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La vraie langue celtique et Le Cromleck de Rennes-les-Bains

Henri Boudet
© France-Spiritualités™






CHAPITRE VII
CROMLECK DE RENNES-LES-BAINS

I - Description du Drunemeton ou Cromleck des Redones du sud gaulois
Ménirs, dolmens, roulers ou roches branlantes – Le Goundhill ou Sarrat Plazént

      Nous venons de voir les industries de nos ancêtres inscrites en caractères indélébiles dans le nom des cités et des tribus gauloises. En étudiant les monuments celtiques de Rennes-les-bains, nous serons forcés d'admirer la puissante organisation du Neimheid, lui permettant d'appliquer à diverses régions des gaules, fort éloignées les unes des autres, des dénominations identiques, fondées sur la similitude des pays. Les Redones de l'Armorique sont la cause du nom que porte Rennes de Bretagne, et les Redones du Languedoc nous ont donné Rennes-les-Bains du département de l'Aude. On pourrait se demander pourquoi le nom de Rennes est appliqué à notre station thermale ; on en trouve aisément la raison, lorsqu'on examine de près cette étrange contrée : en effet, ses montagnes couronnées de roches, forment un immense Cromleck de seize ou dix-huit kilomètres de pourtour.

      Strabon, dans son histoire des Galates ou Tectosages asiatiques, rapporte que le peuple gaulois possédait toujours un « drunemeton » ou cromleck central. C'était le lieu où se réunissaient les membres de la société savante connue sous le nom de Neimheid. Il est fort instructif de voir le terme Neimheid employé en même temps en Irlande et en Asie. La décomposition de Drunemeton jette une vive lumière sur cette belle institution celtique. Cette appellation, comprenant la première syllabe trow de Drouide, et aussi le mot nemet, nous apprend avec certitude quels étaient les membres composant l'Académie celtique. Le verbe to trow (trô), comme on l'a déjà vu, signifie : penser, croire, imaginer. Le second verbe to name (nème), possède le sens de nommer, appeler, et head (hèd), se traduit par la tête, le cerveau, l'esprit, le chef. C'est bien la même signification que nous avons donnée au Neimheid Irlandais ; c'est la tête de la nation, pesant avec soin et intelligence les noms dont la composition est soumise à sa science, et les appliquant avec l'autorité que possède un chef universellement reconnu et obéi. César place sur les confins des Carnutes le lieu où les Druides prononçaient leurs jugements, dans les différends et les contestations relevant de leur autorité ; mais le cromleck central, le drunemeton, où s'assemblait le Neimheid pour remplir ses fonctions scientifiques et créer les dénominations particulières ou générales, était-il aussi sur les confins des Carnutes ? Nous ne le pensons pas ; le cromleck central était fixé tout naturellement par les pierres savantes, et ces pierres étaient dressées dans la tribu des Redones. Le drunemeton du nord devait donc exister chez les Redones de l'Armorique, embrassant une grande étendue de la Gaule pour les travaux de l'illustre assemblée. Cependant, un autre drunemeton ou cromleck central était nécessaire dans le midi ; certes, il était impossible au membres du Neimheid dispersés dans la région celtibérienne, de se réunir aux autres membres du nord de la Gaule, et cette impossibilité matérielle a pu donner la pensée de construire un second drunemeton au pied des Pyrénées, sur les hauteurs de la vallée arrosée par la Sals et devenue aussi, par ce fait, Redones ou pierres savantes.

      Si l'expression Redones doit désigner un ensemble complet de pierres levées et d'aiguilles naturelles et artificielles, c'est bien à Rennes-les-Bains qu'elle appartiendra à juste titre.

      L'entrée du Cromleck se trouve au confluent du Rialsés avec la Sals. Le Rialses – real (rial), réel, effectif, – cess, impôt, – coule du levant au couchant, dans un vallon dont la terre fertile pouvait certainement permettre aux habitants de fournir l'impôt dont les Celtes frappaient les terrains d'un facile produit.

