches sous les sombres oliviers, un cliquetis d'armes : c'est la troupe des soldats du sanhédrin. Judas, qui les conduit, embrasse son maître afin qu'on reconnaisse le prophète. Jésus lui rend son baiser avec une ineffable pitié et lui dit : « Mon ami, pour quel sujet es-tu ici ? » L'effet de cette douceur, de ce baiser fraternel donné en échange de la plus basse trahison sera tel sur cette âme cependant si dure, qu'un instant après Judas, saisi de remords et d'horreur devant lui-même, ira se suicider. De leurs mains rudes, les sergents ont saisi le rabbi galiléen. Après une courte résistance, les disciples épouvantés se sont enfuis comme une poignée de roseaux dispersés par le vent. Seuls, Jean et Pierre se tiennent à proximité et suivront le maître au tribunal, le cœur brisé et l'âme rivée à son destin. Mais Jésus a repris son calme. A partir de ce moment, pas une protestation, pas une plainte ne sortira de sa bouche.

      Le sanhédrin s'est réuni à la hâte en séance plénière. Au milieu de la nuit, on y mène Jésus. Car le tribunal veut en finir prestement avec le dangereux prophète. Les sacrificateurs, les prêtres en tuniques pourpres, jaunes, violettes, leurs turbans sur la tête, sont solennellement assis en demi-lune. Au milieu d'eux, sur un siège plus élevé, trône Caïphe, le grand pontife, coiffé de la migbâh. A chaque extrémité du demi-cercle, sur deux petites tribunes surmontées d'une table, se tiennent les deux greffiers, l'un pour l'acquittement, l'autre pour la condamnation, advocatus Dei, advocatus Diaboli. Jésus, impassible, est debout au centre, dans sa robe blanche d'Essénien. Des officiers de justice, armés de courroies et de cordes, l'entourent, bras nus, le poing sur la hanche et le regard mauvais. Il n'y a que des témoins à charge, pas un défenseur. Le pontife, le juge suprême est l'accusateur principal ; le procès soi-disant une mesure de salut public contre un crime de lèse religion, en réalité la vengeance préventive d'un sacerdoce inquiet qui se sent menacé dans son pouvoir.

      Caïphe se lève et accuse Jésus d'être un séducteur du peuple, un mésit. Quelques témoins ramassés au hasard dans la foule font leur déposition, mais ils se contredisent. Enfin, l'un d'eux rapporte ce mot, considéré comme un blasphème, et que le Nazaréen avait jeté plus d'une fois à la face des Pharisiens, sous le portique de Salomon : « Je puis détruire le temple et le relever en trois jours ». Jésus se tait. « – Tu ne réponds pas ? » dit le grand-prêtre. Jésus, qui sait qu'il sera condamné et ne veut pas prodiguer son verbe inutilement, garde le silence. Mais ce mot, même prouvé, ne suffirait pas à motiver une condamnation capitale. Il faut un aveu plus grave. Pour le soutirer à l'accusé, l'habile saducéen Caïphe lui adresse une question d'honneur, la question vitale de sa mission. Car la plus grande habileté consiste souvent à aller droit au fait essentiel : « – Si tu es le Messie, dis-le-nous ! » Jésus répond d'abord d'une manière évasive, qui prouve qu'il n'est pas dupe du stratagème : « – Si je vous le dis, vous ne me croirez pas ; mais si je vous le demande, vous ne me répondrez pas. » Caïphe, n'ayant pas réussi avec sa ruse de juge d'instruction, use de son droit de grand-pontife et reprend avec solennité : « – Je te conjure, par le Dieu vivant,de nous dire si tu es le Messie, le Fils de Dieu. » Ainsi interpellé, sommé de se dédire ou d'affirmer sa mission devint le plus haut représentant de la religion d'Israël, Jésus n'hésite plus. Il répond tranquillement : « Tu l'as dit ; mais je vous dis qu'à partir de maintenant vous verrez le Fils de Dieu assis à la droite de la Force et venant sur les nuées du ciel (160). » En s'exprimant ainsi dans la langue prophétique de Daniel et du livre d'Hénoch, l'initié essénien Iéhoshoua ne parle pas à Caïphe comme individu. Il sait que le Saducéen agnostique est incapable de le comprendre. Il parle au souverain pontife de Jéhovah, et à travers lui à tous les pontifes futurs, à tous les sacerdoces de la terre, et leur dit : « Après ma mission scellée par ma mort, le règne de la Loi religieuse sans explication est terminé en principe et en fait. Les Mystères seront révélés et l'homme verra le divin à travers l'humain. Les religions et les cultes, qui ne sauront pas démontrer et vivifier l'un par l'autre seront sans autorité ». Voilà, selon l'ésotérisme des prophètes et des Esséniens, le sens du Fils assis à la droite du Père. Ainsi comprise, la réponse de Jésus au grand-prêtre de Jérusalem contient le testament intellectuel et scientifique du Christ aux autorités religieuses de la terre, comme l'institution de la Cène contient son testament d'amour et d'initiation aux Apôtres et aux hommes.

