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Le mystérieux docteur Cornélius - T. 1

Gustave Lerouge
© France-Spiritualités™






DEUXIÈME ÉPISODE – LE MANOIR AUX DIAMANTS
VI – Après le crime

Trois mois s'étaient écoulés depuis le crime qui avait mis en deuil le monde savant tout entier. M. de Maubreuil reposait maintenant dans le petit cimetière, sur la colline en face de la mer, à l'ombre des vieux pommiers moussus.

      En dépit d'une enquête sagace menée par les magistrats locaux avec l'aide des plus fins limiers de la Sûreté, en dépit même des sommes considérables promises par Mlle de Maubreuil et par M. Bondonnat lui-même à qui fournirait un renseignement utile, l'assassin était demeuré introuvable.

      Le vieux naturaliste, qui avait accepté de servir de tuteur à Andrée, avait recueilli la jeune fille chez lui. Il avait même insisté pour se charger d'Oscar et il prétendait découvrir chez le petit bossu les plus heureuses dispositions pour la Science.

      Rien n'était changé dans la villa aux fantastiques jardins où M. Bondonnat et ses deux collaborateurs, l'ingénieur Paganot et le naturaliste Roger Ravenel, transformaient au gré de leur caprice les spécimens les plus divers du règne végétal. Comme naguère, les journées s'écoulaient paisiblement en expériences, en causeries et en travaux.

      Le Manoir aux Diamants, dont les portes et les fenêtres demeuraient closes, reprenait petit à petit son morne aspect d'édifice en ruine.

      Comme autrefois, Andrée se promenait encore au bras de son amie Frédérique sur la grève et dans les jardins de la vallée ; mais maintenant, pâle, amaigrie, vêtue de noir, elle ne souriait jamais plus. Le caractère de sa beauté s'était transformé, ses doux yeux bleus avaient pris une expression de mélancolie pensive et sa physionomie s'était empreinte d'une gravité méditative.

      Frédérique témoignait à son amie le plus fraternel dévouement, les deux jeunes filles ne se quittaient pas d'un instant. D'ailleurs, habituées par leur éducation à une vie sédentaire et à des occupations sérieuses, elles ne s'ennuyaient jamais.

      Toutes deux s'occupaient avec une infatigable activité de rechercher le meurtrier de M. de Maubreuil. Chaque jour, elles rédigeaient une nombreuse correspondance.

      En dépit de ces efforts, l'enquête ne faisait aucun progrès.

      On ne savait qu'une chose, c'est que Baruch Jorgell avait gagné l'Amérique.

      Le père Yvon, peu de jours après son retour de Jersey, avait été pris de remords. Il était allé trouver M. Bondonnat et il lui avait franchement avoué comment, croyant n'avoir affaire qu'à un inoffensif contrebandier, il avait fourni à l'assassin les moyens de s'échapper.

      – Si j'avais su cela, murmurait le vieux marin avec regret et honteux de sa naïveté, j'aurais étranglé cette crapule de mes propres mains.

      M. Bondonnat, très triste, n'avait trouvé que cette réponse :

      – Je ne vous en veux pas, je sais que vous êtes un honnête homme, mais quel malheur que vous ayez laissé fuir ce misérable !...

      D'après les renseignements d'Yvon,

      M. Bondonnat avait aussitôt télégraphié au connétable de Jersey, qu'il connaissait personnellement. C'est ainsi qu'on avait pu savoir que Baruch avait réussi à atteindre New York. Le mandat d'amener transmis au chef de la police arriva trois jours trop tard.

      Mais Andrée avait juré que l'affaire ne serait jamais « classée ». Elle multipliait en Amérique les offres de primes et les annonces alléchantes, et chaque jour, elle recevait un véritable monceau de coupures de journaux.

      Antoine Paganot et Roger Ravenel, ainsi que Frédérique, aidaient Mlle de Maubreuil dans le travail de classement.

      Le naturaliste et l'ingénieur étaient précisément occupés à ce labeur fastidieux, lorsque l'ingénieur Paganot poussa, tout à coup, une exclamation de surprise en montrant la manchette d'un article du New York and Chicago Review, qu'il était en train de feuilleter.

      – Tiens, fit-il, voilà quelque chose qui nous concerne : Le milliardaire Fred Jorgell et son scélérat de fils. – Fred Jorgell and his criminal son.

