EMIGRATION TROYENNE
Enée
Enée, issu du sang des rois de
Troie, fils d'
Anchise et de
Vénus, petit-fils d'Assaracus, fut élevé par le fameux
Chiron, comme s'il eût été un prince de la Grèce. Il apprit de lui tous les exercices qui peuvent contribuer à former un héros. Après avoir pris les leçons de cet habile maître, il épousa Créuse, fille de
Priam.
Lorsque
Pâris eut enlevé
Hélène,
Enée prévit les tristes suites de cette violation de l'hospitalité, et conseilla de rendre celle qui devait causer la perte de sa patrie. Quoiqu'il eût blâmé la guerre, il ne laissa pas de s'y conduire avec courage.
Homère ne met qu'
Hector au-dessus de lui, et, malgré sa prévention en faveur des Grecs, il ne fait céder
Enée qu'à
Achille et à
Diomède ; encore
Enée ne prend-il pas la fuite, mais est dérobé au combat, tantôt par
Apollon, tantôt par
Vénus.
Dans la nuit où
Troie succomba, il essaye vaillamment d'arrêter et de repousser les
ennemis dans les rues de la ville ; mais, débordé par le nombre, et
voyant que tout est perdu sans espoir, il charge sur son dos son père
Anchise, avec ses
dieux pénates, et, tenant son fils
Ascagne par la main, il se retire sur le mont
Ida avec ce qu'il a pu réunir de Troyens, entre autres le vieil
Alétès, Ilionée, Abas,
Oronte et un ami, le fidèle Achate.
Dans cette fuite précipitée, il perdit sa femme Créuse. Il revint sur ses pas dans l'espérance de la retrouver ; mais elle lui apparut comme une ombre, et lui révéla qu'elle avait été enlevée par
Cybèle.
Après avoir construit une flotte de vingt vaisseaux et côtoyé la Thrace, une partie de la Grèce, il relâcha en
Epire, où il trouva
Hélénus qui lui prédit la suite de ses épreuves. Puis il remit à la voile, essuya plusieurs tempêtes, aborda en Afrique et fut reçu à Carthage par
Didon, que
Vénus disposa en sa faveur. Aimé de cette princesse, le héros s'oublia quelque temps dans les plaisirs de sa cour ; mais
Mercure vint l'arracher à ce piège que la haine de
Junon avait tendu à sa gloire ; et de la
Sicile où l'appelait la célébration des
jeux funèbres en l'honneur d'
Anchise mort dans cette île l'année précédente, il arriva en Italie, consulta la
sibylle de Cumes, descendit aux Enfers, vit dans les Champs-Elysées les héros troyens et son père dont il apprit sa destinée et celle de sa postérité.
Revenu des Enfers, il vint camper sur les bords du Tibre où
Cybèle changea ses vaisseaux en nymphes. Là l'accomplissement de plusieurs oracles l'avertit que ses courses étaient terminées.
Latinus, roi du pays, l'accueillit favorablement ; mais la violence de Turnus rompit la paix qui venait d'être jurée, et entraîna le vieux monarque dans une guerre qui finit par la mort de Turnus.
Enée, après l'avoir tué en combat singulier, épousa Lavinie, fille de
Latinus, et fonda la ville de Lavinium, que les Romains regardaient comme le berceau de leur empire.
Après quatre années d'un règne paisible, les
Rutules, ligués avec les
Etrusques, recommencèrent la guerre. Il se livra une sanglante bataille à la suite de laquelle
Enée disparut, noyé, dit-on, dans le
Numicius, cours d'
eau qui se jette dans la mer Tyrrhénienne. Il avait trente-huit ans. Mais, cette fin ne paraissant pas digne d'un tel héros, on prétendit et l'on publia que
Vénus, sa mère, l'avait enlevé au
ciel, après avoir lavé son
corps dans les
eaux du petit
fleuve. On lui éleva un monument sur les bords du
Numicius, et les Romains l'honorèrent sous le nom de Jupiter Indigète.
Latinus
Latinus, roi du
Latium, était fils de Faunus et de la nymphe
Marica. Il avait eu de son
épouse Amate un fils mort à la
fleur de l'âge. Il ne lui restait plus qu'une fille, Lavinie, jeune princesse recherchée en
mariage par plusieurs princes d'Italie, et surtout par Turnus, roi des
Rutules, qu'Amate, sa tante, favorisait. Mais d'effrayants prodiges avaient retardé cette union.