      Par-dessus la tête de Caïphe, Jésus a parlé au monde. Mais le Saducéen, qui a obtenu ce qu'il voulait, ne l'écoute déjà plus. Déchirant sa robe de lin fin, il s'écrie : « Il a blasphémé ! Qu'avons-nous besoin de témoins ? Vous avez entendu son blasphème ! Que vous en semble ? » Un murmure unanime et lugubre du sanhédrin répond : « Il a mérité la mort. » Aussitôt l'injure vile et l'outrage brutal des inférieurs répondent à la condamnation d'en haut. Les sergents lui crachent, le frappent au visage et lui crient : – Prophète ! devine qui t'a frappé. » Sous ce débordement de haine basse et féroce, le sublime et pâle visage du grand souffrant reprend son immobilité marmoréenne et visionnaire. Il y a, dit-on, des statues qui pleurent ; il y a aussi des douleurs sans larmes et des prières muettes de victimes, qui terrifient les bourreaux et les poursuivent pour le reste de leur vie.

      Mais tout n'est pas fini. Le sanhédrin peut prononcer la peine de mort ; pour l'exécuter, il faut le bras séculier et l'approbation de l'autorité romaine. L'entretien avec Pilate, rapporté en détail par Jean, n'est pas moins remarquable que celui avec Caïphe. Ce dialogue curieux entre le Christ et le gouverneur romain, où les interjections violentes des prêtres juifs et les cris d'une populace fanatisée font la partie des chœurs dans la tragédie antique, a la persuasion de la grande vérité dramatique. Car il met à nu l'âme des personnages, il montre le choc des trois puissances en jeu : le césarisme romain, le judaïsme étroit, et la religion universelle de l'Esprit représentée par le Christ. Pilate, très indifférent à cette querelle religieuse, mais très ennuyé de l'affaire, parce qu'il craint que la mort de Jésus n'entraîne un soulèvement populaire, l'interroge avec précaution et lui tend une échelle de sauvetage, espérant qu'il en profitera. « – Es-tu le roi des Juifs ? – Mon règne n'est pas de ce monde. – Tu es donc roi ? – Oui ; je suis né pour cela ; et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. » Pilate ne comprend pas plus cette affirmation de la royauté spirituelle de Jésus que Caïphe n'a compris son testament religieux. « Qu'est-ce que la vérité ? » dit-il en haussant les épaules, et cette réponse du chevalier romain sceptique révèle l'état d'âme de la société païenne d'alors comme de toute société en décadence. Mais ne voyant d'ailleurs dans l'accusé qu'un rêveur innocent, il ajoute : « – Je ne trouve aucun crime en lui. » Et il propose aux Juifs de le relâcher, mais la populace, instiguée par les prêtres, vocifère : « Relâche-nous Barrabas ! » Alors Pilate qui déteste les Juifs se donne le plaisir ironique de faire fouetter de verges leur prétendu roi. Il croit que cela suffira à ces fanatiques. Ils n'en deviennent que plus furieux et clament avec rage : Crucifie-le !

      Malgré ce déchaînement des passions populaires, Pilate résiste toujours. Il est las d'être cruel. Il a vu tant de sang couler dans sa vie, il a envoyé tant de révoltés au supplice, il a entendu tant de gémissements et de malédictions sans sortir de son indifférence ! Mais la souffrance muette et stoïque du prophète galiléen, sous le manteau de pourpre et la couronne d'épines, l'a secoué d'un frisson inconnu. Dans une vision étrange et fugitive de son esprit, sans en mesurer la portée, il a lâché ce mot : « Ecce Homo ! Voilà l'Homme ! » Le dur Romain est presque ému ; il va prononcer l'acquittement. Les prêtres du sanhédrin, qui l'épient d'un œil aigu, ont vu cette émotion et s'en sont effrayés ; ils sentent la proie leur échapper. Astucieusement, ils se concertent entre eux. Puis, d'une seule voix, ils s'écrient en avançant la main droite et en détournant la tête avec un geste d'horreur hypocrite. « Il s'est fait fils de Dieu ! »

