DIVINITES DE LA MER ET DES EAUX
L’Océan
Pour les anciens, l'Océan primitivement est un
fleuve immense qui entoure le monde terrestre.
Mans la mythologie, c'est le premier
dieu des
eaux, fils d'Uranus ou le
Ciel et de
Gaïa, c'est-à-dire la Terre ; c'est le père de tous les êtres.
Homère dit que les
dieux tiraient leur origine de l'Océan et de Téthys. Dans le même poète on voit que les
dieux allaient souvent en Ethiopie visiter l'Océan et prendre part aux fêtes et aux sacrifices qu'on y célébrait. Enfin on raconte que
Junon, dès sa naissance, fut confiée par
Rhéa, sa mère, aux soins de l'Océan et de Téthys, afin de la dérober à la cruelle voracité de
Saturne.
Océan est donc vieux comme le monde même. C'est pourquoi on le représente sous la forme d'un vieillard assis sur les ondes de la mer, avec une pique à la main et un monstre marin près de lui. Ce vieillard tient une urne et verse de l'
eau,
symbole de la mer, des
fleuves et des fontaines.
On lui offrait habituellement en sacrifice de grandes victimes, et,
avant les expéditions difficiles, on lui faisait des
libations. Il n'était pas seulement vénéré par les hommes, mais encore par les
dieux. Dans les Géorgiques de Virgile, la nymphe Cyrène, au milieu du palais du Pénée, à la source de ce
fleuve, fait un sacrifice à l'Océan ; à trois reprises différentes, elle verse le vin sur le
feu de l'
autel, et trois fois la
flamme rejaillit jusqu'à la voûte du palais, présage rassurant pour la nymphe et son fils Aristée.
Téthys et les Océanides
Téthys, fille du
Ciel et de la
Terre, épousa
l'Océan, son
frère, et devint mère de trois mille nymphes appelées les Océanides. On lui donna encore pour
enfants, non seulement les
fleuves et les fontaines, mais encore
Protée, Ethra, mère d'
Atlas, Persa, mère de
Circé, etc. On dit que Jupiter ayant été lié
et garrotté par les autres
dieux, Téthys, avec l'aide du
géant Égéon, le remit en
liberté.
Elle se nommait Téthys d'un mot grec qui signifie nourrice,
sans doute parce qu'elle est la déesse de l'
eau, matière première qui, suivant une croyance antique, entre dans, la formation de tous les
corps.
Le char de cette déesse est une conque d'une forme
merveilleuse et d'une blancheur d'ivoire nacré. Quand elle parcourt son empire, ce char, traîné par des
chevaux marins plus blancs que la neige, semble voler à la surface des
eaux. Autour d'elle les
dauphins en se jouant bondissent dans la mer ; elle est accompagnée par les
Tritons, qui sonnent de la trompette avec leurs conques recourbées, et par les Océanides couronnées de
fleurs, et dont la chevelure flotte sur leurs épaules au gré des vents.
Téthys, déesse de la mer,
épouse de l'Océan, ne doit pas être confondue avec Thétis, fille de
Nérée et mère d'
Achille. L'orthographe de ces deux noms est
d'ailleurs différente.
Nérée, Doris, et les Néréides
Nérée,
dieu marin, plus ancien que
Neptune, était, selon Hésiode, fils de l'Océan et de Téthys, ou, selon d'autres, de l'Océan et de la
Terre. Il avait épousé Doris, sa sur, dont il eut cinquante filles, appelées les Néréides.
On le représente comme un vieillard doux et pacifique, plein
de justice et de modération. Habile devin, il prédit à
Paris les malheurs que l'enlèvement d'
Hélène devait attirer sur sa patrie, et apprit à
Hercule où se trouvaient les pommes d'or qu'Eurysthée lui avait ordonné d'aller chercher.
Son séjour ordinaire est dans la mer
Egée, où il est environné de ses filles, qui le divertissent par leurs danses et leurs chants.
Les Néréides sont représentées comme de belles jeunes filles à la chevelure entrelacée de perles. Elles sont portées sur des
dauphins ou des
chevaux marins, et tiennent à la main tantôt un trident, tantôt une
couronne ou une Victoire, tantôt une branche de corail. Quelquefois on les représente moitié femmes et moitié poissons.
Neptune, en grec Pos&eaute;idon, et Amphitrite
Neptune, ou
Poséidon,
fils de Saturne et de
Rhéa, était
frère de Jupiter et de
Pluton.
Sitôt qu'il fut né,
Rhéa le cacha dans une bergerie
d'
Arcadie, et fit croire ensuite à
Saturne qu'elle avait
mis au monde un poulain qu'elle lui donna à dévorer.
Dans le partage que les trois
frères firent de l'univers,
il eut pour son lot la mer, les îles et tous les rivages.
Lorsque Jupiter, son
frère, qu'il servit toujours très fidèlement, eut vaincu les
Titans, ses terribles compétiteurs,
Neptune les tint enfermés dans l'Enfer, et les empêcha de tenter de nouvelles entreprises. Il les maintient derrière la clôture infranchissable formée par ses flots et ses rochers.
Il gouverne son empire avec un calme imperturbable. Du fond de la mer où se trouve sa paisible demeure, il a le sentiment de tout ce qui se passe à la surface des ondes. Que les vents impétueux répandent inconsidérément les vagues sur les rivages, qu'ils causent d'injustes naufrages,
Neptune apparaît et, avec une noble sérénité, fait rentrer les
eaux dans leur
lit, ouvre des canaux à travers les bas-fonds, soulève avec son trident les navires pris dans les rochers ou enfoncés dans les sables, rétablit en un mot tout le désordre des tempêtes.
Il eut pour femme Amphitrite, fille de Doris et de
Nérée. Cette nymphe refusa d'abord d'
épouser Neptune, et se cacha pour se soustraire à ses poursuites. Mais un
dauphin, chargé des intérêts de
Neptune, la trouva au pied du mont
Atlas, le persuada d'accéder à la demande du
dieu, et, pour sa récompense, fut placé parmi les astres. Elle eut de
Neptune un fils appelé
Triton et plusieurs nymphes marines : elle fut aussi, dit-on, la mère des
Cyclopes.
Le bruit de la mer, sa profondeur mystérieuse, sa puissance,
la sévérité de
Neptune qui ébranle le monde, quand
avec son trident il soulève ses énormes rochers, inspirent à
l'humanité un sentiment de crainte plutôt que de sympathie et d'
amour.
Le
dieu semblait s'en rendre compte, toutes les fois qu'il s'éprit soit
d'une divinité, soit d'une simple mortelle.
Il
avait alors recours à la métamorphose ; mais le plus souvent, dans
ses transformations mêmes, il conserva son caractère de
force et
d'impétuosité.
On le représente
changé en taureau dans ses
amours avec une fille d'Eole ; sous la forme
du
fleuve Enipée pour rendre Iphiomédie mère d'Iphialte et
d'
Otus ; sous celle d'un
bélier, pour séduire Bisaltis ; sous celle
d'un
cheval pour tromper
Cérès ; enfin sous celle d'un grand
oiseau
dans l'intrigue de Méduse, et d'un
dauphin avec Mélantho.
Son fameux différend avec
Minerve au
sujet de la possession de l'
Attique est une
allégorie transparente
où les douze grands
dieux, pris pour arbitres, indiquent
à Athènes ses destinées. Ce
dieu eut encore
un différend avec
Junon pour
Mycènes, et avec le
Soleil
au sujet de Corinthe.
La
fable veut que
Neptune,
chassé du
ciel avec
Apollon pour avoir conspiré contre Jupiter,
bâtit les murailles de
Troie, et que, frustré de son salaire, il
se vengea de la perfidie de Laomédon en renversant les murs de cette ville.
