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Sur la grotte de Voutré (Mayenne)

article du Dr René Verneau
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Cet article a paru originellement dans les Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris (Année 1879, Volume 2, N°1, pp. 503-516). Il a été ressaisi et corrigé par Histoire & Spiritualité ®.

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I

      Au mois de juillet 1878, on fit dans la commune de Voutré, département de la Mayenne, une découverte des plus imprévues. Un propriétaire avait fait démolir une vieille maison, située dans le bourg de la localité, et avait l'intention de se faire reconstruire, sur le même emplacement, une habitation nouvelle. Dans ce but, il mit à l'œuvre des ouvriers, qui commencèrent à creuser les caves. Arrivés à 1,50 m environ au-dessous du sol, ils virent le terrain s'effondrer tout à coup, et purent ensuite constater que l'éboulement s'était produit à travers un puits vertical, étroit et à parois irrégulières, qui aboutissait inférieurement dans une grotte, close de toutes parts et complètement inconnue dans le pays.
      Quelques jours après l'éboulement dont il vient d'être question, MM. E. Perrot, E. Moreau et A. Kuntz se transportèrent à Voutré avec l'intention d'explorer la grotte, mise accidentellement à découvert. Ces messieurs furent assez heureux pour recueillir un certain nombre d'objets, dont il sera question un peu plus loin et qui figurent aujourd'hui dans les collections du musée de Laval. M. Œhlert, le conservateur de ces collections, m'a communiqué, avec le plus grand empressement, les objets trouvés, et l'un des explorateurs, M. E. Moreau, voulut bien m'envoyer une note très détaillée sur la grotte et la position relative des ossements et des poteries qu'ils y rencontrèrent.


II

      Le bourg de Voutré est bâti presque au fond d'une vallée qui livre passage à la ligne de Paris à Brest. Le fond de cette vallée est occupé, un peu au nord du chemin de fer, par un petit ruisseau. Au-delà du ruisseau, le terrain s'élève progressivement vers le nord jusqu'au sommet des Coëvrons, dont la chaîne domine le bourg et qui sont formés en cet endroit de calcaire plus ou moins dolomitique, d'eurite, de pétrosilex, de porphyre, etc. (altitude au signal de Voutré : 292 mètres ; un peu plus à l'est : 334 mètres).
      C'est à la base des Coëvrons, près du ruisseau et dans un endroit où la pente est encore fort peu sensible, qu'est creusée la caverne. Le puits qui lui donne accès s'est formé dans une partie terreuse, sans doute par éboulements successifs. Son sommet, en forme de cloche, se trouvait à environ 1,50 m au-dessous du sol, et c'est le creusement accidentel de la cave qui l'a mis à découvert. Les parois sont irrégulières ; sa profondeur est d'environ 6 mètres et il débouche à la voûte de la grotte.
      La grotte, très accidentée, est formée de calcaire légèrement magnésien. A sa voûte sont suspendus de gros blocs, en apparence peu solides, et des éboulis rocheux jonchent le sol, qui est des plus irréguliers. Sous le puits s'est formé un cône de terre au sommet duquel on prend pied en descendant. Ce cône couvre une grande partie de la grotte, dont les deux points les plus bas sont occupés par l'eau. La nappe liquide est transparente et sujette à des variations de niveau ; comme les infiltrations de la voûte sont peu abondantes, il y a donc tout lieu de conclure à l'existence d'une source ou d'un petit cours d'eau, traversant la grotte, dont le fond est d'ailleurs à peu près au même niveau que le ruisseau de la vallée.
      Des deux nappes d'eau, l'une, la plus grande, est située presque au pied du puits ; le cône de déjection y plonge par sa base. L'autre, plus petite, se trouve au sud-ouest, à la partie la plus reculée de la caverne ; elle est encaissée, comme un petit bassin, entre de gros blocs de rochers à pic.
      La caverne offre quelques traces de stalactites.
      Deux couloirs, obstrués maintenant et dans lesquels un homme a peine à introduire la tête, s'ouvrent au niveau du sol. Un troisième débouche dans un petit diverticulum de forme ovoïde, creusé dans la roche et absolument vide.
      Actuellement la grotte n'a qu'un seul accès, le puits vertical. L'entrée ancienne était-elle un couloir horizontal débouchant vers le ruisseau ? Sans nier absolument la possibilité du fait, nous remarquerons seulement que la pente de la vallée est en cet endroit si douce, qu'un effort de raisonnement peut seul amener l'imagination à s'y figurer l'entrée d'un couloir. La voûte de la caverne présente, il est vrai, plusieurs fissures dont l'une au moins serait assez large pour livrer passage à un homme. Cette fissure qui aboutissait à peu de distance du sol, non loin du petit bassin, est maintenant obstruée par des terres et des rochers amoncelés. C'est de ce côté probablement que doit être cherchée l'ancienne entrée.
      Quoi qu'il en soit, la grotte a dû offrir, à toutes les époques, un accès difficile et un sol inégal. L'obscurité y régnait presque complètement et les pierres qui se détachaient de la voûte en rendaient, autrefois comme aujourd'hui, le séjour dangereux ; elle constituait une habitation peu agréable et peu sûre (1).


