Vous êtes ici : Livres, textes & documents | Ouvrages de littérature | L | Le sous-marin 'Jules-Verne' | II – Piraterie

Le sous-marin 'Jules-Verne'

Gustave Le Rouge
© France-Spiritualités™






DEUXIÈME PARTIE – LA BATAILLE SOUS-MARINE
II – PIRATERIE

A bord du sous-marin volé par Tony Fowler, Edda Stroëm continuait à vivre de la même existence de monotonie et de désespoir. La contemplation des merveilles de la faune et de la flore sous-marine, le dévouement de Coquardot, demeuré jovial et attentif en dépit de tout, ne pouvaient lui faire oublier qu'elle était séparée, peut-être pour toujours, de son père et de son fiancé, qu'elle était à la merci d'un misérable sans scrupule, qui ne reculerait devant rien pour atteindre son but, et pour arracher à Edda son consentement à une union dont la seule pensée lui faisait horreur.

      Le programme des journées ne variait guère pour la captive. Vers huit ou neuf heures, Coquardot lui apportait son thé. Les premiers jours, le petit déjeuner d'Edda avait été composé de chocolat ; mais la provision s'en était vite épuisée ; et maintenant, Edda buvait un thé d'assez mauvaise qualité, pareil à celui que consommaient les hommes de l'équipage.

      Après ce premier repas, la jeune fille s'occupait de sa toilette et lisait quelqu'un des livres trouvés par Coquardot dans les caisses du salon, livres que Tony Fowler avait fini par déballer et par mettre en ordre.

      Vers midi, elle goûtait du bout des dents, en dépit de toute la science de Coquardot, un déjeuner invariablement composé de poissons et de conserves, et arrosé de thé ; car il y avait, à bord, un peu d'alcool, réservé à l'équipage, mais il n'y avait pas de vin.

      C'était vers deux heures que Tony Fowler faisait à Edda sa visite quotidienne. Décidé à jouer jusqu'au bout son rôle d'amoureux passionné, et demeurant toujours correct, le Yankee se présentait vêtu avec une impeccable élégance, et demeurait un quart d'heure environ près de la jeune fille qui ne répondait à toutes ses protestations que par un mépris glacial.

      D'ailleurs, Tony Fowler attendait avec impatience d'avoir quitté la Méditerranée, où il se sentait entouré de périls. Il avait hâte d'avoir gagné l'Amérique, où il pensait se trouver en sûreté, pour quitter tout à coup son masque de douceur et contraindre brutalement la jeune fille à obéir à ses volontés.

      Les après-midi, Edda les passait tantôt à écouter Coquardot, dont les pittoresques anecdotes et la prodigieuse érudition culinaire l'amusaient, tantôt à écrire, mais surtout à rêver à ses amis absents. Dès qu'elle fermait les yeux, il lui semblait voir apparaître l'ingénieur Goël, avec son bon sourire et son regard loyal ; Ursen Stroëm, pareil à quelque bon géant des légendes ; Hélène Séguy, si spirituelle et si bonne ; et enfin le naïf M. Lepique. Le souvenir de ses distractions et de ses gestes gauches faisait passer un mélancolique sourire sur les lèvres de la jeune fille.

      Le dîner avait lieu à sept heures... Après avoir répondu au respectueux bonsoir de Coquardot, Edda se retrouvait seule dans l'étroite cabine qui lui servait de prison.

      Depuis quelques jours Tony Fowler avait ses raisons pour agir ainsi : le Jules-Verne, sauf de très rares exceptions, ne remontait plus à la surface de la mer, pendant la nuit, que juste le temps nécessaire pour remplir ses réservoirs d'air. Les promenades sur la plate-forme avaient été interdites à Edda.

      C'est alors que, souvent, pour distraire sa solitude, la jeune fille ouvrait le panneau mobile, qui lui permettait de contempler la splendeur des paysages sous-marins, à travers la vitre de cristal.

      Cette contemplation, qu'Edda prolongeait quelquefois pendant des heures, était le seul plaisir qui, d'une façon appréciable, fît diversion à son désespoir et à ses ennuis.

      En traversant les forêts et les abîmes, les montagnes et les prairies de la mer, Edda, comme emportée par les ailes du rêve, passait quelquefois du plus sombre et du plus tragique des cauchemars, au plus riant décor d'un conte de fées ou d'un roman de chevalerie.

