Lothaire II, roi de France, fils de
Louis d'Outremer et de la reine Gerberge, naquit en 941, fut associé au trône par son père en 952, et sacré après la mort de ce monarque, arrivée en 954.
Une longue suite de guerres et de ruines ayant prouvé
combien est funeste le partage des empires, Charles,
frère de Lothaire, fut alors le premier fils de roi qui n'eut point d'Etats ; et cet heureux exemple a toujours été suivi depuis.
Hugues le Grand pouvait profiter de la minorité de Lothaire pour s'emparer de la
couronne ; mais il sentit que les grands de l'Etat redoutant moins le pouvoir d'un jeune roi que l'expérience d'un prince tel que lui, il rencontrerait des obstacles capables de perdre sa famille s'il mourait avant de les avoir entièrement surmontés. Il était déjà avancé en âge et regardait le titre de protecteur du trône comme plus avantageux que le rôle d'usurpateur. En effet, en conduisant les affaires de son roi, il accrut sa puissance personnelle ; et lorsque la mort vint le
frapper, en 956, il laissa ses quatre fils paisibles possesseurs de ses immenses domaines, quoique l'aîné de tous,
Hugues Capet, n'eût alors que seize ans.
Lothaire et la reine Gerberge, sa mère, se trouvèrent
soulagés d'un pesant fardeau par la mort d'un
vassal qui avait été
maître de s'emparer du trône. S'ils n'accablèrent pas ses
enfants
dans un âge où ils ne pouvaient encore se défendre, c'est que les mêmes seigneurs qui avaient tenté de s'opposer à l'élévation de
Hugues le Grand se seraient armés pour empêcher la ruine de ses fils. Ils voulaient un roi dont le pouvoir fût balancé, et non un monarque en état de se faire craindre ; et la cabale de Hugues, lui survivant, s'attacha avec persévérance à rompre les projets de Lothaire. A la suite des grandes commotions politiques, c'est toujours ainsi que ceux qui
en ont profité, quelque divisés qu'ils soient entre eux, s'unissent
lorsqu'ils redoutent d'être recherchés sur le passé ; et il n'y avait pas alors une seule famille puissance en France qui n'eût à perdre si le roi rentrait dans l'exercice de son pouvoir et dans la proprété de ses domaines. La reine mère, femme d'un grand courage, et accoutumée à gouverner, fit plusieurs tentatives pour reprendre la Normandie. Des avis secrets, parvenus à temps à Richard,
duc de cette province, le sauvèrent chaque fois des pièges qu'on lui tendit.
Lorsque Lothaire fut en âge de gouverner, il employa tous les soins à rendre de l'éclat au trône, et entreprit nombre d'expéditions guerrières, dont les commencements furent heureux ; mais les intrigues qui régnaient autour de lui et la crainte qu'on avait de le voir devenir trop puissant ne lui permirent jamais de les achever avec gloire. Doué d'un tempérament robuste et d'une
force de
corps extraordinaire, Lothaire était d'une dextérité étonnante dans tous les exercices, et son
esprit se ressentait de la trempe de son
corps, plein de sève et de vigueur. Il était surtout actif et brave jusqu'à l'intrépidité. Pendant tout son règne, il fut aux prises avec de puissants
vassaux. Il fléchit longtemps devant la puissance d'
Hugues Capet, et eut ensuite à lutter contre Richard, comte de Normandie, auquel il fut obligé de demander la paix après avoir vu ses Etats ravagés par les soldats du
duc et par les Normands, que celui-ci avait appelés à son secours. De là, il tourna ses armes contre Arnoul, comte de Flandre, s'empara d'
Arras et de quelques autres villes, et signa la paix en conservant une partie de ses conquêtes. Il se rendit ensuite à
Cologne, où il eut une entrevue avec l'empereur Othon le Grand. Ces princes se donnèrent réciproquement des marques d'estime, et ils arrêtèrent le
mariage du roi avec Emma, fille de Lothaire II, roi d'Italie. Mais Othon II ayant succédé à Othon Ier, le roi de France, se regardant comme dégagé de tous ses traités, fit une irruption subite dans la Lorraine, et surprit à Aix-la-Chapelle le nouvel empereur, qui pensa
tomber entre ses mains au moment où il allait se mettre à table.
Outré d'une pareille insulte, Othon se hâta de former une armée, et il marcha droit à
Paris, qu'il tint assiégé pendant trois
jours.
Forcé par la rigueur de la saison de retourner en Allemagne, il fut poursuivi par Lothaire, qui obtint sur lui quelques avantages, et signa un traité par lequel il renonçait à la Lorraine, dont Othon donna l'investiture à Charles,
frère du roi de France. Mais l'empereur d'Allemagne étant mort peu de temps après, Lothaire conçut l'espoir de reprendre la Lorraine, et il y fit aussitôt une irruption. Il s'empara de
Verdun, qu'il rendit bientôt, ayant appris que la puissance d'
Othon III s'était affermie.
L'association de son fils Louis à la
royauté fut le dernier événement mémorable de son règne. Il le fit couronner avec sa femme, Blanche d'
Aquitaine, qui, peu sensible à cet honneur, s'enfuit de la cour. Le monarque alla lui-même l'exhorter à revenir auprès de son fils, et ce fut au retour de ce voyage qu'il mourut à
Reims, le 02 mars 986. Ce prince, qui a mérité d'être loué par tous les
historiens qui tiennent compte des circonstances dans lesquelles se trouvent ceux que la Providence appelle au trône, fut, dit-on, empoisonné par sa femme. Si l'on
juge de la probabilité des crimes par l'intérêt de ceux qui en sont soupçonnés, Emma n'empoisonna pas son
époux ; mais le parti qui voulait renverser la famille
carlovingienne avait un véritable intérêt à en répandre le bruit, afin d'ôter à cette reine tout crédit auprès de son fils. Ce n'est au reste qu'après l'extinction de la seconde dynastie qu'on a osé accuser sa mémoire d'un tel crime.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 25 - Pages 138-139)