      – Malheureusement, répliqua Roger Ravenel, je ne sais pas très bien l'anglais.

      – Oh ! pour cela, je m'en charge, dit l'ingénieur.

      Et il se mit à traduire le texte à livre ouvert, en résumant les passages les moins intéressants.

      Les premiers paragraphes de l'article contenaient des détails biographiques sur le milliardaire Fred Jorgell, son histoire était celle de beaucoup de ces empereurs du dollar.

      D'abord barman dans un train de luxe de la grande ligne du Pacifique, égorgeur de porcs à Chicago, crieur de « newspapers » à Boston, reporter, cow-boy, prospecteur, Fred Jorgell, grâce à son énergie, à son sens prodigieux des affaires, était, d'échelon en échelon, devenu assez rapidement un des rois du maïs, objet de commerce très important car il sert à la fabrication du whisky.

      La feuille américaine donnait des détails précis sur le trust qu'il avait récemment organisé pour l'accaparement des cultures dans le centre et le nord des Etats de l'Union. Tous ses concurrents s'étaient trouvés promptement réduits aux abois par ce formidable agioteur.

      Enfin, tout récemment, il avait fondé, dans les solitudes de l'Ouest, une ville qu'il avait baptisée de son nom, Jorgell-City, et sur laquelle couraient de sinistres légendes.

      La seconde partie de l'article était consacrée à des détails sur la personne et sur la vie privée du milliardaire.

      Quoique ayant dépassé la cinquantaine, il était encore en pleine force. Ne dormant que quelques heures par nuit, dictant des centaines de lettres tous les jours, menant de front plusieurs entreprises compliquées, il était, avec cela, d'une sobriété exemplaire, ne buvait que de l'eau, n'allait jamais au théâtre et vivait en toutes choses avec plus de simplicité que le moindre de ses contremaîtres.

      Quoique assez charitable, on le disait fermé à toute expansion et à toute gaieté.

      Il n'en avait pas toujours été ainsi ; mais cette misanthropie était due à une série de malheurs domestiques qui ne semblaient pas près de finir.

      D'abord, il avait perdu sa femme qu'il adorait et il était demeuré veuf après trois ans de mariage. L'affection de sa fille, la charmante et distinguée miss Isidora, lui avait apporté de précieuses consolations, mais son fils, Baruch, lui avait causé les plus grands ennuis.

      Dès son enfance, il avait montré les penchants les plus vicieux, il s'était révélé brutal, joueur et prodigue. Plus tard, à la suite d'événements demeurés obscurs, Fred Jorgell avait chassé de son toit le fils indigne dont on n'avait plus entendu parler en Amérique.

      On savait maintenant qu'il s'était alors réfugié en France où, recueilli et sauvé par M. de Maubreuil, il avait assassiné et volé son bienfaiteur. Cette découverte, rendue publique par les démarches des consuls de France à New York et à Chicago, avait causé un scandale énorme dans le monde des Cinq-Cents.

      Tous les détectives de l'Union étaient maintenant lancés à la poursuite de Baruch.

      Fred Jorgell, avec une énergie toute yankee, avait déclaré à plusieurs interviewers que, si son fils était coupable, il ne ferait aucune démarche pour l'arracher au châtiment, ni même pour lui trouver un défenseur ou adoucir les rigueurs de sa prison.

      Depuis que ces faits étaient connus en Amérique, de singuliers bruits commençaient à se répandre. On affirmait avec beaucoup de vraisemblance que Baruch était l'auteur d'une série d'assassinats mystérieux, dont Jorgell-City avait été le théâtre et qui étaient demeurés inexplicables et impunis. Le fils du milliardaire se révélait maintenant comme un des plus redoutables bandits dont il eût été jamais question dans les fastes du crime.

      Enfin, on annonçait en dernière heure que, cédant à la poussée de l'opinion publique irritée, Fred Jorgell venait de céder la part d'actions qui le rendait propriétaire de Jorgell-City pour plus des quatre cinquièmes et de quitter la ville. Nombre de notables habitants, parmi lesquels on citait le fameux docteur Cornélius Kramm, Fritz Kramm, son frère, et l'ingénieur Harry Dorgan, avaient suivi l'exemple du fondateur et étaient, comme lui, venus s'installer à New York.

