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Le mystérieux docteur Cornélius - T. 3

Gustave Lerouge
© France-Spiritualités™






SEIZIÈME ÉPISODE – LA TOUR FIÉVREUSE
V – La tour fiévreuse

Lorsque Slugh eut scellé la massive pierre qui bouchait la dernière ouverture de la muraille construite à la place de la porte de la cellule, Dorypha s'abandonna quelque temps au désespoir. Cette fois, elle était perdue, sans ressource. Nul ne viendrait à son secours, il ne lui restait plus qu'à mourir.

      Elle regretta amèrement l'idée qu'elle avait eue de se mettre à sonner la cloche au lieu de s'enfuir le plus loin possible.

      – Si j'avais mis à profit l'absence de Slugh, songeait-elle en frissonnant de rage et en se tordant dans les liens qui ensanglantaient ses chevilles et ses poignets, j'aurais pu atteindre le bord de la mer et je serais libre, au lieu que, maintenant, il ne me reste plus qu'à mourir de faim !

      La gitane possédait heureusement un de ces tempéraments taillés pour la lutte et qui réagissent vigoureusement contre les choses, après avoir subi quelques moments de passagère dépression.

      Il n'y avait pas un quart d'heure que la dernière pierre du mur avait été posée dans son alvéole que Dorypha s'était déjà mise au travail pour essayer de se débarrasser des cordes qui lui liaient les poignets.

      Il ne fallait pas songer à les défaire, les nœuds en avaient été trop habilement et trop fortement serrés. Il ne restait plus à Dorypha qu'un moyen de s'en délivrer, c'était de les couper en les usant, petit à petit, contre la pierre.

      La gitane choisit le granit le plus raboteux qu'elle pût découvrir le long des murailles de sa cellule, et elle se mit à l'œuvre. Mais la tâche était des plus pénibles. En limant la corde elle s'excoriait du même coup l'épiderme de la main et du poignet.

      Lorsque au bout d'une heure de travail elle put enfin rompre les liens, elle était tout ensanglantée. Mais elle avait les mains libres et c'était là un grand point.

      Encouragée par ce premier succès, elle attendit que ses mains engourdies et tuméfiées – car elle était garrottée depuis la veille – eussent recouvré le mouvement et l'élasticité ; puis elle défit, sans trop de peine, les cordes qui lui attachaient les chevilles.

      Alors elle regarda autour d'elle pour voir si, parmi les objets hétéroclites qui se trouvaient dans ce réduit, aucun ne pourrait lui être utile. Et, tout d'abord, elle découvrit un vieux chandelier de cuivre qu'elle mit précieusement de côté, avec l'idée de s'en faire une arme ou un levier. C'est alors qu'elle remarqua qu'il était armé d'une pointe aiguë qui avait dû servir à ficher les cierges. C'était là un instrument tout à fait propre à gratter le mortier et à desceller les pierres.

      La gitane, sans attendre l'épuisement complet de ses forces, diminuées par un long jeûne, se mit aussitôt au travail.

      Elle pensa qu'il ne fallait pas s'attaquer à la muraille, faite de lourds blocs réunis par du ciment, que Slugh avait construite ; elle jugea qu'elle triompherait plus facilement du vieux mortier déjà friable et des pierres moins volumineuses dont se composait l'ancienne muraille.

      Le point d'attaque qu'elle choisit se trouvait juste au ras du sol. La recluse s'était dit que le trou qu'elle se proposait de creuser resterait longtemps inaperçu, à cause de l'épaisse litière de jonc qui couvrait les dalles de la chambre.

      Elle travailla patiemment pendant tout le reste de la journée. Hélas ! quand le soleil se coucha, elle s'aperçut que ce qu'elle avait fait n'était presque rien. Le trou qu'elle avait pratiqué dans la muraille lui parut ridiculement petit. Et pourtant, elle se sentait brisée de fatigue.

      La nuit la força d'interrompre sa besogne. Elle se coucha, avec la ferme résolution de bien se reposer afin de continuer dès qu'il ferait jour.

      Toute la journée du lendemain, elle travailla avec le même courage, quoique la faim lui tordît les entrailles. Elle trouva cependant quelque soulagement en mâchant les tiges des joncs qui lui servaient de lit. Palliatif bien anodin, car, le soir, elle était complètement à bout de forces.

      Ses efforts cependant n'avaient pas été inutiles. La pierre de taille à laquelle elle s'était attaquée était maintenant complètement déchaussée. Il devait suffire d'une simple pesée pour l'arracher du mortier auquel elle n'adhérait presque plus.