III

      Les premières personnes qui descendirent dans la grotte trouvèrent le sol parsemé d'ossements d'animaux qui gisaient soit à la surface, soit mélangés aux terres. M. Gaudry y a reconnu le chien, l'agneau, le cochon de lait, le renard, le bœuf et autres espèces appartenant à l'époque actuelle.
      Dans un éboulis rocheux on recueillit quelques os longs humains, bien conservés, et des fragments de poteries dont quelques-uns paraissent faits au tour (?), mais dont le plus grand nombre, épais, spongieux, friables et mal cuits, décorés d'ornements grossiers obtenus par l'application de l'ongle, d'un os brisé, etc., offrent tous les caractères des poteries néolithiques. Aucun vase n'a été trouvé intact.
      Le 16 juillet 1878, aussitôt que la découverte de la grotte leur fut connue, MM. Perrot, Moreau et Kuntz partirent de Laval pour l'étudier. Plus tard elle fut visitée de nouveau par un de nos plus habiles explorateurs, M. Chaplain-Duparc, qui venait de consacrer deux années à fouiller dans le pays même la grotte de Saulges-Thorigné (Mayenne).
      Le 16 juillet, en examinant le petit bassin, les trois premiers explorateurs aperçurent au fond de l'eau des ossements qu'ils purent recueillir à la main et pièce par pièce, malgré la difficulté des lieux. C'était un squelette humain entier, moins quelques vertèbres et les petits os des pieds et des mains qui n'ont pu être retrouvés. Les os étaient en bon état de conservation et recouverts, à leur partie supérieure, d'une fine couche de limon rougeâtre.
      Le squelette gisait dans l'eau. Il était étendu sur un fond assez inégal de grosses pierres, à plat ventre, les jambes allongées et dans leurs relations anatomiques, les bras ramenés en arrière le long du corps. Mais la tête et le tronc étaient engagés dans un trou presque vertical. Le crâne se trouvait au fond, le trou occipital en haut ; au-dessus, empilés dans leur ordre naturel, on recueillit la mâchoire inférieure, les omoplates, quelques vertèbres, les clavicules, les humérus, les côtes et le bassin. Les radius et les cubitus étaient ramenés en arrière et étendus près des fémurs. Les parties absentes du squelette ont sans doute glissé entre les blocs de rochers et elles doivent se trouver au fond de l'eau, où il a été impossible de les aller chercher.
      La position du squelette est certes des plus bizarres, tout à la fois naturelle et forcée. Les bras et les jambes étaient bien allongés dans l'attitude du repos, mais le sujet se trouvait dans l'eau, à plat ventre, la tête en bas et dans un trou. Rien ne fait donc supposer une sépulture et l'on songerait bien plutôt à une mort violente.
      Quel que soit le genre de mort auquel ait succombé l'individu dont les restes ont été trouvés dans la grotte de Voutré, la question ne présente en somme qu'une médiocre importance. Mais ce qu'il serait intéressant de déterminer avec précision, c'est l'époque à laquelle vivait cet individu. Fut-il contemporain des poteries recueillies à côté de lui et, par suite, un représentant de ces races qui vivaient dans le centre de la France à la fin de la période néolithique, ou bien a-t-il vécu à une époque plus récente ?
      Malgré les doutes qui ont pu surgir dans l'esprit de quelques personnes, il nous est impossible d'admettre que l'homme de Voutré ait pénétré dans la grotte à une époque récente. En effet, par où serait-il entré ? L'inspection des lieux montre que les couloirs qui ont pu donner accès dans la caverne sont obstrués depuis longtemps et les gens du pays n'en ont pas gardé le moindre souvenir dans leurs traditions.
