Vous êtes ici : Livres, textes & documents | Ouvrages de littérature | L | Le mystérieux docteur Cornélius - T. 1 | II - Le récit d’Oscar Tournesol

Le mystérieux docteur Cornélius - T. 1

Gustave Lerouge
© France-Spiritualités™






SIXIÈME ÉPISODE – LES CHEVALIERS DU CHLOROFORME
II – Le récit d'Oscar Tournesol

D'un geste autoritaire, Fred Jorgell avait fait monter le bossu déguenillé à ses côtés, sur les coussins pneumatiques du taxi-cab, qui partit aussitôt en troisième vitesse dans la direction du centre de la ville.

      – Tu es un courageux garçon, dit tout à coup le milliardaire à son bizarre compagnon ; tu m'as sauvé la vie, mais je te jure, foi de Fred Jorgell, que ce soir tu n'as pas perdu ton temps et d'abord, comment te nommes-tu ?

      – Oscar Tournesol.

      – Tu n'es pas américain ?

      – Non, sir, je suis français, et même parisien de naissance.

      – Et quel est ton métier ?

      Oscar Tournesol baissa la tête en rougissant.

      – Je suis cireur de bottines, répondit-il un peu honteux d'une si humble profession.

      – Il ne faut pas avoir honte de son métier, répliqua sévèrement Fred Jorgell, il n'est jamais honteux de travailler ; moi qui te parle, j'ai bien ciré les souliers des matelots pendant longtemps, sur les quais de San Francisco, et pourtant, je suis, à l'heure qu'il est, milliardaire.

      Et comme Oscar ouvrait de grands yeux :

      – C'est comme cela, mon garçon ; mais d'abord, raconte-moi comment tu as eu l'idée de venir à mon secours ?

      – C'est tout simple. Je loge, à raison de deux dollars par semaine, dans une sorte de cave qui donne précisément sur l'impasse où vous avez été attaqué. Il n'est pas rare que j'entende des coups de revolver dans le voisinage, mais je n'ai jamais pu m'habituer à ce bruit-là. Quand vous avez tiré sur l'homme à la longue barbe, je me suis réveillé en sursaut, j'ai sauté en bas de ma couchette et je me suis habillé en deux temps et trois mouvements...

      – Tu as bien fait de te dépêcher, murmura le milliardaire avec une grimace de frayeur rétrospective, mais continue...

      – J'ai regardé par le soupirail de la cave et quand j'ai vu qu'il ne s'agissait pas d'une bataille entre apaches, mais d'un assassinat véritable, je n'ai pas hésité, j'ai pris un bâton, la seule arme que j'eusse à ma disposition, et je me suis embusqué dans le corridor en attendant le bon moment pour intervenir.

      – Mais tu aurais pu avoir le dessous...

      – Ma foi, je n'ai pas réfléchi à cela ; puis, si j'avais laissé égorger quelqu'un sous mes yeux, comme cela, j'en aurais eu du remords toute ma vie, il m'aurait toujours semblé que j'étais complice.

      A ce moment, le taxi-cab stoppa devant un édifice à la façade brillamment illuminée.

      – Nous sommes arrivés, déclara le milliardaire, c'est ici le restaurant Delmonico ; j'ai réfléchi que cela nous ferait du bien à tous deux de prendre quelque chose de substantiel, après une pareille alerte.

      – C'est que, balbutia Oscar, je ne suis guère présentable, on dira que vous avez invité un tondeur de chiens, ou – comme c'est l'exacte vérité – un cireur de bottines à souper avec vous.

      – Voilà qui m'est fort égal, s'écria Fred Jorgell avec une désinvolture superbe ; sache que j'ai le mépris le plus complet de ce que peuvent dire les gens.

      Tout en parlant, il poussait devant lui Oscar, tout confus, dans la vaste salle au plafond d'or, aux tables étincelantes de fleurs, de vermeil et de cristaux.

      A la vue du cireur, la caissière et le gérant avaient échangé un regard ahuri, quelques rires discrets circulèrent parmi l'assistance, mais ce fut tout. Le milliardaire était connu et personne ne se fût avisé de lui faire une observation. Bien plus, certains soupeurs trouvèrent cette attitude d'une excentricité de bon aloi et très crâne, le jour même où le nom de Baruch revenait sur l'eau avec les sanglantes allusions des journaux.

