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Mythologie grecque et romaine

Pierre Commelin
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L'OLYMPE


      Les divinités antérieures à Jupiter appartiennent aux âges mythologiques les plus reculés, et, pour ainsi dire, aux origines du monde. Leurs histoires, ou plutôt leurs légendes, sont empreintes d'une certaine confusion, leur physionomie tient encore pour ainsi dire du chaos. À partir du règne de Jupiter, les personnalités divines s'accentuent plus nettement. Si parfois les dieux ont encore des attributs ou des fonctions semblables, si plusieurs d'entre eux sont la même personne sous des noms différents, leurs traits sont plus distincts, leur rôle mieux défini.
      Avant Jupiter, le Chaos se débrouille, le Jour se fait, le Ciel et la Terre s'unissent, la divinité se manifeste en quelque sorte partout, mais le monde divin ne réside dans aucun lieu bien déterminé. Le fils et successeur de Saturne constitue et organise l'ordre divin. Dès le commencement de son règne, mais non sans combat, les Titans, fils de la Terre, vont disparaître ; le partage du monde se fera dans sa famille, la voûte céleste, tantôt voilée de nuages, tantôt resplendissante d'azur, de feux et de lumière, soutiendra le palais mystérieux du souverain maître, père des dieux et des hommes. Ce palais, c'est l'Olympe, ou l'Empyrée.
      De son séjour élevé bien au-dessus des régions terrestres, aux extrêmes confins de l'éther, dans l'espace invisible, Jupiter préside aux évolutions du monde, observe les peuples, pourvoit aux besoins des hommes, assiste à leurs rivalités, prend part à leurs querelles, poursuit et punit les coupables, veille à la protection de l'innocence, en un mot s'acquitte des devoirs d'un roi souverain. Il convoque les autres dieux, les réunit dans l'Olympe, à sa cour et sous son sceptre.
      Il s'établit entre toutes les divinités un commerce incessant, elles daignent se rapprocher des mortels, s'unir avec eux ; réciproquement, les mortels généreux aspirent aux honneurs de l'Olympe, et, par leurs actions héroïques, s'efforcent d'obtenir des dieux l'immortalité.
      Le mont Olympe étant le plus élevé de la Grèce, c'est sur son sommet, parfois perdu dans les nuages, que les poètes placèrent le séjour de Jupiter et de la plupart des dieux.
      On appelait Olympiens les douze dieux principaux, c'est-à-dire Jupiter, Neptune, Pluton, Mars, Vulcain, Apollon, Junon, Vesta, Minerve, Cérès, Diane et Vénus.