      La Sals ou rivière salèe, coule d'abord du levant au couchant, et, après sa jonction avec la Blanque, vers le centre du Cromleck des Redones, poursuit son cours du sud au nord jusqu'à l'entrée de la gorge où commencent à se dessiner les premières aiguilles naturelles. Dès qu'elle a reçu les Rialsés, elle se détourne de nouveau vers le couchant, et se dirige vers l'Alder pour y déverser ses eaux amères. Tout près du point central du Cromleck, dans un déchirement de la montagne et bâtie sur les bords de la Sals, on voit la station thermale de Rennes-les-Bains, bien connue des nombreux malades qui y on trouvé une guérison assurée ou du moins un soulagement sensible à leur douleurs rhumatismales.

      En examinant la carte de Rennes-les-Bains, on peut facilement suivre les contours dessinés par les aiguilles naturelles ou artificielles. Leur position y est marquée par des points rouges pour les ménirs qui existent encore, et par des lignes également rouges pour les crêtes où les ménirs ont été renversés en majeure partie.

      A l'ouverture du Cromleck, sur la rive droite de la Sals, apparaît une montagne appelée Cardou : vers le sommet, commencent à se dresser des pointes naturelles, connues dans le pays sous le nom de Roko fourkado. Au temps des Celtes, l'accès de la gorge était sans doute fort difficile, parce qu'une longue barrière de roches plongeant dans la rivière en défendait l'entrée. De plus, la déclivité extrême des pentes des montagne devait inspirer une certaine crainte aux membres savants du Neimheid, chargés de donner un nom à cette partie de terrain d'un aspect si sauvage. Aussi, se sont-ils demandé comment et de qu'elle manière il pourraient voyager en chariot, en s'engageant dans ce défilé presque inaccessible ? Ils ont laissé à leurs descendans le souvenir exact de leurs pensées et de leur embarras momentané, en appelant cette montagne Cardou, – to cart, voyager dans un char, – how (haou), comment ? de quelle manière ? – Carthow –. Ils n'étaient point trop en retard dans la civilisation, ces bons gaulois des premiers temps de l'occupation, puisqu'ils se préoccupaient ainsi de voyager en chariot sur des flancs de montagnes à pentes très dangereuses. La difficulté qu'ils traduisaient par carthow, n'était point cependant insurmontable ; ils ont su la franchir en traversant le Rialsès en face du village de Serres, et en construisant leur chemin de telle sorte, que les chariots pussent passer au-dessus de ces roches. Au tournant du chemin et au point déterminé où l'on devait s'engager dans le défilé, les Celtes devaient avoir dressé un ménir sur une roche qui porte aujourd'hui une croix de pierre. Cette croix est placée à l'endroit exact de la pierre où l'on voyait autrefois gravée une croix grecque semblable à celles qui existent présentement au Cap dé l'Hommé, et à proximité des roches branlantes.

      Après avoir contourné la base de la montagne de Cardou, et avoir dépassé le petit ruisseau qui sépare Cardou de la colline de Bazel, le chemin commence à s'élever en pente douce. Il devait avoir une largeur bien déterminée, telle que les Gaulois savaient la donner à leurs routes. Ce n'était point, en effet, de simples sentiers étroits et dangereux, mais d'excellents chemins possédant une largeur exactement mesurée. Bazel ne veut pas dire autre chose. En rendant à ce terme la prononciation assez dure qu'il devait avoir autrefois, nous aurions à dire Passel. Or, pass signifie une route, et ell la mesure de longueur dont se servait les Celtes.

