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Le mystérieux docteur Cornélius - T. 3

Gustave Lerouge
© France-Spiritualités™






DIX-SEPTIÈME ÉPISODE – LE DÉMENT DE LA MAISON BLEUE
I – Le choix d'un gendre

Mr Bombridge, célèbre dans toute l'Amérique par la façon quasi géniale dont il avait organisé la production intensive de l'escargot comestible, avait réuni, ce jour-là, quelques amis dans la superbe propriété qu'il possédait en Floride, à quelques miles de la ville de Tampa.

      Parmi ses invités, on remarquait lord Astor Burydan, fameux par ses aventures excentriques, le prestidigitateur Matalobos, l'honorable James Rollan, propriétaire du trust des chaussures d'occasion, et un jeune Français, Oscar Tournesol, attaché au laboratoire de l'illustre naturaliste Prosper Bondonnat.

      Ces trois personnages avaient, depuis longtemps déjà, posé leur candidature à la main et aux millions de miss Régine Bombridge ; mais, jusque-là, il eût été impossible de dire lequel des trois avait le plus de chances de réussir.

      Oscar Tournesol était, disait-on, très aimé de miss Régine ; d'un autre côté, Matalobos était un vieil ami de Mr Bombridge qui le tenait en haute estime ; quant à Mr James Rollan, ses millions, la distinction de ses manières et sa parfaite élégance faisaient de lui, pour ses deux rivaux, un concurrent redoutable.

      Mr Bombridge, après de longues hésitations, avait enfin déclaré qu'à l'issue d'un grand repas donné en l'honneur des prétendants il proclamerait le nom de l'heureux mortel appelé à devenir son gendre.

      Cette conduite singulière lui avait attiré quelques observations courtoises de la part de Mr James Rollan.

      – Vous avez sans doute fait votre choix ? avait demandé le distingué gentleman.

      – Eh ! cela se pourrait bien ! avait répondu Mr Bombridge.

      – Alors pourquoi ne pas le faire connaître tout de suite ? Il y a quelque cruauté à mettre si longtemps notre patience à l'épreuve !

      – Laissez faire, j'ai mon idée à ce sujet.

      James Rollan n'avait rien pu tirer de plus de Mr Bombridge. En dépit de toutes les sollicitations, celui-ci s'était renfermé dans une discrétion impénétrable.

      Le repas fut digne de la réputation hospitalière du maître de la maison.

      Sur la carte du menu, le foie de tortue verte truffé voisinait avec les langoustes à la mexicaine, le faisan de la Floride et un de ces délicieux lézards iguanes, communs dans l'Amérique centrale, et qui fut servi avec une sauce caraïbe.

      Citons encore, parmi les curiosités gastronomiques, des gombos tendres et savoureux et des choux palmistes.

      Le cuisinier de Mr Bombridge n'avait eu garde d'oublier un plat d'escargots, savamment grillés et servis avec une sauce dont le madère de la célèbre marque Barnum formait le principal élément.

      Les convives s'installèrent autour de la table parée de fleurs magnifiques. Miss Régine, dont une claire toilette de linon des Indes faisait ressortir la beauté blonde, s'était assise à la place d'honneur entre son père et lord Burydan, elle affectait beaucoup de bonne humeur et de gaieté ; mais, au fond, elle était inquiète et, de temps en temps, elle lançait à la dérobée, du côté d'Oscar, des regards anxieux et presque consternés.

      Les invités de Mr Bombridge venaient de savourer le potage aux huîtres – qui est pour ainsi dire la base de la cuisine yankee et sans lequel il n'y a pas de repas sérieux –, lorsque lord Burydan tira de sa poche une lettre qu'il venait de recevoir et la fit lire à Oscar.

      Celui-ci, après l'avoir parcourue, se mit à sourire à miss Régine en même temps qu'il regardait Mr James Rollan avec une fixité qui parut du plus mauvais goût à l'honorable gentleman.

      Ce rapide incident passa, d'ailleurs, presque inaperçu, et bientôt la gaieté la plus cordiale régna parmi les convives.

      On but d'abord à miss Régine, puis à son père, puis tour à tour à la santé de chacune des personnes présentes. Les serviteurs noirs avaient à peine le temps de déboucher les flacons d'extradry et de les remplacer par d'autres. L'enthousiasme était arrivé à son comble. Maintenant, chacun toastait pour son compte sans se préoccuper de ses voisins.

