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La vraie langue celtique et Le Cromleck de Rennes-les-Bains

Henri Boudet
© France-Spiritualités™






CHAPITRE V
LANGUE CELTIQUE

III - Le Rhˆne - - Les Allobroges
Lyon - Les Arverni et Vercingétorix

      Une partie de la Gaule occupée par les Gaëls est arrosée par le Rhône, Rhodanus. Cette expression, Rhodanus, a donné lieu à quelques [175] historiens de croire que les Rhodiens avaient fondé une ville entre les bouches du Rhône. Henri Martin, après avoir partagé cette croyance, exprime ainsi ses hésitations. « Le nom du Rhône ne vient pourtant pas de Rhoda, comme les historiens grecs et latins l'ont imaginé, mais du gaëlique Rhuit-an, (eau qui court). » (75)

      Le Neimheid, en nommant ce fleuve Rhodanus, n'ignorait point la forme de la rade qui se trouvait à son embouchure, et aussi le nombre exact de bouches par lesquelles il se jetait dans la mer. Les savants gaulois n'auraient, d'ailleurs, jamais consenti à appeler ce fleuve Rhuit-an, eau qui court, car il aurait fallu dénommer ainsi toutes les rivières et les eaux courantes de la Gaule.

      Strabon rapporte, au sujet du Rhône, l'opinion de Timée, (76) soutenant que le Rhodanus se jetait à la mer par cinq bouches différentes, dans une rade, comblée par ce fleuve travailleur, – road (rôd), rade, endroit où les vaisseaux jettent l'ancre ; – hand, main, extrémité du bras terminée par la main divisée en cinq doigts –.

      Timée n'était point dans l'erreur en donnant au Rhône cinq bouches différentes, et c'était bien l'état réel du fleuve au moment où le Neimheid [176] lui a imposé le nom de Rhodanus. N'abandonnons pas le Rhône sans chercher à connaître ou Massilie.

      Les historiens avancent que, vers l'année 600 avant Jésus-Christ, un vaisseau venu de Phocée, ville grecque de l'Eolide, jeta l'ancre près des bouches du Rhône, à l'est de ce fleuve. Ces côtes appartenaient aux Ségobriges : leur chef Nann, mariait ce jour-là sa fille. Les étrangers, accueillis avec bienveillance, furent admis à prendre place parmi les convives. Suivant la coutume des Ibères, empruntée aux Ligures par les Ségobriges, la jeune fille devait librement choisir son époux parmi les conviés réunis à la table paternelle. Sur la fin du repas, la fille de Nann entre, une coupe à la main : elle promène ses regards sur l'assemblée, hésite un moment, puis, s'arrêtant en face d'Euxène, chef des Grecs, elle lui présente la coupe. Nann confirma le choix de sa fille, et donna pour dot à Euxène les rives du golfe où il avait abordé, et quelques terres du littoral de la Méditerranée. Euxène jeta dans une presqu'île de son domaine les fondements d'une ville qu'il appela Massilie, et bientôt, grâce aux nombreux colons qui lui arrivèrent de Phocée, la cité grecque s'éleva au plus haut degré de prospérité. (77) [177]

      Ce récit des historiens laisse dans une obscurité complète les Ségobriges, qui ont reçu si cordialement Euxène avec ses Grecs ; le Neimheid lui-même livre à la postérité un bien faible renseignement sur cette tribu. Etablis à l'embouchure du Rhône, les Ségobriges étaient fort empêchés, dans leur communications, par les eaux de ce fleuve rapide et profond. Ils s'étaient donc vus dans la nécessité de construire des ponts nombreux, afin de rendre leurs relations aisées et faciles. C'est là, du reste, toute l'affirmation de l'Académie Gauloise, – to seek (sik), chercher à, – to owe (ô), être obligé de, – to bridge (brijde), construire un pont –.