Neptune était un des
dieux les plus honorés
en Grèce et en Italie. Il y possédait un grand nombre de temples,
surtout dans le voisinage de la mer : il avait ses fêtes, ses
jeux solennels.
Ceux de l'isthme de Corinthe et ceux du Cirque de Rome lui étaient spécialement
consacrés, sous le nom d'
Hippius. Indépen-damment des
Neptunales,
fêtes qui se célébraient au mois de
juillet, les Romains consacraient
à
Neptune tout le mois de
février.

Près de l'isthme de Corinthe,
Neptune et Amphitrite avaient leurs statues non loin l'une de l'autre, dans le même temple : celle de
Neptune était d'
airain et haute de dix pieds et demie. Dans l'île
de Ténos, une des cyclades, Amphitrite avait une statue colossale, haute
de neuf coudées. Le
dieu de la mer prenait sous sa protection les
chevaux
et les navigateurs. Outre les victimes ordinaires et les
libations en son honneur,
les
aruspices lui offraient particulièrement le fiel de la victime, par
la raison que l'amertume convenait aux
eaux de la mer.
Neptune est ordinairement représenté nu, avec une longue barbe, et le trident à la main, tantôt assis, tantôt debout sur les flots de la mer, souvent sur un char traîné par deux ou quatre
chevaux,
quelquefois ordinaires, quelquefois marins, ayant la partie inférieure
du
corps terminée en queue de poisson.
Ici, on
le représente tenant son trident de la main gauche, un
dauphin de la main
droite, et posant un pied sur la proue d'un navire. Par son attitude, son
air
calme et les attributs qui l'accompagnent, il exprime visiblement sa puissance
souveraine sur les
eaux, les navigateurs et les habitants des mers.
Amphitrite est dépeinte se promenant sur les
eaux dans un char en forme de coquille, traîné par des
dauphins ou des
chevaux marins. Parfois, elle tient un sceptre d'or,
emblème de son autorité sur les flots. Les Néréides et les
Tritons forment son cortège.
Triton
Triton,
fils de Neptune et d'Amphitrite, était un demi-dieu marin : la partie supérieure de son
corps jusqu'aux reins figurait un homme nageant, la partie inférieure était celle d'un poisson à longue queue. C'était le trompette du
dieu de la mer qu'il précédait toujours, en annonçant son arrivée au son de sa conque recourbée ; quelquefois, il est porté à la surface des
eaux, d'autres fois, il paraît dans un char traîné par des
chevaux bleus.
Les poètes attribuent à
Triton un autre office que celui d'être trompette de
Neptune : c'est de calmer les flots et de faire cesser les tempêtes. Ainsi, dans Ovide,
Neptune, voulant rappeler les
eaux du
déluge, commande à
Triton d'enfler sa conque, au son de laquelle les
eaux se retirent. Dans Virgile, lorsque
Neptune veut apaiser la tempête que
Junon a excitée contre
Enée,
Triton, assisté d'une Néréide, fait ses efforts pour sauver les vaisseaux échoués.
Les poètes admettent plusieurs
Tritons avec les mêmes fonctions et la même figure.
Protée
Protée,
dieu marin, était fils de l'Océan et de Téthys, ou, selon une autre tradition, de
Neptune et de
Phénice. Les Grecs lui donnent Pallène, ville de Macédoine, pour patrie. Deux de ses fils, Tmolus et Télégone, étaient des
géants, monstres de cruauté. N'ayant pu les ramener à des sentiments d'humanité, il prit le parti de se retirer en Egypte, avec le secours de
Neptune, qui lui creusa un passage sous la mer. Il
eut aussi des filles, et entre autres la nymphe Eidothée,
qui apparut à
Ménélas, lorsque, en revenant
de
Troie, ce héros fut poussé par les vents contraires
sur la côte de l'Egypte, et lui enseigna ce qu'il avait à
faire pour apprendre de
Protée, son père, les moyens
de retourner dans sa patrie.
Protée était le gardien des troupeaux
de
Neptune, c'est-à-dire des gros poissons, des phoques ou
veaux marins. Pour le récompenser des soins qu'il en prenait,
Neptune lui avait donné la connaissance du passé,
du présent et de l'avenir. Mais il n'était pas aisé
de l'aborder, et il se refusait à ceux qui venaient le consulter.
Eidothée dit à
Ménélas
que, pour le décider à parler, il fallait le surprendre
pendant son sommeil, et le lier de manière qu'il ne pût
s'échapper ; car il prenait toutes sortes de formes pour épouvanter
ceux qui l'approchaient : celle d'un
lion, d'un
dragon, d'un léopard,
d'un sanglier ; quelquefois, il se métamorphosait en
arbre, en
eau, et même en
feu ; mais, si on persévérait à
le tenir bien lié, il reprenait enfin sa première forme,
et répondait à toutes les questions qu'on lui faisait.
Ménélas suivit ponctuellement
les instructions de la nymphe. Avec trois de ses
compagnons, il
entra, dès le matin, dans les grottes où
Protée
avait coutume de venir, au milieu du
jour, se reposer en même
temps que ses troupeaux. A peine
Protée eut-il
fermé
les yeux et pris une position commode pour dormir que
Ménélas
et ses trois
compagnons se jetèrent sur lui et le serrèrent
étroitement entre leurs bras. Il avait beau se métamorphoser
: à chaque métamorphose, ils le serraient encore plus
fort. Enfin, quand il eut épuisé toutes ses ruses,
Protée revint à sa forme ordinaire et donna à
Ménélas les éclaircissements qu'il lui demandait.
Au quatrième livre des
Géorgiques, Virgile, imitant
Homère, raconte que le berger Aristée, après avoir perdu toutes ses abeilles, alla, sur le conseil de Cyrène, sa mère, consulter
Protée sur les moyens de réparer ses essaims, et eut recours aux mêmes artifices pour le faire parler.
Glaucus
Glaucus,
fils de Neptune et de Naïs, nymphe de la mer, fut d'abord un célèbre pêcheur d'Anthédon, en Boétie. Un
jour, ayant mis sur l'herbe du rivage des poissons qu'il venait de prendre, il s'aperçut qu'ils s'agitaient d'une manière extraordinaire, et se jetaient dans la mer. Persuadé que cette herbe avait une vertu particulière, il
en goûta et suivit leur exemple. L'Océan et Téthys
le dépouillèrent de ce qu'il avait de mortel, et l'admirent
au nombre des
dieux marins. Anthédon lui éleva un
temple et lui offrit des sacrifices. Plus tard, il eut même
dans cette ville un oracle souvent consulté par les matelots.
On raconte que
Glaucus devint amoureux d'
Ariane,
lorsqu'elle fut enlevée par
Bacchus, dans l'île de
Dia.
Le
dieu, pour le punir, le lia avec des sarments de vigne, dont il trouva moyen de se dégager.
Ce fut lui qui apparut aux
Argonautes sous la figure d'un
dieu marin, lorsque Orphée, à l'occasion d'une tempête, fit un vu solennel aux
dieux de
Samothrace. Dans le combat livré entre
Jason et les Tyrrhéniens, il se mêla avec les
Argonautes et fut le seul qui en sortit sans blessures.
Interprète de
Nérée, il prédisait l'avenir, et avait appris à
Apollon lui-même l'art des prédictions.
Dans son aspect, il a beaucoup de rapport avec
Triton. Sa barbe est humide et blanche, et ses
cheveux flottent sur ses épaules. Il a les sourcils épais et réunis, de sorte qu'ils semblent n'en faire qu'un. Ses bras sont faits en forme de nageoires, et sa poitrine est couverte d'algues. Le reste de son
corps se termine en poisson dont la queue se recourbe jusqu'aux reins.