Un
jour que la princesse brûlait des parfums sur l'
autel, le
feu prit à sa chevelure, s'attacha à ses vêtements, répandit autour d'elle des tourbillons de
flamme et de fumée, sans qu'elle en éprouvât aucun mal. Les devins consultés augurèrent que sa
destinée serait brillante, mais fatale à son peuple ; et Faunus défendit à
Latinus de marier sa fille à un prince du
Latium, annonçant un étranger dont le sang mélé avec le sien devait élever jusqu'au
ciel la gloire du nom latin.
Ce fut alors qu'
Enée aborda en Italie, et vint demander un asile à
Latinus. Le roi le reçut bien, et, se rappelant l'oracle de Faunus, il fit alliance avec
Enée, et lui offrit sa fille en
mariage. Les Latins s'y opposèrent et forcèrent leur prince à la guerre. Le Troyen ayant eu l'avantage devint possesseur de la princesse et héritier de
Latinus.
Veuve d'
Enée, et
voyant son trône occupé par
Ascagne, Lavinie ne fut pas sans crainte pour ses
jours. Elle alla se cacher dans les
forêts où elle mit au monde un fils qui prit le nom de Silvius. L'absence de cette princesse fit murmurer le peuple ;
Ascagne fut obligé de la faire chercher et
de lui céder la ville de Lavinium.
Evandre
Evandre fut le chef d'une colonie d'
Arcadiens qui vint s'établir dans l'Italie, aux environs du mont
Aventin. Ce prince y apporta, avec
l'agriculture, l'usage des lettres, et s'attira par là, et plus encore par sa sagesse, l'estime et le respect des aborigènes qui, sans l'avoir pris pour roi, lui obéirent comme à un ami des
dieux.
Evandre reçut chez lui
Hercule, et voulut être le premier à l'honorer comme une divinité, même de son vivant ; on éleva à la hâte un
autel devant
Hercule, et
Evandre immola, en son honneur, un jeune taureau. Dans la suite ce sacrifice fut renouvelé tous les ans sur le mont
Aventin.
On prétend que c'est
Evandre qui apporta en Italie le culte de
la plupart des divinités des Grecs, qui institua les premiers
Saliens, les
Luperques et les Lupercales. Il bâtit à
Cérès le premier temple sur le
mont Palatin.
Virgile suppose qu'il vivait encore du temps d'
Enée, avec
qui il fit alliance et qu'il aida de ses troupes. D'après le même
poète,
Evandre envoya son propre fils
Pallas secourir les Troyens d'
Enée. Ce jeune et beau guerrier, après s'être signalé par ses exploits, meurt sur le champ de bataille. Sa mort et ses funérailles, décrites
dans
L’Enéide, forment deux tableaux du plus pathétique intérêt.
Evandre, après sa mort, fut placé, par la reconnaissance de ses sujets, au rang des immortels : il reçut tous les
honneurs divins. Quelques mythologues sont persuadés que c'était
Evandre qu'on honorait dans
Saturne, et que son règne fut l'
âge d'or de l'Italie.
Ascagne ou Iule
Ascagne ou
Iule était le fils unique d'
Enée et de
Créuse, fille de
Priam. La nuit de la prise de
Troie,
Enée et
Anchise étant indécis sur le parti qu'ils devaient prendre, une
flamme légère qu'ils virent tout à coup voltiger autour de la tête d'
Ascagne, sans
brûler ses
cheveux, leur parut un présage favorable, qui
les décida à chercher un nouvel établissement dans les pays étrangers.
En Italie,
Ascagne succéda à son père et bâtit Albe-la-Longue dont il fit la capitale de son royaume.
Nisus et Euryale
Deux jeunes guerriers troyens,
Nisus, fils d'Hyrtacus, et
Euryale, fils d'Opheltès, avaient suivi
Enée en Italie. Ils étaient liés d'une amitié indissoluble. Un soir, en l'absence d'
Enée,
Nisus le plus âgé des deux, étant de garde à la porte du Camp investi par les
Rutules, conçoit le projet de franchir les lignes ennemies pour
aller chercher le héros, leur chef.
Euryale approuve son ami, et, malgré son âge, ne veut pas le laisser partir seul : il recommande sa mère à
Iule, et les deux jeunes guerriers partent ensemble. Après avoir massacré
un grand nombre de
Rutules endormis, ils rencontrent un détachement latin conduit par Volcens.
Nisus échappe,
Euryale est pris, et va périr ;
Nisus revient sur ses pas et demande inutilement à mourir à la place de son jeune
ami.
Euryale est égorgé, et
Nisus ne succombe qu'après avoir vengé sa mort par celle de Volcens.
Tel est le résumé de l'admirable récit de Virgile, au neuvième livre de
L’Enéide.