      Cette nuit-là, la captive entendit dans l'escalier de la tour le grand remue-ménage qui précédait d'ordinaire l'illumination du clocher.

      Comme les autres fois, elle vit par la meurtrière l'étoile rouge s'éteindre à l'horizon pendant qu'une vive lueur tombait du sommet de la tour.

      L'intérieur de la cellule se trouvait brillamment éclairé. Un rayon de lumière, pénétrant obliquement par la meurtrière, venait tomber d'aplomb sur le christ d'étain que la gitane avait nettoyé et accroché à la muraille dans les premiers temps de sa captivité.

      – Qui sait ? murmura-t-elle, frappée d'une inspiration, j'ai peut-être là, entre les mains, un providentiel moyen de faire connaître ma situation au-dehors.

      Elle détacha le christ du mur et, se servant de la pointe aiguë du chandelier en guise de stylet, elle grava péniblement quelques mots sur le revers de la croix ; puis, se haussant autant qu'elle le pouvait, elle le lança par la meurtrière.

      C'est ce christ que, le lendemain même, Pierre Gilkin devait apporter à lord Burydan.

      Cet effort avait achevé de briser les forces de la captive. Une fièvre, causée par la privation de nourriture, la dévorait également, et, malgré sa lassitude, ne lui permettait pas de dormir. La pauvre gitane passa une nuit horrible. La faim la tenaillait. Ses oreilles bourdonnaient. Il lui semblait voir danser, devant ses yeux, des mouches de feu.

      Le jour venu, elle se leva et essaya de se remettre à l'ouvrage. En vain ! Elle était si affaiblie qu'au bout de quelques minutes elle fut prise d'une syncope et s'évanouit.

      Un sommeil profond succéda sans transition à cet évanouissement.

      Comme tous ceux qui souffrent de la faim, la gitane rêva qu'elle assistait à de magnifiques festins. Ce sont les paroles inarticulées qu'elle prononçait pendant ses rêves que lord Burydan entendit lors de sa visite à la tour.

      Elle dormit plusieurs heures. Il y avait tant de ressources dans sa robuste nature que cette courte période de repos suffit à lui rendre une partie de son énergie.

      Comme elle s'éveillait, elle perçut un bruit de voix dans la pièce contiguë à sa prison. Elle colla son oreille contre la muraille, et elle crut comprendre que c'était Slugh qui, avant de partir pour une de ses mystérieuses promenades, faisait à Edward Edmond ses recommandations.

      Elle ne s'était pas trompée.

      Des pas résonnèrent dans l'escalier de la tour. Slugh était parti, et Dorypha entendit bientôt l'Irlandais déboucher une bouteille, ouvrir une boîte de conserve et se mettre à manger. A travers la cloison, elle distinguait même très nettement le craquement de ses mâchoires.

      La faim de la gitane s'augmenta de ces bruits, qui semblaient insulter à sa détresse. Elle se jura à elle-même qu'elle aurait sa part du repas de l'Irlandais.

      Elle arracha doucement, avec d'infinies précautions, la pierre qu'elle avait eu tant de mal à décimenter.


*

*       *


      Tout à coup, Edward Edmond, qui, tout entier à son occupation, n'avait rien entendu, vit une longue main brune et sèche sortir d'entre les joncs, s'emparer de la bouteille de whisky et de la boîte de corned-beef, puis disparaître.

      Ce larcin s'était opéré si rapidement que l'Irlandais, la bouche pleine, n'avait eu ni le temps ni la pensée de s'y opposer.

      La surprise qu'il ressentait confinait à la frayeur.

      – Est-ce toi, Dorypha ? balbutia-t-il tout tremblant.

      Un éclat de rire moqueur lui répondit de l'autre côté de la muraille.

      Il n'était pas encore revenu de sa stupéfaction que la main brune s'allongea de nouveau hors du trou et rafla le restant des provisions de l'Irlandais, c'est-à-dire un bloc de biscuits de mer et une tranche de jambon.

      Dorypha s'était jetée avidement sur ces victuailles inespérées. Elle se contraignit, toutefois, à ne manger que très lentement et très peu à la fois, elle avait entendu dire que la nourriture ne doit être prise qu'avec beaucoup de modération après un long jeûne. Elle but une gorgée de whisky. Oh ! comme elle eût sacrifié de bon cœur tout ce qu'elle possédait pour une cruche d'eau fraîche !