Saron
Saron, ancien roi de Trézène, aimait passionnément la chasse. Un
jour qu'il chassait un cerf, il le poursuivit jusqu'au bord de la mer. Le cerf s'étant jeté à la nage, il se jeta après lui ; et, se laissant emporter par son ardeur, il se trouva insensiblement en haute mer, où, épuisé de
forces et ne pouvant plus lutter contre les flots, il se noya.
Son corps fut rapporté dans le
bois sacré de
Diane et inhumé dans le parvis du temple. Cette aventure fit donner le nom de golfe Saronique au bras de mer qui fut le lieu de la scène, près de Corinthe. Quant à
Saron, il fut mis par ses peuples au rang des
dieux de la mer, et, dans la suite, il devint le
dieu tutélaire des matelots.
Thaumas et Electra - Les Harpyes
Thaumas. fils de la
Terre, et son
épouse Electra, fille de
l'Océan et de Téthys, divinités mystérieuses de la mer, ont donné le
jour à l’éclatante
Iris, messagère de
Junon, et aux Harpyes, monstres hideux qui effrayent et infectent le monde.
Elles étaient au nombre de trois : Célæno, l'
Obscurité, Ællo, la
Tempête, Ocythoé ou Ocypète, la
Rapide au vol ou à la course.
Ces monstres au visage de vieille femme, au
corps de
vautour, au bec et aux ongles crochus, aux mamelles pendantes, causaient la famine partout où elles passaient, enlevaient les viandes sur les tables, et répandaient une odeur si infecte qu'on ne pouvait approcher de ce qu'ils laissaient. On avait beau les chasser, ils revenaient toujours ; Jupiter et
Junon s'en servaient contre ceux qu'ils voulaient punir. Les Harpyes avaient établi leur demeure aux îles Strophades, dans la mer d'Ionie, sur la côte du
Péloponèse.
La peinture et la sculpture personnifient les vices par des
Harpyes ; par exemple, une Harpye sur des sacs d'
argent désigne l'avarice.
Ino ou Leucothoé - Mélicerte ou Palémon
Ino, fille de
Cadmus et d'
Harmonie, et sur de
Sémélé mère de
Bacchus, épousa
Athamas, roi de Thèbes, en secondes noces, dont elle eut deux fils, Léarque et
Mélicerte. Elle traita en vraie marâtre les
enfants qu'
Athamas avait eus
de Néphélé, sa première femme, et chercha à les faire périr, parce que, par le droit de progéniture, ils devaient succéder à leur père, à l'exclusion des
enfants du second
lit. Thèbes étant désolée par une cruelle famine, elle fit dire par les oracles que, pour faire cesser sa désolation, il fallait
immoler Hellé et
Phryxus,
enfants de Néphélé. Ceux-ci évitèrent par une prompte fuite le barbare sacrifice dont ils devaient ètre les victimes. De son côté,
Athamas, ayant découvert les cruels artifices de sa femme, fut si transporté de colère contre elle, qu'il écrasa contre un mur le
petit Léarque, un de ses fils, et poursuivit
Ino jusqu'à la mer, où elle se précipita avec
Mélicerte, son autre fils. Mais Panope, une Néréide, suivie de cent nymphes, ses surs, reçut en ses mains la mère et l'
enfant, et les conduisit sous les
eaux jusqu'en Italie.
Ino avait mérité cette faveur et ces égards parce que, après la mort de
Sémélé, elle s'était chargée d'élever le petit
Bacchus.
A la prière de
Vénus,
Neptune reçut
Ino et
Mélicerte au nombre des divinités de son empire, la mère sous le nom de Leucothoé, le fils sous celui de Palémon.
Leucothoé avait un
autel dans le temple de
Neptune à Corinthe. Elle eut aussi un temple à Rome, où elle était honorée sous le nom de Matuta.
Palémon était particulièrement
honoré dans l'île de Ténédos, où une superstition cruelle lui offrait des
enfants en sacrifice. A Corinthe, les
jeux Isthmiens avaient d'abord été institués en son honneur ; ils furent interrompus dans la suite et rétablis par
Thésée en l'honneur de
Neptune. Dans le temple de Corinthe, Palémon avait un
autel, à côté de ceux de Leucothoé et de
Neptune. On y trouvait une chapelle basse où l'on descendait par un escalier dérobé. On prétendait que Palémon s'y tenait caché, et quiconque osait y faire un
faux serment, soit citoyen, soit étranger, était aussitôt puni de son parjure. Ce
dieu était honoré à Rome sous les noms de Portumnus ou Portunus.
Circé
Circé, sur de
Pasiphaé et d'Eéès, était fille du
Soleil et de la nymphe Persa, une des Océanides, ou, suivant d'autres, du
Jour et de la Nuit. Magicienne habile, au point, disait-on, de faire descendre les étoiles du
ciel, elle excellait surtout dans l'art des empoisonnements. Le premier essai qu'elle fit de ses talents en ce genre fut sur le roi des Sarmates, son mari, crime qui la rendit si odieuse à ses sujets qu'ils la forcèrent à prendre la fuite. Le
Soleil la transporta dans son char sur la côte de l'
Etrurie, nommée depuis le Cap de
Circé, et l'île d'Æa devint le lieu de sa résidence. Ce fut là qu'elle changea en monstre la jeune Scylla, parce qu'elle était aimée de
Glaucus, pour qui
Circé avait conçu une violente passion. Elle en usa de même à l'égard de Picus, roi d'Italie, qu'elle changea en pivert, parce qu'il refusa de quitter sa femme Canente pour s'attacher à elle. L'infortunée Canente en éprouva tant de chagrin qu'à
force de se lamenter, elle s'évapora dans les airs.
Ulysse, jeté sur les côtes habitées par cette redoutable magicienne, n'échappa à ses artifices que grâce aux recommandations de
Mercure et au secours de
Minerve. Mais elle trouva moyen, cependant, de l'arrêter dans les pièges de l'
amour. Pour lui plaire, elle rendit leur forme première à ses
compagnons qu'elle avait métamorphosés en bêtes ; il resta un an avec elle, et la rendit mère de deux
enfants,
Agrius et
Latinus.
La perfidie, les philtres, les
maléfices de
Circé ne l'empêchèrent pas d'être mise au rang des
dieux. On l'adorait dans l'île d'Æa, et elle avait un monument dans une des îles appelées Pharmaeuses, près de Salamine.
La
fable de
Circé, qui changeait les hommes en brutes par ses séductions et ses enchantements, est une
allégorie devenue aussi populaire que l'expression "
compagnons d'Ulysse".
Scylla et Charybde
Scylla, nymphe d'une éclatante beauté, avait
inspiré un violent
amour à
Glaucus, qui se joue des tempêtes et se complaît dans les flots azurés. Moitié homme, moitié poisson,
ne se rendant compte ni de sa laideur ni de sa difformité, ce
dieu marin avait beau prendre à témoin le
ciel, la terre et la mer de la sincérité de son cur, la nymphe restait insensible à ses adjurations et à ses transports. Il eut recours à
Circé. La magicienne, qui aimait
Glaucus au point d'en être jalouse, lui fit de perfides promesses. Elle composa un poison qu'elle jeta ensuite dans la fontaine où
la nymphe avait coutume de se
baigner.
A peine Scylla fut-elle entrée dans la fontaine, qu'elle se vit changée en un monstre qui avait six griffes, six gueules et six têtes ; une meute de
chiens lui sortait du
corps autour de sa ceinture, et leurs hurlements continuels frappaient d'effroi tous les passants. Scylla, effrayée elle-même de sa forme monstrueuse, se jeta dans la mer près des rochers et des écueils qui, dans le détroit de
Sicile, portèrent son nom.