      Sur les côtes maritimes des Ségobriges, Euxène jeta les fondements de et rendit cette cité florissante en y appelant le commerce du Levant ; mais il est bien probable que le Neimheid ne lui abandonna pas le soin de dénommer la ville, puisque tous les mots employés dans la composition de Massilia, sont purement celtiques. Massilie, dans la concision admirable de ce terme, est un port recevant une infinité de grands vaisseaux qu'on mettait à la bande pour les radouber, – mass, un amas, – to heel (hil), mettre un vaisseau à la bande pour le radouber, – high (haï), grand –.

      En remontant le Rhône vers le lac Léman et [178] sur la rive gauche du fleuve apparaissent les puissants Allobroges. Ils occupaient la Savoie, et Grenoble leur appartenait avec la contrée comprise aujourd'hui dans le département de l'Isère. L'industrie prédominante de cette tribu n'est pas disparue de la région qu'ils possédaient. Les liqueurs de la Côte Saint-André, les ratafias renommés de Grenoble, ont succédé aux produits spiritueux et excitants fabriqués par les Allobroges, – to alloo, (allou), animer, exciter, – brewage (brouedje), mélange de différentes bières –. La profession des Allobroges permet donc de constater que l'eau claire des fontaines n'était pas l'unique boisson des Celtes.

      A l'ouest du Rhône, dans le Vivarais, les Helvii emmanchaient avec adresse les armes de guerre, les lances, les piques, les haches, – to helve, emmancher, – to hew (hiou) tailler, – industrie trop modeste que les Helvetii avaient dédaigneusement repoussée comme peu conforme à leurs goûts belliqueux – to helve, emmancher, – to hate (héte) détester, – to hew (hiou) tailler –. Abandonnant les Rauraci, de Bâle, au froid qui les tourmente – raw (râu), froid, gelé, – to rack, tourmenter –, retournons vers le confluent de la Saône et du Rhône, afin d'y trouver Lugdunum, Lyon.

      M. A. de Chevallet, dans son magnifique ouvrage, [179] Origine et formation de la langue française/, écrit : « Dune, monticule de sable qui se trouve au bord de la mer ; dunette, partie la plus élevée de l'arrière d'un vaisseau. Ces mots dérivent du celtique dun, qui signifiait une éminence, une colline, ainsi que nous l'apprend Clitophon dans un traité attribué à Plutarque. Voici le passage : « Auprès de l'Arar, (la Saône), est une éminence qui s'appelait Lougdounon, et qui reçut ce nom pour le motif que je vais rapporter. Momoros et Atepomoros, qui avaient été détrônés par Seséronéos, entreprirent d'après la réponse d'un oracle, de bâtir une ville sur cette éminence. Ils en avaient déjà jeté les fondements, lorsqu'une multitude de corbeaux dirigèrent leur vol de ce côté et vinrent couvrir les arbres d'alentour. Momoros, versé dans la science des augures, donna à la ville le nom de Lougdounon, attendu que dans leur langue, (les Gaulois) appellent le corbeau lougon et une éminence dounon. »

      « Cette ville, ainsi que le lecteur l'a déjà pensé, n'est autre que Lugdunum des Romains, devenu notre Lyon : elle fut d'abord bâtie le long de la rive droite de la Saône, sur les hauteurs qui avoisinent Pierre Scise.

      Dun s'est conservé dans la terminaison de plusieurs autres de nos villes. » [180]

      Le fait rapporté par Clitophon parait être tout à fait réel. C'était un heureux accident, une bonne fortune pour Momoros, versé dans la science des augures, de voir une multitude de corbeaux lui marquer, pour ainsi dire, la place que devait occuper la ville, et le terme luck (leuk), accident, bonne fortune – Luckdun –, exprime bien la satisfaction qu'il en dut éprouver. Quant à dunum, qui termine le nom de plusieurs villes celtiques, il ne désigne pas l'éminence sur laquelle une ville pouvait être bâtie, car to dun, signifie : ennuyer un débiteur. Il est bien probable que les cités portant la terminaison dun ou dunum étaient primitivement des villes de refuge, où les débiteurs insolvables allaient se mettre à l'abri des poursuites de créanciers trop importuns. Le savant Dom Martin, dans son Histoire des Gaules, a déjà émis cette pensée, que les cités gauloises étaient peut-être de simples villes de refuge, vides d'habitants, où l'on courait se mettre à couvert d'un danger pressant. Le verbe to dun, offre un sens tout à fait clair, précis, expliquant parfaitement la cause de la fuite précipitée d'un débiteur et sa retraite subite dans une ville éloignée.