Jupiter, en grec Zeus

Jupiter assis            Jupiter, disent les poètes, est le père, le roi des dieux et des hommes ; il règne dans l'Olympe et, d'un signe de tête, ébranle l'univers. Il était le fils de Rhéa et de Saturne qui dévorait ses enfants à mesure qu'ils venaient au monde. Déjà Vesta, sa fille aînée, Cérès, Pluton, Neptune avaient été dévorés, lorsque Rhéa, voulant sauver son enfant, se réfugia en Crète, dans l'antre de Dicté, où elle donna le jour, en même temps, à Jupiter et à Junon. Celle-ci fut dévorée par Saturne. Quant au jeune Jupiter, Rhéa le fit nourrir par Adrasté et Ida, deux nymphes de Crète, qu'on appelait les Mélisses, et recommanda son enfance aux Curètes, anciens habitants du pays. Cependant, pour tromper son mari, Rhéa lui fit avaler une pierre emmaillotée. Les Mélisses nourrirent Jupiter avec le lait de la chèvre Amalthée et le miel du mont Ida de Crète.
      Devenu adolescent, il s'associa la déesse Métis, c'est-à-dire la Prudence. Ce fut par le conseil de Métis qu'il fit prendre à Saturne un breuvage dont l'effet fut de lui faire vomir premièrement la pierre qu'il avait avalée, et ensuite tous les enfants engloutis dans son sein.
      Avec l'aide de ses frères, Neptune et Pluton, il se proposa d'abord de détrôner son père et de bannir les Titans, cette branche rivale qui faisait obstacle à sa royauté. Il leur déclara donc la guerre ainsi qu'à Saturne. La Terre lui prédit une victoire complète, s'il pouvait délivrer ceux des Titans que son père tenait enfermés dans le Tartare, et les engager à combattre pour lui. Il l'entreprit, et en vint à bout, après avoir tué Campé, la geôlière, qui avait la garde des Titans dans les Enfers.
      C'est alors que les Cyclopes donnèrent à Jupiter le tonnerre, l'éclair et la foudre, à Pluton un casque, et à Neptune un trident. Avec ces armes, les trois frères vainquirent Saturne, le chassèrent du trône et de la société des dieux, après lui avoir fait subir de cruelles tortures. Les Titans qui avaient aidé Saturne à combattre furent précipités dans les profondeurs du Tartare sous la garde des Géants.
      Après cette victoire, les trois frères, se voyant maîtres du monde, se le partagèrent entre eux : Jupiter eut le ciel, Neptune la mer, et Pluton les Enfers.
      Mais à la guerre des Titans succéda la révolte des Géants, enfants du Ciel et de la Terre. D'une taille monstrueuse et d'une force proportionnée, ils avaient les jambes et les pieds en forme de serpent ; quelques-uns avaient cent bras et cinquante têtes. Résolus de détrôner Jupiter, ils entassèrent Ossa sur Pélion, et l'Olympe sur Ossa d'où ils essayèrent d'escalader le ciel. Ils lançaient contre les dieux des rochers dont les uns, tombant dans la mer, devenaient des îles, et les autres, retombant à terre, formaient des montagnes.
Jupiter foudroyant les Géants      Jupiter était dans une grande inquiétude, parce qu'un ancien oracle annonçait que les Géants seraient invincibles, à moins que les dieux n'appelassent un mortel à leur secours. Ayant défendu à l'Aurore, à la Lune et au Soleil de découvrir ses desseins, il devança la Terre qui cherchait à secourir ses enfants ; et, par l'avis de Pallas, ou Minerve, il fit venir Hercule qui, de concert avec les autres dieux, l'aida à exterminer les Géants Encelade, Polybétès, Alcyonée, Porphyrion, les deux Aloïdes Ephialte et Otus, Eurytus, Clytius, Tityus, Pallas, Hippolytus, Agrius, Thaon et le redoutable Typhon qui, seul, donna plus de peine aux dieux que tous les autres.