Scylla a une voix terrible, et ses cris affreux ressemblent au rugissement du
lion : c'est un monstre dont l'aspect ferait frémir un
dieu même. Lorsqu'elle voit passer des vaisseaux dans le détroit, elle s'avance hors de son antre, et les attire à elle pour les engloutir. C'est ainsi qu'elle se vengea de
Circé en faisant périr les vaisseaux d'
Ulysse, son amant.
Charybde, fille de
Neptune et de la
Terre, ayant volé des
bufs à
Hercule, fut foudroyée par Jupiter et changée en un
gouffre dangereux qui se trouve dans le détroit de
Sicile, en face de l'antre de Scylla.
Homère suppose qu'il engloutit les flots trois fois par
jour, et trois fois les rejette avec des mugissements horribles.
De ces deux
gouffres le moins dangereux est celui de
Charybde ; de là le proverbe : « Tomber de Charybde en Scylla ».
Les Sirènes
Lorsque, par une nuit calme du printemps ou de l'
automne, le marin
laisse glisser doucement sa barque non loin des côtes, dans des parages semés de rochers ou d'écueils, il entend au large, dans le clapotement des flots, le ramage et le gazouillement des
oiseaux de mer. Ce ramage, entrecoupé parfois de cris stridents et railleurs, s'élève dans les airs, et passe invisible, avec un étrange sifflement d'ailes, au-dessus du marin attentif, lui donnant l'illusion d'un concert De voix humaines.
Son imagination alors lui représente des troupes de jeunes femmes ou de jeunes filles prenant leurs ébats, et cherchant à le détourner de sa route. Malheur à
lui s'il se rapproche du lieu où il entend le plus de voix, c'est-à-dire des rochers à
fleur d'
eau où, pour l'
oiseau de mer, la pêche est
fructueuse : infailliblement sa barque va se briser et se perdre dans les écueils.
Telle est, sans doute, l'origine de la
fable des Sirènes,
mais l'imagination des poètes leur a créé une plus merveilleuse
légende.
Elles étaient filles du
fleuve Achéloüs et de la muse
Calliope. On en compte ordinairement trois : Parthénope, Leucosie et
Ligée, noms grecs qui évoquent les idées de candeur, de
blancheur et d'
harmonie. D'autres les appellent Aglaophone, Thelxiépie et Pisinoé, toutes dénominations qui expriment la douceur de leur voix et le charme de leurs paroles.
On raconte que, au temps du rapt de
Proserpine, les Sirènes
vinrent dans la terre d'
Apollon, c'est-à-dire la
Sicile, et que
Cérès, en punition de ce qu'elles n'avaient pas secouru sa fille
Proserpine, les changea en
oiseaux.
Ovide, au contraire, dit que les Sirènes, désolées de l'enlèvement de
Proserpine, prièrent les
dieux de leur accorder des ailes pour aller chercher leur jeune compagne par toute la terre. Elles
habitaient des rochers escarpés sur les bords de la mer, entre l’île de Caprée et la côte d'Italie.
L'oracle avait prédit aux Sirènes qu'elles vivraient autant de temps quelles pourraient arrêter les voyageurs à leur passage ; mais que, dès qu'un seul passerait sans être arrêté pour toujours par le charme de leur voix et de leurs paroles, elles
périraient. Aussi ces enchanteresses, toujours en éveil, ne manquaient pas d'arrêter par leur
harmonie tous ceux qui arrivaient près d'elles, et qui
avaient l'imprudence d'écouter leurs chants. Elles les charmaient, les enchantaient si bien qu'ils ne pensaient plus à leur pays, à leur famille, à eux-mêmes ; ils oubliaient de boire et de manger, et mouraient faute d'aliment. La côte voisine était toute blanche des ossements de ceux qui avaient péri de la sorte.
Cependant, lorsque les
Argonautes passèrent dans leurs
parages, elles firent de vains efforts pour les attirer. Monté sur le vaisseau, Orphée prit sa lyre et les enchanta elles-mêmes à tel point qu'elles
restèrent muettes et jetèrent leurs instruments dans la mer.
Ulysse, obligé de passer avec son navire devant les Sirènes, mais averti par
Circé, boucha les oreilles de tous ses
compagnons avec de la
cire, et se fit attacher à un mât par les pieds et par les mains. De plus, il défendit qu'on le déliât, si, par hasard, en écoutant la voix des Sirènes, il exprimait le désir de s'arrêter. Ces précautions ne furent pas inutiles :
Ulysse eut à peine entendu les enchanteresses, leurs douces paroles, leurs promesses séduisantes, que, malgré l'avis qu'il avait reçu, et la certitude de périr, il intima à ses
compagnons l'ordre de le délier, ce que, heureusement, ils n'eurent garde de faire. Les Sirènes, n'ayant pu arrêter
Ulysse, se précipitèrent dans la mer, et les petites îles rocheuses qu'elles habitaient, en face d'un promontoire de la Lucanie, furent appelées de leur nom Sirénuses.
Les Sirènes sont représentées tantôt ayant une tête de femme et un
corps d'
oiseau, tantôt ayant tout le buste de femme et la forme d'
oiseau, de la ceinture aux pieds. On leur met à la main des instruments : l'une tient une lyre, l'autre deux flûtes, et la troisième des pipeaux ou un rouleau comme pour chanter. On les peint aussi tenant un miroir. Il n'y a aucun auteur ancien qui nous ait représenté les Sirènes comme femmes-poissons.
Pausanias raconte encore une
fable sur les Sirènes. « Les filles d'
Achéloüs, dit-il, encouragées par
Junon, prétendirent à la gloire de chanter mieux que les Muses, et osèrent leur porter un défi ; mais les Muses, les ayant vaincues, leur arrachèrent les plumes des ailes et s'en firent des
couronnes. » En effet, il y a d'anciens monuments qui représentent les Muses avec une plume sur la tête.
Quelque redoutables ou dangereuses qu’elles fussent, les Sirènes ne laissaient pas de participer aux honneurs divins. Elles avaient un temple près de Sorrente.
Les Phorcydes - Les Gr&eaute;es - Les Gorgones
Pontus ou Pontos,
fils de Neptune, est parfois confondu avec l'Océan. Ce
dieu, dont le nom désigna plus tard le
Pont-Euxin et une contrée de l'Asie, s'était uni à la
Terre, et avait donné le
jour à
Phorcys,
dieu marin, souvent identifié avec
Protée. De
Phorcys et de son
épouse Céto, fille de
Neptune et de la nymphe Théséa, naquirent les Phorcydes, c'est-à-dire les nymphes
Thoosa et Scylla, les
Grées et les
Gorgones.
Thoosa devint la mère du
cyclope Polyphème, et l'on connait l'effrayante métamorphose de Scylla.
Les
Grées, surs ainées des
Gorgones, et dont le nom en grec signifie vieilles femmes, étaient ainsi appelées parce qu'elles vinrent au monde avec des
cheveux blancs. On en compte trois : Enyo, Péphrédo et Dino. On dit qu'elles n'avaient à elles trois qu'un il et une dent dont elles se servaient l'une après l'autre, mais c'était une dent plus forte et plus longue que les défenses des plus forts
sangliers. Leurs mains étaient d'
airain, et leur chevelure entrelacée de
serpents. Elles avaient avec les
Gorgones, leurs surs cadettes, une frappante ressemblance ; pourtant Hésiode leur donne de la beauté. Comme elles
habitaient toujours dans la mer ou dans ses parages, les mythologues, expliquent leurs
cheveux blancs par les flots de la mer qui blanchissent quand ils sont agités.