      Au sommet du Bazel, on aperçoit des pierres levées fort étranges, qui contribuent à former le cercle du cromleck du côté du levant. Il est à peu près impossible de décrire en détail ces grandes pierres ; elles sont en nombre considérable, et leur somme peut aisément être portée à trois ou quatre cents arrangées en ordre sur la crête ou gisant confusément sur la pente regardant le sud. Une de ces pierres mesure plus de huit mètres de longueur, sur deux de largeur et autant de hauteur : cette masse d'environ trente-deux mètres cubes a été soulevée, inclinée dans une direction voulue, et calée à une de ses extrémités afin que son poids énorme ne l'entraînât point sur la pente raide de la montagne. Il faut voir, de ses propres yeux, cette œuvre gigantesque, qui cause une véritable stupéfaction : aucune description ne peut donner une idée exacte de ce travail prodigieux.

      Sur la rive gauche de la Sals, le cromleck commence au rocher de Blancfort. La pointe naturelle de ce roc a été enlevée, dans le moyen-âge, pour permettre la construction d'un fortin servant de poste d'observation. Il reste encore quelques vestiges de maçonnerie témoignant de l'existence de ce fortin. Cette roche blanche qui frappe les yeux tout d'abord, est suivie d'une assise de rochers noirâtres, s'étendant jusqu'à Roko Négro. Cette particularité a fait donner à cette roche blanche, placée en tête des roches noires, le nom de Blancfort – blank, blanc, – forth, en avant –.

      En suivant ces roches du regard, l'œil est bientôt arrêté par un ménir isolé, dont la pointe se montre au-dessus des chênes verts qui l'entourent. Il porte dans le cadastre le nom de Roc Pointu : il fait face à une autre roche naturelle fixée sur le flanc de Cardou et ornée de plusieurs aiguilles très aiguës. Cette dernière roche, séparée de Cardou et offrant plusieurs pointes réunies par la base, a présenté à nos ancêtres l'idée des petits êtres composant une famille et retenus encore auprès de ceux qui leur ont donné le jour, et ils ont nommé poétiquement ces aiguilles Lampos. Ce mot dérive de lamb, agneau, ou de to lamb, mettre bas, en parlant de la brebis.

Roc pointu et Roko Négro, on distingue au milieu des chênes verts d'autres ménirs servant à la construction du drunemeton. A la suite de Roko Négro, on voit encore fort bien les assises diverses qui servaient de support aux ménirs ; mais ceux-ci sont renversés et dispersés çà et là sur les flancs de la montagne, dans le plus grand désordre.

      En arrivant au ruisseau du Bousquet, l'assise de roches disparaît, et va reprendre dans la montagne vers la source de ce ruisseau. Sur ce point très élevé, on aperçoit une réunion de fortes roches portant le nom de Cugulhou. Cette masse n'est point en entier naturelle ; le travail des Celtes y apparaît fort clairement dans les huit ou dix grosses pierres rondes transportées et placées sur le sommet du mégalithe. On pourrait douter que les Celtes aient voulu en faire des ménirs, si une petites croix grecque gravée sur un prolongement de la base n'avertissait par sa présence de la signification attribuée à ces grandes pierres. Les habitants du pays sont dans la persuasion, très fausse d'ailleurs, que les croix grecques gravées sur les roches représentent des points de bornage. La véritable borne de pierre, indiquant la séparation des terrains de Coustaussa et de Rennes-les-Bains, est fichée en terre à vingt mètre plus loin, du côté du nord-ouest. Cette borne est fort curieuse ; elle porte sur la face qui regarde Coustaussa, un écusson, sans doute celui du seigneur de ce village, et sur la face opposée, un autre écusson, du seigneur de Rennes, accusant des différences très grandes avec le premier. Il est inutile d'insister sur l'assertion des habitants du pays, par rapport à ces croix grecques, car le nom même de Cugulhou fait la lumière sur ce sujet. Ces roches sont de vrais ménirs, mais vilains et ne présentant point la forme ordinaire des autres pierres levées, to cock, relever, redresser, – ugly (eugly), laid difforme, vilain, – to hew (hiou), tailler –.