      Après les avoir défaits, Jupiter les précipita jusqu'au fond du Tartare, ou, suivant d'autres poètes, il les enterra vivants, les uns dans un pays, les autres dans un autre. Encelade fut enseveli sous le mont Etna. C'est lui dont l'haleine embrasée, dit Virgile, exhale les feux que lance le volcan ; lorsqu'il essaie de se retourner, il fait trembler la Sicile, et une épaisse fumée obscurcit l'atmosphère. Polybétès fut enterré sous l'île de Lango, Otus sous l'île de Candie, et Typhon sous l'île d'Ischia.
      Selon Hésiode, Jupiter fut marié sept fois ; il épousa successivement Métis, Thémis, Eurynome, Cérès, Mnémosyne, Latone et Junon, sa sœur, qui fut la dernière de ses femmes.
      Il s'éprit aussi d'amour pour un grand nombre de simples mortelles, et des unes et des autres lui naquirent beaucoup d'enfants qui tous furent mis au rang des dieux et demi-dieux.
      Son autorité suprême, reconnue par tous les habitants du ciel et de la terre, fut cependant plus d'une fois contrariée par Junon, son épouse. Cette déesse osa même une fois ourdir contre lui une conspiration des dieux. Grâce au concours de Thétis et à l'intervention du terrible géant Briarée, cette conspiration fut promptement étouffée, et l'Olympe rentra dans l'éternelle obéissance.
      Parmi les divinités, Jupiter tenait toujours le premier rang ; et son culte était le plus solennel et le plus universellement répandu. Ses trois plus fameux oracles étaient ceux de Dodone, de Libye et de Trophonius. Les victimes les plus ordinaires qu'on lui immolait étaient la chèvre, la brebis et le taureau blanc dont on avait eu soin de dorer les cornes. On ne lui sacrifiait point de victimes humaines ; souvent on se contentait de lui offrir de la farine, du sel et de l'encens. L'aigle, qui plane en haut des cieux et fond comme la foudre sur sa proie, était son oiseau favori.
      Le jeudi, jour de la semaine, lui était consacré (Jovis dies).
      Dans la fable, le nom de Jupiter précède celui de beaucoup d'autres dieux, même de rois : Jupiter-Ammon en Libye, Jupiter-Sérapis en Egypte, Jupiter-Bélus en Assyrie, Jupiter-Apis, roi d'Argos, Jupiter-Astérius, roi de Crète, etc.
      Le plus ordinairement, il est représenté sous la figure d'un homme majestueux, avec de la barbe, une abondante chevelure, et assis sur un trône. De la main droite, il tient la foudre figurée de deux manières, ou par un tison flamboyant des deux bouts ou par une machine pointue des deux côtés et armée de deux flèches. De la main gauche, il tient une Victoire, et à ses pieds se trouve un aigle aux ailes déployées qui enlève Ganymède. La partie supérieure du corps est nue, et la partie inférieure couverte.
      Mais cette manière de le représenter n'était pas uniforme. L'imagination des artistes modifiait son image ou sa statue, suivant les circonstances et le lieu même où Jupiter était honoré. Les Crétois le représentaient sans oreilles, pour marquer son impartialité ; les Lacédémoniens, au contraire, lui en donnaient quatre, pour démontrer qu'il est en état d'entendre toutes les prières. A côté de Jupiter, on voit souvent la Justice, les Grâces et les Heures.
      La statue de Jupiter, par Phidias, était d'or et d'ivoire : le dieu paraissait assis sur un trône, ayant sur la tête une couronne d'olivier, tenant de la main gauche une Victoire aussi d'or et d'ivoire, ornée de bandelettes et couronnée. De la droite, il tenait un sceptre sur le bout duquel reposait un aigle resplendissant de l'éclat de toutes sortes de métaux. Le trône du dieu était incrusté d'or et de pierreries : l'ivoire et l'ébène y faisaient par leur mélange une agréable variété. Aux quatre coins, il y avait quatre Victoires qui semblaient se donner la main pour danser, et deux autres aux pieds de Jupiter. A l'endroit le plus élevé du trône, au-dessus de la tête du dieu, on avait placé d'un côté les Grâces, de l'autre les Heures, les unes et les autres comme filles de Jupiter.