Les
Gorgones, aussi au nombre de trois, Sthéno, Euryalé et Méduse, demeuraient au delà de l'Océan, à l'extrémité du monde, près du séjour de la Nuit. Tantôt on les représente comme les
Grées, avec un seul il et une seule dent pour elles trois, tantôt on leur accorde une beauté étrange et des attraits fascinateurs.
Méduse, leur reine, était mortelle, au lieu que ses deux surs, Euryalé et Sthéno, n'étaient sujettes ni à la vieillesse ni à la mort. C'était une jeune fille d'une beauté surprenante, mais, de tous les attraits dont elle était pourvue, il n'y avait rien de si beau que sa chevelure. Une foule d'amants s'empressèrent de la rechercher en
mariage.
Neptune en devint aussi amoureux, et, s'étant métamorphosé en
oiseau, la transporta dans un temple de
Minerve qui en fut offensée. D'autres racontent seulement que Méduse osa disputer de la beauté avec
Minerve et se comparer à elle. La déesse en fut si irritée qu'elle changea en affreux
serpents les beaux
cheveux dont Méduse se glorifiait, et donna à ses yeux la
force de changer en pierres tous ceux qu'ils regardaient. Beaucoup de gens sentirent les effets pernicieux de ses regards, dans les environs du lac Tritonis, en Libye.
Les
dieux voulant délivrer le pays d'un si grand fléau envoyèrent Persée pour l'exterminer. Ce héros, avec l'aide de
Minerve, coupa la tête de la Gorgone, et la consacra à la déesse qui, depuis, la porte représentée sur son
égide.
Après la mort de Méduse, leur reine, les
Gorgones, allèrent habiter près des portes de l'Enfer, avec les
Centaures, .les Harpyes et les autres monstres de la
fable.
D'ordinaire les
Gorgones ou Méduses sont représentées avec une tête énorme, une chevelure hérissée de
serpents, une large bouche, des dents formidables et des yeux grand ouverts. Cependant, toutes celles que les anciens monuments nous ont conservées n'ont pas ce visage affreux et terrible : il y en a qui ont visage de femme, empreint de douceur ; il s'en trouve même assez souvent qui sont
très gracieuses, tant sur l'
égide de
Minerve qu'ailleurs. On voit, dans le Muséum de Florence, une tête de Méduse mourante, chef-d'uvre de Léonard de Vinci.
La tête de Méduse est souvent représentée ailée.
Les Cyclopes
Les
Cyclopes,
géants monstrueux,
fils de Neptune et d'Amphitrite, et, selon d'autres, du
Ciel et de la
Terre, n'avaient qu'un il au milieu du front, d'où vient leur nom (
Racines "
Cuclos", cercle, et "
ops", regard). Ils vivaient des
fruits que la terre leur donnait sans culture, et du produit de leurs troupeaux. Ils n'étaient gouvernés par aucune loi. On leur attribue la construction primitive des villes de
Mycènes et de Tyrinthe, formées de masses de pierres si énormes qu'il fallait deux paires de bufs pour traîner la plus petite.
Aussitôt qu'ils furent nés, Jupiter les précipita dans le Tartare, mais ensuite les mit en
liberté, à l'intercession de
Tellus (la
Terre), qui lui avait prédit sa victoire. Ils devinrent les forgerons de
Vulcain (
Héphæstos), et travaillaient soit dans l'île de Lemnos, soit dans les profondeurs de la
Sicile, sous l'
Etna. Ils fabriquèrent pour
Pluton (
Hadès) le casque qui le rend invisible, pour
Neptune le trident avec lequel il soulève et calme les mers, pour Jupiter la foudre dont il fait trembler les
dieux et les hommes.
Les trois principaux
Cyclopes étaient : Brontès, qui forgeait la foudre, Stéropé, qui la tenait sur l'enclume, et
Pyracmon, qui la battait à coups redoublés ; mais ils étaient plus d'une centaine. On a raconté qu'
Apollon, pour venger son fils Esculape, frappé de la foudre, les tua tous à coups de
flèches.
Plusieurs poètes les ont considérés comme les premiers habitants de la
Sicile, et les représentent comme des anthropophages. Cependant, malgré leur cruauté ou leur barbarie, ils furent mis au rang des
dieux ; et, dans un temple de Corinthe, ils avaient un
autel sur lequel on leur offrait des sacrifices.
Le plus grand, le plus fort et le plus célèbre des
Cyclopes était Polyphème,
fils de Neptune et de
la nymphe
Thoosa. Il se nourrissait surtout de chair humaine.
Ulysse
ayant été jeté par la tempête sur les
côtes de la
Sicile où habitaient les
Cyclopes, Polyphème
l'enferma avec tous ses
compagnons et des troupeaux de moutons dans
son antre, pour les dévorer ; mais
Ulysse lui fit tant boire
de vin, en l'amusant par le récit du siège de
Troie,
qu'il l'enivra. Ensuite, aidé de ses
compagnons, il lui creva
l'il avec un pieu.
Le
Cyclope se sentant blessé poussa
des hurlements effroyables ; tous ses voisins accoururent pour savoir
ce qui lui était arrivé ; et, lorsqu'ils lui demandèrent
le nom de celui qui l'avait blessé, il répondit que
c'était Personne (car
Ulysse lui avait dit qu'il s'appelait
ainsi) ; alors ils s'en retournèrent, croyant qu'il avait
perdu l'
esprit. Cependant,
Ulysse ordonna à ses
compagnons
de s'attacher sous les moutons pour n'être point arrêtés
par le
Cyclope, lorsqu'il lui faudrait mener paître son troupeau.
Ce qu'il avait prévu arriva, car Polyphème,
ayant ôté une pierre que cent hommes n'auraient pu
ébranler et qui bouchait l'entrée de sa caverne, se
plaça de façon que les moutons ne pouvaient passer
qu'un à un entre ses jambes. Lorsqu'il entendit
Ulysse et
ses
compagnons dehors, il les poursuivit, et leur jeta à
tout hasard un rocher d'une grosseur énorme ; mais ils l'évitèrent aisément, et s'embarquèrent après avoir perdu seulement quatre d'entre eux, que le
Cyclope avait mangés.
Polyphème, malgré sa férocité naturelle, devint amoureux d'une Nymphe de la mer, de la Néréide
Galatée qui était elle-même éprise du jeune et beau berger Acis. Indigné de cette préférence, il lança un bloc de rocher sur le jeune homme, et l'écrasa. A cette
vue,
Galatée se jeta dans la mer et rejoignit les Néréides ses surs ; puis, à sa prière,
Neptune changea Acis en un
fleuve de
Sicile.
La
fable du
cyclope Polyphème a inspiré plus d'un peintre, notamment Annibal Carrache et Le Poussin.
Les Fleuves
«
Gardez-vous, dit Hésiode,
de jamais traverser les eaux des fleuves au cours éternel avant de leur avoir adressé une prière, les yeux fixés sur leurs splendides courants, avant d'avoir trempé vos mains dans leur onde agréable et limpide. »
Les
Fleuves sont
enfants de l'Océan et de Téthys. Hésiode en compte trois mille. Chez tous les peuples anciens, ils eurent part aux honneurs de la divinité. Ils avaient leurs temples, leurs autels, leurs victimes préférées.
D'ordinaire, on leur
immolait le
cheval ou le taureau. Leur source
était sacrée : on supposait que là, dans une
grotte profonde, où nul mortel ne pouvait pénétrer
sans une faveur divine, le
Fleuve, divinité réelle,
avait son palais mystérieux. C'est de là que le
dieu, entouré
d'une foule de nymphes empressées à l'accompagner
et à le servir, commandait en maître, surveillait et
gouvernait le cours de ses
eaux.
