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Le mystérieux docteur Cornélius - T. 2

Gustave Lerouge
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DIXIÈME ÉPISODE – LE PORTRAIT DE LUCRÈCE BORGIA
VII – Déception

Fritz Kramm songea d'abord à quitter New York au plus vite. Il lui semblait voir déjà son hôtel cerné par les policemen.

      Mais, en y réfléchissant, il se dit qu'après tout, les domestiques de Balthazar Buxton ne connaissant pas son nom, il y avait grande chance pour qu'il ne fût pas découvert. Ne pourrait-il d'ailleurs soutenir qu'il était innocent. Balthazar lui-même lui ayant donné de sa main – les gardiens du couloir pourraient en témoigner – l'exeat nécessaire !

      Un peu rassuré, il se rendit chez Cornélius, qu'il mit au courant des faits, sans omettre la plus légère circonstance. Le « sculpteur de chair humaine » pensa lui aussi que le péril n'était pas urgent et, plus audacieux encore que son frère, il alla jusqu'à envisager la possibilité de toucher les chèques ; après une longue conversation, ils résolurent de ne rien faire jusqu'au lendemain. Leur décision dépendrait de la tournure que prendraient les événements.

      Fritz venait de se réveiller, après une nuit des plus agitées, lorsque Cornélius entra dans sa chambre ; il tenait à la main une feuille du matin.

      – Tout s'arrange, déclara-t-il avec satisfaction, le feu a pris chez Balthazar, dont on a retrouvé le cadavre carbonisé. Tableaux et objets d'art sont en cendres, et la plupart des serviteurs ont été asphyxiés en essayant de s'échapper du labyrinthe.

      – Comment expliquer cela ? murmura Fritz avec stupeur. C'est à croire vraiment qu'une Providence diabolique nous protège.

      – Rien n'est plus simple. Afin d'être mieux servi, de ne donner à ses gens aucune raison de souhaiter sa mort, Balthazar – il me l'a raconté lui-même – leur donnait des gages très élevés, qu'il doublait encore chaque année, mais il ne devait rien leur laisser par testament ; de cette façon ils avaient intérêt à ce qu'il vécût le plus longtemps possible.

      – Je comprends qu'ils aient dû être furieux en trouvant son cadavre.

      – Non seulement cela, mais ils ont dû avoir peur d'être soupçonnés, et ils ont risqué le tout pour le tout. Il est évident pour moi qu'ils n'ont dû allumer l'incendie qu'après avoir fait main basse sur ce qu'il avait de plus précieux.

      – Mais ceux qui ont été asphyxiés ?

      – C'était ceux qui n'étaient pas du complot ; les autres ont mis leur butin en sûreté, cela ne fait pas l'ombre d'un doute.

      – Et le portrait de Lucrèce Borgia ?

      – Brûlé, anéanti...

      – Tout va bien, s'écria Fritz gaiement, nous allons pouvoir toucher nos chèques.

      – Et cela d'autant plus aisément que Balthazar a dû aviser la banque du versement important qu'elle aurait à effectuer.

      Les deux bandits se séparèrent, enchantés de la tournure inespérée qu'avaient prise les événements. Fritz Kramm déjeuna de bon appétit ; débarrassé de toutes préoccupations, il ne songea plus qu'à se rendre chez la belle Lorenza qui, sans doute, allait cette fois se montrer moins farouche.

      Avenue de Broadway, une déception l'attendait. Le cottage de la guérisseuse de perles était désert, les volets hermétiquement clos et un écriteau, house to let (maison à louer), se balançait au-dessus de la grille.

      Les voisins, interrogés, racontèrent que l'Italienne et sa bonne étaient parties avec de nombreux bagages la veille au soir pour une destination inconnue.

      Furieux et décontenancé de ce qu'il appelait une trahison, Fritz remonta en auto et jeta au cocher l'adresse de Louis Grivard. C'était l'artiste qui allait essuyer sa colère et qui serait obligé de donner des explications sur le faux tableau du Titien ; n'était-ce pas en somme ce misérable barbouilleur qui était la cause de la mort de Balthazar ?

      Mais chez Louis Grivard, comme chez Lorenza, Fritz Kramm trouva porte close et visage de bois.

      – Une jeune dame brune d'une beauté admirable est venue le chercher en auto, hier soir, à la tombée de la nuit, expliqua la concierge.

      – Vous ne savez pas où ils sont allés ?

      – M. Louis, à ce qu'il semble, a donné au chauffeur l'adresse de la gare maritime des transatlantiques.

      Fritz remonta en voiture sans prononcer une parole. Il avait compris qu'il était joué, mais il possédait un étonnant empire sur lui-même ; maintenant toute sa colère était tombée ; ce fut d'un ton parfaitement calme qu'il jeta à son chauffeur l'adresse de Cornélius.

      Laissant de côté toute autre préoccupation, les deux bandits devaient partir pour San Francisco le lendemain, pour veiller en personne à l'exécution du plan qui devait amener la perte du yacht la Revanche et de tous ses passagers.




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