CHAPITRE VI LE CHRIST MYSTIQUE (1/2)
Nous abordons maintenant le sens plus intime qui donne à l'histoire du Christ son véritable pouvoir sur le cur humain. Nous approchons de cette inépuisable vie qui sort en bouillonnant des profondeurs d'une source invisible ; ses flots resplendissants descendent sur Celui qui la représente, et, par la vertu de ce baptême, tous les curs vont au Christ et sentent qu'il leur serait presque plus facile de rejeter les faits présentés par l'histoire que de nier ce qu'ils reconnaissaient intuitivement comme une vérité essentielle et suprême de la vie d'en haut. Nous nous approchons du portique sacré donnant accès aux Mystères ; nous soulevons un coin du voile qui cache le sanctuaire à nos yeux.
Comme nous l'avons constaté, nous trouvons reconnue partout, même aux époques les plus reculées, l'existence d'un enseignement caché d'une doctrine secrète que communiquent, sous des conditions sévères et rigoureuses, à des candidats acceptés, les Maîtres de la Sagesse. Des candidats ainsi qualifiés recevaient l'
initiation aux « Mystères », nom qui, dans l'antiquité, comportait, comme nous l'avons vu, tout ce qu'il y a de plus spirituel dans la
religion, de plus profond dans la philosophie, de plus précieux dans la science. Autrefois tout grand Instructeur avait passé par les Mystères, et les plus grands en étaient les
Hiérophantes. Tous ceux qui allèrent vers l'humanité pour lui parler des mondes invisibles avaient franchi le portail de l'
Initiation et appris le secret des lèvres mêmes des Etres
Saints ; tous ceux qui parurent firent le même récit, dont les
mythes solaires sont invariablement des versions identiques dans leurs grandes lignes et ne différant que par la
couleur locale.
Ce récit est, en principe, celui de la descente du Logos au sein de la matière. C'est à juste titre que le Logos a pour
symbole le Dieu-Soleil puisque le
Soleil est
Son corps et qu'Il est
souvent appelé « Celui qui habite dans le
Soleil ». Sous un de Ses aspects le Christ des Mystères et le Logos descendant dans la matière, et le grand
Mythe du
Soleil est cette sublime vérité sous la forme de l'enseignement populaire. Comme il arrive toujours l'Instructeur Divin qui apporta la Sagesse Antique et la proclama de nouveau dans le monde fut considéré comme une manifestation spéciale du Logos et le
Jésus des
Eglises devint graduellement le centre des récits qui appartenaient à cet Etre
exalté.
Jésus S'identifia ainsi, dans la nomenclature Chrétienne avec la Seconde Personne de la
Trinité avec le Logos ou Verbe Divin
(187), et les grandes dates dont parle le
Mythe du Dieu-Soleil devinrent les grandes dates de l'
histoire de
Jésus regardé comme la Divinité incarnée comme le « Christ
Mystique ». Comme, dans l'univers, ou
macrocosme, le Christ des Mystères représente le Logos, la Seconde Personne de la
Trinité de même, dans l'homme, ou
microcosme, Il représente le second aspect de l'
Esprit Divin dans l'homme nommé pour cette raison, dans l'homme, « le Christ
(188) ». Le second aspect du Christ des Mystères est donc la vie de l'
Initié la vie qui s'ouvre au postulant après la première grande
Initiation marquant la naissance du Christ dans l'homme. Pour rendre cela tout à fait intelligible, il faut considérer les conditions imposées au candidat qui se présente à l'
Initiation et aussi la nature de l'
Esprit qui est dans l'homme.
Ceux-là seuls pouvaient être
regardés comme candidats à l'
Initiation qui étaient déjà bons, humainement parlant, et se conformaient à la loi d'une manière absolue. Purs saints sans souillures sans péché vivant sans transgression telles sont quelques-unes des épithètes qui leur étaient appliquées
(189). De plus ils devaient être intelligents et offrir des facultés mentales bien développées et bien exercées
(190). L'évolution qui, dans les vies successives, a le monde pour théâtre le développement et la soumission des facultés intellectuelles, des émotions, du sens moral les leçons des
religions exotériques l'accomplissement des devoirs regardé comme un moyen d'avancement les efforts pour aider et relever son prochain tout cela constitue la vie ordinaire d'un homme qui évolue. Quand il a fait tout cela, cet
homme est devenu « bon » le « Chrêstos » des Grecs et cette qualité, il doit l'acquérir avant de pouvoir devenir le « Christos » l'Oint. Etant parvenu à vivre d'une manière vertueuse au point de
vue exotérique, il devient candidat à la vie
ésotérique et commence à se préparer à l'
initiation, c'est-à-dire à satisfaire à certaines exigences.