      Fred Jorgell et Oscar Tournesol prirent place à une petite table isolée, et tout de suite, le milliardaire fit la carte.

      – Il nous faut, déclara-t-il à Oscar qui ne protestait nullement, des mets simples et réconfortants ; en conséquence, voici le menu que je décrète :
            Kankal-oysters, trois douzaines ;
            Salade de homards avec des cœurs de céleri et quelques vagues truffes...
            Poulet du Kentucky, sauce trust ;
            Et, comme tu es français : escargots de France, vanillés au sucre ;
            Desserts, café, whisky, canadian-club.
      Cela te va-t-il ?

      – C'est admirable, et cela tombe d'autant mieux que j'ai mangé très sobrement aujourd'hui ; j'ai la dent, et comment !...

      – Quelle dent ?

      – C'est une expression française pour dire que j'ai très bon appétit.

      – Very well ! Tu bois du vin ?

      – Avec plaisir, surtout quand il est de mon pays, monsieur le milliardaire.

      – Tu seras satisfait.

      Pendant que Fred Jorgell réclamait au « waiter » une carte spéciale, Oscar se promit in petto de ne pas toucher aux escargots vanillés au sucre, qu'il considérait, sans en avoir tâté, comme une abomination inventée par les Yankees pour déshonorer la Bourgogne.

      Bientôt le souper fut servi ; le bossu dévorait comme un loup affamé, le milliardaire le regardait nettoyer les plats et torcher la sauce avec son pain dans un véritable ravissement. Il se garda bien de troubler son invité par des questions inopportunes et le laissa d'abord se rassasier tout à son aise. Ce ne fut qu'au dessert qu'il prit la parole en ces termes :

      – Maintenant, mon brave Oscar, je tiens à connaître par le menu ton existence passée, et, si tu en es digne, comme c'est ma ferme conviction, je te promets de te créer d'ici peu une très enviable situation.

      – Sir, répondit le bossu, je n'ai aucune raison de vous cacher mes antécédents, et vous allez entièrement les connaître. Comme je vous l'ai dit, je suis né à Paris, mon père était un pauvre ouvrier ébéniste du faubourg Saint-Antoine. J'avais cinq ans lorsque mes parents, à quinze jours de distance l'un de l'autre, furent emportés par une épidémie de fièvre typhoïde. Les voisins voulaient me confier à l'Assistance publique, mais j'avais si peur d'être enfermé que je réussis à m'enfuir, muni d'une vingtaine de sous que m'avait donnés ma pauvre mère quelques jours avant sa mort. Depuis lors, je vécus, au hasard de la rue parisienne, de tous les petits métiers de ceux qui n'en ont pas.

      – Tu étais camelot, précisa le milliardaire.

      – C'est cela, je criais les feuilles du soir, je vendais des décorations tricolores les jours de fête nationale, du papier d'Arménie et des singes en peluche dans les fêtes foraines, j'offrais des olives dans un petit baquet de cèdre à la terrasse des cafés, je ramassais des bouts de cigare, j'aidais à décharger les voitures de fruits et de légumes. Je ne me rappelle jamais ce temps-là sans tristesse. Que de fois je dus coucher sous les ponts ou dans les maisons en construction ! Puis tout le monde se moquait de moi à cause de ma bosse et de mes cheveux jaunes. J'avais quinze ans passés et on ne m'en eût pas donné douze, tant j'étais chétif et malingre.

      – Pauvre diable ! murmura Fred Jorgell ; alors tu es sans doute venu en Amérique pour faire fortune ?

      – Attendez un peu, nous n'y sommes pas encore. Une nuit qu'il gelait à pierre fendre, j'étais sans asile, sans le sou, je n'avais pas mangé depuis la veille ; à demi mort de faim et de froid, je me réfugiai sous l'auvent d'une porte cochère, quai de la Tournelle. C'est là qu'on me retrouva le lendemain matin, évanoui et à moitié gelé. Le propriétaire de la maison, un savant célèbre, eut pitié de moi, me soigna, me fit manger et, finalement, me garda chez lui.