      Pour éviter le grand fond qui creuse ses abîmes de plus de trois mille mètres entre le cap Spartivento et l'Algérie, le Jules-Verne remontait vers le nord de la Sardaigne.

      Edda, dans ces parages, admira d'incroyables horizons, arrachés pour un instant aux ténèbres des profondeurs par la puissante vibration lumineuse des fulgores et des fanaux électriques. Elle vit des paysages d'algues, roses et bleues, des fourrés de sargasses et de varechs au milieu desquels les méduses balançaient leurs coupoles chatoyantes de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel.

      Puis, c'étaient des perspectives de désolation, des rocs arides, des plaines couvertes de galets et d'os blanchis, des marécages verdoyants, parés de tons vénéneux, verts et violets, et dont les boues, grouillantes de crustacés, retenaient encore des épaves enlisées à demi.

      D'autre fois encore, le Jules-Verne se frayait un chemin à travers d'immenses troupes de poissons que la lumière faisait chatoyer de mille reflets : les sardines et les anchois, aux couleurs d'argent bleu, les thons rapides et noirs, et les sombres versicolores comme la nacre et rutilants comme le diamant.

      Quelquefois, ces masses de poissons, se précipitant ahuris vers la lumière, formaient d'éblouissants bouquets, des amoncellements de gemmes et de feux.

      On eût dit que le Jules-Verne naviguait à travers les fusées et les soleils d'un grandiose feu d'artifice.

      Les changements de décor étaient aussi brusques, aussi imprévus que dans un théâtre de féerie. Après un site, aussi fleuri qu'un jardin, le Jules-Verne passait tout à coup près des pentes abruptes et rocailleuses d'une falaise sous-marine, dont on ne voyait ni le sommet ni la base, et sur les flancs de laquelle s'ouvraient de mystérieuses cavernes, où grouillaient, sans doute, depuis les origines du monde, des krackens et des serpents de mer, des poulpes gigantesques, des monstres pareils à ceux que décrivent les chroniques légendaires du Moyen-Age.

      Edda, en considérant ces perspectives de désolation, sentait passer en elle un frisson d'épouvante. Mais, ce qui la terrifiait encore le plus, c'était lorsque le sous-marin, planant audessus d'un haut-fond, se trouvait entouré d'un cercle de ténèbres ; c'était lorsque les fulgores et les fanaux ne révélaient plus rien que la masse obscure et fourmillante de mystère de la mer infinie.

      D'ailleurs, il n'arriva à Edda que très rarement de contempler ces effrayantes solitudes de l'Océan vide et nu. Chaque fois que le Jules-Verne dépassait les profondeurs moyennes, Tony Fowler se hâtait de délester ses réservoirs et de mettre en marche les hélices horizontales, de façon à ramener le sous-marin dans une zone plus connue et moins dangereuse.

      Au cours de cet interminable voyage, qui avait commencé près de l'île de Monte-Cristo, et devait ne se terminer qu'en Amérique, Tony Fowler s'était convaincu de la nécessité d'être prudent.

      Une fois, une avarie sans importance s'était produite à l'hélice motrice de l'arrière. Le Jules-Verne était demeuré en panne pendant trois jours.

      Heureusement pour le Yankee que son équipage était composé d'anciens mécaniciens-ajusteurs. L'avarie de l'hélice avait pu être réparée. Mais Tony Fowler se demandait parfois avec effroi ce qui serait advenu si le sous-marin, privé de ses moyens de locomotion, devenu une masse inerte au fond des eaux, avait été obligé de remonter à la surface et d'y naviguer au grand jour. Les ravisseurs d'Edda auraient été signalés, capturés et s'ils avaient échappé à la vengeance immédiate d'Ursen Stroëm et de Goël Mordax, ils auraient certainement passé en cour d'assises, sous la prévention de piraterie, de rapt et de vol à main armée. Tous les jurys de France et d'Italie auraient été unanimes pour les envoyer au bagne.

      Ces réflexions, et beaucoup d'autres du même genre, rendaient Tony Fowler nerveux et mécontent. Bien que décidé, par orgueil et par haine de Goël, à aller jusqu'au bout, il se demandait parfois si sa téméraire entreprise n'était pas impossible à réaliser.

      Un autre sujet d'inquiétudes pour le Yankee, c'était le peu de docilité des hommes, qui composaient l'équipage, et qu'il s'était adjoint comme complices. D'abord, il avait dû verser à chacun d'eux une prime relativement considérable ; et il savait bien que tous, même Robert Knipp, s'empresseraient de le trahir, sitôt qu'on leur offrirait une somme d'argent plus élevée.

