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Le mystérieux docteur Cornélius - T. 2

Gustave Lerouge
© France-Spiritualités™






NEUVIÈME ÉPISODE – LE COTTAGE HANTÉ
II – Une lettre rassurante

L'armateur du yacht dont la construction mettait en rumeur toutes les cervelles des matelots de San Francisco, c'était le milliardaire Fred Jorgell. Nul ne doutait que le spéculateur, célèbre dans toute l'Amérique par ses audacieuses entreprises, ne préparât quelque expédition d'un genre original et grandiose.

      Mais, là-dessus, personne n'eût été capable de fournir le moindre renseignement. Le milliardaire et les gens de son entourage observaient envers tout le monde la réserve la plus complète. Les curieux en étaient réduits aux suppositions.

      Les uns disaient que Fred Jorgell allait exploiter, sans avoir rempli aucune formalité légale, une mine d'or située dans une île inconnue ; les autres parlaient d'un banc d'huîtres perlières découvert près d'un récif océanien ; pour d'autres encore, il s'agissait d'un gisement de guano plus riche que ceux des îles Chincha.

      Le riche Yankee ne démentait aucun de ces bruits, mais il se renfermait dans un mutisme absolu ; et après plusieurs semaines, les indiscrets n'étaient pas plus avancés qu'au premier jour. « Central Pacific Railroad », qui coupe dans toute sa largeur le continent américain.

      A dix lieues de San Francisco, au milieu d'un site enchanteur, Fred Jorgell avait installé sa fille, miss Isidora, dans un vaste et luxueux cottage où plusieurs amis du milliardaire trouvaient aussi l'hospitalité.

      « Golden-Cottage » était véritablement une résidence unique ; bâtie dans une vallée verdoyante, au pied d'une colline boisée où se voyaient encore quelques-uns de ces sequoia gigantea qui atteignent parfois jusqu'à cent mètres de haut, la demeure était construite sur le plan exact d'une de ces villas élégantes et simples que l'on trouve dans la campagne romaine.

      – Avec ses galeries à colonnes de marbre blanc, ses balustrades et ses terrasses garnies de précieux vases de faïence qui renfermaient des arbustes rares, Golden-Cottage s'harmonisait parfaitement avec ce ciel californien d'un bleu si doux, et se détachait poétiquement sur le fond sombre des cèdres, des érables et des pins gigantesques confondant leurs branches dans un dôme naturel plus haut et plus magnifique que celui de notre Panthéon.

      Le jardin de la villa, dessiné dans le goût de la Renaissance, était peuplé de statues, de fontaines et de grottes de rocaille, entourées de hauts massifs de citronniers, de cédratiers et d'orangers.

      Ce superbe cottage était demeuré longtemps sans être habité, son précédent propriétaire étant mort, victime d'un assassinat dont on n'avait jamais pu découvrir les auteurs. Les habitants des haciendas du voisinage prétendaient même que Golden-Cottage était hanté, que l'on y entendait la nuit des bruits sinistres, et enfin qu'il avait porté malheur à tous ceux qui l'avaient occupé ; mais, en Amérique, pays pratique par excellence, les superstitions de ce genre ne sont pas longtemps admises.

      Fred Jorgell avait trouvé une magnifique propriété à un prix modéré, dans une situation isolée en pleine campagne – précisément ce qu'il désirait –, et il n'avait pas hésité un seul instant à en faire l'acquisition.

      Parmi les hôtes de la villa, on remarquait l'ingénieur Harry Dorgan, fiancé de miss Isidora, et dont le mariage depuis longtemps annoncé par les journaux de l'Union avait été retardé par diverses circonstances.

      L'ingénieur passait ses journées à San Francisco, où il dirigeait la construction du yacht la Revanche, et il ne rentrait à Golden-Cottage que le soir. Il s'était d'ailleurs adjoint dans ses travaux deux savants français du plus haut mérite, l'ingénieur Paganot et le naturaliste Ravenel. Eux aussi rentraient chaque soir au cottage où ils retrouvaient leurs fiancées, Andrée de Maubreuil et Frédérique, toutes deux amies intimes de miss Isidora.

      Les autres invités du milliardaire étaient l'excentrique lord Astor Burydan, un moment célèbre à Paris sous le nom de milord Bamboche, le secrétaire et l'ami de ce dernier, le poète Agénor Marmousier. Enfin un Peau-Rouge nommé Kloum, attaché à la personne du lord, et un spirituel petit bossu, Oscar Tournesol, ancien protégé de M. de Maubreuil et qui, lui, était l'ami intime de tout le monde.