      – Au père de l'industrie escargotière ! criait le prestidigitateur d'une voix légèrement éraillée.

      – A sa charmante fille ! dit Oscar Tournesol au moins pour la quatrième fois.

      – A Sa Majesté le roi d'Angleterre !...

      – A l'illustre Prosper Bondonnat !...

      – A la France !...

      – A la libre Amérique !...

      Ce joyeux vacarme fut tout à coup interrompu par l'arrivée d'un serviteur noir, le vieux Jupiter, qui semblait terrifié.

      – Maître, s'écria-t-il, venez vite !...

      – Tu m'ennuies ! répliqua Mr Bombridge. Je t'ai défendu, une fois pour toutes, de me déranger quand je suis avec mes amis !

      – A la porte, Jupiter !... cria l'assemblée tout d'une voix. A demain les affaires sérieuses !...

      Le Noir ne semblait nullement ému de ce mauvais accueil.

      – Maître, répéta-t-il avec insistance, venez vite ! C'est très sérieux ! On vous demande au téléphone !

      – Eh bien, on me redemandera ! Je ne me dérange pas !

      – Maître, répliqua le vieux Jupiter avec entêtement, c'est le directeur de votre succursale de la Caroline du Sud !

      – Que me veut-il ?

      – Une catastrophe terrible est arrivée !... Je ne peux pas vous expliquer...

      – Allons, dit Mr Bombridge en se levant d'un air contraint, il faut que ce soit moi qui cède ! Messieurs, ajouta-t-il en se tournant vers ses convives, je vous prie de m'excuser, je reviens dans une minute... Mais soyez tranquilles, je suis sûr d'avance qu'il ne s'agit de rien de grave...

      Mr Bombridge sorti, les convives se regardèrent en silence. Leur gaieté s'était évanouie comme par enchantement. Le mot de catastrophe, prononcé par Jupiter, rendait soucieux les plus étourdis ; et tout le monde attendait impatiemment le retour du maître de la maison ; mais l'absence de ce dernier se prolongea beaucoup plus qu'il n'eût été nécessaire pour une simple communication téléphonique.

      Miss Régine, très inquiète, allait se mettre à la recherche de son père, lorsque celui-ci reparut. Sa physionomie était bouleversée ; il baissait la tête comme un homme accablé.

      – Qu'y a-t-il donc, mon cher ami ? demanda le prestidigitateur Matalobos d'un ton plein de sollicitude. J'espère qu'il ne vous est arrivé aucun malheur !

      – Messieurs, dit Mr Bombridge avec une simplicité impressionnante, Jupiter n'avait pas exagéré quand il a prononcé tout à l'heure le mot de catastrophe. Je suis complètement ruiné.

      Cette déclaration produisit une impression profonde parmi les convives, et ce fut au milieu de la plus religieuse attention que Mr Bombridge poursuivit :

      – Vous n'ignorez pas que je possède dans la Caroline du Sud un établissement aussi important que celui de la Floride. C'est là que j'avais centralisé trois millions de sujets destinés à l'exportation et que je faisais jeûner en attendant qu'ils se fussent cachetés naturellement. Je vous ai déjà expliqué, n'est-ce pas ? que, pour être envoyés à de grandes distances, mes mollusques doivent être cachetés.

      – Eh bien ? demanda miss Régine avec impatience.

      – Comme de coutume, les animaux avaient été enfermés dans trois serres spécialement construites à cet effet et qui peuvent en contenir chacune un million.
      Un cyclone a ravagé la nuit dernière toute cette région de la Caroline du Sud. Le vitrage de mes serres a été entièrement détruit ; une pluie diluvienne, survenue aussitôt après le passage du cyclone, a rendu aux escargots toute leur vivacité et aussi, hélas ! tout leur appétit !

      – Je devine, fit lord Burydan, qu'ils ont dû s'échapper et commettre quelques dégâts dans le voisinage.