      On a dit que l'individu avait pu tomber à travers le puits vertical qui s'ouvre actuellement au sommet de la grotte ; mais cette hypothèse n'est pas admissible. Supposons, en effet, un instant que les poteries, les ossements humains, etc., aient pénétré accidentellement dans la grotte à travers le puits ; il faudrait admettre que cette ouverture s'est fermée il y a longtemps, puisqu'on n'a trouvé dans la grotte ni poteries, ni aucun objet de date récente, et dans ce cas on serait forcé de reconnaître l'ancienneté du squelette aussi bien que dans l'autre cas.
      Mais, venons-nous de dire, l'hypothèse de la pénétration accidentelle des objets dans la caverne à travers le puits n'est pas admissible. Dans cette hypothèse, le cadavre devait rester dans l'endroit où il était tombé, c'est-à-dire juste au-dessous de l'ouverture verticale ; c'est là qu'on aurait retrouvé les ossements, et non point à l'extrémité de la grotte.
      Il est une dernière raison, bien autrement spécieuse que les précédentes : les objets trouvés dans la grotte n'ont pas pu y pénétrer par l'ouverture verticale, parce que cette ouverture n'existait pas. Comme le fait remarquer M. Moreau, le puits s'est formé naturellement et petit à petit. Dans la voûte de la grotte existait une partie terreuse, moins compacte que les autres ; les eaux, en filtrant à travers les différentes couches de terrain, produisirent des éboulements dans la partie la moins solide. L'ouverture se creusa lentement par ce procédé, et au mois de juillet 1878 elle n'était pas encore complète : il restait au sommet du puits un banc d'une certaine épaisseur qui ne s'est effondré que lorsque les ouvriers en eurent diminué l'épaisseur par le haut.
      Le monticule formé au-dessous du puits, et sur lequel les explorateurs prirent pied lorsqu'ils pénétrèrent dans la grotte, montre bien que les choses se sont passées comme nous venons de le dire. Ce monticule résulte tout simplement de l'accumulation des terres et des roches de diverses natures qui se sont effondrées dans les différents éboulements : les terres se sont entassées dans le point même où elles tombaient, c'est-à-dire juste au-dessous de l'ouverture qui se creusait. Si l'entrée avait existé anciennement de ce côté-là, si le puits avait été creusé avant l'époque où la grotte a été fréquentée par des êtres humains, le monticule aurait-il existé à l'arrivée de MM. Moreau, Kuntz et Perrot ? N'est-il pas plus simple de penser que les premiers hommes qui ont utilisé la caverne de Voutré eussent, en nivelant le sol, fait disparaître le monticule qui rendait la grotte peu commode ? Toutes ces raisons nous ont amené à la conviction que le puits vertical par lequel les explorateurs pénétrèrent dans la grotte venait à peine de s'ouvrir et que, par suite, les objets qu'ils recueillirent dans leur exploration n'avaient pas pu pénétrer là, à une époque récente, par une ouverture qui n'existait pas. La véritable entrée de la grotte est bouchée depuis fort longtemps et puisque la tradition ne nous dit rien à ce sujet, nous sommes obligé d'interroger les différents objets trouvés pour savoir à quelle époque la caverne de Voutré était accessible à l'homme et a été fréquentée par lui.