      La gitane se sentait renaître à la vie et à l'espérance. Avec ce peu de vivres qu'elle possédait, elle se sentait de taille à pratiquer un trou assez grand pour lui livrer passage. Ensuite, elle profiterait, pour s'échapper, d'un moment où ses bourreaux seraient absents ou endormis.

      Elle ne voulait pas s'arrêter à cette pensée que l'Irlandais la dénoncerait à Slugh, et que celui-ci la tuerait peut-être d'un coup de revolver par quelque trou du mur.

      Edward Edmond était bien loin d'avoir une pareille pensée.

      Il écarta les joncs, découvrit l'ouverture béante et, se couchant à plat ventre, il appela de nouveau :

      – Dorypha !

      – Laisse-moi donc déjeuner tranquille ! répondit l'emmurée.

      – Tu n'es donc pas morte ?

      – Je ne meurs pas comme cela, moi !

      – Comment as-tu fait pour percer la muraille ?

      – Cela ne te regarde pas.

      – Ah ! murmura l'Irlandais avec un soupir de regret, si tu n'étais pas si perfide et si fausse, si tu n'avais pas agi si traîtreusement !... Mais on ne peut pas avoir confiance en toi !...

      Dorypha était profondément étonnée. Après avoir jeté l'Irlandais du haut de la chambre des cloches, elle ne se serait pas attendue à une pareille aménité.

      – Où veux-tu donc en venir ? répliqua-t-elle.

      – Ecoute ! reprit-il avec un peu d'hésitation, j'en ai assez, moi, de la Main Rouge. Tu n'aurais pas essayé de me tuer comme tu l'as fait, que j'eusse été le premier à aider à ton évasion. Maintenant, je te connais trop bien ! Je vais montrer ce soir, à Slugh, le trou que tu as creusé et il s'empressera de le reboucher avec du bon ciment. Ce n'est pas le déjeuner que tu m'as volé qui te mènera bien loin !

      La gitane réfléchissait.

      « Evidemment, pensa-t-elle, il a un projet, et je crois qu'il ne va pas m'être difficile de lui tirer les vers du nez. »

      – Ecoute ! lui dit-elle de sa voix la plus enjôleuse et la plus caressante, je reconnais que j'ai eu de grands torts envers toi. Mais tu dois bien comprendre que j'ai aussi quelques excuses ! Si tu veux faire ce que je te dirai, un avenir des plus brillants s'ouvrira devant toi. Je vais te parler sans détour... Laisse-moi m'évader, suis-moi dans ma fuite, et je te jure que ton ancienne place, chez Fred Jorgell, te sera rendue ou, ce qui vaut mieux encore, le milliardaire nous donnera une bonne somme pour aller vivre en Europe, loin de la Main Rouge... Tu sais qu'il ne peut rien me refuser, puisque c'est moi qui ai sauvé tous ses amis...

      – Oh ! ce Slugh, murmura l'Irlandais entre ses dents, je le déteste ! Il me fait aller et venir comme si j'étais son esclave !...

      – Si tu disais à certaines personnes que je connais tout ce que tu sais de la Main Rouge, ta fortune serait faite, insinua perfidement la gitane.

      – Cela demande réflexion !

      La conversation continua une heure entière sur ce ton. Dorypha, à qui l'imminence du péril prêtait une véritable éloquence, mit en œuvre toutes les protestations, toutes les promesses. Même prévenu comme il l'était, Edward Edmond ne pouvait croire qu'elle ne fût pas de bonne foi.

      – Laisse-moi m'évader ! répéta-t-elle d'une voix suppliante. Qui t'empêche de remettre la muraille dans le même état, une fois que je serai sortie ? Slugh ne s'apercevra de rien. Je trouverai bien, dans le village en ruine, quelque endroit pour me cacher en attendant que nous prenions la fuite.

      Ce dernier argument acheva de décider l'Irlandais.

      – Eh bien, soit !... Tant pis ! grommela-t-il, je risque le tout pour le tout. Mais, cette fois du moins, ne va pas me trahir ! Tu vois que tu fais de moi tout ce que tu veux !

      Il alla dans la crypte prendre le levier de fer. En quelques minutes, il eut suffisamment agrandi l'ouverture commencée par Dorypha pour que celle-ci pût se glisser, en rampant, en dehors de son cachot.

      – Ah ! quel bonheur d'être libre ! s'écria-t-elle en se détirant les membres.

      – Oui, fit Edward Edmond d'un ton inquiet.

      Mais descends vite et va te cacher dans les ruines du village. Il faut, moi, que je me hâte de réparer la muraille avant que Slugh soit de retour !