      – Quel était le nom de ce digne gentleman ? demanda Fred Jorgell puissamment intéressé.

      – Il se nommait M. de Maubreuil.

      En entendant ce nom qui lui rappelait de si terribles souvenirs, Fred Jorgell changea de visage, et reposa sur la table sans y toucher le verre qu'il allait porter à ses lèvres. Il eut besoin de toute sa force de caractère pour ne pas laisser deviner ce qui se passait en lui.

      – Continue, dit-il d'une voix sourde à Oscar qui, tout à son récit, ne s'était aperçu de rien.

      – M. de Maubreuil et sa fille, Mlle Andrée, furent pour moi d'une grande bonté ; ils me traitèrent presque aussi bien que si j'eusse été leur enfant. Le malheur semblait fini pour moi. Je fus habillé, nourri, instruit même comme un vrai fils de famille. Quand M. de Maubreuil, dégoûté de Paris, alla s'installer en Bretagne, il m'emmena avec lui dans son château qu'on appelait le Manoir aux Diamants. J'y serais sans doute encore si, par malheur, un Américain nommé Baruch n'était venu s'installer chez nous...

      – Je connais cette histoire, interrompit brusquement le milliardaire, tous les journaux l'ont racontée ! Et que devins-tu, après la mort de ton protecteur ?

      – J'allai habiter, ainsi que Mlle Andrée, chez un vieil ami de M. de Maubreuil, M. Bondonnat.

      – Le fameux naturaliste ?

      – Précisément. Mais voyez ma déveine ! Mon second protecteur a eu presque le même sort que le premier.

      – Assassiné ?

      – Non, mais enlevé par des inconnus, en aéroplane, sans qu'on ait jamais pu savoir ce qu'il était devenu ; c'était le jour même où allaient être célébrées les fiançailles de la fille de mon maître, Mlle Frédérique, et celles aussi de Mlle Andrée de Maubreuil. J'étais allé, en attendant le repas, faire un tour sur la lande en compagnie de mon vieux maître. Nous étions absolument sans défiance, et en cela nous avions tort, car il rôdait dans le pays des étrangers – Anglais ou Américains – d'allure suspecte, qui avaient déjà essayé de tuer notre chien de garde Pistolet.

      – Cela aurait dû vous donner l'éveil.

      – Sans doute, mais nous étions à mille lieues de supposer qu'un pareil attentat fût possible.

      M. Bondonnat s'amusait à regarder le chien auquel j'avais appris des exercices surprenants, lorsque, tout à coup, un aéroplane s'est abattu sur la lande, comme un vautour qui se laisse tomber sur sa proie ; deux Américains en sont descendus – les mêmes qui avaient essayé de tuer Pistolet ; le browning au poing, ils ont renversé M. Bondonnat et l'ont jeté dans un des baquets de l'aéroplane. J'ai essayé de défendre mon vieux maître et j'ai été renversé d'un coup de crosse qui m'a fendu le crâne... Depuis, il m'a été impossible de savoir ce qu'était devenu M. Bondonnat ; il doit être encore vivant. S'ils avaient voulu le tuer, cela leur eût été facile.

      – Voilà une étrange histoire, murmura le milliardaire tout pensif ; mais toi, qu'es-tu devenu ?

      Oscar montra une large cicatrice blanche qui lui barrait le front.

      – Ils n'y allaient pas de main morte, les canailles, dit-il. Je suis resté plus d'un mois entre la vie et la mort. Mlle Andrée et Mlle Frédérique m'ont soigné avec un dévouement inouï, mieux peut-être que si c'eût été mes vraies sœurs. Mais quand j'ai commencé à pouvoir me lever, que l'on m'a regardé comme hors de danger, quelle tristesse et quel crève-cœur ! La villa de M. Bondonnat, naguère si joyeuse, était triste, silencieuse comme une maison où il y a un mort. Pâles, mélancoliques, vêtues de deuil, Mlle Andrée et Mlle Frédérique me semblèrent toutes changées. Le beau jardin botanique, livré à lui-même, ressemblait à un hallier, les appareils que mon maître a inventés et qui changent à volonté l'ordre des saisons, se rouillaient sur la falaise... C'était une désolation !