      L'ingénieur Paganot venait de terminer la traduction de cet article, qui jetait un jour nouveau sur la sinistre personnalité de Baruch Jorgell, lorsque Andrée et Frédérique, qui accompagnaient M. Bondonnat, entrèrent dans le salon où se tenaient les deux jeunes gens. Tous trois se disposaient à faire une promenade dans les jardins lorsque le courrier était arrivé.

      L'ingénieur recommença, pour les nouveaux venus, la lecture de l'article du New York and Chicago Review.

      Il l'avait presque terminée lorsque Andrée de Maubreuil l'interrompit, ses beaux yeux animés d'une flamme vengeresse.

      – Oui, murmura-t-elle, ce que dit la revue américaine est parfaitement exact. Ces renseignements concordent de tout point avec ce que Baruch racontait à mon pauvre père. Ce misérable parlait toujours de sa haine farouche contre les milliardaires. Je me souviens maintenant qu'il manifestait un grand embarras chaque fois qu'on lui posait quelque question au sujet de Jorgell-City.

      – M. de Maubreuil était si discret, fit observer Frédérique, jamais il ne nous avait rien appris des antécédents de son collaborateur.

      – J'espère bien, s'écria Roger Ravenel, qu'il ne va pas tarder à être pincé.

      – Je vais sans tarder, déclara le vieux naturaliste, écrire une lettre au consul de France à New York, qui est précisément un de mes amis personnels. Viens me trouver d'ici dix minutes, ma chère Andrée, je te montrerai ce que j'aurai écrit.

      M. Bondonnat s'enferma dans son cabinet de travail où, comme il avait été convenu, sa pupille ne tarda pas à venir le rejoindre.

      Andrée trouva le vieux savant un tournevis et une clé anglaise aux mains ; il achevait le montage d'un mécanisme délicat.

      – La lettre à mon ami le consul est terminée, fit-il, je vais t'en donner lecture ; un instant encore et je suis à toi.

      – Ne vous dérangez pas... Mais quel est ce gentil appareil, si coquettement nickelé ?

      – Comment, tu ne connais pas le microphone ? Celui-ci est pourvu d'un dispositif perfectionné, inventé par ton ami Paganot.

      Andrée avait rougi imperceptiblement, mais M. Bondonnat ne parut pas s'en apercevoir.

      – Grâce à cet appareil, continua-t-il, l'histoire de la fée Fine-Oreille, qui entendait l'herbe pousser, ne sera bientôt plus un conte.

      – Que comptez-vous en faire ? Je ne vois pas trop à quoi peut vous servir un microphone dans vos expériences de culture.

      – Tu vas comprendre. Je vais en installer un dans chacune de mes serres. Ils seront pourvus d'appareils enregistreurs et noteront les bruits presque imperceptibles qui se produisent pendant le travail de germination et de floraison des plantes. Je tirerai de là de curieuses déductions, une loi nouvelle, peut-être.

      Andrée de Maubreuil réfléchissait.

      – J'avais vu un semblable appareil entre les mains de mon père, murmura-t-elle en soupirant.

      – Allons, ne t'attriste pas, dit M. Bondonnat avec émotion. Je t'ai promis que je ne négligerai rien pour venger mon malheureux ami, je te tiendrai parole.

      La physionomie de la jeune fille s'était faite plus grave.

      – Mon cher tuteur, j'ai une prière à vous adresser. Je voudrais visiter avec vous le Manoir aux Diamants, où je n'ai pas osé retourner depuis le crime.

      – Mon enfant, répondit le vieillard un peu contrarié, ne crois-tu pas qu'il serait préférable de remettre à plus tard ce funèbre pèlerinage ? Tu vas raviver ton chagrin.

      – Je veux qu'il demeure toujours aussi vivace. Je veux que mon père soit vengé.

      – Eh bien, soit, je comprends le sentiment qui te guide ; je ferai ce que tu voudras ; mais il est inutile, ce me semble, d'emmener avec nous Paganot et Ravenel.

      – Vous avez raison, Frédérique et Oscar seuls nous accompagneront.

      – Nous allons partir tout de suite ; puisque la chose est décidée, il vaut mieux ne pas différer cette visite.

