Pierre Commelin
Si le
Chaos, la Nuit, l'
Erèbe ont pu s'unir
et procréer, c'est par l'intervention d'une puissance divine,
éternelle comme les
éléments du
Chaos lui-même,
par l'intervention manifeste d'un
dieu qui, sans être, à
vrai dire, l'
amour, a cependant avec lui quelque conformité.
En grec, ce
dieu antique, ou plutôt antérieur
à toute antiquité, s'appelle
Eros. C'est lui qui
inspire
ou produit cette invisible et souvent inexplicable sympathie entre
les êtres, pour les unir et en procréer de nouveaux.
La puissance d'
Eros s'étend au-delà de la nature vivante
et animée : elle rapproche, unit, mélange, multiplie, varie
les espèces d'
animaux, de végétaux, de minéraux,
de liquides, de fluides, en un mot de toute la création.
Eros est donc le
dieu de l'union, de l'affinité universelle
: aucun être ne peut se soustraire à son
influence
ou à sa
force : il est invincible.
Cependant, il a pour adversaire dans le monde
divin
Antéros, c'est-à-dire l'antipathie, l'aversion. Cette
divinité possède tous les attributs contraires à
ceux du
dieu Eros : elle sépare, désunit, désagrège.
Peut-être aussi salutaire qu'
Eros, aussi forte et aussi puissante
que lui, elle empêche les êtres de nature dissemblable
de se confondre : si parfois elle sème autour d'elle la
discorde
et la haine, si elle nuit à l'affinité des
éléments,
du moins l'hostilité qu'elle crée entre eux les contient
chacun dans des bornes fixes, et ainsi la nature ne peut retomber
dans le
chaos.
Pierre Commelin, Mythologie grecque et romaine, pp. 4-5.