      Quand Pilate eut entendu ces paroles, dit Jean, il eut encore plus de crainte. Crainte de quoi ? Qu'est-ce que ce nom pouvait faire au Romain incrédule, qui méprisait de tout son cœur les Juifs et leur religion, et ne croyait qu'à la religion politique de Rome et à César ? – Il y a une raison sérieuse à cela. Quoiqu'on lui donnât des sens différents, le nom de fils de Dieu était assez répandu dans l'ésotérisme antique, et Pilate, quoique sceptique, avait son coin de superstition. A Rome, dans les petits mystères de Mithras auxquels les chevaliers romains se faisaient initier, il avait entendu dire qu'un fils de Dieu était une sorte d'interprète de la divinité. A quelque nation, à quelque religion qu'il appartînt, attenter à sa vie était un grand crime. Pilate ne croyait guère ces rêveries persanes, mais le mot l'inquiétait quand même et augmentait son embarras Ce que voyant, les Juifs lancent au proconsul l'accusation suprême : « Si tu délivres cet homme, tu n'es pas ami de César ; car quiconque se fait roi se déclare contre César... nous n'avons d'autre roi que César. » Argument irrésistible ; nier Dieu est peu, tuer n'est rien, mais conspirer contre César est le crime des crimes. Pilate est forcé de se rendre et de prononcer la condamnation. Ainsi, au terme de sa carrière publique, Jésus se retrouve en face du maître du monde qu'il a combattu indirectement, en adversaire occulte, pendant toute sa vie. L'ombre de César l'envoie à la croix. Logique profonde des choses : les Juifs l'ont livré, mais le spectre romain le tue en étendant la main. Il tue son corps ; mais c'est Lui, le Christ glorifié, qui par son martyre enlèvera à tout jamais à César l'auréole usurpée, l'apothéose divine, ce blasphème infernal du pouvoir absolu.

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      Pilate, après s'être lavé les mains du sang de l'innocent, a prononcé le mot terrible : Condemno, ibis in crucem. Déjà la foule impatiente se presse vers le Golgotha.

      Nous voici sur la hauteur dénudée et semée d'ossements humains, qui domine Jérusalem et qui porte le nom de Gilgal, Golgotha ou lieu du crâne, désert sinistre, consacré depuis des siècles à d'horribles supplice. La montagne chauve est sans arbres ; il n'y pousse que des gibets. C'est là qu'Alexandre Jannée, le roi juif, avait assisté avec tout son harem à l'exécution de centaines de prisonniers ; c'est là que Varus avait fait crucifier deux mille rebelles ; c'est là que le doux Messie prédit par les prophètes devait subir l'affreux supplice, inventé par le génie atroce des Phéniciens, adopté par la loi implacable de Rome. La cohorte des légionnaires a formé un grand cercle au sommet de la colline ; elle écarte à coups de lance les derniers fidèles qui ont suivi le condamné. Ce sont les femmes galiléennes ; muettes et désespérées, elles se jettent la face contre terre. L'heure suprême est venue pour Jésus. Il faut que le défenseur des pauvres, des faibles et des opprimés achève son œuvre dans le martyre abject, réservé aux esclaves et aux brigands. Il faut que le prophète consacré par les Esséniens se laisse clouer sur la croix acceptée dans la vision d'Engaddi ; il faut que le fils de Dieu boive le calice entrevu dans la Transfiguration ; il faut qu'il descende jusqu'au fond de l'enfer et de l'horreur terrestre. – Jésus a refusé le breuvage traditionnel préparé par les pieuses femmes de Jérusalem et destiné à étourdir les suppliciés. C'est en pleine conscience qu'il souffrira ces agonies. Pendant qu'on le lie sur l'infâme gibet, pendant que les durs soldats enfoncent à grands coups de marteau les clous dans ces pieds adorés des malheureux, dans ces mains qui ne savaient que bénir, le nuage noir d'une souffrance déchirante éteint ses yeux, étouffe sa gorge. Mais du fond de ces convulsions et de ces ténèbres infernales, la conscience du Sauveur toujours vivante n'a qu'une parole pour ses bourreaux : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font ».