      Dorypha s'empressa d'obéir. Elle était en ce moment de très bonne foi.

      Mais, à peine avait-elle descendu quatre marches de l'escalier que, par la meurtrière, elle distingua, à une centaine de pas de là, une troupe d'hommes qui la carabine sur l'épaule se dirigeaient vers la tour fiévreuse. Parmi eux, il lui semblait reconnaître lord Burydan et, ce qui mit le comble à son émotion, Pierre Gilkin lui-même.

      Elle ressentit au cœur un choc si violent qu'elle fut près de défaillir. Cela ne dura qu'un instant. D'un élan irrésistible, elle dégringola les marches pour courir au plus vite au-devant de ses amis. Elle avait compté sans l'Irlandais. Lui aussi avait reconnu, d'un coup d'œil, lord Burydan, Oscar et Pierre Gilkin.

      Il s'apercevait avec fureur que c'était pour d'autres qu'il s'était donné tant de mal. Il barra le passage à la gitane et la força de remonter.

      – Tu ne t'en iras pas avec eux ! criait-il écumant de rage, tu resteras avec moi, ou je te tuerai !

      Eperdue, Dorypha remonta jusqu'à la dernière plate-forme de la tour. Elle savait que, de là, elle serait aperçue de ses amis, et elle se mit à pousser de grands cris en agitant les bras pour attirer leur attention.

      Edward Edmond, au comble de l'exaspération et de la fureur, se précipita sur la gitane, le revolver au poing, et tira sur elle presque à bout portant.

      Dorypha, se baissant rapidement, esquiva la balle et, se ressouvenant de son ancien métier, elle fit, d'un leste coup de pied, sauter l'arme des mains de l'Irlandais.

      Celui-ci se rua sur elle, les mains ouvertes, pour l'étrangler.

      Une lutte atroce s'engagea entre eux.

      Pierre Gilkin, qui marchait en avant de la petite troupe, vit cette scène de loin. Comprenant le péril où se trouvait Dorypha, il se mit à courir de toutes ses forces pour aller à son secours, sans même attendre ses amis.

      Edward Edmond avait saisi Dorypha à la gorge, mais elle le mordit si cruellement qu'il dut lâcher prise et se rejeter en arrière.

      Dans ce brusque mouvement, il oublia complètement où il se trouvait et, heurtant des talons la balustrade de pierre, il perdit l'équilibre et, la tête la première, dégringola dans le vide.

      Tout cela avait été si rapide que la gitane se demanda tout d'abord comment elle avait pu faire pour jeter le robuste Irlandais du haut du clocher.

      Maintenant, elle était en proie à une sorte de vertige. Après l'effort désespéré qu'elle venait de faire, la lutte qu'elle venait de soutenir, sa faiblesse la reprenait de plus belle. Elle ne se sentait pas plus de force qu'un petit enfant. Ce fut lentement, péniblement, qu'elle commença à descendre les degrés de l'escalier.

      Elle allait arriver au premier étage lorsqu'une apparition terrible lui barra le passage.

      Slugh, la pipe aux dents, s'avançait, l'air gouailleur, le browning au poing.

      – Ah ! ah ! fit-il, il paraît que, quand le chat n'est pas là, les souris dansent ! Vraiment, cet Irlandais est stupide ! Je ne puis pas m'absenter une heure sans qu'il commette quelque sottise !...

      Dorypha devint pâle comme un linge. Tout son sang reflua vers son cœur.

      Alors, au moment même où Slugh étendait la main vers elle, une détonation retentit.

      Le bandit roula à terre, l'épaule fracassée.

      Derrière lui, tenant encore à la main son arme fumante, Dorypha aperçut Pierre Gilkin qui lui tendait les bras.

      Elle sauta par-dessus le corps sanglant du vieux tramp et serra sur son cœur avec passion cet époux qu'elle croyait mort et qu'elle retrouvait si miraculeusement.

      Tous deux se considéraient avec ravissement, si émus qu'ils ne trouvaient pas un mot.

      – Comme tu es pâle, ma pauvre Dorypha ! dit enfin Pierre Gilkin. C'est donc vrai, ce qui était écrit sur le crucifix d'étain : que ces misérables t'avaient murée toute vivante ?

      – Oui... Viens voir !

      Dorypha entraîna son mari jusqu'à la salle du premier. Elle lui montra l'ouverture béante grâce à laquelle elle avait pu s'échapper.

      – Ah ! c'est comme cela ! s'écria Pierre Gilkin tremblant de haine et de colère. Eh bien, tu vas voir !