      Il est bien certain néanmoins que les Celtes recherchaient les collines pour y bâtir leurs cités et la ville de Lactora (Lectoure, dans le Gers), [181] présente un exemple de ce choix judicieux. Lactora, situé sur le sommet d'une montagne escarpée, au pied de laquelle coule le Gers, indique manifestement l'éminence où il est assis, et aussi la préférence déclarée des Celtes pour les hauteurs lorsqu'ils fondaient une ville, – to like (laike), aimer, goûter, – tor, (torr), hauteur terminée en pointe –.

      Parmi les tribus comprises dans la confédération dite gaëlique, la plus célèbre est celle des Arverni. En citant le nom des Arverni, l'esprit s'arrête aussitôt avec un intérêt douloureux sur Vercingétorix, le dernier défenseur de l'indépendance gauloise. Commandées par Vercingétorix et combattant dans leurs chère montagnes, les Arverni infligèrent à César une sanglante défaite, dont l'amer souvenir excita, dans le cœur du général romain, la haine la plus sauvage contre son vainqueur.

      César n'a pas su trouver dans son âme ulcérée, même un faible sentiment d'admiration à l'égard du héros Arverne se livrant fièrement aux Romains pour sauver ses frères d'armes. Le conquérant des Gaules, en le jetant dans les fers, a prouvé que son cœur, grandement ouvert à la férocité, était fermé à la générosité la plus vulgaire. On ne peut penser sans indignation au traitement barbare subi par le magnanime Arverne, qui a dû languir six années dans les fers, [182] avant que la hache du licteur ait mis un terme à ses tortures.

      Le nom de Vercingétorix, imposé au chef des Gaulois combattant pour l'indépendance de leur pays, nous le dépeint par un trait de feu. C'est le chef de guerre oubliant toutes choses, pour songer seulement aux dangers que court sa patrie et conduire ses frères au combat, – war (ouaûr), guerre, – king (kigne) chef, roi, – to head (hèd), être à la tête de, conduire, – to owe (ô), être obligé de, devoir, – risk, danger –.

      On a tenté plusieurs fois d'interpréter le nom de Vercingétorix. C'est le généralissime, ver-cinn-cedo-righ, dit un historien qui accuse avec raison les auteurs latins « de confondre le titre des fonctions avec le nom propre, comme ils ont fait un Brennus de Brenn ou chef gaulois. » (78) Brenn, en réalité, dérive de brain (brèn), cerveau.

      Henri Martin, dans son Histoire de France, s'exprime ainsi au sujet du héros celte : « il s'appelait Vincingétorix, c'est-à-dire, le grand chef de cent têtes, ver-kenn-kedo-righ. »

      Cette explication découle de la même source [183] indécise qui nous a donné ar-fearann, haute-terre, pour Arverni. Mais quel abîme entre cet ar-fearann et la vérité. Les Arverni étaient autrefois ce qu'ils sont encore aujourd'hui, c'est à dire, des colporteurs parcourant la Gaule pour vendre des marchandises nouvelles, – to hare, courir çà et là, – ware (ouère), marchandise, chose à vendre, – new (niou), nouveau, – et on ne pourrait point citer une seule ville de France dans laquelle on ne découvre quelques arverne enrichi par le négoce.