Junon, en grec Hèra

Junon      Junon était fille de Saturne et de Rhéa, sœur de Jupiter, de Neptune, de Pluton, de Cérès et de Vesta. Elle fut nourrie, selon Homère, par l'Océan et par Thétis ; d'autres disent que ce furent les Heures qui prirent soin de son éducation. Elle épousa Jupiter, son frère jumeau. Leurs noces furent célébrées en Crète, sur la territoire des Gnossiens, près du fleuve Thérène. Pour rendre ces noces plus solennelles, Jupiter ordonna à Mercure d'y inviter tous les dieux, tous les hommes et tous les animaux. Tous s'y rendirent, excepté la nymphe Chéloné, assez téméraire pour se moquer de ce mariage, et qui fut changée en tortue.
      Jupiter et Junon ne vivaient pas en bonne intelligence : des querelles éclataient continuellement entre eux. Junon fut plus d'une fois battue et maltraitée par son époux, à cause de son humeur acariâtre. Une fois Jupiter alla jusqu'à la suspendre entre le ciel et la terre avec une chaîne d'or, et lui mettre une enclume à chaque pied. Vulcain, son fils, ayant voulu la dégager de là, fut culbuté, d'un coup de pied, de ciel sur terre.
      Les infidélités de Jupiter en faveur des belles mortelles excitèrent et justifièrent souvent la jalousie et la haine de Junon. De son côté, cette déesse irascible eut des intrigues amoureuses, notamment avec le géant Eurymédon. Elle conspira avec Neptune et Minerve pour détrôner Jupiter, et le chargea de liens. Mais Thétis, la Néréide, amena au secours de Jupiter le formidable Briarée, dont la seule présence arrêta les desseins des conspirateurs.
      Junon persécuta toutes les concubines de Jupiter et tous les enfants issus de ses illégitimes amours, Hercule, Io, Europe, Sémélé, Platée, etc. On dit qu'elle éprouvait pour les femmes inconstantes et coupables une profonde aversion.
      Elle eut plusieurs enfants : Hébé, Vulcain, Mars, Typhon, Ilithyie, Argé.
      Dans la guerre de Troie, elle prit fait et cause avec Minerve pour les Grecs contre les Troyens qu'elle ne cessa de poursuivre de sa haine, même après la destruction de leur ville. Dans L'Iliade, elle prend la ressemblance de Stentor, un des chefs grecs dont la voix plus éclatante que l'airain, plus forte que celle de cinquante hommes robustes réunis, servait de trompette à l'armée.
      Comme on donnait à chaque dieu quelque attribution particulière, Junon avait en partage les royaumes, les empires et les richesses ; c'est aussi ce qu'elle offrit au berger Pâris, s'il voulait lui adjuger le prix de la beauté. Elle prenait, disait-on, un soin particulier des parures et des ornements des femmes : c'est pour cela que, dans ses statues, ses cheveux paraissaient élégamment ajustés. Elle présidait aux mariages, aux noces, aux accouchements. Alors, et selon le cas, on l'invoquait sous les noms de Juga, Pronuba, Lucine, etc. Elle présidait aussi à la monnaie, d'où son surnom de Moneta.
      Le culte de Junon était presque aussi solennel et aussi répandu que celui de Jupiter. Elle inspirait une vénération mêlée de crainte. C'est à Argos, Samos et Carthage qu'elle était principalement honorée.
      A Argos, on voyait sur un trône la statue de cette déesse, d'une grandeur extraordinaire, toute d'or et d'ivoire : elle avait sur la tête une couronne au-dessus de laquelle étaient les Grâces et les Heures. Elle tenait d'une main une grenade, et de l'autre un sceptre, au bout duquel était un coucou, oiseau aimé de la déesse.
      A Samos, la statue de Junon portait aussi une couronne : on l'appelait même Junon la reine ; du reste, elle était couverte d'un grand voile de la tête aux pieds.
      A Lanuvium, en Italie, la Junon tutélaire portait une peau de chèvre, une javeline, un petit bouclier et des escarpins recourbés en pointe sur le devant.
      Ordinairement, elle est représentée en matrone majestueuse, quelquefois un sceptre à la main, ou une couronne radiale sur la tête ; elle a auprès d'elle un paon, son oiseau favori.
      L'épervier et l'oison lui étaient aussi consacrés : ils accompagnent quelquefois ses statues.
      On ne lui sacrifiait pas de vaches, parce que, durant la guerre des géants et des dieux, elle s'était cachée sous cette forme en Egypte. Le dictame, le pavot, la grenade lui étaient donnés en offrande ; ces plantes ornaient ses autels et ses images. La victime immolée ordinairement en son honneur était une toute jeune brebis ; cependant, le premier jour de chaque mois, on lui immolait une truie. Les prêtresses de Junon étaient universellement respectées.
      Les querelles de Junon et de Jupiter ne sont, dit-on, qu'une allégorie : elles représentent les troubles, les perturbations de l'air ou du ciel. Ainsi, Junon serait l'image de l'atmosphère si souvent agitée, obscure et menaçante. Quant à Jupiter, il semblerait personnifier l'éther pur, la sérénité du firmament par delà les nuages et les astres. Du reste, une expression de la langue latine paraît justifier cette conception. De même que nous disons "passer la nuit à la belle étoile", c'est-à-dire en plein air, les Latins disaient "passer la nuit sous Jupiter". Dans la même langue, le nom de ce dieu est employé poétiquement dans le sens de pluie, phénomène aussi inexplicable que la foudre pour les anciens.