      – Quelques dégâts ? s'écria Mr Bombridge en s'arrachant les cheveux, mais vous ne savez donc pas, milord, de quoi sont capables des escargots à jeun, surtout quand il y en a trois millions ? Vous avez vu cependant avec quelle rapidité, même quand ils ne sont pas affamés, ils font disparaître un wagon entier de fourrage tendre !...
      Par une de ces malchances comme il n'en appartient qu'à moi, la propriété voisine appartient au célèbre horticulteur Brigmann, qui s'est spécialisé dans la production des orchidées et des primeurs ; les fugitifs se sont précipités sur ses cultures et ont rongé plantes, herbes et fleurs jusqu'à la racine ; en quelques heures le désastre a été consommé. Il y en a pour des millions de dollars !
      Quand j'aurai désintéressé Mr Brigmann, comme j'y suis forcé, je ne sais s'il me restera de quoi vivre.

      Un silence de mort avait accueilli cette fatale nouvelle. Les convives se regardaient, la consternation peinte sur le visage.

      – Messieurs, reprit Mr Bombridge, c'est évidemment un malheur, un grand malheur... mais il ne faut pas que cela nous empêche de dîner. Il est tout à fait incorrect de ma part de vous avoir importunés par le récit de mes infortunes.

      Chacun se récria. On essaya de consoler Mr Bombridge, en lui disant que le désastre n'était peut-être pas aussi grand qu'on l'annonçait. Mais sous toutes ces paroles on devinait la gêne et l'ennui. Et ce fut au milieu de la tristesse et de la contrainte la plus pénible que se poursuivit le repas si gaiement commencé.

      Malgré la chère exquise et les vins précieux, personne n'avait plus ni faim ni soif.

      Miss Régine gardait un silence imperturbable. Toutefois, elle faisait visiblement les plus grands efforts pour ne pas pleurer ; et chacun se demandait avec une pitié sincère quels devaient être les sentiments de la jeune fille. N'était-elle pas la première victime de la catastrophe, et la plus cruellement atteinte ?

      Chacun comprenait combien était fausse la situation pour miss Régine et pour ses fiancés, et chacun attendait le dénouement inévitable.

      Ce fut Mr Bombridge lui-même qui se chargea de l'amener.

      – Messieurs, dit-il en se tournant vers les prétendants, il est bien entendu, n'est-ce pas ? que je vous rends votre parole à tous les trois, Miss Régine n'est plus maintenant que l'héritière d'un ancien clown, d'un homme ruiné qui ne pourra même pas lui donner la dot la plus modeste...

      Matalobos leva hypocritement les yeux au ciel.

      – Hélas ! murmura-t-il, quel malheur que je ne sois pas moi-même favorisé des dons de la fortune ! Je me serais fait une joie de partager tout mon avoir avec mon vieil ami Bombridge... Mais, hélas ! je suis pauvre, très pauvre !...
      Il est pour moi bien douloureux de renoncer à la main de miss Régine... Il est pourtant de mon devoir de le faire, puisque je n'ai pas la fortune qui me permettrait de lui créer une existence digne d'elle ni même de lui assurer le confort indispensable...

      – La ruine de Mr Bombridge ne change rien à mes intentions, déclara Oscar, j'aimais miss Régine avant qu'elle ne fût riche, je l'aime toujours autant, et je m'applaudirais même – si un tel sentiment n'était égoïste de ma part – d'un événement qui nous met tous deux sur le pied d'égalité quant à la fortune.

      Miss Régine remercia Oscar d'un regard et d'un sourire. Mr Bombridge déclara d'un ton maussade que, du moment où il n'avait pas de dot à donner à sa fille, il ne voulait pas la marier.

      Il n'y avait que Mr James Rollan qui n'eût encore rien dit, et véritablement le distingué gentleman se trouvait fort embarrassé. Malgré la beauté de miss Régine, il n'était nullement disposé à prendre une épouse qui n'apporterait pas un dollar dans l'association conjugale. D'un autre côté, il trouvait que Matalobos avait montré un peu trop crûment le fond de sa pensée : or, lui, James Rollan, prétendait agir, en toute chose, en véritable homme du monde.

      – Il me semble, fit-il avec un bon sourire, que ce n'est guère le moment de parler mariage. Laissons Mr et miss Bombridge se remettre de cette dure secousse, s'accoutumer à un changement de fortune qui, après tout, n'est peut-être pas irrévocable !

