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La vraie langue celtique et Le Cromleck de Rennes-les-Bains

Henri Boudet
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CHAPITRE III
LANGUE PUNIQUE

III - Langue kabyle

      Il est admis dans l'histoire que les Carthaginois se distinguaient des autres peuples par la finesse et la ruse. Mis au service de leur commerce, cet esprit de ruse avait produit une noire fourberie, et ce dernier vice était si bien connu que, pour exprimer la plus insigne mauvaise foi, on disait une foi punique ou carthaginoise. Cependant la [99] mauvaise foi n'appartenait point aux seuls Carthaginois et Gulussa, fils de Massinissa, nous a suffisamment édifiés sur la tromperie habituelle de ses mœurs et aussi de celles des Numides.

      Les Kabyles sont les descendans incontestés des Numides et sous une dénomination affectant une forme différente, les mœurs chicanières de ce peuple se montrent au grand jour s'accusant de la formation du nom de Kabyle – to cavil, chicaner. – Les Maures, relativement à la chicane, n'ont rien à envier aux habitants de la Grande Kabylie du Sud de l'Atlas.

      Les uns et les autres ne manquent aucune occasion de prouver combien sont grandes leur mauvaise foi et leur perfidie. Les Kabyles des montagnes algériennes méritent plutôt le nom de Berbers, qui leur est, du reste, attribué avec raison. D'une sobriété étonnante, quelques figues sèches et un peu de pain suffisent à leur alimentation, et leurs habitations, d'un dénûment extrême, marquent dans les mœurs de ce peuple l'habitude de la pauvreté et l'énergie à supporter la privation de tout bien-être – to bear (bér) supporter, – to bare (bére) dépouiller.

      Les Berbers montrent une grande honnêteté dans leurs relations. Elle provient sans [100] doute de ce que, pendant plusieurs siècles, le christianisme a été florissant dans leur pays ; et cette cause est plus que suffisante pour que les mœurs d'un peuple accusent le changement profond opéré par la pratique exacte des préceptes évangéliques. Malgré le despotisme musulman qui les a saturés de mahométisme, les Berbers n'ont point perdu le souvenir de la religion chrétienne, et ils montrent avec orgueil la croix tatouée qu'ils portent sur leur main ou sur leur bras. Les traditions tiennent une grande place dans les mœurs des Kabyles algériens ; ce trait de ressemblance avec la famille celtique témoigne hautement de la vérité des assertions de Salluste. On peut voir fleurir encore au milieu d'eux la constitution qui régissait autrefois la Gaule et telle que César la décrite.

      « On a dit plusieurs fois, dit le général Daumas dans son écrit La Kabylie, que la Kabilie était la Suisse de l'Algérie. Si cette comparaison est juste au point de vue topographique, elle ne l'est pas moins au point de vue de la constitution politique. Considérée dans son ensemble, la Kabylie est une agglomération de tribus qui se gouvernent elles-mêmes, d'après des principes que la tradition et l'usage ont introduits dans les mœurs. [101]

      « Mais ce qui distingue principalement l'organisation fédérative de la Suisse de celle de la Kabylie, c'est, chez la première, le caractère de permanence. La fédération, n'étant chez la seconde qu'accidentelle, est réduite aux proportions d'une alliance née des nécessités du moment et qui cesse avec elles. Le caractère dominant de la constitution Kabyle est donc l'indépendance absolue de la tribu vis-à-vis des autres tribus ; chaque tribu, en un mot forme un état séparé. »

      Cette organisation singulière des Kabyles algériens décèle évidemment l'influence gauloise s'exerçant au milieu des anciens Gaetules et Libyes, et il n'y a pas jusqu'aux traits de leur visage qui ne viennent confirmer la présence des Celtes dans le Nord de l'Afrique, puisque, dit encore le général Daumas, « beaucoup de Kabyles ont les yeux bleus et les cheveux roux. » On pourrait attribuer ces caractères naturels au mélange des envahisseurs Vandales : mais comme ce dernier peuple appartenait aussi à la famille de Gomer, il a dû reproduire plus fortement les caractères imprimés dans les Berbers par le premier mélange de sang gaulois.

      On a remarqué avec quelle facilité la langue punique, par ses jeux de mots, savait créer les noms propres d'hommes. Les noms communs [102] offrent aussi des combinaisons semblables et représentent en plusieurs monosyllabes associés, des phrases entières avec un sens rigoureux et précis. Nous choisirons dans la langue Kabyles quelques-unes de ces expressions pour que l'on puisse remarquer avec quel soin admirable les mots, substantifs ou verbes, sont composés.