      Mais voici le fond du calice : les heures de l'agonie, de midi jusqu'au coucher du soleil. La torture morale se surajoute et surpasse la torture physique. L'initié a abdiqué ses pouvoirs ; le fils de Dieu va s'éclipser ; il ne reste que l'homme souffrant. Pour quelques heures il perdra son ciel, afin de mesurer l'abîme de l'humaine souffrance. La croix se dresse lentement avec sa victime et son écriteau, dernière ironie du proconsul : Ceci est le roi des Juifs ! Maintenant les regards du crucifié voient flotter dans un nuage angoissant Jérusalem, la ville sainte qu'il a voulu glorifier et qui lui jette l'anathème. Où sont ses disciples ? Disparus. Il n'entend que les injures des membres du sanhédrin, qui jugent que le prophète n'est plus à craindre et triomphent de son agonie. « Il a sauvé les autres, disent-ils, et ne peut se sauver lui-même ! » A travers ces blasphèmes, à travers cette perversité, dans une vision terrifiante de l'avenir, Jésus voit tous les crimes que d'iniques potentats, que des prêtres fanatiques vont commettre en son nom. On se servira de son signe pour maudire ! On crucifiera avec sa croix ! Ce n'est pas le sombre silence du ciel voilé pour lui, mais la lumière perdue pour l'humanité qui lui fait pousser ce cri de désespoir : « Mon Père, pourquoi m'as-tu abandonné ? » Alors la conscience du Messie, la volonté de toute sa vie, rejaillit dans un dernier éclair, et son âme s'échappe avec ce cri : « Tout est accompli. »

      Ô sublime Nazaréen, ô divin Fils de l'Homme, déjà tu n'es plus ici. D'un seul coup d'aile, sans doute, ton âme a retrouvé, dans une lumière plus éclatante, ton ciel d'Engaddi, ton ciel du mont Thabor ! Tu as vu ton verbe victorieux volant par delà les siècles, et tu n'as voulu d'autre gloire que les mains et les regards, levés vers toi, de ceux que tu as guéris et consolés... Mais à ton dernier cri, incompris de tes gardiens, un frisson a passé sur eux. Les soldats romains se sont retournés et, devant l'étrange rayon laissé par ton esprit sur la face apaisée de ce cadavre, les bourreaux étonnés se regardent et se disent : « Serait-ce un dieu ? »

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      Est-il vraiment accompli, le drame ? Est-elle terminée, la lutte formidable et silencieuse entre le divin Amour et la Mort qui s'est acharnée sur lui avec les puissances répugnantes de la terre ? Où est le vainqueur ? Sont-ce ces prêtres qui descendent du Calvaire, contents d'eux-mêmes, sûrs de leur fait, puisqu'ils ont vu le prophète expirer, ou serait-ce le pâle crucifié déjà livide ? Pour ces femmes fidèles que les légionnaires romains ont laissé approcher et qui sanglotent au pied de la croix, pour les disciples consternés et réfugiés dans une grotte de la vallée de Josaphat, tout est fini. Le Messie qui devait s'asseoir sur le trône de Jérusalem a péri misérablement, par le supplice infâme de la croix. Le maître a disparu ; avec lui l'espérance, l'Evangile, le royaume du ciel. Un morne silence, un profond désespoir pèsent sur la petite communauté. Pierre et Jean eux-mêmes sont accablés. Il fait noir autour d'eux ; plus un rayon ne luit dans leur âme. Cependant, de même que dans les mystères d'Eleusis une lumière éblouissante succédait aux ténèbres profondes, de même dans les Evangiles, à ce désespoir profond succède une joie subite, instantanée, prodigieuse. Elle éclate, elle fait irruption comme la lumière au lever du soleil, et ce cri frémissant de joie se propage dans toute la Judée : Il est ressuscité !

