Dom Antoine-Joseph Pernéty Fille de
Saturne et d'
Ops, et sur de Jupiter et de
Neptune, de
Pluton et de
Junon.
Cérès fut regardée comme mère de
Plutus et de
Proserpine ;
Pluton enleva celle-ci et la constitua Reine des Enfers. Voyez cette
fable et son explication Chymique dans les
Fables
Egyptiennes et Grecques dévoilées, livre 4, chap. 2 et 3.
Dom Antoine-Joseph Pernety, Dictionnaire mytho-hermétique, Edition de 1758 - Français modernisé par France-Spiritualités.
Pierre Commelin
Cérès, fille de
Saturne et d'
Ops, ou
de
Vesta, ou de
Cybèle, apprit aux hommes l'art de cultiver
la terre, de semer, de récolter le blé, et d'en faire
du pain, ce qui l'a fait regarder comme la déesse de l'agriculture.
Jupiter, son
frère, épris de sa beauté, eut
d'elle
Perséphone ou
Proserpine. Elle fut aussi aimée
de
Neptune, et, pour échapper à sa poursuite, elle
se changea en jument. Le
dieu s'en aperçut et se métamorphosa
en
cheval. Les
amours de
Neptune la rendirent mère du
cheval
Arion.
Honteuse de la violence que lui avait faite
Neptune, elle prit le deuil et se retira dans une grotte, où
elle séjourna si longtemps que le monde était en danger
de mourir de faim, parce que, durant son absence, la terre était
frappée de stérilité. Enfin
Pan, étant
à la chasse en
Arcadie, découvrit sa retraite, et
en informa Jupiter, qui, par l'intervention des
Parques, l'apaisa
et la rendit au monde privé de ses bienfaits.
Les Phigaliens, en
Arcadie, lui dressèrent
une statue de
bois dont la tête était celle d'une jument
avec sa crinière d'où sortaient des
dragons. On l'appelait
la
Cérès noire. Cette statue, ayant été
brûlée par accident. les Phigaliens négligèrent
le culte de
Cérès, et furent punis d'une affreuse
disette, qui ne cessa pas avant que, sur le conseil d'un oracle,
la statue fût rétablie.
Pluton ayant enlevé
Proserpine,
Cérès,
inconsolable, se plaignit à Jupiter ; mais, peu satisfaite
de la réponse, elle se mit à la recherche de sa fille.
Les uns racontent qu'elle était montée sur un char
traîné par des
dragons ailés, et qu'elle tenait
à la main un flambeau allumé au
feu de l'
Etna ; d'autres
disent qu'elle allait à pied çà et là,
de contrées en contrées. Après avoir couru
pendant tout le
jour, elle allumait un flambeau, et continuait sa
course pendant la nuit.
Cérès s'arrêta d'abord
à
Eleusis. Dans les campagnes voisines de cette ville, on
voyait une pierre sur laquelle la déesse s'était assise,
accablée de douleur, et qu'on nommait la
pierre triste.
On montrait aussi un puits près duquel elle s'était
reposée. A Athènes, elle fut accueillie par Céléus,
et reconnut son hospitalité en enseignant à Triptolème,
son fils, l'art de l'agriculture. De plus, elle lui donna un char
traîné par deux
dragons, l'envoya par le monde pour
y établir le labourage, et le pourvut de blé à
cet effet. Ensuite elle fut reçue par Hippothoon et sa femme
Méganise, mais refusa le vin qu'ils lui offraient, comme
ne convenant pas à sa tristesse et à son deuil.
Passant en
Lycie, elle changea en grenouilles
des paysans qui avaient troublé l'
eau d'une fontaine où
elle voulait étancher sa soif. Un fait identique est attribué
par certains poètes à la déesse
Latone.
Enfin, après avoir parcouru le monde
sans rien apprendre de sa fille, elle revint en
Sicile, où
la nymphe
Aréthuse l'informa que
Proserpine était
femme de
Pluton et reine des Enfers.
En
Sicile, tous les ans, en commémoration
du départ de
Cérès pour ses longs voyages,
les insulaires, voisins de l'
Etna, couraient la nuit avec des flambeaux
allumés et en poussant de grands cris.
En Grèce, les Démétries,
Céréales, ou fête de
Cérès, étaient
nombreuses. Les plus curieuses étaient assurément
celles où les adorateurs de la déesse se fustigeaient
mutuellement avec des fouets faits d'écorce d'
arbres. Athènes
avait deux fêtes solennelles en l'honneur de
Cérès,
l'une nommée
Eleusinia, l'autre
Thesmophoria.
Elles avaient été instituées, disait-on, par
Triptolème. On
immolait des porcs, à cause du dégât
qu'ils causent aux biens de la terre, et l'on y faisait des
libations
de vin doux.
Ces fêtes furent introduites
plus tard à Rome : elles étaient célébrées
par les
dames romaines vêtues de blanc. Les hommes même, simples spectateurs,
s'habillaient d'étoffes blanches. On croyait que ces fêtes, pour
être agréables à la déesse, ne devaient pas être
célébrées par des gens en deuil. C'est pour cette raison
qu'elles furent omises l'année de la bataille de
Cannes.