Minerve ou Pallas, en grec Athèna

      Minerve, fille de Jupiter, était la déesse de la sagesse, de la guerre, des sciences et des arts. Jupiter, après avoir dévoré Métis ou la Prudence, se sentant un grand mal de tête, eut recours à Vulcain qui, d'un coup de hache, lui fendit la tête. De son cerveau sortit Minerve tout armée, et dans un âge qui lui permit de secourir son père dans la guerre des géants où elle se distingua par sa vaillance. Un des traits les plus fameux de l'histoire de Minerve est son différend avec Neptune pour donner son nom à la ville d'Athènes. Les douze grands dieux, choisis pour arbitres, décidèrent que celui des deux qui produirait la chose la plus utile à la ville lui donnerait son nom. Neptune, d'un coup de trident, fit sortir de terre un cheval, Minerve en fit sortir un olivier, ce qui lui assura la victoire.
      La chaste Minerve resta vierge ; cependant, elle ne craignit pas de disputer le prix de la beauté à Junon et à Vénus. Afin de l'emporter sur ses rivales, elle offrit à leur juge, Pâris, le savoir et la vertu. Ses offres furent vaines, et elle en conçut un grand dépit.
      Cette déesse était la fille privilégiée du maître de l'Olympe ; il lui avait accordé plusieurs de ses prérogatives suprèmes. Elle donnait l'esprit de prophétie, prolongeait à son gré les jours des mortels, procurait le bonheur après la mort ; tout ce qu'elle autorisait d'un signe de tête était irrévocable ; tout ce qu'elle promettait arrivait infailliblement. Tantôt elle conduit Ulysse dans ses voyages, tantôt elle daigne enseigner aux filles de Pandare l'art d'exceller dans les travaux qui conviennent aux femmes, à représenter des fleurs et des combats dans des ouvrages de tapisserie. C'est elle encore qui embellit de ses mains le manteau de Junon. Enfin c'est elle qui fait construire le vaisseau des Argonautes d'après son dessin, et qui place à la proue le bois parlant, coupé dans la forêt de Dodone, lequel dirigeait leur route, les avertissait des dangers, et leur indiquait les moyens de les éviter. Sous ce langage figuré, il est aisé de reconnaître le gouvernail du vaisseau.
      Beaucoup de villes se mirent sous la protection de Minerve, mais la ville entre toutes favorisée par la déesse fut Athènes, à laquelle elle avait donné son nom. Là, son culte était en honneur perpétuel : elle y avait ses autels, ses plus belles statues, ses fêtes solennelles, et surtout un temple d'une remarquable architecture, le temple de la Vierge, le Parthénon. Ce temple, reconstruit sous Périclès, avait cent pieds en tous sens. La statue, d'or et d'ivoire, haute de trente-neuf pieds, était l'œuvre de Phidias.
      Aux Panathénées, fêtes solennelles de Minerve, tous les peuples de l'Attique accouraient à Athènes. Ces fêtes, à l'origine, ne duraient qu'un jour, mais ensuite leur durée se prolongea. On distinguait les grandes et les petites Panathénées ; les grandes se célébraient tous les cinq ans, et les petites tous les ans. À ces fêtes, se disputaient trois sortes de prix, ceux de la course, de la lutte et de la poésie ou de la musique. Aux grandes Panathénées, on promenait dans Athènes un navire orné du péplum, ou voile de Minerve, chef-d'œuvre de broderie exécuté par les dames athéniennes.
      Dans ses statues et ses images, on lui donne une beauté simple, négligée, modeste, un air grave, empreint de noblesse, de force et de majesté. Elle a ordinairement le casque en tête, une pique d’une main, un bouclier de l'autre, et l'égide sur la poitrine. Le plus souvent la déesse est assise ; mais, quand elle est debout, elle a toujours, avec l'attitude résolue d'une guerrière, l'air méditatif et le regard porté vers de hautes conceptions.
      Les animaux consacrés à Minerve étaient la chouette et le dragon. On lui sacrifiait de grandes victimes ; ainsi, aux grandes Panathénées, chaque tribu de l'Attique lui immolait un bœuf, dont la chair était ensuite distribuée au peuple par les sacrificateurs.
      On considère habituellement Minerve (Athéna) et Pallas comme la même divinité. Les Grecs même associent les deux noms Pallas-Athèna. Cependant, d'après certains poètes, ces deux divinités ne sauraient être confondues. Pallas, appelée la Tritonienne aux yeux pers, fille de Triton, avait été chargée de l'éducation de Minerve. Toutes deux se plaisaient aux exercices des armes. Un jour, elles se portèrent un défi et en vinrent aux mains. Minerve allait être blessée si Jupiter n'eût mis l'égide devant sa fille ; Pallas en fut épouvantée, et, tandis qu'elle reculait en regardant cette égide, Minerve la blessa mortellement. Elle en éprouva un profond chagrin, et, pour se consoler, elle fit faire une image de Pallas ayant l'égide sur sa poitrine. C'est, dit-on, cette image ou statue qui plus tard devint le fameux Palladium de Troie.
      Dans Homère, Minerve couvre ses épaules de l'immortelle égide où est gravée la tête de la Gorgone Méduse, environnée de serpents, et de laquelle pendent des rangs de franges d'or. Autour de cette égide étaient la Terreur, la Dissension, la Force, la Guerre, etc. L'égide se prend quelquefois pour la cuirasse de Minerve, plus rarement pour son bouclier. Les seules divinités portant l'égide sont Minerve, Mars et Jupiter. L'égide de Jupiter était faite avec la peau de la chèvre Amalthée, sa nourrice.