      Aussi, l'ingénieur surveillait-il de très près Coquardot, dans la crainte que celui-ci ne parvînt à corrompre ses hommes et ne leur fit, au nom d'Edda, quelque promesse alléchante pour les décider au geste de la trahison définitive.

      Heureusement pour Tony Fowler, Coquardot ne parlait que très mal la langue anglaise et beaucoup des hommes de l'équipage entendaient à peine le français. Néanmoins, Tony Fowler surprit un jour l'artiste culinaire au moment où il venait de glisser un billet de mille francs dans la main d'un jeune mécanicien.

      Il poussa brusquement la porte derrière laquelle il s'était caché ; et s'élançant au milieu du poste de l'équipage, le revolver au poing :

      – Je brûle la cervelle au premier d'entre vous que je verrai parler à ce cuisinier de malheur, pour autre chose que pour les besoins du service !... s'écria-t-il, tout blanc de rage.

      Et, se tournant vers Coquardot, dont le visage gardait une expression de flegme railleur :

      – Quant à vous, ajouta-t-il, en s'efforçant de maîtriser sa fureur, vous êtes prévenu... Ce que je viens de dire à ces hommes s'applique à vous... Vous avez de la chance d'être le protégé de Mlle Stroëm ! Sans cela, j'aurai accommodé tout à l'heure votre faible cervelle à une sauce qui n'est indiquée dans aucun Parfait cuisinier.

      Coquardot ne répondit pas un seul mot. Il était décidé à se montrer prudent, dans l'intérêt même de sa maîtresse.

      Quant à Tony Fowler, il se retira très perplexe. Il alla trouver Robert Knipp dans sa cabine, pour le mettre au courant de l'incident.

      Le soir de ce jour-là, lorsque Coquardot vint apporter le dîner d'Edda, il avait l'air consterné. La jeune fille s'en aperçut.

      – D'où vient donc, dit-elle, cet air lugubre et cette mine bouleversée ?... Le courant électrique aurait-il carbonisé indûment quelque matelote ?

      – S'il n'y avait que cela !

      – Vous m'effrayez, mon bon Coquardot...

      – Mademoiselle, il n'y a plus de biscuit à bord... la provision est épuisée... Vous allez être obligée de manger votre poisson et vos conserves sans pain !

      – Eh bien ! je m'y résignerai... Je me figurais à votre air que vous aviez eu quelque nouvelle discussion avec ce maudit Yankee... Vous ne saviez donc pas que le biscuit touchait à sa fin ?

      – Il restait du biscuit pour quelques jours encore... Mais les hommes, que l'on avait mis à la demi-ration, se sont révoltés... Ce misérable Fowler n'a pu les calmer qu'en leur donnant le reste du biscuit, et qu'en leur faisant une ample distribution d'alcool.

      – D'abord, mademoiselle, l'équipage du Jules-Verne n'est composé que des pires vauriens des ateliers de la Girolata. Ils savent que Tony Fowler est leur complice, qu'il a besoin d'eux, et ils en abusent.

      – Mais le motif actuel de leurs plaintes ?

      – Ils sont las de manger du poisson, d'être privés de vin, de bière, et surtout de rosbif, de jambon et de pommes de terre, toutes choses indispensables à l'organisme des Anglo-Saxons.

      – Comment Tony Fowler va-t-il s'en tirer ?

      – C'est son affaire... Pour moi, je suis enchanté de ce qui se produit... Je prévois une bagarre à la faveur de laquelle nous pourrons peut-être recouvrer notre liberté... Je guette l'instant favorable.

      Edda demeura pensive pendant quelques instants.

      – Mais, demanda-t-elle après un long silence, ne courrons-nous aucun danger de la part de ces mutins ?

      – Pas le moindre, votre liberté représente des millions... Votre personne est sacrée pour eux... Quant à moi, je leur suis très sympathique, je vous assure ; et d'ailleurs, je leur suis trop nécessaire, en ma qualité de maître-coq, pour qu'ils me fassent du mal.

      Edda fut moins triste ce soir-là... Les paroles du fidèle Coquardot venaient de lui faire entrevoir un faible espoir de délivrance.