      Il ajouta jésuitement, en mettant une main sur son cœur :

      – Pour ce qui me regarde, rien ne pourra modifier mes sentiments à l'égard de miss Régine ; ils n'ont jamais changé et ne changeront jamais !

      En entendant cette déclaration ambiguë, Oscar et lord Burydan échangèrent un rapide coup d'œil.

      – Je crains, dit tout à coup l'excentrique, que monsieur – disons monsieur James Rollan, puisque c'est sous ce pseudonyme qu'il s'est présenté – n'ait, d'ici peu de temps, des préoccupations assez sérieuses pour être obligé d'ajourner indéfiniment toute espèce de projet d'union !

      Mr James Rollan était tout à coup devenu très pâle, puis très rouge. Il jeta un regard instinctif du côté de la fenêtre.

      – Permettez, milord, fit-il d'une voix mal assurée, pourquoi avez-vous employé, à mon égard, ce mot de pseudonyme ?

      – Parce que, répondit tranquillement l'excentrique, quand je vous ai connu autrefois, on vous appelait tout simplement Ezéchias Palmers, et vous dirigiez un établissement où les affligés pouvaient voir apparaître les âmes des personnes qui leur furent chères. Palmers sauta sur sa chaise comme s'il eût été soudain piqué par un serpent.

      – Quand je vous ai connu, moi, dit à son tour Oscar, vous dirigiez une maison de santé, et même, si j'ai bonne mémoire, vous nourrissiez assez mal vos pensionnaires.

      Mr Palmers, qui était doué d'un aplomb imperturbable, avait déjà eu le temps de se ressaisir.

      – Je ne veux pas contredire milord Burydan, dit-il avec une politesse ironique ; mon véritable nom est bien Ezéchias Palmers. Mais depuis quand, dans notre libre pays d'Amérique, fait-on un crime à quelqu'un de prendre un pseudonyme pour les besoins de son industrie ? J'ai dirigé une maison de fous, et même un Institut spirite. Où est le mal ? Tout le monde ne serait pas capable d'en faire autant.

      Il ajouta, avec un sourire méphistophélique, à l'adresse de lord Burydan et d'Oscar :

      – Il est certainement plus facile au premier venu de se faire enfermer comme fou que de diriger une maison d'aliénés. Somme toute, à l'heure actuelle, grâce à mon intelligence et à mon énergie, je suis à la tête d'une affaire superbe et je puis donner sur mon honorabilité les plus hautes références.

      Lord Burydan était émerveillé de l'aplomb du personnage.

      – Master Palmers, lui répliqua-t-il, n'exagérons rien. Ce n'est certainement pas au Police-Office qu'il faudrait aller pour avoir de bons renseignements sur votre compte. Et j'ai de fortes raisons de croire que la « superbe affaire » que vous dirigez ne vienne à péricliter dans un avenir qui me paraît très rapproché.

      – Milord, répondit Mr Palmers avec un sangfroid parfait, je méprise ces sortes d'insinuations.

      – Ce ne sont pas, hélas ! des insinuations, fit l'excentrique en tirant de sa poche la lettre qu'il avait lue au commencement du repas ; j'apprends de bonne source que quelques centaines de vos clients se sont syndiqués pour déposer contre vous une plainte en escroquerie...

      – Mensonges ! calomnies ! protesta Mr Palmers.

      – Je crains bien, dit à son tour Bombridge en tirant de sa poche un numéro du New York Herald, que ce ne soit milord qui ait raison.

      Et, montrant un paragraphe du journal, encadré d'un trait de crayon rouge :

      – Ma foi oui, ajouta-t-il, c'est extraordinaire, voilà bien un certain Palmers, dit James Rollan, ancien jockey, ancien directeur de maison de santé, ancien spirite, que la police recherche activement. Plusieurs détectives ont été lancés à sa poursuite, et son arrestation ne serait plus qu'une question d'heures.

      Palmers faisait peine à voir.

      – Mensonges que tout cela ! balbutia-t-il d'une voix faible.

      – Ecoutez-moi bien, master Palmers, reprit Bombridge. Je vous ai reçu sous mon toit. Il n'entre donc pas dans mes intentions de jouer le rôle de mouchard et de vous livrer à la police ; mais, dans votre propre intérêt, je crois que le meilleur conseil que je puisse vous donner, c'est de ne pas prolonger trop longtemps votre séjour ici.

