Christian Doumergue est l'auteur de plusieurs ouvrages sur le mystère de Rennes-le-Château (Bérenger Saunière, prêtre libre à Rennes-le-Château, L'Evangile interdit - Ste Marie Madeleine et le secret des Cathares, Rennes-le-Château, le grand héritage) ainsi que sur la Gnose (La Gnose pour tous).
Si l'origine de la fortune de l'abbé
Saunière est, en dépit des nombreuses recherches menées à ce sujet, toujours énigmatique, ce qu'il voulut accomplir à l'aide de cette fortune est par contre très clair : tout, dans les constructions du
prêtre, laisse deviner qu'il aspirait à faire du village de
Rennes-le-Château un grand lieu de
pèlerinage... Sans doute l'abbé avait-il en tête le modèle de
Lourdes : la ville fascine le
prêtre au point que, menacé par son
évêque d'être expulsé de
Rennes, il envisagera d'y résider. Fait qu'il faut relier à un autre : certains des premiers donateurs du
prêtre (je pense à Mme Cavaillé) ont de toute évidence eut des largesses à son égard en remerciement de "miracles" opérés sur eux à
Rennes-le-Château... Seulement, le
Lourdes de Bérenger
Saunière, n'est pas dédié à
Marie, mère de
Jésus, mais à une autre
Marie des
Evangiles :
Marie-Madeleine.
Marie-Madeleine est impliquée dans plusieurs épisodes
évangéliques. Délivrée de «
sept démons » par
Jésus, elle aurait procédé à son onction (si l'on accepte son identification, toujours discutée, à
Marie de
Béthanie) et donc fait de lui le Christ (en grec : l'Oint). Toujours selon cette identification,
Jésus aurait ressuscité Lazare, le
frère de Marie-Madeleine. Dans un autre passage, il la défend face aux accusations de sa sur Marthe, laquelle la blâme de ne pas l'aider à préparer la table avec elle mais de préférer rester assise aux pieds du Sauveur.
Jésus explique à Marthe que
Marie a choisi la «
meilleure part » : elle est le modèle de la vie contemplative, tandis que Marthe représente la vie active. Assistant à la Crucifixion (elle se trouve avec Jean et
Marie, mère de
Jésus, au pied de la
Croix), puis à la mise au Tombeau,
Marie de Magdala est le premier témoin de la
Résurrection de
Jésus. Selon le
légendaire provençal, fuyant les persécutions que les Juifs dirigèrent par la suite contre les Chrétiens, elle aurait embarqué
enfin pour
Marseille, qu'elle aurait converti à la nouvelle foi, avant de se retirer dans le massif de la Sainte-Baume, et d'y mourir...
Dans l'
église de Rennes-le-Château, dont les murs sont couverts du glyphe «
S. M. » («
Sainte Madeleine »), Bérenger
Saunière a démultiplié les scènes représentant la sainte : une statue grandeur nature représente
Madeleine portant une
croix de
bois (rappelant son rôle d'évangélisatrice de la
Provence) et le vase ; un bas-relief disposé sous l'
autel, la figure ermite
à la Sainte-Baume ; un vitrail représente l'épisode de «
la meilleure part » ; un autre, montre la
résurrection de Lazare ;
enfin, une
rosace : l'onction de
Béthanie... Dans la
sacristie, un quatrième vitrail, figure Marie-Madeleine au pied de la
croix.
Par rapport à toute autre
église de village dédiée à Marie-Madeleine, le nombre de représentations de la sainte est ici particulièrement important. Le plus étonnant concerne cependant l'extérieur de l'
église. En effet, les constructions dites "civiles" de l'abbé sont, au même titre que l'église
du village, dédiées à la sainte : la
villa style Renaissance bâtie par l'abbé est baptisée
Béthanie (lieu de résidence de Marie-Madeleine et de sa sœur Marthe) et la tour bibliothèque d'inspiration gothique Magdala (village d'où est originaire Marie-Madeleine, et où, selon les traditions du
moyen-âge, se seraient trouvés
ses fastueux palais...).