Ces exigences déterminent les qualités qu'il doit acquérir, et tant qu'il lutte pour les faire naître en lui-même, il marche suivant une expression quelquefois employée dans le Sentier de la
Probation le Sentier qui mène à la « Porte Etroite », qui donne accès au «
Chemin Etroit », au « Sentier de la Sainteté », au «
Chemin de la
Croix ». Le candidat n'est pas supposé pouvoir développer ces qualités d'une manière parfaite, mais il doit les avoir poussées toutes assez loin avant que le Christ puisse naître en lui ; il doit préparer une demeure pure à cet
Enfant divin qui va grandir en lui.
La première de ces qualités
elles sont mentales et morales est le
Discernement. Il faut
entendre par là que le postulant doit commencer à établir
intellectuellement une distinction entre l'Eternel et le Temporaire entre le Réel et l'
Illusoire entre le Céleste et le Terrestre.
Les choses visibles ne sont que pour un temps, mais les invisibles sont éternelles, dit l'Apôtre
(191). Les hommes sont victimes d'une illusion permanente causée par le monde visible qui les empêche de percevoir l'invisible. Le postulant doit apprendre à distinguer entre ces deux mondes ; ce qui est irréel, pour le monde, doit devenir réel pour lui, car c'est la seule manière de
marcher par la foi et non par la vue (192). C'est encore ainsi qu'un homme devient un de ceux dont l'Apôtre parle dans ce verset :
La nourriture solide est pour les hommes faits, dont la pratique a exercé les facultés à discerner ce qui est bon et mauvais (193). Le sentiment de l'irréel doit ensuite faire naître le
Dégoût de l'irréel et du passager de ces déchets de l'existence, incapables de rassasier et qui ne sauraient assouvir que des pourceaux
(194). Ce stade,
Jésus le décrit en termes énergiques :
Si quelqu'un vient à moi et ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses surs, bien plus s'il ne hait pas sa propre vie, il ne peut être mon disciple. (195). C'est là une parole « dure », assurément, mais de cette haine naîtra un
amour plus profond, plus véritable ; il faut passer par là pour atteindre la Porte Etroite.
Le postulant doit ensuite apprendre
à devenir
maître de ses pensées et, par là,
maître de ses actions ; car, pour la
vue intérieure, la pensée
et l'action ne font qu'un :
Quiconque regarde une femme pour la convoiter
a déjà commis l'adultère avec elle dans son cur
(196). Il faut acquérir la faculté
d'endurer, car ceux qui aspirent à suivre « le
Chemin de la
Croix » devront affronter de longues et amères souffrances, et ils
doivent pouvoir les endurer, comme s'ils voyaient
Celui qui est invisible
(197). Aux qualités qui précèdent
il faut
joindre la
Tolérance pour être l'
enfant de
Celui qui
fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et
répand sa pluie sur les justes et sur les injustes (198)
un
disciple de Celui qui invita Ses Apôtres à ne point empêcher
un homme d'employer
Son nom, bien qu'il ne suivît point le Maître
avec eux
(199). Le postulant doit encore acquérir
la Foi, pour laquelle rien n'est impossible
(200) et
l'Equilibre
décrit par l'Apôtre
(201). Il doit
enfin ne rechercher que
les choses qui sont en haut (202)
et désirer avec ardeur le bonheur de voir
Dieu et de s'unir à Lui
(203). Quand un homme a fait entrer ces qualités
dans son caractère, il est considéré comme étant prêt
pour l'
Initiation, et les Gardiens des Mystères lui ouvriront la porte
Etroite. C'est ainsi mais seulement ainsi qu'il devient un candidat
prêt à être agréé.
L'
Esprit, dans l'homme, est le don du
Dieu Suprême
et réunit les trois aspects de l'Existence divine l'Intelligence,
l'
Amour et la Volonté puisqu'il est l'Image de
Dieu. Au cours de
son évolution, il commence par développer l'aspect de l'Intelligence
il développe les facultés mentales et cette évolution
s'accomplit dans la vie journalière. Ce développement, poussé
très loin et parallèlement au développement moral,
amène
l'homme qui progresse à devenir candidat. Le deuxième aspect
de l'
esprit est l'
Amour ; son évolution est celle du Christ. Dans les véritable
Mystères, cette évolution s'accomplit ; la vie du
disciple est le
Drame des Mystères, et les phrases en sont marquées par les Grandes
Initiations. Dans les Mystères célébrés sur le plan
physique ces
Initiations étaient représentées sous une forme
dramatique, et les cérémonies copiaient, à différents
égards, « le modèle » toujours manifesté «
sur la
Montagne » car elles étaient ces ombres, dans un âge
de décadence, des formidables Réalités du monde spirituel.