      A partir de Cugulhou, reparaît une assise de roches de grès grossier, se dirigeant vers le ruisseau du Carlat. Ce ruisseau dont les bords sont abruptes, est rempli de blocs de pierre qui barrent son cours et forment des chutes multipliées. Il serait plus que difficile de tracer un chemin carrossable longeant ce petit cours d'eau ; nos ancêtres en ont témoigné leur chagrin en le nommant Carlat, – car, chariot, – to loath, détester, avoir de la répugnance –. Ils ont construit leur chemin en suivant une autre direction ; ce chemin existe encore ; il est pavé de grosses pierres et bordé de ménirs avant de déboucher sur le plateau des bruyères. Ce n'est point là une voie romaine, mais bien un chemin celtique, conduisant les habitants du plateau jusqu'au centre du cromleck des Redones.

      La crête naturelle venant de Cugulhou, continue de se dessiner après avoir dépasser le Carlat. Les ménirs renversés sont nombreux sur les flancs de la montagne, et excitent par leur masse une surprise bien légitime. Sur la crête, s'étendant depuis le Carlat jusqu'au ruisseau de Trinque-Bouteille, on distingue facilement des traces évidentes du travail humain ; les Celtes ont employé leurs soins à rendre moins larges les solutions de continuité de cette crête naturelle. En face du point où se trouvent la station thermale et l'église paroissiale, la ligne courbe faite par l'assise de rochers porte le nom de Cap dé l'Hommé. Un ménir était conservé à cet endroit, et on y avait, dans le haut, sculpté en relief, une magnifique tête du Seigneur Jésus, le Sauveur de l'humanité. Cette sculpture qui a vu près de dix-huit siècles, a fait donner à cette partie du plateau le nom de Cap dé l'Hommé (la tête de l'homme), de l'homme par excellence, filius hominis.

      Il est déplorable qu'on ait été obligé, au mois de décembre 1884, d'enlever cette belle sculpture de la place qu'elle occupait, pour la soustraire aux ravages produits par le pic d'un malheureux jeune homme, lequel était bien loin d'en soupçonner la signification et la valeur. (89) A gauche de ce ménir regardant la station thermale et son église paroissiale, on découvre sur les roches voisines des croix grecques profondément gravées par le ciseau et mesurant depuis vingt jusqu'à trente et trente-cinq centimètres. Ces croix, à branches égales et au nombre de cinq sur ce seul point, ont dû être gravées par ordre des premier missionnaires chrétiens envoyés dans la contrée. Le signe sacré de la rédemption a détourné ainsi au profit de la pure vérité, le respect traditionnel dont les ménirs étaient l'objet, respect traditionnel dont les ménirs étaient l'objet, respect qui, dans l'état moral déplorable où les conquêtes de la république romaine avaient plongé les Celtes, s'adressait peut-être aux pierres elles-mêmes. Toutes les aiguilles de la crête ont probablement été renversées à cette époque : on rencontre une quantité considérable de ménirs brisés sur les flancs et quelquefois au bas même de la montagne, et quelques débris se voient encore dans les murs soutenant les terrains en pente des vignes et des champs cultivés. Un fait à peu près semblable s'est produit en Bretagne, lorsque l'Evangile a été porté chez les Redones armoricains. Les ménirs n'ont pas été renversés, mais on a placé à leur sommet le signe du salut.

      Une sixième croix grecque dans une large roche, se trouve assez loin du Cap dé l'Hommé, sur le bord de la crête du sud, en tête du terrain dit Pla de la Coste, après que l'on a franchi le ruisseau de las Breychos. Ce petit cours d'eau a reçu son nom extraordinaire de pierre métalliques, semblables au fer fondu, nombreuses dans son lit. Elles sont généralement de petite dimension, ce qui a donné lieu aux Celtes d'employer le verbe to bray, broyer, pour exprimer cette petite dimension, et le substantif shoad (chôd), veine de pierres métalliques, pour désigner cette pierre de fer, ou plutôt ce carbonate de fer.

      On voit encore deux autres croix grecques, toujours gravées dans la pierre, en suivant le bord du plateau jusqu'à la tête de la colline portant le nom d'illète, – hill, colline, – head (hèd), tête –. Les énorme roches entassées sur ce dernier point excitent une réelle admiration.