Vesta, en grec Hestia

      Il importe, de ne pas confondre l'antique Vesta, c'est-à-dire Titéia ou la Terre, femme d'Uranus, avec la vierge Vesta, déesse du feu ou le feu même, car les Grecs la nommaient Hestia, mot qui signifie foyer de la maison. Cependant, chez les poètes, bien souvent ces deux divinités paraissent être confondues.
Vesta, déesse du feu, avait un culte qui, en Asie et en Grèce, remontait à la plus haute antiquité. Elle était honorée à Troie, longtemps avant la ruine de cette ville, et ce fut Enée qui, croit-on, apporta en Italie son culte et son symbole : il l'avait parmi ses dieux pénates.
      Les Grecs commençaient et finissaient tous leurs sacrifices par honorer Vesta, et l'invoquaient la première, avant tous les autres dieux. Il y avait à Corinthe un temple de Vesta, mais sans aucune statue ; on voyait seulement au milieu de ce temple un autel pour les sacrifices qui se faisaient à la déesse. Elle avait aussi des autels dans plusieurs temples consacrés à d'autres dieux, comme à Delphes, à Athènes, à Ténédos, à Argos, à Milet, à Ephèse, etc.
      Son culte consistait principalement à entretenir le feu qui lui était consacré et à prendre garde qu'il ne s'éteignît.
      A Rome, Numa Pompilius fit bâtir à Vesta un temple en forme de globe, image de l'univers. C'est au milieu de ce temple que l'on entretenait le feu sacré avec d'autant plus de vigilance qu'il était regardé comme le gage de l'empire du monde. Si ce feu venait à s'éteindre, on ne devait le rallumer qu'aux rayons du soleil, au moyen d'une sorte de miroir. Même sans que le feu s'éteignît, il était renouvelé tous les ans, le premier jour de mars.
      A Rome, ainsi que chez les Grecs, Vesta, la vierge, n'avait d'autre image ou d'autre symbole que le feu sacré. Une des manières de la représenter était en habit de matrone, vêtue de la stola, tenant de la main droite un flambeau ou une lampe, ou une patère, vase à deux anses, appelé capeduncula, quelquefois aussi un Palladium ou une petite Victoire. Parfois, au lieu de la patère, elle tient une haste, javelot sans fer, ou une corne d'abondance. Sur les médailles et les monuments, les titres qu'on lui donne sont Vesta la sainte, l'éternelle, l'heureuse, l'ancienne, Vesta la mère, etc.
      Chez les Romains, le feu sacré de Vesta était gardé et entretenu par de jeunes vierges, les Vestales. Ces jeunes filles étaient choisies dans les plus grandes familles de Rome, à l'âge de six à dix ans. Elles restaient au service de la déesse pendant une durée de vingt à trente ans. Elles rentraient ensuite au sein de la société romaine, avec la permission de contracter mariage. Mais, durant leur sacerdoce, les Vestales qui laissaient le feu s'éteindre étaient sévèrement et même cruellement punies : celle qui violait ses vœux de virginité était mise à mort, parfois enterrée vive.
      En compensation de toutes ces rigueurs, les Vestales étaient l'objet d'un respect universel : comme les hauts dignitaires, elles étaient précédées d'un licteur, ne dépendaient que du collège des pontifes ; elles étaient appelées souvent pour apaiser les dissensions dans les familles : on leur confiait les secrets des particuliers et quelquefois ceux de l'Etat. C'est entre leurs mains que l'empereur Auguste avait déposé son testament ; et, après sa mort, elles le portèrent au sénat romain.
      Elles avaient la tête ceinte de bandelettes de laine blanche, qui leur retombaient gracieusement sur les épaules et de chaque côté de la poitrine. Leurs vêtements étaient d'une grande simplicité, mais non dépourvus d'élégance. Par dessus une robe blanche elles portaient une sorte de rochet de la même couleur. Leur manteau, qui était de pourpre, leur cachait une épaule et laissait l'autre demi-nue. Primitivement elles se coupaient les cheveux, mais plus tard elles portèrent toute leur chevelure. Quand le luxe se fut répandu dans Rome, on les vit se promener en somptueuse litière, même dans un char magnifique, avec une nombreuse suite de femmes et d'esclaves.


Latone

      Latone, fille du Titan Cœus, selon Hésiode, fille de Saturne, selon Homère, fut aimée de Jupiter. Junon, jalouse de sa rivale, la fit persécuter par le serpent Python, et fit promettre à la Terre de ne lui donner aucune retraite. Sur le point de devenir mère, elle parcourait le monde, cherchant un asile. Neptune eut pitié de son sort : d'un coup de son trident, il fit sortir de la mer l'île de Délos. Latone, momentanément changée en caille par Jupiter, se réfugie dans cette île, où elle met au monde Apollon et Diane, à l'ombre d'un olivier ou d'un palmier. L'île de Délos, d'abord flottante, fut fixée plus tard par Apollon au milieu des Cyclades, celles-ci étant, pour ainsi dire, rangées en cercle autour d'elle.
      Latone était particulièrement honorée à Délos et à Argos. Ainsi que Junon ou Lucine, elle présidait à la naissance des hommes, et les mères, dans leurs angoisses et leurs souffrances, lui adressaient des invocations.