      S'apercevant qu'on n'en voulait pas à sa liberté, Palmers avait reconquis toute son égalité d'âme et tout son aplomb.

      – Vous me donnez-là, mon cher monsieur Bombridge, répliqua-t-il, un excellent conseil. Je vais partir à l'instant pour Tampa, où je prendrai le rapide de New York. Ma présence est nécessaire là-bas pour déjouer les machinations de mes concurrents... Quant aux journaux qui m'ont diffamé en affirmant qu'une plainte avait été déposée contre moi, je vais leur intenter un procès et demander cent mille dollars de dommages et intérêts. Au revoir, messieurs ! Au revoir, miss Régine ! Je suis sûr que vous n'avez pas cru un mot de toutes les infamies que l'on a débitées contre moi ! Vous aurez sous peu de mes nouvelles. Ah ! certes, il m'en coûte beaucoup de vous quitter au moment où vous traversez une épreuve aussi cruelle !

      Mr Bombridge, qui s'était levé de table en même temps que Palmers, sortit de la salle à manger et y rentra presque aussitôt.

      – Soyez rassuré sur le sort de Régine, dit-il. Je suis heureux de vous annoncer, comme Jupiter vient de me l'apprendre à l'instant, que le message téléphonique qui m'annonçait ma ruine était l'œuvre d'un mauvais plaisant.
      Au revoir, master Palmers. Vous avez juste le temps de prendre le rapide. J'ai fait atteler le buggy. Jupiter vous reconduira jusqu'à la gare de Tampa.

      Palmers comprit cette fois clairement qu'on s'était moqué de lui.

      Incapable de conserver plus longtemps son masque de politesse souriante, il sortit en faisant claquer les portes, après avoir jeté un regard furieux sur lord Burydan et Oscar.

      Matalobos ne faisait guère meilleure contenance. Il était, lui aussi, exaspéré d'avoir donné tête baissée dans le piège que lui avait tendu le malicieux Bombridge.

      Quant à miss Régine, elle contenait à grand-peine son envie de rire.

      Cette attitude mit le comble à la fureur de Matalobos. A son tour, il se leva en balbutiant qu'il était attendu à New York pour affaires urgentes et que, lui aussi, profiterait du buggy pour se rendre à la gare de Tampa.

      – Bon débarras ! fit Bombridge lorsque le prestidigitateur eut tourné les talons. Je n'aime pas les intrigants.

      Miss Régine s'était jetée gentiment à son cou.

      – Dis donc, père, murmura-t-elle en souriant, est-ce que tu vas continuer ainsi à flanquer à la porte mes amoureux ?

      – Ne te plains pas, puisque je te laisse le meilleur de tous !

      Et il ajouta d'une voix grave :

      – Oscar, je vous permets d'embrasser votre fiancée !

      Les deux jeunes gens tombèrent dans les bras l'un de l'autre.

      – C'est curieux, murmura lord Burydan, j'avais prévu ce dénouement. Je dois même m'être précautionné de certaines de ces babioles qu'il est d'usage d'offrir aux jeunes filles en pareil cas.

      Fouillant dans sa poche avec une négligence affectée, il en retira un petit écrin qu'il remit à miss Régine.

      Elle l'ouvrit d'une main impatiente, mais le referma presque aussitôt, éblouie.

      L'écrin contenait une bague de fiançailles, ornée d'un gros diamant.

      Lord Burydan fut chaleureusement remercié, puis Mr Bombridge remplit de nouveau les coupes et s'écria :

      – Maintenant que nous sommes débarrassés des trouble-fête, nous allons boire encore un coup à la santé des amoureux ! Hein, milord, que dites-vous de mon stratagème ? Si je n'avais pas fait croire à ces deux drôles que j'étais ruiné, la pauvre Régine aurait peut-être épousé l'un d'eux ?

      – Non ! s'écria vivement la jeune fille ; j'avais promis à Oscar d'être sa femme, et je lui aurais tenu parole !...

      On ne se sépara qu'assez tard dans la soirée. Il avait été convenu que le mariage de Régine et d'Oscar aurait lieu dans le plus bref délai possible.




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