      Le lendemain de la scène dont la bodega du Vieux-Grillage avait été le théâtre, les trois jeunes filles se trouvaient seules au cottage. Comme presque tous les jours, Fred Jorgell était à San Francisco, ainsi que l'ingénieur Dorgan et ses deux collaborateurs français.

      Lord Burydan était allé en excursion dans la forêt.

      Agénor, le Peau-Rouge et Oscar l'avaient accompagné.

      Miss Isidora, Andrée et Frédérique s'étaient abritées de la chaleur du jour dans une salle de verdure garnie de bancs de marbre et que rafraîchissait l'humide poussière d'un jet d'eau.

      Sauf Mlle de Maubreuil, toujours un peu mélancolique, les jeunes filles étaient radieuses.

      – Savez-vous, mes chères amies, dit miss Isidora, que mon fiancé Harry a reçu ce matin une lettre de son père, et, ce qu'il y a de plus étonnant, c'est que William Dorgan lui-même est aussi d'avis que je retarde mon mariage ?

      – Quelle en peut être la raison ? demanda Frédérique.

      – Depuis que mon futur beau-père est réconcilié avec son fils, il a décidé de l'avantager d'une somme aussi considérable au moins que ma propre dot, et, pour en fixer le chiffre, attendant le règlement de comptes trimestriels, il a résolu que notre mariage n'aurait lieu qu'une fois cette question entièrement liquidée.

      – Mr Harry Dorgan doit se trouver heureux d'être rentré dans les bonnes grâces de son père ?

      Miss Isidora eut un sourire mélancolique.

      – C'est étrange, murmura-t-elle, on dirait qu'une sorte de fatalité s'oppose à mon mariage avec Harry. Au moment où nous croyons qu'il va avoir lieu, il se trouve toujours quelque raison pour le retarder. Ainsi, la date en était fixée, lorsque mon fiancé, empoisonné par les bandits de la Main Rouge, est tombé gravement malade, atteint d'une maladie presque inconnue.

      – La « lèpre verte » ! fit Andrée de Maubreuil.

      – Sans M. Paganot, c'en était fait de lui.

      – Mais, reprit Andrée, puisque Mr Harry est maintenant rétabli, vous auriez pu vous marier déjà depuis plusieurs semaines.

      Miss Isidora prit les mains des deux jeunes filles et les serra affectueusement.

      – Je sais bien, dit-elle, que j'aurais pu le faire, mais alors, c'est moi qui n'ai plus voulu. Et mon fiancé et mon père ont entièrement approuvé ma décision. Après l'immense service que vous nous aviez rendu, j'ai déclaré que je ne serais unie à Harry Dorgan que lorsque M. Bondonnat aurait été rendu à la liberté.

      – Miss Isidora, murmura Frédérique avec émotion, vous êtes la plus généreuse et la meilleure des amies. Nous n'oublierons jamais le dévouement que vous nous montrez. Et il y a presque de l'égoïsme de notre part à accepter un tel sacrifice. Qui sait, ajouta-t-elle tristement, si nous n'aurons pas à attendre longtemps la délivrance de mon père !

      – Non, répliqua chaleureusement l'interlocutrice de Mlle Bondonnat, d'autant plus que, depuis le retour de lord Burydan qui fut luimême prisonnier dans l'île des pendus, nous possédons des données certaines. L'univers n'est pas si vaste qu'avec les moyens d'action dont nous disposons une île située sous un climat glacial ne soit promptement découverte par nous !

      – Dans combien de temps croyez-vous que vous aurez retrouvé mon père ? demanda Frédérique.

      – Mais je suis sûre que ce résultat sera rapidement atteint. Je compte, moi, six semaines, peut-être un peu plus, peut-être un peu moins.

      – Ce qui fait, dit Andrée, que nos trois mariages pourront avoir lieu le même jour.

      – Mon père et mon beau-père, dit miss Isidora, ont promis de donner à cette occasion des fêtes superbes. Vous allez voir, mes chères amies, que la série des malheurs va enfin se clore et que l'avenir nous dédommagera largement du passé...