Apollon ou Phébus

Apollon du Belvédère      En grec, les noms Phoibos et Apollon sont parfois réunis.
      Fils de Jupiter et de Latone, frère jumeau de Diane, Apollon ou Phébus naquit dans l'île flottante de Délos, qui, à partir de ce moment, devient stable et immobile par la volonté du jeune dieu ou la faveur de Neptune. Dès son adolescence, il prit son carquois et ses terribles flèches, et vengea sa mère du serpent Python, par lequel elle avait été si obstinément poursuivie. Le serpent fut tué, écorché, et sa peau servit à couvrir le trépied sur lequel s'asseyait la Pythonisse de Delphes pour rendre ses oracles. D'un visage rayonnant de beauté, avec une chevelure blonde qui tombait en boucles gracieuses sur ses épaules, d'une taille haute et dégagée, d'une attitude et d'une démarche séduisantes, il aima la nymphe Coronis, qui le rendit père d'Esculape. Ce fils d'Apollon, qui excellait dans la médecine, ayant usé des secrets de son art pour ressusciter Hippolyte, sans l'assentiment des dieux, fut foudroyé par Jupiter. Apollon, furieux, perce de ses flèches les Cyclopes, qui avaient forgé la foudre. Cette vengeance, regardée comme un attentat, le fit chasser de l'Olympe. Exilé du ciel, condamné à vivre sur la terre, Apollon se réfugia chez Admète, roi de Thessalie, dont il garda les troupeaux. Tel était le charme qu'il exerçait autour de lui dans les campagnes, si nombreux étaient les agréments dont il embellissait la vie champêtre, que les dieux mêmes devinrent alors jaloux des bergers.
      Durant son exil, il chantait et jouait de la lyre ; Pan, avec sa flûte, osa rivaliser avec lui devant Midas, roi de Phrygie, désigné pour arbitre. Midas, ami de Pan, se prononça en sa faveur, et, pour le punir de son stupide jugement, Apollon lui fit pousser des oreilles d’âne. Le satyre Marsyas, autre joueur de flûte, ayant voulu aussi rivaliser avec Apollon, à la condition que le vaincu serait mis à la discrétion du vainqueur, fut vaincu par le dieu, qui le fit écorcher vif. Un jour, Mercure lui dérobe son troupeau, et Apollon passe du service d'Admète à celui de Laomédon, fils d'Ilus et père de Priam.
      Apollon aida Neptune à construire les murailles de Troie, et les dieux n'avant reçu de Laomédon aucun salaire, il punit cette ingratitude en frappant le. peuple d'une peste qui causa d'immenses ravages.
      Il erra encore quelque temps sur la terre, aima Daphné, fille du fleuve Pénée, qui se déroba à son amour et fut métamorphosée en laurier ; Clytie qui, se voyant abandonnée pour sa sœur Leucothoé, se morfondit de douleur et se changea en héliotrope ; enfin Clymène qui eut d'Apollon un grand nombre d'enfants, dont le plus célèbre est Phaéton.