Le
jardin du
calvaire était également consacré à la sainte. Dans les grottes artificielles qu'y avait édifiées
l'abbé était disposée une statue de la sainte en prière. Cette statue a aujourd'hui disparu et seules les cartes postales éditées par
l'abbé témoignent de sa présence passée. (Elles nous montrent une statue identique à celle se trouvant encore dans le cimetière de
Limoux, au pied de la
croix du tombeau des
prêtres...)

Tous les épisodes de la vie de la
sainte rapportés par le Nouveau Testament sont donc représentés par
Saunière dans son Œuvre, à l'exception d'un seul, qui est paradoxalement le
plus important.
Contre toute vraisemblance, la
résurrection de
Jésus, moment le plus fameux de la vie de Marie-Madeleine, n'est pas mentionnée par l'abbé
Saunière ni dans l'
église, ni hors de l'
église !
Or, à cet oubli, il n'est aucune explication "matérielle" satisfaisante.
On aurait pu penser que l'abbé n'avait voulu exploiter qu'une thématique particulière de la sainte, celle du péché : ses écrits laissent deviner que l'idée du péché le hantait. Le
fait qu'il ait fait figurer dans la
rosace, c'est à dire le vitrail qui, de par sa
disposition dans l'espace, occupe la place la plus importante dans l'
église, l'onction de
Béthanie (qui passe pour être le moment où
Madeleine se repend de ses fautes), et, sur le bas
relief de l'
autel, la pénitence de Marie-Madeleine à la sainte
Baume, donne une orientation idéologique certaine qui
va dans ce sens. Toutefois, l'existence de cette supposée thématique ne justifie pas l'omission de l'apparition du Christ ressuscité à Marie-Madeleine. Le vitrail de «
la meilleure part », pas plus que la
résurrection de Lazare, ne s'inscrivent dans cette dynamique : on les trouve pourtant dans l'
église de
Rennes en bonne place dans le chur !
Une autre explication aurait pu être le manque de place. Là encore, cette justification doit être rejetée : il reste de
nombreux vitraux non historiés dans l'
église.
La raison n'est pas non plus financière. En dehors des vitraux
dédiés à Marie-Madeleine, l'abbé
Saunière a disposé dans la
nef un cinquième vitrail historié figurant la mission
des Apôtres.
Si ces trois hypothèses, qui constituent les seules justifications matérielles envisageables, sont tours à tours invalidées, c'est donc qu'il existe une autre origine qu'une cause pratique
à cette absence... une origine qui nous ferait entrer dans la partie cachée de la vie de l'abbé
Saunière... Car l'enseignement posthume de l'abbé
si enseignement il y a repose sans doute dans cette omission de l'apparition du Ressuscité à
Madeleine, omission ô combien lourde de sens pour le dogme
catholique...
Voyant dans la
résurrection un phénomène spirituel comparable à l'Eveil des bouddhistes, les
gnostiques des premiers siècles niaient la matérialité de la
résurrection du Christ. Les Cathares reprendront plus tard le même concept, ainsi que les membres de l'
Eglise Gnostique de Jules Doisnel. Cette dernière
église était contemporaine de
Saunière. Certains de ses membres croyaient que Marie-Madeleine avaient ramené le
corps de
Jésus dans le Sud de la France pour l'y mettre à l'abri des hommes. A l'heure où
Saunière édifie son domaine, on en retrouve un certain nombre, et non des moindres autour de
Rennes-le-Château : Doisnel lui-même à
Alet-les-Bains, Déodat Roché à
Arques...
Est-ce là un simple
jeu de coïncidences ou bien la partie affleurante d'un secret vieux de 2000 ans ?
La Quête de la Vérité continue...
© Christian Doumergue