      – Je n'ai plus le courage de croire au bonheur, murmura Andrée, nous avons éprouvé déjà de si cruelles déceptions ! Ne craignez-vous pas que les bandits de la Main Rouge...

      – Ne pensez pas à cela, interrompit miss Isidora, vous savez bien que, depuis les arrestations en masse qui ont été opérées, on n'entend plus parler d'eux. C'est un ramassis de misérables qui ne sont pas de force à lutter contre les milliards de mon père et la science de mon fiancé. S'ils tentaient quelque chose, ils seraient vaincus d'avance.

      A ce moment la gouvernante écossaise, mistress Mac Barlott, pénétra dans la salle de verdure. Elle annonçait le retour de lord Burydan et de ses amis, qui ne tardèrent pas à se présenter eux-mêmes pour montrer aux trois jeunes filles le gibier qu'ils avaient tué.

      La carabine en bandoulière, le bowie-knife à la ceinture, le lord excentrique et Agénor étaient vêtus de superbes costumes de chasse et coiffés de larges chapeaux de paille mexicains. Le bossu et le Peau-Rouge, plus simplement habillés d'un complet de toile kaki, pliaient sous le poids du gibier.

      Ils étalèrent aux regards des jeunes filles des chapelets de ramiers et de perdrix rouges, des paons sauvages, des dindons de prairies et jusqu'à un grand vautour roux que l'infaillible balle de lord Burydan était allé chercher presque dans les nuages.

      Les chasseurs reçurent les félicitations auxquelles ils avaient droit. Cette exhibition cynégétique n'était pas terminée, lorsqu'un domestique vint dire à lord Burydan qu'un étranger demandait à lui parler pour « affaire urgente ».

      – Eh bien ! qu'il vienne ici, dit l'excentrique, je me demande, par exemple, ce qu'on peut bien me vouloir. Je ne connais personne dans ce pays.

      Le domestique revint bientôt suivi d'un personnage à la face basanée, au regard oblique et fuyant, et qui avait l'aspect inquiétant d'un de ces aventuriers, moitié négociants et moitié pirates, qui sont nombreux à San Francisco. Il portait sous le bras une boîte de carton assez volumineuse.

      Laissant ses amis un peu à l'écart, lord Burydan s'avança vers le visiteur, qui ne paraissait nullement intimidé par la nombreuse société au milieu de laquelle il venait d'être introduit.

      – Qui êtes-vous ? demanda l'excentrique, que la mine et les allures du nouveau venu ne disposaient guère en sa faveur.

      – Je suis le capitaine Christian Knox, bien connu à San Francisco et ancien commandant de la goélette la Fusée, qui malheureusement a péri corps et biens, il y a un mois de cela, sur les récifs de coraux qui avoisinent l'île de Pâques. Vous êtes lord Astor Burydan ?

      – Parfaitement.

      – Alors j'ai quelque chose à vous remettre, en mains propres.

      Le capitaine avait ouvert la boîte de carton. Il en retira une bouteille qu'un long séjour au fond de la mer avait recouverte de coquillages et de concrétions calcaires – la même que Cornélius avait achetée au « publicain » de la bodega du Vieux-Grillage. Mais elle avait subi un truquage savant, et une inscription qui paraissait gravée à l'aide de l'acide fluorhydrique, comme les étiquettes des siphons d'eau de Seltz, était encore assez nettement lisible sur un des côtés.

      – Qu'est-ce que c'est que cela ? demanda lord Astor avec surprise.

      – Ma foi, je n'en sais rien, répliqua l'aventurier, mais ce qu'il y a de sûr, c'est que c'est à vous que c'est adressé. Lisez plutôt.

      Lord Burydan prit la bouteille et déchiffra non sans peine les mots gravés dans le verre ; ils étaient tracés d'une écriture cursive aux caractères compacts comme si l'on se fût servi d'un pinceau trempé dans l'acide. Lord Burydan lut à haute voix : Cent dollars de récompense à qui remettra cette bouteille à lord Burydan.

      Les deux jeunes filles s'étaient rapprochées et examinaient curieusement le singulier flacon. Mais tout à coup Frédérique jeta un cri de surprise.

      – Cette inscription est de l'écriture de mon père, s'écria-t-elle.

      – Où avez-vous trouvé cette bouteille ? demanda lord Burydan.

      – Au large des côtes du Chili, en péchant autour d'un récif. C'est un de mes matelots qui l'a découverte au milieu d'une masse de plantes marines qui remplissaient notre filet.

