Sa vieille maison en pierre et
en
bois a été démolie le 1er
juillet 1852 ; elle
était occupée depuis longtemps par un débitant
d'
eau-de-vie, et n'offrait rien de remarquable.

Maison de Nicolas Flamel - 51 rue de Montmorency. N° Atget : 4054.
1900.
Photographie positive sur papier albuminé d'après négatif
sur verre au gélatinobromure ; 16,7 x 21,6 cm (épr.).
Photo conservée à la B.N.F.
Revenons maintenant à la tour
Saint-Jacques.
En 1501, les notables de la
paroisse trouvant le clocher de leur
église
insuffisant, se réunirent pour délibérer sur la
fondation d'un nouveau clocher, et il fut décidé qu'on
s'occuperait au plus tôt d'en jeter les fondements. Cependant
on n'y travailla qu'en 1508, et c'est en partie de cette époque
que l'on a commencé l'édifice de la tour. Elle a été
terminée vers l'an 1522, et construite, avec autant d'art que
de solidité. Le nom de l'architecte qui l'a fait bâtir
ne nous est pas parvenu.
Elle a résisté au temps et a échappé
aux démolitions de la Révolution de 1793. Par décret
de la Constituante, l'
église Saint-Jacques a été
supprimée en 1790, et classée au nombre des propriétés
nationales ; puis, louée en 1797, pour une somme de 10.000 fr.,
à un industriel ; enfin mise en vente le 26
octobre même
année, et adjugée à une nommé Jean-Baptiste
Lefranc, entrepreneur de bâtiments à
Paris, au prix de
411.200 fr. La tour ne faisait point partie de la vente ; le cahier
des charges s'y opposait : sans cela, elle aurait subi le même
sort que l'
église, qui a été complètement
démolie et les matériaux vendus.
Après qu'elle eut été rasée,
son sol fut couvert de petites échoppes et de constructions diverses,
dont il ne reste plus vestige aujourd'hui. Aussi, si Nicolas Flamel
vivait encore, ainsi que
dame Pernelle, son
épouse, ils jetteraient
vainement un regard inquiet et scrutateur aux environs de la tour
Saint-Jacques
: ils ne trouveraient plus la moindre petite échoppe y aboutissant
; ils ne pourraient même plus trouver vestige de la rue et de
la maison qu'ils habitaient.
La tour
Saint-Jacques, dans le cours de la Révolution,
devint la propriété d'un sieur Dubois, qui y établit
une fonderie de plomb de chasse, d'après un procédé
anglais : le métal en
fusion s'échappait de la chaudière
par des tuyaux de fonte du haut de l'édifice, et se réduisait
en globules du calibre ordinairement en usage. Réduite à
cette destination bizarre et fort
insolite, la tour
Saint-Jacques ne
paraissait plus avoir d'autre avenir que celui que lui réservait
ou le caprice de son possesseur, ou son intérêt plus ou
moins bien compris. Mais ce monument était précieux, soit
au point de
vue du sentiment
religieux, soit au point de
vue de l'art
; et un archéologue distingué, M. Justin
Pontonnier, qui
s'intéressait vivement à sa conservation, sut faire partager
ses
vues à un
illustre astronome, M.
François Arago, enlevé
récemment aux lettres et aux sciences. M. Arago contribua puissamment
à décider le conseil municipal, dont il faisait partie,
à en faire l'acquisition le 27 avril 1836.
La tour
Saint-Jacques, devenue propriété
municipale, ne sembla pas devoir préoccuper davantage que par
le passé l'administration locale elle-même. Elle avait
besoin de fortes réparations, et le conseil ne votait aucun fonds
pour cela ; mais des projets d'embellissements de
Paris, conçus
dès 1801, sous le règne de
Napoléon Ier, et suspendus
par suite de la chute de l'Empire, ayant été repris en
1852, sous le règne de son neveu, Napoléon II, la restauration
de la tour s'est trouvée marquée dans ces embellissements.
Enfin, des sommes considérables ont été votées
et on s'est mis à l'œuvre : on a rétabli toutes les ornementations
endommagées ; on a décoré sa plate-forme des
animaux
symboliques ; on les a refaits sur le modèle de ceux qui existaient
avant la Révolution ; et la statue de saint Jacques qui avait
été précipitée en l'an IV de son piédestal,
et qui s'était brisée en tombant sur le pavé, est
debout exposée à la
vue de toute la capitale : elle a
3,35 m de
hauteur et repose sur un clocheton
moyen-âge, construit
par les soins de M. Balu, jeune architecte du plus grand mérite
et grand prix de Rome. C'est M. Balu qui a été chargé
par la
Ville de la direction des travaux de réparation, qui ont
été conduits avec une grande intelligence. Il a été
heureusement secondé par M. Roguet, architecte dessinateur d'un
vrai mérite.