      A l'extrémité sud du Pla de la Coste, sur le rebord du plateau, sont placées deux pierres branlantes ou roulers. La manière dont elles sont posées indique avec évidence un but poursuivi et atteint, celui de permettre à une secousse légère de produire une trépidation marquée et sensible, mais non une oscillation profonde qui déplacerait le centre de gravité, et qui précipiterait le rocher au bas de la montagne.

      A côté du premier de ces deux roulers, un petit ménir dresse sa pointe émoussée : deux autres ménirs sont renversés à droite et à gauche. Ils étaient simplement posés sur le sol et non point enfoncés dans la terre, car le plan de leur base a gardé de petites pierres blanches, agglutinées par l'effet du poids et du temps, et semblables aux gravier du terrain sur lequel ils pesaient.

      A droite des roulers, en se plaçant vers le midi, l'œil peut suivre les contours de la crête qui enserre le ruisseau de Trinque-Bouteille, et se perd insensiblement dans les terres de l'Homme mort.

      Le ruisseau de Trinque-Bouteille coule constamment, même au plus fort des chaleur de l'été, et on a toujours la faculté d'y puiser et d'apaiser la soif, – to drink, boire, – bottle, bouteille –.

      Tout près de l'endroit où Trinque-Bouteille déverse ses eaux dans la Blanque, de nombreuses pointes devaient s'élever sur les grandes roches bordant la route de Bugarach : un seul ménir y existe sur pied, ayant perdu l'acuité de son sommet.

      Sur la rive droite de Trinque-Bouteille, commence le tènement dit de l'Homme mort. C'est un terrain marécageux, produisant en abondance un gramen dont les longs tuyaux sont parfaitement lisses et sans nœuds : ce gramen porte, en dialecte languedocien, le nom de paillo dé bosc, et en celtique, celui de paille de marais ou haummoor, – haum, paille, – moor (mour), marais –. Cette dénomination de haum-moor, appliquée dans la Gaule entière, aux terrains marécageux, a été partout dénaturée et travestie jusqu'à devenir un homme mort.

      Du haut de la crête qui porte les roulers, en regardant vers le sud, on voit se dessiner une longue ligne de roches aiguës de toutes formes et de toutes dimensions, bien orientée, d'ailleurs, du levant au couchant, et s'étendant depuis le Col de la Sals jusques et au delà de la Blanque. Le nombre des aiguilles naturelles y est considérable ; néanmoins, au milieu d'elles, une multitude d'autres roches taillées en pointe sont redressées par la main de l'homme, et constituent de vrais ménirs, comme on peut s'en convaincre soi-même, en examinant la pose de ces grandes pierres, qui sont d'un facile accès. La fatigue se fait bien un peu sentir en grimpant sur les flancs du Serbaïrou par des sentiers peu fréquentés, – to swerve (souerve), grimper, – by-road (baï-rôd), chemin peu fréquenté – ; mais on est largement dédommagé, lorsqu'on est en présence du travail gigantesque fait par nos ancêtres. C'est bien là, en effet, un travail de géants, et on n'est guère surpris que les Grecs aient inventé, au sujet de ces énormes pierres, dont ils ignoraient la signification et placées sur le sommet des collines, leur fable des géants aux longs cheveux, au regard farouche, cherchant à escalader le ciel, et entassant Ossa sur Pélion et l'Olympe sur l'Ossa.

      L'arête de la colline porte le nom languedocien de Sarrat Plazént (colline aimable), et en même temps le nom celtique de Goundhill, dont Sarrat Plazént n'est que la traduction littérale – good (goud), bonne, douce. – hill, colline –.