      C'est d'abord Marie-Magdeleine, qui, errante aux environs du tombeau, dans l'excès de sa douleur, a vu le maître et l'a reconnu à sa voix qui l'appelait par son nom : Marie ! Folle de joie, elle s'est précipitée à ses pieds. Elle a vu encore Jésus la regarder, faire un geste comme pour lui défendre l'attouchement, puis l'apparition s'évanouir brusquement, laissant autour de Magdeleine une chaude atmosphère et l'ivresse d'une présence réelle. Ce sont ensuite les saintes femmes qui ont rencontré le Seigneur et lui ont entendu dire ces mots : « Allez et dites à mes frères de se rendre en Galilée et que c'est là qu'ils me verront. » Le même soir, les onze étant réunis et les portes fermées, ils virent Jésus entrer. Il prit sa place au milieu d'eux, leur parla doucement, leur reprochant leur incrédulité. Puis il dit : « Allez-vous-en par tout le monde et prêchez l'Evangile à toute créature humaine. » (161) Chose étrange, pendant qu'ils l'écoutaient, ils étaient tous comme dans un rêve, ils avaient complètement oublié sa mort, ils le croyaient vivant et ils étaient persuadés que le maître ne les quitterait plus. Mais au moment où ils allaient parler eux-mêmes, ils l'avaient vu disparaître comme une lumière s'éteint. L'écho de sa voix vibrait encore à leurs oreilles. Les apôtres éblouis cherchèrent sa place restée vide ; une vague lueur y flottait ; soudain elle s'effaça. Selon Matthieu et Marc, Jésus reparut peu après sur une montagne devant cinq cents frères réunis par les apôtres. Il se montra encore une fois aux onze réunis. Puis les apparitions cessèrent. Mais la foi était créée, l'impulsion donnée, le christianisme vivait. Les apôtres remplis du feu sacré guérissaient les malades et prêchaient l'Evangile de leur maître. Trois ans après, un jeune Pharisien du nom de Saül, animé contre la nouvelle religion d'une haine violente, et qui persécutait les chrétiens avec une ardeur juvénile, se rendit à Damas avec plusieurs compagnons. En route, il se vit subitement enveloppé d'un éclair si aveuglant qu'il tomba par terre. Tout tremblant il s'écria : – Qui es tu ? Et il entendit une voix lui dire : « – Je suis Jésus que tu persécutes, il te serait dur de regimber contre les aiguillons. » Ses compagnons ainsi effrayés que lui le relevèrent. Ils avaient entendu la voix sans rien voir. Le jeune homme aveuglé par l'éclair ne recouvra la vue qu'après trois jours. (162)

      Il se convertit à la foi du Christ et devint Paul, l'apôtre des Gentils. Tout le monde s'accorde à dite que, sans cette conversion, le christianisme confiné en Judée n'eût pas conquis l'Occident.

      Tels sont les faits rapportés par le Nouveau Testament. Quelque effort que l'on fasse pour les réduire au minimum, et quelle que soit d'ailleurs l'idée religieuse ou philosophique qu'on y attache, il est impossible de les faire passer pour de pures légendes et de leur refuser la valeur d'un témoignage authentique, quant à l'essentiel. Depuis dix-huit siècles, les flots du doute et de la négation ont assailli le rocher de ce témoignage ; depuis cent ans la critique s'est acharnée contre lui avec tous ses engins et toutes ses armes. Elle a pu l'ébrécher par endroits, mais non le faire bouger de place. Qu'y a-t-il derrière les visions des apôtres ? Les théologiens primaires, les exégètes de la lettre et les savants agnostiques pourront se disputer là-dessus à l'infini et se battre dans l'obscurité, ils ne se convertiront par les uns les autres et ils raisonneront à vide, tant que la théosophie qui est la science de l'Esprit n'aura pas élargi leurs conceptions, et qu'une psychologie expérimentale supérieure, qui est l'art de découvrir l'âme, ne leur aura pas ouvert les yeux. Mais, pour ne nous placer ici qu'au simple point de vue de l'historien consciencieux, c'est-à-dire de l'authenticité de ces faits comme faits psychiques, il y a une chose dont on ne peut douter, c'est que les apôtres aient eu ces apparitions et que leur foi en la résurrection du Christ ait été inébranlable. Si l'on rejette les récits de Jean comme ayant reçu leur rédaction définitive cent ans environ après la mort de Jésus et celui de Luc sur Emmaüs comme une amplification poétique, il reste les affirmations simples et positives de Marc et de Matthieu, qui sont la racine même de la tradition et de la religion chrétienne. Il reste quelque chose de plus solide et de plus indiscutable encore : le témoignage de Paul. Voulant expliquer aux Corinthiens la raison de sa foi et la base de l'Evangile qu'il prêche, il énumère par ordre six apparitions successives de Jésus : celles à Pierre, aux onze, aux cinq cents « dont la plupart, dit-il, sont encore vivants », à Jacques, aux apôtres réunis, et finalement sa propre vision sur le chemin de Damas (163). Or, ces faits furent communiqués à Paul par Pierre lui-même et par Jacques trois ans après la mort de Jésus, peu après la conversion de Paul, lors de son premier voyage à Jérusalem. Il les tenait donc des témoins oculaires. Enfin, de toutes ces visions, la plus incontestable n'est pas la moins extraordinaire, j'entends celle de Paul lui-même ; dans ses épîtres il y revient sans cesse comme à la source de sa foi. Etant donnés l'état psychologique précédent de Paul et la nature de sa vision, elle vient du dehors et non du dedans ; elle est d'un caractère inattendu et foudroyant ; elle change son être de fond en comble. Comme un baptême de feu, elle le trempe de pied en cap, le revêt d'une armure infrangible, et en fait à la face du monde le chevalier invincible du Christ.