Outre le porc, la truie ou la laie,
Cérès
agréait aussi le
bélier comme victime. Dans ses solennités,
les guirlandes dont on faisait usage étaient de
myrte ou
de narcisse ; mais les
fleurs étaient interdites, parce que
c'était en cueillant des
fleurs que
Proserpine avait été
enlevée par
Pluton. Le pavot seul lui était consacré,
non seulement parce qu'il croît au milieu des blés,
mais aussi parce que Jupiter lui en fit manger pour lui procurer
du sommeil, et par conséquent quelque trêve à
sa douleur.
En
Crète, en
Sicile, à
Lacédémone
et dans plusieurs autres villes du
Péloponnèse, on
célébrait périodiquement les
Eleusinies,
ou mystères de
Cérès. Mais ce sont les mystères
d'
Eleusis qui ont le plus de célébrité. D'
Eleusis
ils passèrent à Rome, où ils subsistèrent
jusqu'au règne de Théodose. Ces mystères étaient
divisés en grands et en petits. Les petits mystères
étaient une préparation aux grands mystères
; ils se célébraient près d'Athènes,
sur les bords de l'Ilissus. Ils conféraient une sorte de
noviciat. Après un certain laps de temps plus ou moins long,
le novice était
initié aux grands mystères,
dans le temple d'
Eleusis, et pendant la nuit. Quatre ministres présidaient
aux cérémonies de l'
initiation. Le premier était
l'
Hiérophante, ou celui qui révèle les
choses sacrées ; le second, le
Dodonque, ou chef des
Lampadophores ; le troisième, l'
Hiérocéryce,
ou chef des
hérauts sacrés ; le quatrième,
l'
Assistant à l'
autel, dont l'habillement
allégorique
représentait la
lune. L'archonte-roi d'Athènes était
le surintendant des fêtes d'
Eleusis. Les ministres subalternes
étaient fort nombreux et distribués en plusieurs classes,
suivant l'importance de leurs mystérieuses fonctions. Les
fêtes d'
Eleusis duraient neuf
jours, chaque année,
dans le mois de septembre. Pendant ces neuf
jours, les tribunaux
étaient fermés.
Les Athéniens faisaient
initier leurs
enfants aux mystères d'
Eleusis, dès le berceau. Il
était interdit, même aux femmes, de se faire mener
au temple en voiture ou en chariot. Les
initiés se considéraient
comme placés sous la tutelle et la protection de
Cérès
: on leur faisait espérer une félicité sans
bornes.
Dans ces mystères, les cérémonies étaient
sans doute emblématiques : on suppose qu'elles avaient trait uniquement
aux évolutions des astres, à la succession des saisons et à
la marche du
soleil. Le silence étant
religieusement observé par
les
initiés, on en est réduit à de pures hypothèses.
Cérès est habituellement représentée
sous l'aspect ne belle femme, d'une taille majestueuse, d'un teint
coloré : elle a les yeux langoureux, et les
cheveux blonds
retombant en désordre sur ses épaules.
Outre une
couronne d'épis
de blé, elle porte un
diadème très élevé. Parfois
elle est couronnée d'une guirlande d'épis ou de pavots,
symbole
de la fécondité. Elle a la poitrine forte, les seins gonflés
; elle tient de la main droite un faisceau d'épis, et de la gauche une
torche ardente. Sa robe tombe jusque sur les pieds, et souvent elle porte un voile
rejeté en arrière.
Parfois on lui donne
un sceptre ou une faucille : deux petits
enfants, attachés à son
sein et tenant chacun une corne d'abondance, indiquent assez la nourrice du genre
humain. Elle porte une draperie de teinte jaune,
couleur des blés mûrs.
Icrelle est représentée dans l'attitude triomphante
de la déesse des moissons. Elle est entièrement vêtue,
symbole
de la
Terre qui dérobe aux yeux sa
force fécondante et ne laisse
voir que ses productions. De la main droite, elle retient son voile sur l'épaule
gauche ; de l'autre main, elle serre contre elle un bouquet des champs : sa
couronne
d'épis est placée sur une chevelure artistement dressée,
et elle porte vers le
ciel un regard satisfait avec une expression de reconnaissance
pour les autres
dieux qui l'ont secondée.
Son
char est attelé de
lions ou de
serpents.
Sur ses monuments, elle est appelée
le plus souvent
Magna Mater,
Mater Maxima (
Mère
puissante,
très puissante Mère) ; on l'appelle
aussi
Ceres deserta (
Cérès l'abandonnée),
ou
tædifera (
porte-flambeau),
thesmophoros
ou
legifera (
législatrice), parce qu'on attribuait
à cette déesse l'invention des lois. Par ses attributs,
elle rappelle l'lsis égyptienne.
Pierre Commelin, Mythologie grecque et romaine, pp. 47-53.