Par une fiction gracieuse, permise aux poètes,
Virgile, au quatrième livre des
Géorgiques, a même réuni dans une seule grotte, à la source du Pénée, en Grèce, tous les
Fleuves de la terre. De là, ils jaillissent à grand bruit, et partent dans des directions différentes, par des canaux souterrains, pour aller çà et là dans toutes les contrées du monde porter, avec leurs
eaux bienfaisantes, la vie et la fécondité.
Les artistes et les poètes représentent généralement les
Fleuves sous la figure de vieillards respectables,
symbole de leur antiquité, ayant la barbe épaisse, la chevelure longue et traînante, et une
couronne de joncs sur la tête. Couchés au milieu des roseaux, ils s'appuient sur une urne, d'où sort l'
eau qui forme le cours auquel ils président. Cette urne est penchée, ou de niveau, pour exprimer la rapidité ou la tranquillité de leur cours.
Sur les médailles, les
Fleuves sont posés à droite ou à gauche, selon qu'ils coulent vers l'orient ou vers l'occident. On les représente quelquefois sous la forme de taureaux, ou avec des cornes, soit pour exprimer le mugissement de leurs
eaux, soit parce que les bras d'un
fleuve rappellent les cornes de taureau.
Parfois, les
fleuves au cours sinueux sont représentés sous la forme de
serpents. Aux rivières, qui ne vont pas directement se jeter dans la mer, on donne de préférence la figure d'une femme, d'un jeune homme imberbe, ou même d'un
enfant.
Chaque
fleuve a son attribut qui le caractérise, et qui est ordinairement choisi parmi les
animaux qui habitent les pays qu'il arrose, parmi les plantes qui croissent sur ses bords, ou parmi les poissons qui vivent dans ses
eaux.
Les Naïades
Les nymphes qui présidaient aux fontaines, aux rivières et aux
fleuves étaient l'objet d'une vénération et d'un culte particuliers. Elles s'appelaient "
Naïades", du mot grec "
naein" qui signifie "
couler". On les disait filles de Jupiter ; parfois, on les compte au nombre des
prêtresses de
Bacchus. Quelques auteurs les font mères des Satyres.
On leur offrait en sacrifice des chèvres et des
agneaux, avec des
libations de vin, de miel et d'
huile ; plus souvent, on se contentait de mettre sur leurs autels du lait, des
fruits et des
fleurs. Elles n'étaient que des divinités champêtres dont le culte ne s'étendait pas jusqu'aux villes.
On les peint jeunes, jolies, assez ordinairement les jambes
et les bras nus, appuyées sur une urne qui verse de l'
eau, ou tenant à
la main un coquillage et des perles dont l'éclat relève la simplicité de leur parure ; une
couronne de roseau orne leur chevelure argentée qui flotte sur leurs épaules. Parfois, elles sont aussi couronnées de plantes aquatiques, et près d'elles est un
serpent qui se dresse comme pour les enlacer dans ses replis.
L’Achéloüs
Il serait trop long d'énumérer et de caractériser tous les
fleuves célébrés par les poètes, mais la mythologie doit au moins une mention aux plus connus d'entre eux.
L'
Achéloüs,
fleuve de l'
Epire, qui coulait entre l'Etolie et l'
Acarnanie, passait pour le plus ancien
fleuve de la Grèce. C'est sur ses bords, dit-on, que s'établirent et vécurent les hommes primitifs. Après avoir mangé les glands doux de la
forêt de Dodone, ils venaient se désaltérer aux
eaux douces de l'
Achéloüs. Sur ce
fleuve, voici la
fable que l'on racontait :
Achéloüs était fils de l'Océan et de Téthys, ou, selon d'autres, du
Soleil et de la
Terre. Amant de
Déjanire, qui lui avait été promise, il la disputa à
Hercule ; mais il fut vaincu. Aussitôt,
il prit la forme d'un
serpent sous laquelle il fut encore défait
; ensuite, celle d'un taureau qui ne lui fut pas plus favorable.
Hercule le saisit par les cornes, et, l'ayant terrassé, lui
en arracha une, et le contraignit d'aller se cacher dans le
fleuve
Thoas, depuis appelé "
Achéloüs".
Le vaincu donna au vainqueur la
corne d'Amalthée pour recouvrer la sienne. Selon certains poètes, c'est la corne même d'
Achéloüs que les
Naïades ramassèrent : elles la remplirent de
fleurs et en firent la Corne d'abondance.
Achéloüs était le père des Sirènes : il avait su plaire à la muse
Calliope. Cependant, on lui prête un caractère vindicatif et une grande susceptibilité.
Cinq nymphes, filles d'Echinus, ayant fait un sacrifice de dix taureaux, invitèrent à la fête toutes les divinités champêtres, à l'exception d'
Achéloüs. Ce
dieu, piqué de cet oubli, fit grossir ses
eaux, qui débordèrent et entraînèrent dans la mer les cinq nymphes avec le lieu où la fête se célébrait.
Neptune, touché de leur sort, les métamorphosa en îles, les Echinades. Elles sont situées non loin et en face de l'embouchure du
fleuve.
On peut voir dans le
Jardin des
Tuileries la statue d'
Hercule terrassant le
fleuve Achéloüs sous la forme de
serpent, uvre remarquable de F.-J. Bosio.
Alphée et Aréthuse
Les anciens avaient observé d'une part que l'
Alphée, petit
fleuve d'Elide, qui vient des
montagnes d'
Arcadie, semblait plusieurs fois disparaître sous terre avant son embouchure, et d'autre part que la fontaine
Aréthuse, qui jaillit d'un rocher à la pointe de l'île d'Ortygie, près de
Syracuse, fournit de l'
eau douce en abondance, quoique se trouvant entourée par la mer. Cette observation avait suggéré aux poètes la
fable suivante :
Alphée était un intrépide chasseur qui parcourait les
montagnes, les vallées d'
Arcadie. Un
jour il aperçut
Aréthuse, fille de
Nérée et de Doris, nymphe favorite de
Diane, qui
prenait un
bain dans un ruisseau, et en devint
éperdument amoureux.
Aréthuse effrayée se sauve, il la poursuit, s'attache à ses pas, Il la poursuivit, dit-on, jusqu'en
Sicile. Arrivée à l'île d'Ortygie, tout près de
Syracuse, la nymphe, excédée de fatigue et sur le point d'ètre atteinte par l'audacieux
Alphée, n'eut d'autre ressource que d'implorer le secours de
Diane. La déesse intervenant les métamorphosa l'un en
fleuve, l'autre en fontaine.
Mais, sous sa nouvelle forme,
Alphée n'a pas renoncé à son amour ; on dirait qu'il veut encore poursuivre et atteindre la nymphe. C'est pourquoi ses
eaux douces passent sous la mer, sans s'y confondre avec l'
eau salée, et vont se mêler à la fontaine d'
Aréthuse dans l'île d'Ortygie.
L’Eurotas - Le Pamise - La Néda - Le Ladon - L’Inachus
Outre l'
Alphée, fleuve-dieu, objet d'un culte pour ainsi
dire commun à toute la Grèce, presque tous les cours d'
eau du
Péloponèse avaient leur
fable ou leur
légende particulière, presque tous, comme ceux de la Grèce proprement dite, recevaient des honneurs
religieux.
L'EUROTAS, si célèbre, malgré le peu d'importance et d'étendue de son cours, s'appelait primitivement Himère.