      – Que vas-tu faire ?

      – Quelque chose qui t'amusera. Viens avec moi, et tu verras.

      Le Belge remonta jusqu'à l'endroit où il avait laissé Slugh, il lui lia les pieds et les mains avec la ceinture rouge dont le bandit lui-même était porteur. Puis, avec l'aide de Dorypha, il descendit le vieux tramp, qui jurait et maugréait de tout son cœur, jusqu'à la chambre du premier.

      – Je comprends ! s'écria Dorypha en battant des mains. Je n'aurais pas pensé à cela !

      – Bon ! J'allais oublier quelque chose. Il faut le bâillonner, car lord Burydan et ses amis me suivent de près et ne vont pas tarder à venir, et je ne veux pas qu'ils délivrent ce bandit, même pour le mener en prison !...

      – Tu as raison. Aussi dépêchons-nous !

      En dépit de ses soubresauts, Slugh fut poussé la tête la première par la baie pratiquée dans la muraille. Les pierres furent remises en place tant bien que mal, et Dorypha cacha les traces de ce travail en amoncelant, à cet endroit, une grande quantité de joncs.

      Elle et son mari se promirent de revenir le lendemain pour parachever leur œuvre de vengeance. D'ici là, Slugh, blessé comme il l'était, ne pourrait pas s'échapper.

      Pierre Gilkin et Dorypha en avaient à peine fini avec leur prisonnier que lord Burydan et ses amis entrèrent, à leur tour, dans les ruines.

      Dorypha fut chaudement félicitée de sa délivrance.

      Puis l'excentrique lui posa quelques questions. Grâce à la gitane, il ne tarda pas à éclaircir le mystère qui l'avait tant intrigué.

      – Ce n'est pas étonnant, dit la jeune femme, que vous n'ayez rien trouvé quand vous êtes venu. Il y a une crypte sous l'église, c'est là que les deux bandits serraient leurs vivres, leurs bagages et tout leur attirail.

      – Il faut absolument que je visite cette crypte ! déclara lord Burydan. Si je ne me suis pas trompé dans mes suppositions, la découverte que je vais y faire me permettra de sauver la vie à des milliers de personnes.

      Deux des Noirs furent appelés et, à l'aide du levier de fer, soulevèrent sans peine la dalle qui recouvrait l'entrée de l'escalier aboutissant au souterrain.

      Il y avait là toutes sortes d'objets.

      Mais lord Burydan avisa tout de suite une grande caisse, sur laquelle il venait de remarquer l'adresse d'un marchand d'appareils de physique et d'optique. La caisse contenait une grosse lampe à acétylène, des verres lenticulaires : en un mot, tout ce qui avait servi à Slugh à changer en un phare éclatant le clocher de la tour fiévreuse.

      – Je sais maintenant, déclara lord Burydan d'une voix grave, comment se sont produits les désastres successifs des navires de la Compagnie des paquebots Eclair. Les gardiens du phare qui se trouve à l'entrée du golfe d'Oyster Bay sont certainement affiliés à la Main Rouge. J'en ai maintenant la preuve ! Aussi, les jours de tempête, lorsqu'ils avaient reconnu la présence d'un paquebot dans ces parages, ils éteignaient leur phare, en même temps que Slugh allumait le sien.
      « Les capitaines, déroutés par ce changement, gouvernaient droit sur les récifs en croyant se diriger vers l'estuaire du fleuve, où ils eussent trouvé un abri contre la tempête. Ils périssaient misérablement !

      – Il reste maintenant à savoir, dit Oscar, quels sont ceux qui ont intérêt à la ruine de la Compagnie des paquebots Eclair !

      Lord Burydan ne releva pas cette observation. Il venait d'apercevoir des bocaux qui, d'après leurs étiquettes, avaient dû contenir des cultures microbiennes. Ce fut pour lui un trait de lumière. Il comprit soudainement à quoi était due la recrudescence de maladies contagieuses qui sévissaient depuis quelques semaines.

      Appareils et bocaux furent soigneusement rangés dans les caisses, et les Noirs se chargèrent de les transporter chez Mr Bombridge.

      Le soir même, lord Burydan écrivit à Fred Jorgell une longue lettre explicative.

      Quant aux Noirs du phare d'Oyster Bay, ils furent cueillis le lendemain par la police de Tampa.

      Pierre Gilkin et Dorypha gardèrent jalousement le secret de leur vengeance.

      Personne ne sut ce que Slugh était devenu.




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