Dom Antoine-Joseph Pernéty Dans le sens des Chymistes vulgaires, c'est le nitre ; mais les Philosophes entendent bien autre chose par le
Cerbère de la
Fable. Les Poètes Philosophes ont imaginé qu'un
chien à trois têtes, la
gueule béante, gardait la porte des Enfers, et qu'il y était enchaîné par une chaîne triple. Les Alchymistes prétendent que toutes les
fables des anciens Poètes ne sont que des
énigmes, dont ils se sont servis pour cacher les opérations de la pierre philosophale. Ils disent en conséquence qu'il faut entendre par
Cerbère ce
chien à trois têtes, ou la matière de la pierre philosophale composée de sel, de soufre et de mercure, renfermée dans le triple vase des Philosophes, qui sont les trois chaînes qui lient
Cerbère; ou que la matière est
elle-même le palais de
Pluton,
Dieu des Enfers, et que le triple vaisseau est le
chien à trois têtes qui garde la porte du palais et en empêche l'entrée. Cette dernière explication me paraît plus vraisemblable; car il est dit que
Cerbère vomissait du
feu ; ce qui est le propre des
fourneaux. On ne doit pas cependant entendre par là que les
fourneaux des Alchymistes vomissent du
feu comme ceux des Chymistes ordinaires ; car le
feu de la Philosophie Spagyrique n'est pas le
feu vulgaire, mais le
feu de la nature, un
feu
qui échauffe sans
brûler. Et qui connaîtra ce
feu, et la manière de le graduer, est bien avancé dans la science
Hermétique. Que celui qui veut étudier cette science ait donc
Hercule, et sache le marier à propos avec
Thésée son
compagnon inséparable, il aura bientôt le secret des trois règnes.
Dom Antoine-Joseph Pernety, Dictionnaire mytho-hermétique, Edition de 1758 - Français modernisé par France-Spiritualités.
Pierre Commelin
Cerbère,
chien à trois têtes, au cou hérissé de
serpents, issu du
géant Typhon et du monstre Echidma, était le
frère d'Orthus, de la
Chimère, du
Sphinx, de l'
Hydre de Lerne et du
Lion de
Némée. Ses dents noires, tranchantes, pénétraient jusqu'à la moelle des os, et injectaient dans leur morsure un poison mortel. Couché dans un antre, sur la rive du
Styx, où il était attaché avec des liens de
serpents, il gardait la porte des Enfers et du palais de
Pluton. Il caressait les ombres qui entraient, et menaçait de ses aboiements et des trois gueules béantes celles qui voulaient en sortir.
Hercule l'enchaîna lorsqu'il retira
Alceste des Enfers, et l'arracha du trône de
Pluton sous lequel il s'était réfugié.
En Thessalie, et dans différents pays de la Grèce, on montrait des cavernes par où, disait-on,
Hercule avait amené sur la terre ce monstre infernal. Mais,
selon la croyance ou la
légende populaire la plus répandue,
c'était par la caverne du cap Ténare, en
Laconie,
que
Cerbère, enchaîné et têtes basses,
était venu à la suite de son vainqueur. En ce lieu,
et en souvenir de cette victoire, on avait élevé un
temple à
Hercule, après avoir comblé le souterrain.
Orphée endormit
Cerbère au son
de sa lyre lorsqu'il alla chercher
Eurydice ; la
Sibylle de Cumes
l'endormit aussi avec une pâte assaisonnée de miel
et d'opium lorsqu'elle conduisit
Enée aux Enfers.
Sur les médailles, les monnaies et les
vases antiques,
Cerbère accompagne toujours
Pluton ; mais
c'est dans les liens ou entre les mains d'
Hercule que les peintres
et les sculpteurs l'ont le plus souvent représenté.
Pierre Commelin, Mythologie grecque et romaine, pp. 229-230.