Eurotas, fils de
Lélex, et père de Sparta, femme de
Lacédémon,
conduisant les
Lacédémoniens à la guerre, voulut livrer bataille aux
ennemis, sans attendre la pleine
lune. Il fut vaincu, et de désespoir se jeta dans le
fleuve auquel on a donné son nom, Les
Lacédémoniens prétendaient que
Vénus, après avoir passé ce
fleuve, y avait jeté les bracelets et autres ornements de femme dont, elle était parée, et avait pris ensuite la lance et le
bouclier pour se montrer en cet état à
Lycurgue et se conformer à la
magnanimité des femmes de Sparte.
Une loi expresse ordonnait aux
Lacédémoniens de rendre à ce
fleuve les honneurs divins. C'était sur ses bords, ornés de
myrtes et de lauriers-roses, que Jupiter, sous la figure d'un
cygne, avait trompé
Léda, qu'
Apollon avait déploré la perte de
Daphné, que
Castor et Pollux avaient coutume de s'exercer à la lutte et au pugilat,
qu'
Hélène avait été enlevée par le Troyen
Pâris, que
Diane, leur sur, se plaisait à chasser, avec ses meutes et au milieu de ses nymphes.
Les
eaux de l'
Eurotas avaient une vertu merveilleuse : elles
fortifiaient à la fois le
corps et l'
âme. Les femmes de
Lacédémone y plongeaient leurs
enfants pour les endurcir de bonne heure aux fatigues de la guerre.
Sur les bords du PAMISE, les rois de Messénie, venaient
faire un sacrifice solennel, à l'époque du printemps, et, entourés de la
jeunesse,
fleur de la nation, imploraient le secours du
fleuve en faveur de l'indépendance de la patrie.
Chaque année aussi, vers l'époque du printemps, la
jeunesse de l'Élide et de la Messénie venait sur les bords de la NÉDA, et jeunes filles, jeunes garçons, sacrifiaient leur chevelure à la divinité qui présidait à cette petite rivière.
Plus loin, dans l'Elide même, on prétendait que le
dieu Pan, descendant des
montagnes d'
Arcadie, venait se reposer sur les bords du
LADON, affluent de l'
Alphée. C'est là qu'il rencontra la nymphe
Syrinx, compagne de
Diane chasseresse. Il la poursuivit, essaya vainement de l'atteindre : la nymphe se changea en roseaux du
fleuve, dont le
dieu Pan se servit pour faire sa flûte à sept tuyaux.
L'INACHUS en
Argolide était le père de la nymphe
Io. Choisi pour arbitre avec son fils,
Phoronée, entre
Junon et
Neptune qui se disputaient ce pays, il se prononça en faveur de
Junon. De dépit,
Neptune le mit à sec, et le réduisit à n'avoir d'
eau que par les temps
de
pluie.
Le Céphise - L’Ilissus - L’Asope - Le Sperchius - Le Pénée
Dans la Grèce proprement dite, les
fleuves les plus honorés d'un culte
religieux étaient le Céphise et l'Ilissus en
Attique, l'
Asope en
Béotie, le Sperchius et le Pénée en
Thessalie.
Le CÉPHISE, qui passait au nord d'Athènes et va se jeter dans le port de Phalère, était considéré comme un
dieu. Les habitants d'Oropos, sur la frontière de la
Béotie et de l'
Attique, lui avaient consacré la cinquième partie d'un
autel qu'il partageait avec l'
Achéloüs, les Nymphes et
Pan. On voyait sur ses bords un figuier sauvage, à l'endroit où l'on prétendait que
Pluton était descendu sous terre, après avoir enlevé
Proserpine. Ce fut aussi près de là que
Thésée tua le fameux bandit Procuste.
L'ILISSUS, autre petit
fleuve qui passait au sud-est d'Athènes et va se jeter dans le golfe d'
Egine, n'est, à vrai dire, qu'un torrent, ainsi que le Céphise. Mais ses
eaux étaient regardées comme
sacrées. C'était sur ses bords, disait-on, que la fille d'Erechtée, la belle Orithyie, avait été enlevée par l'impétueux
Borée.
L'ASOPE, torrent issu du Cithéron, se jette dans la mer
d'Eubée. Fils de l'Océan et de Téthys,
Asope, indigné de ce que Jupiter eût eu l'audace de séduire sa fille Egina, voulut faire la guerre
à ce
dieu. Il grossit ses
eaux, déborda et alla désoler les campagnes voisines de son cours. Jupiter, s'étant changé en
feu, mit à sec ce
fleuve incommode.
Pélée, dans
Homère, voue au
fleuve SPERCHIUS la chevelure d'
Achille, son fils, si celui-ci a le bonheur de revenir dans sa patrie après la
guerre de Troie.
Le PÉNÉE dont la source est au Pinde, et qui
coule entre les monts Ossa et
Olympe, arrose la vallée de Tempé si célébrée par les poètes pour ses ombrages et sa fraîcheur. Ces bords, si recherchés et appréciés des mortels, semblaient être aussi une contrée de prédilection pour les
dieux. Les lauriers croissaient en abondance sur les rives de ce
fleuve, et c'est là, disent les poètes, que
Daphné fut changée en cet
arbre depuis lors consacré à
Apollon.
Fleuves étrangers à la Grèce
Parmi les
fleuves étrangers à la Grèce, les principaux qui ont place dans la
Mythologie grecque et latine sont le Strymon en Macédoine, l'Hèbre en Thrace, le Phase de
Colchide, le
Caïque
de
Mysie, la Caystre de Lydie, le Sangaris de
Phrygie, le
Scamandre, le Xanthe et le Simoïs dans le Troade, le Pô ou
Eridan et le Tibre en Italie.
Tous sont célèbres, mais n'offrent pas, au point de
vue de la
fable, le même intérêt.
Sur les bords du STRYMON, Orphée pleura
Eurydice, et c'est
dans les flots de l'HEBRE que les
bacchantes jetèrent la tête de ce poète divin. Téthys n'ayant pu rendre PHASE, prince de
Colchide, sensible à son
amour, le changea en
fleuve qui porte son nom. Le CAYSTRE, qui voyait des
milliers de
cygnes s'ébattre sur ses bords, portait le nom d'un héros
éphésien auquel on avait dressé des autels. Le SANGARIS était le père de cette nymphe, Sangaride, aimée d'
Atys, laquelle lui fit oublier ses engagements avec
Cybèle, et causa la mort de son amant.
Le SCAMANDRE passait près de l'antique ville de
Troie : il sort du mont
Ida et va se jeter dans la mer près du promontoire de Sigée. On attribue son origine à
Hercule. Ce héros, se trouvant pressé par la soif, se mit à creuser la terre et fit jaillir la source de ce
fleuve. Ses
eaux avaient, dit-on, la propriété de rendre blonds les
cheveux des femmes qui s'y baignaient. Le
Scamandre avait un temple et des sacrificateurs. Il était tellement vénéré que toutes les jeunes filles de la Troade, la veille de leurs noces, allaient lui
rendre hommage et se
baigner dans ses
eaux.
Le SIMOÏS était un affluent du XANTHE, deux autres
cours d'
eau célèbres dans l'Iliade. Ce fut sur les bords du Simoïs que
Vénus donna le
jour à
Enée. Pendant le siège de
Troie, ce
fleuve sacré fit déborder ses
eaux, afin de s'opposer avec le
Scamandre aux entreprises des Grecs.
L'ERIDAN est appelé par Virgile le roi des
fleuves, parce
qu'il est le plus grand et le plus violent de tous les cours d'
eau d'Italie. Il doit son nom au fils du
Soleil,
Eridan ou
Phaéton, qui fut précipité dans ses
eaux. C'est aujourd'hui le Pô. On le représente avec une tête de taureau et les cornes dorées. C'est sur ses bords que les
Héliades, sœurs de
Phaéton, firent éclater leur douleur et furent changées en peupliers.