      Pourquoi les Celtes ont-ils nommé cette éminence Goundhill ? Certes, ce n'est point à cause de la beauté du site et de la fertilité du terrain, puisque le sol est couvert de bruyères dans toute la pente nord du Serbaïrou, tandis que la pente sud, très escarpée, n'offre à l'œil qu'un maigre bois taillis, peu fait pour inspirer aux savants du Neimheid une dénomination aussi agréable que celle de Goundhill. Cette colline, hérissée de roches aiguës, ne pouvait donc être aimable et douce, que parce qu'elle rappelait aux Gaulois la bonté de la Providence Divine, distribuant avec abondance, à son peuple, l'aliment essentiel, l'épi de blé.

      Au sud du Goundhill, le regard est arrêté par la montagne de Garrossegarous (gareuce), salé –.

      Une ligne horizontale traverse sa pente du nord : c'est un chemin conduisant en ligne directe à Sougraignes et à la fontaine salée, où la rivière de Sals commence son cours. Aux pieds de la Garosse, se déroule un tout petit vallon arrosé par le ruisseau de Goundhill ; et sur les bords de la Blanque, une métairie fixe l'attention. La bergerie placée tout près de la maison d'habitation, est bâtie sur les fondements fort anciens d'une forge dont les marteaux étaient certainement actionnés par un moteur hydraulique, comme dans les forges dites catalanes. On peut aisément s'en convaincre par l'inspection de la voûte surbaissée, qui laissait à l'eau du bassin supérieur un écoulement facile dans la rivière. (90) Un gué fort commode existe en cet endroit, et permet au voyageur descendant de la Garosse de poursuivre directement sa route sans se détourner. Cette métairie est connue sous le nom de la Ferrière. Dans cette appellation habilement combinée, les Celtes ont compris, soit le gué, soit la forge du maréchal-ferrant qui habitait ces parages, car ferry signifie un lieu où l'on traverse une rivière, et farrier (farrieur) désigne un maréchal-ferrant. Les maréchaux-ferrants gaulois fabriquaient-ils eux-mêmes le fer dont ils avaient un besoin journalier ? C'est fort probable, et ce ne serait point là une hypothèse inadmissible. Il est possible encore que la petite forge catalane ait succédé, dans la suite des temps, à celle d'un maréchal-ferrant gaulois.

      Ce qui détermine en nous cette pensée, c'est le fragment de meule à bras, en fonte de fer, retiré du sol le 26 novembre 1884, par des ouvriers travaillant, au-dessous de la Borde-neuve, à la construction du chemin de Rennes-les-Bains à Sougraignes. (91) Cette partie de meule, sans doute fondue à la Ferrière, est légèrement concave, et mesure quinze ou seize centimètres de rayon. Elle a été malheureusement partagée par l'instrument de l'ouvrier qui l'a mise au jour, et présente une cassure semblable à celle du fer de fonte, mais d'un fer plus poreux que celui des hauts-fourneaux actuels. Cette meule devait moudre le blé d'une manière parfaite, et n'avait nul besoin, à cause de ses pores nombreux, d'être repiquée, ni même sillonnée dans sa surface moulante par des cannelures angulaires. Les manèges à cheval avec de fortes meules ont, plus tard, remplacé les petites meules à bras, et afin que leurs descendans ne le pussent ignorer, les Celtes ont écrit leur manière de faire dans Milizac, village du Finistère, – to mill, moudre, – to ease (ize), alléger, – hack, cheval –, et dans Millas, gros village des Pyrénées-Orientales. – to mill, moudre, – ass, âne –.

      La ligne de ménirs du Goundhill ne va pas au delà du Col de la Sals. A ce point, la courbe du cromleck se dirige vers le nord en passant par les mégalithes disposés sur le flanc des Méniès et remontant vers le haut de l'éminence. Les roches naturelles existant au sommet de ce lieu élevé, sont brusquement interrompues dans leur soulèvement, et forment une arête fort vive, arrangée par les Celtes pour figurer dans la construction de leur drunemeton. On demeure stupéfait devant le travail de ces hommes aux membres d'acier, et on se demande quelles étaient les machines dont pouvaient disposer les Gaulois pour soulever, établir et façonner des masses pareilles. A part quelques ménirs, qui présentent la forme traditionnelle de cônes et de pyramides, les autres offrent, comme roches informes, une grande ressemblance avec celles du Cugulhou situé au couchant de Rennes, et ont reçu aussi le même nom bizarre de Cugulhou, – to cock, redresser, – ugly (eugli), difforme, – to hew (hiou), tailler –.