La statue domine d'une manière grandiose
les quatre figures
symboliques : l'
ange, le
lion, l'
aigle et le taureau,
qui sont
dus au ciseau de M. Chenillon, artiste distingué. Des
niches, au nombre de seize, pratiquées dans l'épaisseur
des murs ont reçu, chacune, une statue, confiées au soin
de divers artistes qui ont rivalisé de zèle pour les rendre
dignes du beau travail de restauration commandé par la
Ville.
Elles sont toutes dans les mêmes proportions, ayant 2,50 m de
hauteur.
Les sculpteurs, ornemanistes qui ont travaillé
à la tour, sont MM. Lechesne (Auguste), Rouillard (Martrou),
Delafontaine. Au premier étage de la tour sont les statues de
sainte Marguerite, par Bonnassieux,
saint Jean l'Evangéliste,
par Diebolt, saint Georges, par Protat,
saint Michel, par Proget, sainte
Madeleine, par Girard,
saint Jean-Baptiste, par Cordier, sainte Catherine,
par Villain,
saint Quentin, par Taluet. -- Au deuxième étage
sont placées les statues de saint Augustin, par
Loison, saint
Clément, par Calmels,
saint Roch, par Desprez, saint Laurent,
par Perrault, saint Léonard, par Duseigneur, saint Jacques le
Mineur, par Arnaud, saint Pierre, par Courtet,
saint Paul, par Chambard.
Au centre de la tour, sous la
clef de voûte,
se trouve la statue de l'immortel écrivain Blaise Pascal, par
M. Cavalier ; elle est d'une exécution parfaite et pleine de
vérité. Blaise Pascal se trouve représenté
avec le costume de l'époque, petit manteau et culotte courte,
chevelure longue et frisée. Blaise Pascal, l'un des plus grands
génies que la France ait produits, est né à
Clermont
en Auvergne, le 19
juin 1623. Sa mère mourut en 1626 ; son père,
président de la Cour des aides à
Clermont, vendit sa charge
et se retira à
Paris en 1631 pour vaquer uniquement à
l'éducation de ses
enfants et surtout à celle de Blaise
Pascal, dont il voulut être l'unique précepteur. Blaise
Pascal, dès l'âge de 12 ans, se livra avec passion à
l'étude des sciences exactes et y acquit de vastes connaissances.
C'est sur la tour Saint-Jacques-la-Boucherie qu'il a fait exécuter
la célèbre expérience du Puy-de-Dôme, qui
a mis hors de doute la pesanteur de l'
air. Sa réputation était
grande dans les sciences ; mais elle s'augmenta encore par la publication
de ses lettres provinciales.
Blaise Pascal était d'une grande piété,
et s'était retiré dans la maison des
Champs de
Port-Royal,
où il vécut en solitaire et dans la méditation.
Il mourut à
Paris à l'âge de 39 ans.
Dans les fouilles opérées en 1852,
sur l'emplacement de l'
église Saint-Jacques-la-Boucherie, pour
le nivellement du sol de la rue de Rivoli, on a trouvé, outre
divers fragments de sculpture, un petit caveau qu'on a considéré
comme ayant été la sépulture de Nicolas Flamel,
sans pouvoir toutefois en acquérir la certitude.
On monte sur la plate-forme de la tour en gravissant
trois cent huit marches, et par un escalier fort convenablement établi.
Il y avait autrefois quatre étages dans
la tour : le premier contenait une salle d'asile, où pouvaient,
en toute sûreté, se réfugier les plus grands criminels.
Disons, en terminant, que l'ancienne statue de
saint Jacques, qui a été brisée dans la première
Révolution, était l'uvre d'un statuaire, ou imagier
du
XVIe siècle, nommé Rault.
La tour
Saint-Jacques n'a rien autour d'elle qui
puisse blesser les yeux ; elle a de l'
air et de l'espace, et se trouve
environnée de magnifiques voies de communication ; aux lieu et
place des anciennes échoppes dont elle était flanquée,
il y a peu d'années encore, se trouve un vaste
jardin,
jardin
anglais, n'ayant aucun
arbre de haute futaie, et environné dans
son parcours par une grille de fer élégante et solide
tout à la fois. On doit reconnaître que le conseil municipal
et le préfet, qui le préside, n'ont rien négligé
pour réparer dignement la tour
Saint-Jacques, on peut les en
féliciter.
La tour
Saint-Jacques n'aura aucune appropriation
particulière ; elle est là, comme une grande page d'
histoire,
comme un monument qui a traversé les siècles, pour nous
aider à en comprendre les murs et les idées, et
cette destination, au point de
vue artistique, historique et
religieux,
nous paraît la seule qu'elle puisse avoir raisonnablement.