      Ainsi le témoignage de Paul a une double force, en ce qu'il affirme sa propre vision et corrobore celles des autres. Si l'on voulait douter de la sincérité de pareilles affirmations, il faudrait rejeter en masse tous les témoignages historiques et renoncer à écrire l'histoire. Ajoutez que, s'il n'y a pas d'histoire critique sans un pesage exact et un triage raisonné de tous les documents, il n'y a pas d'histoire philosophique, si l'on ne conclut pas de la grandeur des effets à la grandeur des causes. On peut avec Celse, Strauss et M. Renan n'accorder aucune valeur objective à la résurrection et la considérer comme un phénomène de pure hallucination. Mais en ce cas, on est forcé de fonder la plus grande révolution religieuse de l'humanité sur une aberration des sens et sur une chimère de l'esprit (164). Or, qu'on ne s'y trompe pas, la foi en la résurrection est la base du christianisme historique. Sans cette confirmation de la doctrine de Jésus par un fait éclatant, sa religion n'eût pas même commencé.

      Ce fait a opéré une révolution totale dans l'âme des apôtres. De judaïque qu'elle était, leur conscience en devint chrétienne. Pour eux, le Christ glorieux est vivant ; il leur a parlé ; le ciel s'est ouvert ; l'au-delà est entré dans l'en-deçà ; l'aurore de l'immortalité a touché leur front et embrasé leurs âmes d'un feu qui ne peut plus s'éteindre. Au-dessus du royaume terrestre d'Israël qui s'écroule, ils ont entrevu dans toute sa splendeur le royaume céleste et universel. De là, leur élan à la lutte, leur joie au martyre. De la résurrection de Jésus part cette impulsion prodigieuse, cette immense espérance qui porte l'Evangile à tous les peuples et va battre de ses flots les derniers rivages de la terre. Pour que le christianisme réussît, il fallait deux choses, comme le dit Fabre d'Olivet, que Jésus voulût mourir et qu'il eût la force de ressusciter

      Pour concevoir du fait de la résurrection une idée rationnelle, pour comprendre aussi sa portée religieuse et philosophique, il faut ne s'attacher qu'au phénomène des apparitions successives et écarter dès l'abord l'absurde idée de la résurrection du corps, une des plus grandes pierres d'achoppement du dogme chrétien qui, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, est resté absolument primaire et enfantin. La disparition du corps de Jésus peut s'expliquer par des causes naturelles, et il est à noter que les corps de plusieurs grands adeptes ont disparu sans trace et d'une manière tout aussi mystérieuse, entre autres ceux de Moïse, de Pythagore et d'Apollonius de Tyane, sans qu'on ait jamais pu savoir ce qu'ils étaient devenus. Il se peut que les frères connus ou inconnus qui veillaient sur eux aient détruit par le feu la dépouille de leur maître, pour la soustraire à la profanation des ennemis. Quoi qu'il en soit, l'aspect scientifique et la grandeur spirituelle de la résurrection n'apparaissent que si on la comprend dans le sens ésotérique.