      Du côté du levant, le cromleck n'est plus marqué que par les trois points de Cugulhou, de la Fajole et Montferrand, rejoignant ainsi le Col de Bazel contigu au Cardou. Toutes les pierres anciennement dressées à la Fajole sont aujourd'hui renversées, et ressembleraient à des blocs erratiques, si les angles vifs de ces pierres ne démontraient clairement leur primitive destination. Ces pierres levées étaient trop rapprochées des maisons et du village celtique pour qu'on pût les laisser sur pied, car elles étaient placées au-dessus du Bugat, partie du village gaulois où vivaient les habitants les plus pauvres. Une petite grotte ou caverne existe assez près des ménirs renversés de la Fajole : elle est située vers le nord et regarde Montferrand, – to fadge (fadje), convenir, – hole, creux, caverne, petit logement –.

      Les derniers ménirs complétant le cromleck du côté du levant, se voient sur l'arête dont la partie la plus élevée a soutenu le château-fort de Montferrand. Les pierres, taillées d'après l'angle déterminé par l'inclinaison du soulèvement de la masse rocheuse, y sont en grand nombre. Du reste, toute cette partie de montagne jusqu'au ruisseau du Coural, est pleine de ces grandes pierres, les unes encore levées, les autres gisant misérablement sur le sol. Ce terrain est connu sous le nom de lés Crossés. – cross, croix –. Cette indication nous a amené à rechercher sur quel point de l'arête les croix étaient gravées. Malheureusement, les propriétaires voisins y ont réuni un énorme tas de pierres formant une muraille, et il nous a été impossible de les découvrir.

      Cette imparfaite description suffira, nous l'espérons du moins, pour saisir la position respective des innombrables ménirs formant le vaste cromleck de Rennes-les-Bains.

      Un second cromleck, d'une moindre étendue, est enfermé dans celui que nous avons tâché de retracer. Partant du hameau du Cercle, vers le milieu du flanc de la montagne, il suit par l'Illète jusqu'au ruisseau de Trinque-Bouteille, se dessine ensuite sur la pente du Serbaïrou la plus rapprochée des rivières de la Blanque et de la Sals, reprend au Roukats, pour se terminer en face du hameau du Cercle, son point de départ. On pourrait s'étonner à bon droit de ne rencontrer aucun dolmen parmi ces monuments celtiques. Nous en avons retrouvé sept ; cinq sur les flancs du Serbaïrou, et deux au Roukats. Le plus remarquable est situé en face de la Borde-neuve, tout près d'une grande pierre carrée, étrangement posée en équilibre sur une roche. Ce dolmen, fermé à une extrémité, offre l'image d'une grotte. En se plaçant sur le chemin conduisant à Sougraignes, l'œil distingue aisément la structure de toutes ses parties. Tout à fait dans le haut, directement au-dessus du dolmen, une roche de la crête porte une croix grecque gravée dans la pierre : c'est la plus grande de toutes celles qui nous a été donné de reconnaître. En se rapprochant de l'ancien chemin de Bugarach, à la même hauteur que celle du dolmen, une roche énorme est ornée d'une pierre assez forte présentant la forme ronde du pain.


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(89)  Cette tête sculptée du Sauveur est entre les mains de M. Cailhol, à Alet.

(90)  Un excellent vieillard du hameau de la Hille nous a déclaré avoir trouvé, lui-même, dans le terrain situé au-dessus du bassin, des scories de fer, traces évidentes de l'industrie exercée dans cette maison.

(91)  Ce fragment de meule est en la possession de M.Constantin Cailhol, à Alet.




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