IV

      Parmi les objets trouvés dans la grotte, il n'est guère que les poteries qui puissent nous donner quelques renseignements sur l'époque à laquelle a dû être habitée cette caverne. Les ossements des animaux, qui sont tous de l'époque actuelle, ne nous apprennent rien à cet égard. Peut-être le crâne de chien aurait-il pu nous fournir quelques indices, mais les zootechnistes et les paléontologistes auxquels je l'ai présenté n'ont pas voulu se hasarder à en déterminer la race.
      Parmi les fragments de poteries que j'ai eus entre les mains, il en est sept qui m'ont semblé plus caractéristiques que les autres ; je les ai dessinés, et ce sont les croquis de ces fragments que je mets sous les yeux de la Société. A première vue, vous remarquerez que les vases de la grotte de Voutré étaient de petites dimensions, et que, par la forme et les ornements, ils rappellent tout à fait les vases des dolmens. Sur deux d'entre eux se voit une ornementation en chevrons ; quatre autres ne présentent que des lignes circulaires, plus ou moins parallèles, gravées en creux dans la pâte ; le septième offre, au niveau de sa partie renflée, deux lignes circulaires distantes de 8 à 9 millimètres, et, dans l'intervalle de ces deux lignes, une série de lignes obliques à peu près parallèles, tracées au pointillé et éloignées de quelques millimètres seulement les unes des autres.
      Quelques-uns de ces fragments, le numéro 1 entre autres, présentent des formes assez régulières pour qu'on soit tenté de croire que les vases dont ils proviennent ont été faits au tour. Mais un examen attentif fait abandonner cette idée.
      La pâte des vases les plus réguliers est assez homogène, compacte et dure. Les autres sont, au contraire, friables et renferment une foule de petits fragments de substances calcaires.
      En somme, ces poteries se rapprochent les unes des autres par leur couleur noirâtre, par leurs formes et par le genre d'ornementation ; mais elles semblent pourtant se rapporter à deux époques quelque peu différentes, puisqu'il en est parmi elles de mieux cuites, de plus régulières et de plus finies. Pour moi, je n'hésite point à dire que les poteries de Voutré remontent à la fin de l'époque néolithique ou au commencement de l'âge du bronze. M. de Mortillet, autant qu'il lui a été possible de se prononcer en n'ayant sous les yeux que de mauvais dessins, est venu me confirmer dans cette opinion.
      C'est également à cette conclusion que va nous conduire l'examen du squelette humain et notamment du crâne.
      Squelette — En évaluant la taille d'après la longueur des os longs et en prenant pour base de cette évaluation les tableaux de Quételet, on arrive, pour l'homme de Voutré, à un chiffre qui dépasse sensiblement la moyenne : sa taille devait atteindre 1,72 m au minimum. Voici les dimensions que nous ont présentées les os longs :

  Droit Gauche     Droit Gauche
Humérus 330 338   Fémur " 443
Cubitus 84 "   Tibia 384 "
Radius 260 265   Péroné " 376