      N'est-ce pas une chose admirable de voir les Avernes exercer la même industrie dans les siècles les plus reculés de l'histoire celtique ? Avec quel soin jaloux les membres savants du Neimheid n'ont-ils point veillé à graver exactement la profession d'une tribu dans le nom qu'elle portait ! Après l'explication des dénominations prises dans l'est et le centre de la Gaule, où le langage gaëlique aurait dû dominer, ne semble-t-il pas juste d'avancer que la langue celtique employée par l'académie Gauloise était une, et que les différences dialectiques existaient seulement dans le langage populaire ? Le Neimheid n'était pas établi uniquement en Irlande, où il a laissé son nom attaché aux tours rondes qui subsistent encore. César dit que l'institution druidique a été imaginée d'abord dans l'île de Bretagne, et de là, [184] introduite en Gaules ; (79) mais est-il croyable que le bel ordre des Druides ait eu un brusque commencement parmi les insulaires bretons ? Lorsque les Celtes ont abandonné l'Asie, se dirigeant vers l'Occident, le Neimheid accomplissait déjà ses fonctions, et les appellations qu'il a dû laisser en suivant le cours du Danube, le prouveront plus tard surabondamment, car nous avons la ferme confiance que leur interprétation, par la langue des Volkes, sera d'une extrême facilité.

      Nous avons déjà désassemblé et expliqué plus de deux cents mots ou dénominations, hébraïques, puniques, basques et celtiques. Ne sommes-nous pas en droit de trouver la preuve assez forte, pour avancer que la langue des Tectosages, conservée par les Anglo-Saxons, est la vraie langue celtique ? N'est-il pas juste de l'appeler la langue primitive, parlée par Noé, et transmise à ce patriarche par Adam qui l'avait reçue de Dieu, puisque les noms divins et les noms propres des premier hommes ne s'interprètent avec une clarté réelle que par les termes pris dans cette langue ?

      Combien de souvenirs nos Bretons de France pourront faire revivre, eux, dont la mémoire fidèle nous a conservé les noms de tous ces monu- [185] ments celtiques, considérés avec curiosité comme de véritables énigmes !

      Nous sommes loin de prétendre qu'aucune erreur ne se soit glissée dans l'explication des noms propres celtiques que nous avons tentée à l'aide de la langue des Tectosages ; mais ces erreurs seront facilement écartées ou corrigées par le flambeau des traditions locales, dont la persistance projettera aussi son rayon lumineux sur la vie et l'histoire de nos ancêtres.

      Cette histoire, d'ailleurs, n'est-elle pas à refaire ? « Ces Gaëls primitifs, dit Henri Martin (80), tatoués, armés de couteaux et de haches de pierre, devaient offrir une certaine ressemblance avec les sauvages belliqueux de l'Amérique du Nord. Ils sont pasteurs et chasseurs ; ils ont même déjà un peu d'agriculture. »

      A cela, le Neimheid répond par les dénominations religieuses, et les appellations industrielles imposées aux cités, aux tribus et aux plus petits villages dont les noms dévoilent bien des choses surprenantes. Il faut donc abandonner toutes ces hypothèses de sauvagerie et d'état barbare, outrageantes pour nos ancètres gaulois, et leur rendre avec justice, le degré élevé de civilisation religieuse, morale et matérielle à [186] laquelle ils ont un droit incontestable. A la réponse du Neimheid, vient s'ajouter la réplique encore plus grave de nos Livres saints : « Qu'est-ce qui a été jadis ? Ce qui doit arriver à l'avenir. Qu'est-ce qui a été fait ? Ce qui doit se faire encore. Rien n'est nouveau sous le soleil, et nul ne peut dire : voilà une chose nouvelle ; car déjà elle a été dans les siècles écoulés avant nous. » (81)


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(75)  Histoire de France, par Henri Martin, page 10. Note 3.

(76)  Les Villes mortes du golfe de Lyon, par Charles Lenthéric.

(77)  Histoire de France, par E. Lefranc. Introduction.

(78)  Histoire de France, par Emile Lefranc.

(79)  César, de bell. gall., lib. VI. 13.

(80)  Histoire de France, 1er vol.

(81)  Ecclésiaste, Chap. I, v. 9, 10.




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