      Chez les Egyptiens, comme chez les Persans de la religion mazdéenne de Zoroastre, avant comme après Jésus, en Israël comme chez les chrétiens des deux premiers siècles, la résurrection a été comprise de deux manières, l'une matérielle et absurde, l'autre spirituelle et théosophique. La première est l'idée populaire finalement adoptée par l'Eglise après la répression du gnosticisme ; la seconde est l'idée profonde des initiés. Dans le premier sens, la résurrection signifie la rentrée en vie du corps matériel, en un mot la reconstitution du cadavre décomposé ou dispersé, qu'on se figurait comme devant advenir à l'avènement du Messie ou au jugement dernier. Il est inutile de faire ressortir le matérialisme grossier et l'absurdité de cette conception. Pour l'initié, la résurrection avait un sens très différent. Elle se rattachait à la doctrine de la constitution ternaire de l'homme. Elle signifiait : la purification et la régénération du corps sidéral, éthéré et fluidique, qui est l'organisme même de l'âme et en quelque sorte la capsule de l'esprit. Cette purification peut avoir lieu dès cette vie par le travail intérieur de l'âme et un certain mode d'existence ; mais elle ne s'accomplit pour la plupart des homme qu'après la mort, et pour ceux-là seulement qui d'une manière ou d'une autre ont aspiré au juste et au vrai. Dans l'autre monde, l'hypocrisie est impossible. Là, les âmes apparaissent ce qu'elles sont en réalité ; elles se manifestent fatalement sous la forme et la couleur de leur essence ; ténébreuses et hideuses si elles sont mauvaises ; rayonnantes et belles si elles sont bonnes. Telle est la doctrine exposée par Paul dans l'épître aux Corinthiens. Il dit formellement : « Il y a un corps animal et il y a un corps spirituel (165). » Jésus l'annonce symboliquement, mais avec plus de profondeur, pour qui sait lire entre les lignes, dans l'entretien secret avec Nicodème. Or, plus une âme est spiritualisée, plus grand sera son éloignement pour l'atmosphère terrestre, plus lointaine la région cosmique qui l'attire par sa loi d'affinité, plus difficile sa manifestation aux hommes.

      Aussi, les âmes supérieures ne se manifestent-elles guère à l'homme que dans l'état de sommeil profond ou d'extase. Alors, les yeux physiques étant fermés, l'âme, à demi dégagée du corps, quelquefois voit des âmes. Il arrive cependant qu'un très grand prophète, un véritable fils de Dieu se manifeste aux siens d'une manière sensible et à l'état de veille, afin de les mieux persuader en frappant leurs sens et leur imagination. En pareil cas, l'âme désincarnée parvient à donner momentanément à son corps spirituel une apparence visible, quelquefois même tangible, au moyen du dynamisme particulier, que l'esprit exerce sur la matière par l'intermédiaire des forces électriques de l'atmosphère et des forces magnétiques des corps vivants.

      C'est ce qui advint selon toute apparence pour Jésus. Les apparitions rapportées par le Nouveau Testament rentrent alternativement dans l'une et dans l'autre de ces deux catégories : vision spirituelle et apparition sensible. Il est certain qu'elles eurent pour les apôtres le caractère d'une réalité suprême. Ils auraient plutôt douté de l'existence du ciel et de la terre que de leur communion vivante avec le Christ ressuscité. Car ces visions émouvantes du Seigneur étaient ce qu'il y avait de plus radieux dans leur vie, de plus profond dans leur conscience. Il n'y a pas de surnaturel, mais il y a l'inconnu de la nature, sa continuation occulte dans l'infini et la phosphorescence de l'invisible aux confins du visible. Dans notre état corporel présent, nous avons peine à croire et même à concevoir la réalité de l'impalpable ; dans l'état spirituel, c'est la matière qui nous paraîtra l'irréel et le non existant. Mais la synthèse de l'âme et de la matière, ces deux faces de la substance une, se trouve dans l'Esprit. Car si l'on remonte aux principes éternels, aux causes finales, ce sont les lois innées de l'Intelligence qui expliquent le dynamisme de la nature, et c'est l'étude de l'âme, par la psychologie expérimentale, qui explique les lois de la vie.

      La résurrection comprise dans le sens ésotérique, tel que je viens de l'indiquer, était donc à la fois la conclusion nécessaire de la vie de Jésus et la préface indispensable à l'évolution historique du christianisme. Conclusion nécessaire, car Jésus l'avait annoncée mainte fois à ses disciples. S'il eut le pouvoir de leur apparaître après sa mort avec cette splendeur triomphante, ce fut grâce à la pureté, à la force innée de son âme, centuplée par la grandeur de l'effort et de l'œuvre accomplie.