II n'y a que les humérus et les radius que nous ayons pu mesurer des deux côtés ; on remarquera que, pour ces deux os, les dimensions du côté gauche l'emportent notablement sur celles du côté droit.
      Nous signalerons sur ces os longs les particularités suivantes : le cubitus est fortement incurvé en dehors dans son tiers inférieur ; les coulisses du radius sont très prononcées. La ligne âpre du fémur forme une saillie tout à fait comparable à celle qu'on observe sur les fémurs de Cro-Magnon ; la ligne externe de la bifurcation supérieure de cette ligne âpre fait une saillie de 3 millimètres environ. Le tibia est aplati : vers la partie moyenne, il présente 23 millimètres d'épaisseur ; son bord antérieur est très tranchant. Les particularités que nous venons de signaler sur les os longs accusent chez l'homme de Voutré une grande vigueur physique. L'examen des autres os nous conduirait au même résultat. L'omoplate, par exemple, offre des empreintes musculaires très fortes ; son épine est très recourbée et se termine par un acromion notablement plus large qu'il ne l'est en général (largeur maxima : 32 millimètres).
      Je bornerai là ce que je voulais dire du squelette, abstraction faite de la tête. Étudions maintenant cette partie.
      Le crâne frappe au premier abord par ses grandes dimensions en largeur et en longueur ; mais son diamètre vertical basilo-bregmatique n'est que de 126 millimètres, de sorte que la capacité crânienne n'est pas aussi considérable qu'on serait tenté de le croire au premier coup d'œil. Cette capacité dépasse cependant la moyenne ; nous n'avons pas osé la mesurer directement, dans la crainte d'endommager la pièce qui nous avait été confiée ; mais en employant la méthode de l'indice cubique, nous avons trouvé le chiffre de 1642 centimètres cubes.
      Vu d'en haut, le crâne présente une forme ovoïde et semble un peu plus étroit en avant qu'en arrière ; son plus grand diamètre transverse se trouve à la partie postérieure des écailles temporales ; les bosses pariétales sont peu distinctes ; les pariétaux sont plus renflés en avant qu'en arrière. L'indice céphalique est de 76,02.
      En examinant la tête de profil, on voit le front s'élever presque verticalement ; puis la courbe s'infléchit brusquement vers le tiers postérieur du coronal et se continue à peu près horizontalement jusqu'à la réunion des deux tiers antérieurs avec le tiers postérieur des pariétaux. A ce niveau, la courbe change une autre fois brusquement de direction. La courbe occipitale est relativement très petite (courbe occipitale supérieure, 77 ; totale, 119).
      Enfin, si l'on regarde la base, on la trouve très réduite en comparaison des autres régions de la tête ; la distance entre les deux apophyses mastoïdes n'est que de 88 millimètres. Ce rapprochement des apophyses mastoïdes ne tient nullement à ce qu'elles sont obliques en bas et en dedans ; elles sont, au contraire, verticales et présentent des dimensions énormes. Les condyles de l'occipital offrent une particularité ; ils sont décomposés en deux surfaces distinctes dont la postérieure est profondément creusée.
      En somme, le crâne de Voutré, considéré dans son ensemble, est long (196 millimètres) et large (149 millimètres). Par son indice céphalique, il rentre dans les sous-dolichocéphales. Si sa capacité, tout en étant remarquable, n'atteint pas le chiffre qu'on serait tenté de lui assigner en ne tenant compte que des diamètres antéro-postérieur et transverse et de la courbe transverse supérieure, qui atteint 317 millimètres, cela tient à ce que la base est étroite en même temps qu'aplatie.
      Si nous passons rapidement en revue les différentes parties du crâne considérées isolément, nous trouvons le front relativement étroit en avant, mais assez large en arrière ; il offre une courbure avantageuse, attendu que la courbe frontale s'élève à 138 millimètres La coupe pariétale est elle-même grande (142 millimètres), et si nous tenons compte du petit développement de la courbe occipitale, nous devrons conclure que la dolichocéphalie est exclusivement fronto-pariétale.
      Les ailes du sphénoïde sont renflées et présentent un développement considérable, de sorte que, sur les parties latérales, elles s'étalent entre le frontal et le pariétal, qui sont séparés par un intervalle de 25 millimètres d'un côté et de 29 millimètres de l'autre.
      Nous avons déjà dit que l'écaillé occipitale est petite; elle est en même temps triangulaire. La ligne courbe occipitale supérieure est bien dessinée ; la protubérance externe, de forme triangulaire, offre une surface considérable, mais forme un relief modéré. La région cérébrale de l'occipital est un peu comprimée latéralement ; la région cérébelleuse est peu renflée, sans être cependant extrêmement aplatie.
      Il nous suffira d'ajouter, pour terminer la description du crâne, que les sutures sont compliquées ; les deux coronales s'oblitèrent, la sagittale est soudée par places, et la partie supérieure du lambda est presque entièrement fermée.
      La face, considérée dans son ensemble, est assez large et peu élevée ; la tête est donc, jusqu'à un certain point, dysharmonique. Pas de prognathisme. La glabelle est tout en saillie ; les arcs sourciliers sont bien dessinés, quoique moyens. Les yeux sont presque aussi hauts que larges (largeur, 40 ; hauteur, 39) ; le nez, long et étroit, rentre tout à fait dans les leptorhiniens (indice, 43,85) ; les pommettes, tout en étant bien dessinées, ne font pas de saillie en dehors. Toutes les dents sont en place ; la voûte palatine présente des dimensions médiocres, si nous en exceptons la profondeur.
      Le maxillaire inférieur est lourd, le menton volumineux, triangulaire, un peu pointu ; la branche montante, haute et assez étroite, offre cependant une épaisseur et une robusticité remarquables.
      Dans le tableau suivant, nous avons donné les principales dimensions du crâne de Voutré ; nous avons mis en regard les dimensions correspondantes d'un crâne qui a été trouvé dans une sépulture néolithique à Brézé (Maine-et-Loire) et dont nous avons entretenu la Société en 1877. Le crâne de Brézé était plus allongé et présentait très accusés tous les caractères de cette dolichocéphale néolithique dont on a parlé à plusieurs reprises.