      M. Bondonnat se coiffa d'un feutre à larges bords, prit sa canne à pomme d'ivoire et, un quart d'heure après, il se dirigeait, en compagnie des deux jeunes filles, vers le Manoir aux Diamants.

      Par un sentiment qu'Andrée de Maubreuil elle-même respecta, Oscar avait voulu emmener avec lui le chien Pistolet, à peine remis des blessures qu'il avait reçues la nuit du crime.

      La matinée était radieuse, les bruyères d'une sombre couleur de pourpre et les genêts d'or n'étaient pas encore défleuris. La mer, calme et claire comme un miroir, venait mourir au pied des granits rose et bleu de la falaise. Des goélands et des mauves traçaient de grands cercles dans le bleu léger du ciel.

      Par ce gai soleil, le vieux manoir, tapi entre les chênes centenaires de l'avenue qui l'ombrageaient, semblait encore plus solennel et plus morose. Les vitres des larges fenêtres gothiques apparaissaient couvertes d'une poussière grise, pareilles à des regards sans pensée. La mousse avait poussé sur le seuil des portes, les herbes de mer et le chardon des grèves balançaient leurs têtes nimbées de duvet dans les plates-bandes du jardin.

      M. Bondonnat prit dans sa poche une grosse clef et essaya d'ouvrir la porte ; mais la serrure rouillée grinçait, et quand les lourds battants de chêne se rabattirent enfin, avec un bruit sonore, répercuté par les échos du vestibule, Andrée frissonna en croyant entendre un long et plaintif gémissement.

      Les deux jeunes filles, qui donnaient le bras à M. Bondonnat, se serrèrent instinctivement contre lui, toutes tremblantes.

      L'atmosphère acre et funèbre des maisons vides les prenait à la gorge. De grosses araignées avaient tissé leurs toiles dans les angles. Des flocons de salpêtre scintillaient le long des parois et des voûtes de granit.

      Tous trois traversèrent en silence le vestibule, grimpèrent l'escalier aux marches raides et massives, sans avoir prononcé une parole. Enfin ils arrivèrent à la porte du laboratoire et entrèrent dans la salle aux vitrines.

      La pièce était telle que l'avait laissée la fuite du meurtrier. Les gens de justice, dans leurs perquisitions, n'avaient rien dérangé. Les armoires mises au pillage demeuraient entrouvertes et portaient encore la trace des scellés. Dans la seconde pièce, les appareils métalliques étaient rouillés ou vert-de-grisés et, sur la table de porcelaine, les débris des creusets, broyés par le marteau de Baruch Jorgell, étincelaient encore de menues gemmes oubliées. Mais une fine poussière embuait tous les objets, comme une neige d'oubli qui serait tombée sur le passé.

      En pénétrant dans le laboratoire, Pistolet avait poussé un long et lamentable aboiement. Il furetait partout avec inquiétude, il s'arrêta en face du four électrique, à la place même où

      M. de Maubreuil était tombé sous les coups de son assassin ; mais il revenait toujours à l'endroit – marqué par une flaque noire de sang desséché – où Baruch l'avait atteint de deux coups de browning.

      Andrée, qui, depuis quelques instants, se contenait à grand-peine, éclata brusquement en sanglots et se jeta dans les bras de M. Bondonnat et de Frédérique.

      – Pauvre père, murmura-t-elle à travers ses larmes, avec quelle sollicitude, quelques heures avant de tomber sous les coups d'un assassin, il me recommandait de ne pas m'attarder. Qui sait ?... peut-être qu'il serait encore vivant si je n'étais pas sortie ce soir-là...

      – Ne crois pas cela, dit le vieux savant avec autorité, nous savons maintenant que Baruch Jorgell n'en était pas à son premier meurtre et qu'il avait longuement prémédité son crime. Si tu étais restée, il t'aurait tuée aussi !...

      – Verser le sang de son bienfaiteur, de celui qui l'avait arraché à la mort, murmura la jeune fille avec horreur, c'est abominable !...

      De nouveau, elle fondit en larmes ; le silence régna.

      Pendant ce temps, Oscar Tournesol avait fureté à droite et à gauche, se noircissant les doigts à la poussière qui recouvrait tous les objets.

      – Monsieur Bondonnat ! s'écria-t-il soudain, regardez !