      Malheureusement, les projets du cuisinier se trouvèrent complètement dérangés par la prévoyance de Tony Fowler. Quand, le lendemain matin, Coquardot se réveilla, et après s'être habillé, voulut sortir de sa cabine située dans le voisinage de la cambuse, il s'aperçut qu'il était enfermé à clef.

      La même précaution avait été prise par Tony Fowler à l'égard d'Edda Stroëm.

      D'ailleurs, Edda et Coquardot trouvèrent, chacun sous leur porte, une note les avertissant que, pour des raisons d'intérêt général, ils devraient rester prisonniers toute cette journée.

      Coquardot, extrêmement vexé, arpentait sa cabine de long en large, comme un ours en cage. Il prêtait l'oreille, pour essayer de deviner ce qui se passait, mais il n'entendait qu'un bruit confus de voix.

      Edda, pour se distraire, ouvrit le panneau mobile ; et, à sa grande surprise, elle constata que le Jules-Verne était immobile sur un bas-fond de sable, à peine couvert de quelques mètres d'eau, et entouré de rochers capricieusement découpés.

      La jeune fille se perdait en conjectures sur ce qui pouvait se passer. Elle était bien loin de soupçonner le drame dont les hommes de l'équipage étaient les principaux acteurs.

      Tony Fowler, après avoir enfermé lui-même Edda et Coquardot, avait réuni tout l'équipage dans le grand salon.

      – Je suis très mécontent de vous, leur dit-il... Vos exigences sont aussi stupides qu'imprudentes... Comment ! j'ai donné à chacun de vous une petite fortune ; une récompense plus considérable encore vous attend à notre arrivée en Amérique, et vous n'avez pas le courage d'endurer quelques privations pour vous assurer toute une existence de calme et d'oisiveté... Vous êtes des brutes, dont je n'aurais jamais dû m'embarrasser !

      Un murmure de mécontentement courut parmi les hommes de l'équipage. Mais Tony Fowler, les bravant de son regard impérieux, continua en caressant négligemment la crosse d'un gros browning à douze coups :

      – Oui, vous êtes des brutes !... Où voulez-vous en venir ?... Sans moi, vous seriez incapables de diriger ce navire.

      – Nous voulons débarquer pour ravitailler les soutes ! dit une voix.

      – Pour être pendus comme pirates, répondit Tony Fowler, avec une amère ironie... Vous oubliez donc que, pour vous, comme pour moi, il n'y a de salut que de l'autre côté de l'Atlantique. Il est de votre intérêt aussi bien que de votre devoir, de patienter et de m'obéir.

      Domptés par la logique et la froide énergie de l'ingénieur, les mutins gardaient le silence.

      – Vous voyez bien que j'ai raison ! s'écria-t-il. Eh bien ! je vais pourtant essayer de vous satisfaire... Nous sommes en vue des côtes de l'île Minorque. J'ai relevé sur ma carte un village de pêcheurs, très éloigné des villes. Que six d'entre vous prennent la chaloupe de tôle et aillent acheter des vivres... En cas de bagarre, ayez soin d'être bien armés... Si l'on vous attaque, battez en retraite et ne commettez pas de violences inutiles.

      Les hommes de l'équipage ne répondirent à ces paroles qu'en poussant une formidable acclamation en l'honneur de Tony Fowler.

      – Pas tant de cris, dit-il sévèrement. Rappelez-vous que c'est vous qui me forcez à cette expédition aussi inutile que dangereuse... S'il vient à vous arriver malheur, ne vous en prenez qu'à vous-mêmes !

      – Il ne nous arrivera rien, répondit Robert Knipp avec assurance.

      Par un revirement facile à comprendre, les hommes étaient maintenant aussi satisfaits qu'ils étaient mécontents la veille. L'audace de leur chef les avait intimidés ; l'autorisation qu'il venait de leur donner les avait tout à fait conquis.

      Tony Fowler s'était décidé à ravitailler le sous-marin autant pour donner satisfaction à son équipage que parce qu'il avait reconnu la nécessité de remplir ses soutes avant d'entreprendre la longue et périlleuse traversée de l'Atlantique.

      Une demi-heure après, le canot du Jules-Verne, monté par cinq hommes que commandait Robert Knipp, venait aborder dans une petite anse que bordaient les maisons d'un village de pêcheurs, au pied même du cap de la Cavalerie.