      Les anciens habitants de l'Afrique du Nord n'élevaient point probablement les abeilles, dont les essaims se propageaient en liberté dans le creux des troncs d'arbres ou les fentes des rochers. Ces abeilles, peu accoutumées au voisinage des hommes et des animaux, tourmentaient cruellement les voyageurs qui passaient près de leur demeure et troublaient par leurs piqûres cuisantes la tranquillité de leur marche. Tel est le sens du mot abeille, en Kabyle, thizizouith, au pluriel thizizoua – to tease (tize), tourmenter – ease (ize) tranquillité, – way (oué) chemin –.

      Nous employons pour cette interprétation le pluriel thizizoua ; toutefois en nous affranchissant des terminaisons propres au singulier ou au pluriel, le sens de thizizouith devient encore plus facile et plus clair, puisque c'est alors le bourdonnement de l'insecte qui importune et trouble le repos – to tease (tize) importuner, – ease (ize), repos – to whiz (houiz), bourdonner. [103] – Le mot miel, en Kabyle tament, reproduit cette pensée que la douceur finit toujours par apprivoiser et dompter – to tame (tème), dompter, apprivoiser, to end, finir.

      Les termes puniques sont certainement l'expression exacte des habitudes de ces peuples, et cette vérité se manifeste avec puissance dans le verbe ramper, en Kab. mour'edh. Pour nous, ramper c'est avancer à la manière du serpent, mais pour un Numide, c'est s'engager dans les hautes herbes d'un marécage et aller de l'avant sans être aperçu – moor (mour), marécage, – to head (héd), conduire –.

      Le verbe accabler, en Kab. r'ot, nous dit ce que pense ce peuple d'un homme qui se laisse surprendre par la chaleur, raw (râu), neuf, sans expérience, – hot, chaud, brûlant ; – il faut être, en effet, sans expérience de leur soleil brûlant pour s'exposer à ses ardeurs à certaines heures du jour.

      Lorsque Salluste nous transmet que les Libyes et les Gaetules vivaient comme des nomades, il oublie de nous dire que la terre nue ne leur plaisait guère pour y prendre leur repos ; c'était vraiment une couche trop douloureuse ; aussi avaient-ils soin d'y remédier en étendant leurs membres fatigués sur une bonne « natte » en Kab. aguerthil, – to ake (éke), faire mal, [104] être douloureux, – earth (erth), terre, – to heal (hil), remédier à.

      Nous pourrions croire que les Numides, à cause de leur nature fougueuse, se plaisaient au bruit et aux querelles ; mais leur langage dément cette pensée ; car un homme se livrant au vacarme est un homme « abject » amekrouth, – to make (méke), faire, – row (raou), bruit vacarme –.

      Il y a, dans la langue Kabyle, bien des expressions monosyllabiques ; dans ces mots et leurs correspondants celtiques, il y a toujours une corrélation d'idées frappante. Ainsi moudre, en Kab. zed, se rapporte à to sate (séte), rassasier : embraser, en Kab. serr', dérive de to sear (sir), brûler : nuit, en Kab. idh, vient de to heed (hid), prendre garde : vilipender, en Kab. simes, isames, correspond à to shame (chème) faire honte.

      Ce peuple belliqueux connaissait la bonne épée de combat, et, retenue dans la main vigoureuse de ses guerriers, cette épée affilée retombait sur la tête de l'ennemi avec un sifflement aigu ; épée en Kab. se traduit par iskim, – to hiss, siffler, – keen (kin) aigu, affilé. –

      Le verbe abdiquer retient dans la langue numide un sens parfait : nous donnons, nous, à cette expression prise en soi, la signification [105] d'une renonciation volontaire au souverain pouvoir : les numides y voient un héritier du trône, choisi parfois en toute liberté, et dans bien des circonstances reçu par force, c'est-à-dire imposé : abdiquer en Kab. se traduit par tekher, – to take (téke), prendre, recevoir, – heir (hér), héritier.

      Il n'est pas jusqu'à notre vulgaire salière, en Kab. thaqsoult, qui n'ait les honneurs d'un mot composé, – to take (tèke), prendre, – to salt (sâult), assaisonner de sel, saler.

      Nous pourrions ajouter d'autres mots Kabyles avec leur décomposition et leur signification en regard ; mais les exemples cités sont assez nombreux pour montrer dans la langue punique une dérivation parfaite du langage qui a précédé Babel.

      Nous ne devons point cependant terminer ce court aperçu, sans interpréter le terme aroumi appliqué par le Kabyle au Français. Pris collectivement, les français sont connus, en Kabylie, sous le nom de Afransis ; mais le Français pris en soi est, pour le Berber, l'homme qui l'a dompté, qui l'a surpassé en valeur guerrière, devant qui il doit s'incliner comme on s'incline devant la supériorité, et pour renfermer dans un seul mot toute son admiration, le français, c'est « le Grand » – aroumi, – roomy (roumi), grand –.




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