      Il montrait du doigt, parmi une foule d'autres appareils, un microphone enregistreur semblable, à quelques perfectionnements près, à celui qu'Andrée avait aperçu dans le cabinet de travail du vieux botaniste.

      – Que veux-tu dire ? demanda Frédérique.

      – Mais si !... moi, je comprends, s'écria M. Bondonnat, cet appareil devait fonctionner parfaitement au moment du meurtre. Il est presque impossible qu'il n'ait pas enregistré les dernières paroles de mon malheureux ami !...

      – Mon Dieu !... Si c'était possible ! s'écria Andrée.

      – Nous allons certainement trouver là un précieux indice, ajouta Oscar, tout fier de l'idée qu'il avait eue.

      Sans perdre un instant, M. Bondonnat nettoya avec précaution le microphone enregistreur. Il constata que les organes en étaient intacts. Le mécanisme n'avait subi aucun dommage.

      – L'appareil fonctionne ! déclara solennellement le vieux savant. Ecoutez la voix d'un témoin incorruptible !

      En proie à une émotion poignante, le petit bossu et les deux jeunes filles s'étaient rapprochées. Leurs cœurs battaient à grands coups.

      Dans le silence profond du laboratoire abandonné, la voix nasillarde de l'appareil s'éleva. Les rouleaux de métal évoluaient lentement, reproduisant comme un écho lointain la voix de l'infortuné savant.

      Andrée de Maubreuil se sentit remuée d'un indicible émoi en entendant cette voix qui semblait lui parler par-delà le tombeau.

      – Les diamants ! murmura l'appareil d'une voix lointaine et faible comme un souffle ; mais c'est fini ! Cela ne vaut plus rien !... Qui en veut ? Je vais en fabriquer par centaines, par milliers ; on en remplira des tombereaux, on en chargera des wagons ; on en couvrira les maisons, on en pavera les rues ! Ha ! ha !

      Rien n'était funèbre comme ce petit rire chevrotant du microphone, qui semblait venir des régions lointaines de la Mort.

      Maintenant, l'appareil continuait à répéter les moindres bruits du laboratoire pendant la soirée du crime, reproduisant toutes les phases de l'expérience.

      Tous écoutaient avec une anxiété fiévreuse ce chuchotement, à peine perceptible, qui leur révélait la plus poignante des tragédies.

      Le microphone récita encore les formules que M. de Maubreuil s'était répétées à lui-même en se promenant de long en large dans le laboratoire.

      – Mais alors, s'écria M. Bondonnat, le secret de la synthèse du diamant n'est pas perdu.

      – Eh ! qu'importe cela ? fit tristement Andrée. Ecoutons... le moment terrible approche.

      Mais, à l'instant où l'appareil répéta le bruit sourd de la chute du corps de M. de Maubreuil sur le parquet, le cri de triomphe de l'assassin et son affreux ricanement... c'était plus que ne pouvait en supporter Andrée : elle tomba évanouie dans les bras de Frédérique.

      Quand elle revint à elle, le microphone ne fonctionnait plus.

      M. Bondonnat frictionna de vinaigre les tempes de la jeune fille, pendant que Frédérique lui faisait respirer des sels. Pistolet, les yeux humides, léchait doucement les mains de sa maîtresse. Oscar était allé en hâte chercher du secours à la villa.

      – Merci de vos bons soins, mes chers amis, balbutia Andrée avec un navrant sourire. Je n'ai pu soutenir jusqu'au bout cette cruelle épreuve. Je suis pourtant heureuse de savoir l'entière vérité. Maintenant, il faut que l'assassin soit châtié.

      Dès qu'elle eut achevé de se remettre, Andrée de Maubreuil regagna la villa au bras de M. Bondonnat et de sa fille. Mais la secousse avait été trop forte. Elle dut s'aliter. Frédérique se constitua sa dévouée garde-malade.

      Huit jours plus tard, le vieux naturaliste recevait une lettre de New York. Elle était signée du consul de France qui annonçait que, après s'être crus sur le point d'opérer l'arrestation de Baruch Jorgell, les détectives avaient tout à coup perdu sa trace. On supposait qu'il avait réussi à gagner l'Australie. D'après d'autres renseignements, l'assassin serait entré dans une association de malfaiteurs new-yorkais – la Main Rouge – qui lui avait fourni les moyens de se cacher.




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