      Le village de la Cavalerie se composait d'une vingtaine de maisonnettes blanches, aux toits plats et comme perdues dans la verdure. Quelques barques, aux voiles latines, dont l'antenne était repliée le long du mât, étaient amarrées sur le rivage. Des femmes en longues mantes, des hommes en culotte de toile bouffante, en veste de couleurs vives, et coiffés de larges feutres, vaquaient à leurs occupations.

      Tous manifestèrent une grande surprise à la vue des Américains. Mais Robert Knipp, suivant les instructions que lui avait données Tony Fowler, expliqua en mauvais espagnol qu'ils appartenaient à l'équipage d'un yacht à l'ancre dans une baie très éloignée.

      Comme Robert Knipp offrait de payer très généreusement, les habitants n'attachèrent pas grande importance à ses explications. Le canot fut chargé jusqu'aux bords de pain, de quartiers de mouton, de bœuf et de chevreau, de légumes, de fruits et d'outres pleines d'excellent vin.

      Ce premier voyage s'effectua sans incident. L'on commençait à embarquer un second chargement dans le canot, lorsque survint un vieil Espagnol aux longues moustaches blanches, à la poitrine ornée d'une large décoration.

      C'était le maître de port, retraité après avoir reçu de glorieuses blessures dans la guerre hispano-américaine. Il se nommait don Pacheco de Llamanda, et avait voué une haine farouche aux Américains.

      Don Pacheco avait d'abord écouté avec méfiance les explications de Robert Knipp. Armé de sa longue-vue, il avait suivi les allées et venues du canot. Lorsque l'embarcation doubla la pointe la plus rapprochée, don Pacheco eut vite fait de monter sur une hauteur, et de constater que le prétendu yacht n'était autre qu'un sous-marin.

      – Mais, s'écria-t-il, c'est le sous-marin signalé par la note que m'a envoyée le señor ministre... Et il y a une prime de plusieurs milliers de pesetas destinée à récompenser la capture de ces pirates !

      Doublement stimulé par son patriotisme et par l'appât de la prime, don Pacheco quitta précipitamment son poste d'observation, et courut de toutes ses forces vers le port, pour s'opposer au départ des Américains.

      – Au nom du roi, je vous arrête ! s'écria-t-il.

      Un grand tumulte se produisit.

      Les pêcheurs tirèrent leurs couteaux. Quelques douaniers munis de carabines se joignirent à eux pour prêter main-forte à don Pacheco.

      Les Américains brandissaient leurs brownings et se rapprochaient de l'embarcation.

      – Que tout le monde se rembarque. Et au large, commanda Robert Knipp.

      Tout en parlant, il s'était traîtreusement rapproché de don Pacheco, et, à bout portant, il avait brûlé la cervelle du vieil officier.

      Ce meurtre fut le signal d'une mêlée générale.

      Profitant du premier moment de stupeur et tous armés de browning, les Américains tiraient au hasard dans la foule.

      Des femmes et des enfants furent atteints. Des cris de mort et de vengeance s'élevèrent. On sonna le tocsin. Toute la population du village accourut en armes, décidés à égorger les Yankees jusqu'au dernier.

      Mais, déjà ceux-ci avaient réussi à se réembarquer. Ils faisaient force de rames.

      Des barques furent mises à la mer pour les poursuivre...

      Les Yankees réussirent pourtant à regagner le Jules-Verne sous une grêle de balles.

      – Vous avez bien fait de revenir, dit froidement Tony Fowler à ses hommes, dont la plupart étaient couverts de sang.

      – Pourquoi ? demanda Robert Knipp.

      – Parce que, si vous aviez tardé dix minutes de plus, le Jules-Verne partait sans vous, je vous aurais laissé vous débrouiller. On ne se compromet pas aussi bêtement que vous l'avez fait... Maintenant, nous voilà convaincus de meurtre et de brigandage !

      Cependant, une véritable flottille de chébecs, aux voiles triangulaires, se dirigeait vers le sous-marin.

      Mais Tony Fowler avait pu fermer le capot de la plate-forme... Les réservoirs s'emplirent ; les hélices tournèrent...

      Le Jules-Verne fit sa plongée et regagna les eaux profondes, salués par les pêcheurs de Minorque d'une bordée de jurons, de cris de haine et de malédictions.




Site et boutique déposés auprès de Copyrightfrance.com - Toute reproduction interdite
© 2000-2024  LB
Tous droits réservés - Reproduction intégrale ou partielle interdite

Taille des
caractères

Interlignes

Cambria


Mot de passe oublié
Créer un compte LIVRES, TEXTES
& DOCUMENTS