      – Ce matelot existe encore ? Vous pouvez le faire venir ?

      – Hélas ! non, milord, le pauvre diable est mort avec ses camarades dans le naufrage de la Fusée, et c'est une vraie chance que j'aie sauvé cette bouteille qui se trouvait dans mon coffre avec d'autres effets !

      – C'est bien, je vous remercie. L'expéditeur de la bouteille promettait cent dollars, en voici deux cents.

      Le capitaine Christian Knox empocha la somme avec un sourire satisfait, salua jusqu'à terre et se retira après avoir eu soin de remettre à lord Astor un bout de papier graisseux sur lequel se trouvait l'adresse de la bodega du Vieux-Grillage où le pirate avait installé ses pénates.

      L'impatience de tous les témoins de cette scène était à son comble. D'après ce que venait de dire Mlle Bondonnat, ils étaient persuadés que la bouteille contenait un message du vieux savant.

      On sait que ce hasardeux moyen de correspondance est depuis des siècles employé par les matelots en péril, et, chose extraordinaire, il est beaucoup plus fréquent qu'on ne se l'imaginerait que de pareilles missives arrivent à destination.

      Au milieu d'un solennel silence, lord Burydan gratta avec son couteau de chasse les coquillages qui recouvraient le bouchon et le goulot de la bouteille.

      Au-dessous des coquillages, il y avait une capsule de plomb qu'il arracha et qui avait si bien protégé le bouchon que celui-ci n'avait été que très peu endommagé par l'action corrosive des eaux marines. Quand il l'eut enlevé, lord Astor aperçut un objet long et arrondi qu'il fit sortir de la bouteille en la penchant avec précaution.

      – C'est un tube de verre fermé aux deux bouts et recouvert de cuir, déclara lord Burydan au milieu d'un silence émotionnant.

      – C'est là que se trouve la lettre ! s'écria Frédérique, le cœur palpitant d'angoisse.

      Le tube de verre qui avait été scellé à la lampe dut être brisé.

      Il contenait un papier minutieusement roulé. Dans son impatience, Frédérique l'arracha presque des mains de lord Burydan et le déplia avec précipitation.

      – Mon père ! mon père ! balbutia-t-elle. C'est de mon père ! C'est bien son écriture ! Je ne puis m'y tromper ! Oh ! que je suis heureuse !... Mais je vais vous la lire à haute voix. Et elle lut, d'une voix tremblante d'émotion :

      « Milord,

      Je ne sais si cette lettre vous parviendra ; cependant, étant donné la direction des courants que j'ai soigneusement étudiés, cela me paraît très possible. Elle a été recopiée par moi à vingt exemplaires, enfermés en autant de bouteilles mises à la mer à un jour de distance l'une de l'autre. Enfin, j'ai pris les précautions les plus minutieuses pour que l'eau ne puisse altérer le papier ni l'écriture. J'ai même, grâce aux produits dont je dispose dans mon laboratoire, pu graver votre nom dans le verre en promettant une récompense à celui qui vous remettra cette bouteille.

      Si je vous écris, c'est que je suis sûr, étant donné la perfection de mon aéronef, que le brave Kloum sait parfaitement manœuvrer, que votre évasion a réussi.

      Je souhaite et j'espère de tout mon cœur que vous êtes en sûreté avec Kloum et mon bon chien Pistolet. Et je suis certain, s'il en est ainsi, que vous ferez l'impossible pour me tirer des griffes de mes bourreaux. Demeuré seul entre leurs mains après l'insuccès de ma tentative, je craignais qu'ils ne s'en vengeassent en me faisant subir toutes sortes de vexations. Il n'en a rien été heureusement. On s'est contenté de me surveiller plus étroitement, et l'on ne me donne plus, pour m'aider dans mes expériences, que des bandits à figure sinistre près desquels tout essai de corruption serait inutile. Ma santé continue à être assez bonne, en dépit de l'ennui et de l'inquiétude dont je suis torturé.

      Mais venons au fait. Le but de cette lettre, mon cher lord, est de vous donner un renseignement sans lequel vous auriez les plus grandes peines à découvrir mon lieu d'exil. En effet, vous ignorez la latitude et la longitude de l'île des pendus, que j'ai réussi à déterminer et qui sont les suivantes : l'île des pendus se trouve par 110° de longitude est, méridien de Paris, et 50° de latitude sud ; c'est-à-dire approximativement dans le voisinage du cercle antarctique, entre le cap Horn et la Terre de la Désolation...
»


      – M. Bondonnat, interrompit lord Burydan en se tournant vers Kloum, ne vous avait donc jamais parlé de ces chiffres ?