      – Mais les fiancés des deux misses ? demanda Fred Jorgell, que ce récit passionnait de plus en plus.

      – M. Ravenel et M. Paganot, pour des raisons de convenance, avaient, d'accord avec ces demoiselles, ajourné le mariage à plus tard ; ils étaient repartis pour Paris, en attendant qu'on fût fixé sur le sort de M. Bondonnat. C'était une situation sans issue. Pour comble de malheur, le médecin qui me soignait reconnut en moi les premiers germes de la tuberculose. Je n'ai jamais été bien solide, cette longue maladie m'avait porté un coup sérieux...

      La voix d'Oscar se troubla, on eût dit qu'il essayait de refouler les larmes qui lui montaient aux yeux.

      – Je ne pouvais plus rester à la villa. Mlle Frédérique m'envoya dans un sanatorium, à Berck-sur-Mer, où je fus très bien soigné, et chaque semaine, ces demoiselles m'écrivaient une bonne lettre réconfortante, toujours accompagnée de quelque cadeau ou d'un mandat. J'étais bien heureux des attentions qu'elles avaient pour moi, mais je m'ennuyais à mourir.

      Enfin, après deux mois de traitement, le médecin en chef me déclara complètement guéri...

      – Et tu retournas à la villa ?

      – Eh bien, non ! Pendant mes longues heures de solitude, j'avais eu le temps de réfléchir. Que serait mon avenir près de deux jeunes filles plongées dans le chagrin ? Etait-il digne d'un homme de cœur de demeurer près d'elles, quand j'avais un si impérieux devoir à remplir ! M. Bondonnat, après M. de Maubreuil, a été mon bienfaiteur ; je me suis juré à moi-même de le retrouver, de le ramener sain et sauf à sa fille.

      – C'est très bien cela, mon petit bonhomme, murmura le milliardaire sincèrement apitoyé, mais tu ne me parais guère armé pour réussir une chose aussi difficile.

      – Cela dépend, sir, je me suis déjà prouvé à moi-même, que j'étais capable de quelque chose. Je suis venu à New York sans payer mon passage.

      – Comment as-tu fait ?

      – J'avais soigneusement économisé les petites sommes que m'envoyaient mes bienfaitrices. Sitôt guéri, j'ai pris le train pour Le Havre ; le transatlantique La Touraine était en partance ; en rôdant autour du navire, j'ai eu la chance de rencontrer un jeune marin que j'avais connu en Bretagne ; grâce à lui, j'ai pu me faire embaucher comme aide de cuisine, ou, pour être exact, comme laveur de vaisselle, comme plongeur. C'est dans ces conditions que je suis arrivé à New York.

      – Mais, objecta Fred Jorgell pris de méfiance, on n'a pas dû te laisser débarquer puisqu'on réclame à tous les émigrants qui ne peuvent justifier d'un moyen d'existence le dépôt d'une somme de cinq cents francs ?

      Oscar Tournesol cligna de l'œil avec malice.

      – Permettez, fit-il, j'étais prévenu ; aussi me suis-je bien gardé de dire que je ne conservais pas mon emploi de plongeur à bord du paquebot. J'étais porté sur le rôle d'équipage ; on m'a laissé débarquer ; c'était tout ce que je voulais, une fois dans les rues de New York où la police n'est pas des plus tracassières, bien malin qui eût pu me retrouver. Je me suis établi bravement comme cireur de bottines et j'ai commencé aussitôt mon enquête.

      – Et tu as découvert quelque chose ?

      – Rien du tout, hélas ! fit le bossu avec un profond découragement. Je m'aperçois que la tâche que j'ai entreprise est remplie de difficultés.

      – Serais-tu déjà découragé ?

      – Non pas ! J'irai jusqu'au bout. Je me le suis juré et je l'ai promis à Mlle Andrée et à Mlle Frédérique.

      Le milliardaire demeurait silencieux. Malgré toute la sympathie que lui inspirait Oscar Tournesol, il hésitait entre divers partis ; un grand combat se livrait en lui-même. Enfin, en dépit de son orgueil, il se décida.

      – Sais-tu qui je suis ? dit-il brusquement au bossu.

      – Non, sir, vous n'avez pas encore jugé à propos de me faire connaître votre nom.