      Vu du dehors et au point de vue terrestre, le drame messianique finit sur la croix. Sublime en soi, il lui manque cependant l'accomplissement de la promesse. Vu du dedans, du fond de la conscience de Jésus et au point de vue céleste, il a trois actes dont la Tentation, la Transfiguration et la Résurrection marquent les sommets. Ces trois phases représentent en d'autres termes : l'Initiation du Christ, la Révélation totale et le Couronnement de l'œuvre. Elles correspondent assez bien à ce que les apôtres et les chrétiens initiés des premiers siècles nommèrent les mystères du Fils, du Père et du Saint-Esprit.

      Couronnement nécessaire disais-je, de la vie du Christ, et préface indispensable de l'évolution historique du christianisme. Le navire construit sur la plage avait besoin d'être lancé à l'Océan. La résurrection fut en outre une porte de lumière ouverte sur toute la réserve ésotérique de Jésus. Ne nous étonnons pas que les premiers chrétiens aient été comme éblouis et aveuglés de sa fulgurante irruption, qu'ils aient souvent entendu l'enseignement du maître à la lettre, et se soient mépris sur le sens de ses paroles. Mais aujourd'hui que l'esprit humain a fait le tour des âges, des religions et des sciences, nous devinons ce qu'un saint Paul, un saint Jean, ce que Jésus lui-même entendaient par les mystères du Père et de l'Esprit. Nous voyons qu'ils renfermaient ce que la science psychique et l'intuition théosophique de l'Orient avaient connu de plus haut et de plus vrai. Nous voyons aussi la puissance d'expansion nouvelle que le Christ a donné à l'antique, à l'éternelle vérité par la grandeur de son amour, par l'énergie de sa volonté. Nous apercevons enfin le côté à la fois métaphysique et pratique du christianisme qui fait sa puissance et sa vitalité.

      Les vieux théosophes de l'Asie ont connu les vérités transcendantes. Les brahmanes ont même trouvé la clef de la vie antérieure et future, en formulant la loi organique de la réincarnation et de l'alternance des vies. Mais à force de se plonger dans l'au-delà et dans la contemplation de l'Eternité, ils ont oublié la réalisation terrestre : la vie individuelle et sociale. – La Grèce, primitivement initiée aux mêmes vérités sous des formes plus voilées et plus anthropomorphiques, s'attacha, par son génie propre, à la vie naturelle et terrestre. Cela lui permit de révéler par l'exemple les lois immortelles du Beau et de formuler les principes des sciences d'observation. Mais, par ce point de vue, sa conception de l'au-delà se rétrécit et s'obscurcit graduellement. – Jésus, par sa largeur et son universalité, embrasse les deux côtés de la vie. Dans la prière dominicale qui résume son enseignement, il dit : « Que ton règne vienne sur la terre comme au ciel. » Or, le règne du divin sur la terre signifie l'accomplissement de la loi morale et sociale dans toute la richesse, dans toute la splendeur du Beau, du Bien et du Vrai. Aussi la magie de sa doctrine, sa puissance de développement en quelque sorte illimitée résident-elles dans l'unité de sa morale et de sa métaphysique, dans sa foi ardente en la vie éternelle, et dans son besoin de la commencer dès ici-bas par l'action, par la charité active. Le Christ dit à l'âme accablée de tous les poids de la terre : Relève-toi, car ta patrie est au ciel ; mais pour y croire et pour y parvenir, prouve-le dès ici-bas par ton œuvre et par ton amour !


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(150)  Matthieu, XXIV, 2.

(151)  Luc, XXI, 34.

(152)  Matthieu, XXIV, 44.

(153)  Matthieu, XXIV, 4-34.

(154)  Isaïe, XXIV, 18-33.

(155)  Jean, XXIV, 16-17.

(156)  Matthieu, XXIV, 27.

(157)  Matthieu, XXIV, 30-31.

(158)  Luc, XXII, 15.

(159)  Luc, XXII, 19,20.

(160)  Matthieu, XXVI, 64.

(161)  Marc., XVI, 15.

(162)  Actes, IX, 1-9.

(163)  Corinthiens, XV, 1-9.

(164)  Strauss a dit : Le fait de la résurrection n'est explicable que comme un tour de charlatan à l'usage de l'histoire universelle, ein welthistorischer Humbug. Le mot est plus cynique que spirituel et n'explique pas les visions des apôtres et de Paul.

(165)  Corinthiens, XV, 39-46.




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