Le Christ
Mystique est donc double d'abord le Logos,
Deuxième Personne de la
Trinité, descendant dans la matière
puis l'
Amour, ou deuxième aspect de l'
Esprit Divin évoluant
en l'homme. L'un représente des processus cosmiques accomplis jadis ; il
est la racine du
Mythe Solaire ; l'autre représente un processus qui s'accomplit
dans l'individu phase dernière de l'évolution humaine
et a déterminé l'apparition, dans le
Mythe, de nouveaux et nombreux
détails ; tous deux se retrouvent dans le récit des
Evangiles, et
leur union nous présente l'Image du « Christ
Mystique ».
Considérons tout d'abord le Christ Cosmique, c'est-à-dire la Divinité
qui S'entoure de matière la façon dont S'incarne le Logos
et dont
Dieu Se revêt de « chair ».
La matière destinée à former notre système solaire
ayant été séparée de celle dont l'océan incommensurable
remplit l'espace, la Troisième Personne de la
Trinité, le
Saint-Esprit,
déverse Sa Vie dans cette matière, pour l'
animer et lui permettre
de prendre forme. La matière, condensée, est ensuite façonnée
par la vie du Deuxième Logos ou Seconde Personne de la
Trinité,
qui Se sacrifie en S'enfermant dans les limites matérielles et devient
ainsi « l'Homme Céleste » ; dans
Son Corps toutes les formes existent
de
Son Corps toutes les formes font partie. Tel est le processus cosmique
représenté dramatiquement dans les Mystères ; dans les véritables
Mystères, il était montré en action dans l'espace ; dans
les Mystères du plan physique, il était représenté
au moyen des méthodes magiques ou autres pour certains détails,
même, par des acteurs.
La progression est très clairement
indiquée dans la Bible.
Quand l'Esprit de Dieu se mouvait sur les eaux dans les ténèbres
qui étaient sur la face de l'abîme (204) l'immense abîme de la matière n'avait pas de formes ; il était vide, il commençait. La Forme fut donnée par le Logos la Parole, dont il est écrit :
Toutes choses ont été faites par Elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans Elle
(205). Comme l'a dit C. W. Leadbeater en termes excellents : « Le résultat de ce premier grand efflux (le
mouvement de l'
Esprit), est l'éveil de cette vitalité inouïe, merveilleuse, qui pénètre toute matière, bien que celle-ci paraisse inerte à notre
vue physique si imparfaite ; les atomes des plans divers, électrisés par elle, développent des attractions et des répulsions, latentes jusque-là, et entrent dans toute espèce de combinaisons
(206). »
Quand le travail de l'
Esprit est achevé et alors seulement le Logos, le Christ Cosmique et
Mystique, peut Se revêtir de matière ; Il entre alors, véritablement, dans le sein de la Vierge dans le sein de la Matière encore vierge et infertile. Cette matière
avait été vivifiée par le
Saint-Esprit, qui planant au-dessus de la Vierge avait versé Sa vie dans la matière, la préparant ainsi à recevoir la vie du Deuxième Logos ; Celui-ci la prend alors pour véhicule de
Son énergie. C'est ainsi que Christ S'incarne et Se fait chair ; « Tu n'as point méprisé le sein de la Vierge. »
Dans les traductions latine et anglaise
du texte original grec du
Symbole de Nicée et dans le passage exprimant
cette période de la descente de Christ, les prépositions ont été
changées et, avec elles, le sens lui-même. Le texte original dit
: « ... et fut incarné du
Saint-Esprit et de la Vierge
Marie »
; tandis que la traduction dit : ... « et fut incarné par le
Saint-Esprit,
de la Vierge
Marie (207) ». Le Christ « ne
Se revêt pas seulement de la matière vierge, mais de la matière
déjà imprégnée, palpitante, de la vie du Troisième
Logos
(208) ; si bien que la vie et la matière L'entourent
comme d'un double vêtement
(209) ».
Telle est la descente du Logos dans la matière, décrite comme la
naissance donnée au Christ par une Vierge ; elle devient, dans le
Mythe
Solaire, la naissance du Dieu-Soleil, au moment où se lève le signe
Virgo.
Alors commence l'action du Logos sur la matière. Dans
le
Mythe, le
symbole de cette période primitive est l'enfance du Héros.