      – Je suis Fred Jorgell, le milliardaire.

      Oscar avait changé de couleur.

      – Le père de Baruch ?

      – Oui, reprit le milliardaire dont la tristesse et l'humiliation secrète se dissimulaient sous un masque de glaciale indifférence, je suis le père de ce misérable, cela, il fallait bien que je te l'apprenne, mais qu'il ne soit plus jamais question de lui dans nos conversations. Je n'ai plus de fils, c'est comme si je n'avais jamais eu de fils !

      Oscar gardait le silence, tout interloqué de cette révélation inattendue.

      – Tu m'as sauvé la vie, poursuivit Fred Jorgell, et de plus tu es un garçon énergique et honnête ; c'est une double raison pour que je m'intéresse à ton avenir ; il ne dépendra que de toi qu'il soit aussi brillant que possible, et de plus je te promets que je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour retrouver M. Bondonnat.

      Oscar, émerveillé du bizarre enchaînement des événements qui allaient sans doute faire du père de l'assassin Baruch le bienfaiteur d'Andrée et de Frédérique, se confondit en remerciements, mais le milliardaire coupa court aux expressions émues de sa gratitude.

      – C'est bien, fit-il. Il est tard, il est temps, pour toi aussi bien que pour moi, d'aller nous reposer.

      Parlons pratiquement. Voici une bank-note de cinq cents dollars ; elle t'appartient, c'est un premier acompte, en attendant que je voie ce que je puis faire de sérieux pour toi. Demain, tu t'habilleras un peu plus décemment et tu te présenteras aux bureaux de la Compagnie de navigation dont je suis le propriétaire et dont voici l'adresse. Là, on t'assignera un emploi convenablement rétribué en attendant que j'aie réfléchi aux meilleurs moyens à employer pour retrouver M. Bondonnat. Cela te convient-il ?

      – Beaucoup. C'est plus que je n'aurais osé espérer.

      – Alors, nous allons partir, tu monteras en auto avec moi et je te déposerai à la porte de quelque hôtel convenable.

      Fred Jorgell jeta une bank-note au waiter et, sans se soucier des sourires malins qui s'évanouissaient sur les lèvres de quelques soupeurs à la vue de son étrange compagnon, il sortit du restaurant Delmonico, et remonta dans un taxi-cab.

      Une demi-heure plus tard, Oscar Tournesol, qui n'en revenait pas encore de ses aventures de la nuit, était installé dans une confortable chambre du Preston-Hotel – électricité, chauffage central, ascenseur, téléphone, etc. Un mot de Fred Jorgell avait changé en obséquieuses salutations les mines arrogantes du gérant de l'établissement, qui avait d'abord hésité à accueillir un client aussi mal couvert.

      Avant de se mettre au lit, le bossu s'accouda quelques instants au balcon de sa chambre qui donnait sur la Trente-troisième avenue, complètement déserte.

      En ce moment une auto descendait l'avenue à une assez vive allure. A la lueur d'un des phares électriques, Oscar distingua nettement trois personnages qui, à en juger par la vivacité de leurs gestes, étaient plongés dans une discussion des plus animées.

      Mais, tout à coup, il faillit laisser échapper un cri de surprise.

      Dans l'un des trois personnages, il venait de reconnaître un homme dont la physionomie était gravée de façon indélébile dans sa mémoire, l'homme qui l'avait blessé presque mortellement d'un coup de crosse de revolver sur la lande bretonne – l'homme qui avait voulu tuer le chien liseur –, un des trois bandits qui avaient coopéré à l'enlèvement de M. Bondonnat en aéroplane.

      Oscar eût voulu s'élancer à sa poursuite, le faire arrêter, mais déjà l'auto avait disparu comme un météore nocturne, et ses phares éblouissants n'étaient plus que deux petites taches de lumière presque effacées déjà, à l'autre extrémité de l'immense avenue.




Site et boutique déposés auprès de Copyrightfrance.com - Toute reproduction interdite
© 2000-2024  LB
Tous droits réservés - Reproduction intégrale ou partielle interdite

Taille des
caractères

Interlignes

Cambria


Mot de passe oublié
Créer un compte LIVRES, TEXTES
& DOCUMENTS