CRÂNE
    Individu de Voutré Individu de Brézé
Diamètres Antério-postérieur maximum 196 189
Iniaque 182 175
Traversée maximum 149 137
Bitemporal 144 "
Biauriculaire 124 112
Bimastoïdien 88 98
Frontal maximum 118 114
Frontal minimum 96 92
Vertical basilo-bregmatique 126 136
Occipital maximum 109 106
Courbes Frontale cérébrale 114 110
Frontale totale 138 125
Pariétale 142 123
Occipitale supérieure 77 93
Occipitale totale 119 133
Transverse supérieure 317 303 (?)
Transverse totale 446 435 (?)
Horizontale antérieure 267 220
Horizontale totale 549 519
Trou occipital longueur 35 34
largeur 34 29
Ligne naso-basiliaire 97,5 104


INDICES
Céphalique 76 72,48
Vertical 64,28 71,95


FACE
  Individu de Voutré Individu de Brézé
Diamètre biorbitaire externe 105 98
Diamètre biorbitaire interne 98,5 89
Distance interorbitaire 26 24 (?)
Distance des deux trous sous-orbitaires 56 47 (?)
Diamètre bimalaire 91 86 (?)
Diamètre bizygomatique maximum 134 (?) 122 (?)
Diamètre bimaxillaire minimum 69 60 (?)
Nez - Longueur totale 57 50
Nez - Largeur maxima 25 22
Orbites - Largeur 40 37 (?)
Orbites - Hauteur 39 31
Voûte palatine - Longueur 54 "
Voûte palatine - Largeur en arrière 40 "
Voûte palatine - Largeur en avant " "
Hauteur de la face 77 82


INDICES
Facial 57,48 67,21
Orbitaire 83,78 97,50
Nasal 43,85 44,00


      On voit, en somme, que le crâne de Voutré, tout en conservant des analogies avec le véritable type néolithique, s'en éloigne cependant par un certain nombre de caractères, qui sont :
      1° Largeur, relativement plus grande ;
      2° Base réduite dans tous les sens, de même que la région occipitale ;
      3° Diamètre vertical basilo-bregmatique très faible.
      Si nous comparions maintenant le crâne de la Mayenne aux différents crânes de l'âge du bronze, nous trouverions aussi des affinités frappantes. Pour ne pas nous laisser entraîner trop loin, nous nous bornerons à constater que par ses courbes, par la forme de la voûte en général, et surtout par la forme du front, le crâne de Voutré offre de grandes ressemblances avec les crânes de l'âge du bronze qui ont été trouvés à Boulogne-sur-Mer.
      Comme nous le disions plus haut, le crâne, de même que les poteries, présente donc en même temps des caractères de la fin de la pierre polie et des caractères de l'âge du bronze.
      Il me reste, en terminant, à remercier les explorateurs de la grotte de Voutré d'avoir bien voulu me faire part de leur découverte. Nous n'avons encore sur les populations déjà fort mélangées de l'époque néolithique et de l'époque du bronze que des notions assez vagues, et il me semble désirable de tirer profit de toutes les découvertes qui peuvent se produire.


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(1)  Cette description de la grotte, de même que la nomenclature des objets trouvés et l'indication de leur position relative, est de M. E. Moreau. J'ai copié textuellement la note qu'il a bien voulu m'envoyer.




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