      – Je ne crois pas, répondit le Peau-Rouge en cherchant dans son souvenir. Il me semble pourtant qu'il a prononcé les mots de longitude et latitude, mais il me regardait comme trop ignorant sans doute pour comprendre quelque chose à cela.

      – Je reprends ma lecture, dit Frédérique.

      « Je suppose qu'avec cette indication précise il vous sera facile de découvrir le repaire des bandits. Je n'ai d'espérance qu'en vous, car je crains bien que, malgré toutes leurs promesses, les coquins qui me détiennent ne me remettent jamais en liberté si on ne les y contraint par la force.

      Je vous prie aussi de faire parvenir de mes nouvelles à ma fille et de la tenir au courant de ce que vous tenterez pour me sauver.

      Croyez à la reconnaissance de votre compagnon de geôle.


Prosper Bondonnat »


      – Il n'y a pas à dire, s'écria lord Burydan, cette lettre présente tous les caractères de l'authenticité !

      – Elle est certainement de mon père ! déclara Frédérique.

      – Je le crois aussi, fit Andrée.

      – Et moi de même, dit le poète Agénor.

      Seuls le bossu et le Peau-Rouge ne disaient rien. Tous deux, sans pouvoir s'en rendre compte, flairaient quelque piège. Mais ils eurent beau examiner la lettre et la bouteille, ils ne trouvèrent aucune objection sérieuse à faire à l'opinion de leurs amis. Et ils furent obligés de convenir que l'arrivée du message n'avait rien, après tout, de plus extraordinaire que tant d'événements auxquels il leur avait été donné d'assister.

      Miss Isidora ne cachait pas son enthousiasme.

      – Maintenant, s'écria-t-elle, on pourrait presque fixer le jour exact où seront célébrés les trois mariages. C'est Harry qui va être content !

      Andrée de Maubreuil réfléchissait.

      – Je m'explique maintenant, fit-elle, que la première lettre que nous avons reçue de mon cher tuteur soit partie de La Nouvelle-Orléans. Elle venait du sud évidemment, par la voie chilienne ou péruvienne, et elle avait dû être remise à la poste par un des correspondants de la Main Rouge.

      – Pauvre Pistolet, dit tout à coup le petit bossu, M. Bondonnat sera désolé quand il saura que son fidèle compagnon a disparu.

      – Ce n'est pas de ma faute, riposta lord Burydan, ni de celle de Kloum. Lorsque notre aéronef est descendu à deux pas d'un village de Noirs et que nous avons été assaillis par eux, Pistolet reçut des pierres et même, j'en ai peur, des balles de revolver. Il s'est enfui absolument affolé et il a dû se cacher dans un champ de cotonniers. Nous étions traqués nous-mêmes, nous n'avons pu aller à son secours !

      – On retrouvera Pistolet, dit gaiement miss Isidora qui voyait l'avenir sous les couleurs les plus favorables. Mon père mettra, s'il le faut, d'habiles détectives en campagne pour ramener ce chien, puisqu'il est de vos amis !

      On sourit de cette boutade. Tout le monde partageait l'optimisme de la jeune fille. Maintenant qu'on savait l'endroit exact où était détenu M. Bondonnat, on regardait presque sa délivrance comme un fait accompli.

      Chacun attendait avec impatience le retour de Fred Jorgell et des trois fiancés pour leur montrer la fameuse bouteille et leur lire la lettre de l'illustre prisonnier.

      Les habitants de Golden-Cottage eussent éprouvé la plus amère des déceptions s'ils avaient pu se douter que la lettre qui leur causait une telle satisfaction avait été écrite par un des plus habiles faussaires de la Main Rouge et que le récipient qui la renfermait leur était adressé par leurs plus cruels ennemis.

      Le yacht la Revanche allait se diriger vers le pôle austral, tandis que l'île des pendus se trouvait dans les parages du pôle boréal. Qui sait ce qu'il adviendrait de Fred Jorgell et de ses amis égarés par de fausses indications dans les mers désertes du sud, loin de toute côte hospitalière et de tout peuple civilisé !




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