Le TIBRE,
fleuve qui
baigne la ville de Rome, reçut aussi les honneurs de la divinité. Il s'appelait primitivement Albula, à cause de la
blancheur de ses
eaux. Tibérinus, roi d'Albe, se noya dans ce
fleuve qui, depuis
cet événement, changea de nom.
Il est personnifié sur les monuments et les médailles sous la figure d'un vieillard couronné de
fleurs et de
fruits, à demi couché ; il tient une corne d'abondance, et s'appuie sur une louve, auprès de laquelle sont
Romulus et Rémus
enfants.
Du Tibre et de Manto, la devineresse, naquit Bianor, surnommé Œnus, roi d'
Etrurie. Il fonda la ville de Mantoue et lui donna le nom de sa mère. Du temps de Virgile, le tombeau de ce roi se voyait encore à quelque distance de
Mantoue, sur la route de Rome.
Les Fontaines
Les
Fontaines, ainsi que les rivières, étaient en
général filles de Téthys et de l'Océan. Elles se trouvaient placées sous la protection de nymphes et de génies avec lesquels on les
identifiait. Celles dont les
eaux passaient pour avoir une vertu curative ou salutaire étaient les plus vénérées. Aux
jours de fêtes
solennelles, à l'occasion d'une réjouissance publique, on les couvrait de feuillage et de verdure, on les entourait de
fleurs et de guirlandes, on leur faisait des
libations, elles recevaient en un mot tous les honneurs de la divinité.
Parmi elles il y en avait qui, par leur origine, différaient
de toutes les autres fontaines. Pour des raisons particulières, les poètes se sont plu à les célébrer. De ce nombre étaient par exemple, en Grèce,
Aganippe,
Hippocrène, Caslalie et
Pyrène.
Aganippe, qui sort du pied de l'
Hélicon, en
Béotie, était fille du
fleuve Permesse. Ses
eaux avaient la vertu d'
inspirer les poètes, et elle était consacrée aux Muses. Auprès d'elle, si près même qu'on la confond souvent avec elle, était
Hippocrène, fontaine que le
cheval ailé Pégase fit jaillir d'un coup de pied. Elle aussi était pour les poètes une source d'inspiration.
Mais la fontaine inspiratrice par excellence, celle que les Muses et
Apollon préféraient entre toutes, c'était Castalie. Elle jaillissait au pied du Parnasse et n'avait pas toujours été une simple fontaine.
Elle avait vécu, et parcouru sous la forme d'une gracieuse nymphe la vallée qu'elle baignait de son onde. Aimée d'
Apollon, elle fut métamorphosée par ce
dieu en source limpide et fraîche ; mais elle possédait la vertu chère aux poètes d'exciter l'enthousiasme et
d'
exalter l'imagination. Quiconque venait boire à ses
eaux se sentait inspiré du génie poétique. Le murmure même de la source était inspirateur. La Pythie de
Delphes éprouvait parfois le besoin de venir
tremper ses lèvres dans l'
eau de Castalie, avant d'aller rendre ses oracles et s'asseoir sur son trépied.
A l'entrée du
Péloponnèse, les Muses avaient aussi leur fontaine favorite et qui leur était consacrée. Elle jaillissait au pied de la citadelle de Corinthe ou Acrocorinthe, et s'appelait la fontaine de
Pyrène.
Sur l'origine de cette fontaine, les mythologues ne sont pas d'accord. Les uns rattachent sa
légende à celle de
Sisyphe ou d'
Alope et de sa fille
Egine enlevée par Jupiter. D'autres racontent que la nymphe
Pyrène, inconsolable de la perte de Cenchrias ou Cenchrée, sa fille, tuée, par accident, d'un dard que
Diane lançait à une bête sauvage, en versa tant de larmes, que les
dieux, après sa mort, la changèrent en cette abondante source qui alimentait Corinthe.
On verra dans la
fable de
Bellérophon que les
eaux
fraîches de cette source avaient retenu Pégase sur ses bords, quand le héros s'empara de ce
cheval ailé pour s'élever dans les airs et voler à ses exploits.
La
vue d'une fontaine isolée, le bruit monotone de sa source
portent naturellement à la mélancolie ; de là ces métamorphoses des grandes douleurs en fontaines. Ainsi Biblis de Milet, fille de la nymphe Cyanée et sur de Caunus, ne pouvant se consoler de l'éloignement de son
frère et le cherchant de toutes parts, finit par s'arrêter dans un
bois où, à
force de pleurer, elle fut changée en fontaine intarissable.
Les sources thermales avaient aussi leur
fable. C'est ainsi que la
nymphe
Jouvence, métamorphosée en fontaine par Jupiter, avait la vertu de rajeunir ou d'arrêter la marche des années. Où était cette fontaine merveilleuse ? La
fable ne le dit pas. Au
moyen-âge on la faisait venir du Paradis terrestre, et on la plaçait dans les déserts d'Afrique. Au commencement du seizième siècle, deux explorateurs espagnols, la cherchant en Amérique, firent la découverte de la Floride.
Les Eaux stagnantes
Les lacs, les étangs, les marais, objets d'un culte
religieux, avaient leurs divinités tutélaires comme les fontaines et les cours d'
eau. Non seulement l'imagination des poètes y plaçait des nymphes, des
naïades dans leurs
gouffres mystérieux ou parmi leurs roseaux, mais les peuples élevaient sur leurs bords des temples ou des
sanctuaires consacrés aux divinités les plus puissantes.
Diane était honorée tout particulièrement sur les bords du lac Stymphale en
Arcadie. Dans son temple se dressait une statue de
bois doré, connue sous le nom de Stymphalie. Autour de l'image de cette déesse étaient rangées d'autres statues de marbre blanc qui représentaient sous la forme de jeunes filles les divers
oiseaux du lac. Malheur aux habitants de la ville voisine, de Stymphale, s'ils venaient à négliger le culte de la déesse : les
eaux du lac manifestaient aussitôt la colère de
Diane, et ce n'était que par des prières et des sacrifices qu'on préservait la contrée des ravages de l'inondation.
Les peuples d'Italie regardaient comme des
dieux tous les lacs et tous les
fleuves de leur climat : ils adoraient le lac d'Albe, le lac Fucin, ceux d'Aride et de Cutilie aussi
religieusement que les
fleuves Clitumne et Numique.
Parfois les lacs dissimulaient dans leur profondeur l'entrée de l'Enfer, tel le lac ou marais de Lerne en
Argolide, ou le lac Averne en Italie.
« Les Argiens, dit Pausanias, prétendent que c'est
par le lac de Lerne que
Bacchus descendit aux Enfers pour en retirer sa mère,
Sémélé. »
Le lac Averne était consacré à
Pluton.
Ses
eaux croupissantes et peut-être sulfureuses exhalaient des miasmes nauséabonds et délétères : les
oiseaux qui volaient au-dessus y tombaient asphyxiés, ce qui lui a fait donner son nom (Rac.
a privatif et
ornis oiseau. Il communiquait, croyait-on, avec les demeures infernales : sur ses bords était l'oracle des Ombres dont parle
Homère, et qu'
Ulysse vint consulter sur son retour.
Strabon raconte que ce lac était entouré d'
arbres dont la cime inclinée formait une voûte impénétrable aux rayons de
soleil. Il ajoute que, ces
bois ayant été coupés par l'ordre d'Auguste, l'
air se purifia. Il est certain que les
oiseaux volent aujourd'hui sans danger sur les
eaux de ce lac de Campanie.