La majestueuse puissance du Logos se plie à l'extrême faiblesse de
l'enfance et fait à peine sentir sa présence aux formes si fragiles
dont elle est l'
âme. La matière emprisonne semble vouloir
tuer son Roi-Enfant dont la gloire est voilée par les limites qu'Il
S'est imposées. Lentement Il façonne la matière pour une
destinée sublime. II l'
amène à sa maturité
puis Lui-Même S'étend sur la
croix de la matière afin de pouvoir
répandre, de cette
croix, toutes les puissances de Sa vie sacrifiée.
C'est le Logos dont Platon dit qu'Il est comme une
croix étendue sur l'univers
: c'est l'Homme Céleste debout dans l'espace, les bras ouverts pour bénir
; c'est le Christ crucifié dont la mort sur la
croix de la matière
imprègne toute la matière de Sa vie. Il semble mort, enseveli, disparu
mais Il Se relève, vêtu de la matière au sein de laquelle
Il avait semblé périr et porte au
ciel Son corps matériel,
maintenant radieux, où ce
corps, recevant la vie qui émane du Père,
devient le véhicule des vies humaines immortelles. C'est la vie du Logos
qui forme le vêtement de l'
âme humaine ; ce vêtement Il le donne
afin que l'homme vive à travers les âges et parvienne « à
l'état d'homme fait » à la
hauteur « de Sa propre
stature ». Nous sommes véritablement revêtus de Lui
d'abord matériellement puis spirituellement. Il S'est sacrifié
pour amener beaucoup de Ses fils à la gloire et Il est toujours avec nous
; oui, jusqu'à la fin de cet âge.
La crucifixion de Christ est donc une partie du grand sacrifice cosmique. La représentation
allégorique de cette crucifixion, dans les Mystères du plan physique,
et le
symbole sacré de l'homme crucifié dans l'espace se matérialisèrent
au point de devenir une véritable mort subie sur la
croix et un crucifix
portant un être humain expirant. C'est alors que cette
histoire aujourd'hui
celle d'un homme fut appliquée à l'Instructeur Divin,
Jésus,
et devint l'
histoire de Sa mort physique tandis que la naissance de l'
enfant
d'une vierge, le bas âge entouré de périls, la
résurrection
et l'ascension devinrent également des incidents de Sa vie humaine. Les
Mystères disparurent, mais leurs représentations grandioses et saisissantes
de l'uvre cosmique accomplie par le Logos entourèrent et rehaussèrent
la figure vénérée de l'Instructeur de la Judée ; le
Christ Cosmique des Mystères devint ainsi, sous les traits de
Jésus
historique la Figure centrale de l'
Eglise Chrétienne.
Mais il y a plus. Un autre fait donne à l'
Histoire
du Christ un caractère de fascination suprême : c'est que, dans les
Mystères, il est encore un Christ, intimement lié et cher au cur
humain le Christ de l'
Esprit humain le Christ qui existe en chacun
de nous, y naît et y vit, est crucifié, ressuscite d'entre les morts
et monte au
ciel, dans les souffrances et dans le triomphe de tout « Fils
de l'Homme ».
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(187) Voyez à ce sujet le commencement de l'
Evangile selon saint Jean, I, 1-5. Le terme Logos (la Parole), appliqué au
Dieu manifesté qui façonne la matière ( »Toutes choses ont été faites par Elle ») est
Platonicien, et par conséquent, dérivé directement des Mystères. Bien longtemps avant Platon, le mot Vâk la Voix ayant la même origine, était employé parmi les Hindous.
(188) Ante, p. 126.
(189) Ante, pp. 98-99.
(190) Ante, p. 90.
(191) II Cor. IV, 18.
(192) II Cor., V, 7.
(193) Héb., V, 14.
(194) St Luc, XV, 16.
(195) Ibid., XI, 26.
(196) St Matthieu, V, 27.
(197) Héb., XI, 27.
(198) St Matthieu, V, 45.
(199) St Luc, XI, 49.
(200) St Matthieu, XVII, 20.
(201) II Cor., VI, 8-10.
(202) Col., III, 1.
(203) St Matthieu, 8, et
St Jean, XVII, 21.
(204) Gen., I, 2.
(205) St Jean, I, 3.
(206) Le Credo chrétien, par C. W. Leadbeater, p. 34.
Précieux petit volume et d'un intérêt captivant, mettant en lumière le véritable sens du Credo.
(207) Le Credo chrétien, pp 57, 58.
(208) Nom donné au
Saint-Esprit.
(209) Le Credo chrétien, p. 59.