Diane, en grec Artémis

Diane d'Ephèse      Diane ou Artémis, fille de Latone et de Jupiter, sœur jumelle d'Apollon, née à Délos, vint au monde quelques instants avant son frère. Témoin des douleurs maternelles de Latone, elle conçut une telle aversion pour le mariage, qu'elle demanda et obtint de Jupiter la grâce de garder une virginité perpétuelle ainsi que Minerve, sa sœur. C'est pour cette raison que ces deux déesses reçurent de l'oracle d'Apollon le nom de Vierges blanches. Jupiter l'arma lui-même d'un arc et de flèches, et la fit reine des bois. Il lui donna pour cortège soixante nymphes, appelées Océanies, et vingt autres nommées Asies, dont elle exigeait une inviolable chasteté.
      Avec ce nombreux et gracieux cortège, elle se livre à la chasse, son occupation favorite. Toutes ses nymphes sont grandes et belles, mais la déesse les surpasse toutes en taille et en beauté. Comme Apollon, son frère, elle a différents noms : sur la terre, elle s'appelle Diane ou Artémis : au ciel, la Lune ou Phébé ; aux Enfers, Hécate. Elle avait en outre un grand nombre de surnoms, selon les qualités qu'on lui attribuait, les contrées qu'elle semblait favoriser, les temples où on l'honorait.
      Quand Apollon, c'est-à-dire le Soleil, a disparu à l'horizon, Diane, c'est-à-dire la Lune, resplendit dans les cieux et répand discrètement sa lumière dans les profondeurs mystérieuses de la nuit. Ces deux divinités ont des fonctions non identiques, mais semblables : alternativement, elles éclairent le monde ; de là leur caractère de fraternité. Apollon est célébré de préférence par les jeunes garçons ; Diane, plutôt par les chœurs de jeunes filles.
      Cette déesse est grave, sévère, cruelle et même vindicative. Elle sévit sans pitié contre tous ceux qui ont provoqué son ressentiment. Elle n'hésite pas à détruire leurs moissons, à ravager leurs troupeaux, semer l'épidémie autour d'eux, à humilier, faire périr même leurs enfants. A la prière de Latone, sa mère, elle se joint à Apollon, pour percer de ses flèches tous les enfants de la malheureuse Niobé. Elle traite ses nymphes avec la même rigueur, si elles oublient leur devoir.
      Un jour, Actéon, dans une partie de chasse, la surprend au bain : elle lui jette de l'eau au visage ; il est aussitôt métamorphosé en cerf et dévoré par ses chiens. Un autre jour, dans un accès de jalousie, elle perce de ses flèches ou fait périr cruellement Orion qu'elle aime et qui s'est laissé enlever par l'Aurore. Opis, compagne de Diane, n'eut pas un sort plus heureux.
      Vierge implacable, Diane s'éprit cependant pour la beauté d'Endymion. Ce petit-fils de Jupiter avait obtenu du maître de l'Olympe la singulière faveur d'un sommeil perpétuel. Toujours jeune, sans jamais sentir les atteintes de la vieillesse, ni de la mort, Endymion dormait dans une grotte du mont Latmos, en Carie. C'est là que Diane ou la Lune venait chaque nuit le visiter.
      La biche et le sanglier lui étaient particulièrement consacrés. On lui offrait en sacrifice les primeurs de la terre, des bœufs, des béliers, des cerfs blancs, quelquefois des victimes humaines. On sait que le sacrifice d'Iphigénie a inspiré plus d'un poète tragique. En Tauride, tous les naufragés sur cette côte étaient immolés à Diane ou jetés en son honneur dans un précipice. En Cilicie, elle avait un temple où les adorateurs marchaient sur des charbons ardents.
Diane à la biche      Son temple le plus célèbre était incontestablement celui d'Ephèse. Durant 220 ans, toute l'Asie concourut à le construire, l'orner et l'enrichir. Les immenses richesses qu'il contenait furent sans doute la cause des différentes révolutions qu'il éprouva. Ou prétend qu'il fut détruit et reconstruit sept fois. Cependant l'histoire ne mentionne que deux incendies de ce temple : le premier par les Amazones, le second par Erostrate, la nuit même où naquit Alexandre. Il fut entièrement détruit l'an 963, sous l'empereur Gallien.
      Les statues de Diane d'Ephèse sont assez connues : le corps de la déesse est ordinairement divisé par bandes, en sorte qu'elle paraît pour ainsi dire emmaillotée. Elle porte sur la tête une tour à plusieurs étages ; sur chaque bras, des lions ; sur la poitrine et l'estomac, un grand nombre de mamelles. Tout le bas du corps est parsemé de différents animaux, de bœufs ou taureaux, de cerfs, de sphinx, d'abeilles, d'insectes, etc. On y voit même des arbres et différentes plantes, tous symboles de la nature et de ses innombrables productions.
      Ailleurs on l'a parfois représentée avec trois têtes, la première de cheval, la seconde de femme ou de laie, et la troisième d'un chien, ou encore celles d'un taureau, d'un chien et d'un lion.
      Ces diverses représentations de la déesse semblent se rapporter à un culte primitif, d'origine asiatique, mélangé de traditions égyptiennes. Dans l'art grec proprement dit, c'est surtout la chaste Diane, la Diane chasseresse, amante des bois et des montagnes, la déesse fière et hautaine, la resplendissante reine des nuits, que la sculpture et la gravure ont le plus souvent représentée.
      On la voit en habit de chasse, les cheveux noués par derrière, la robe retroussée avec une seconde ceinture, le carquois sur l'épaule, un chien à ses côtés, et tenant un arc bandé dont elle décoche une flèche. Elle a les jambes ainsi que les pieds nus, et le sein droit découvert. Quelquefois elle est chaussée de brodequins. Souvent elle a un croissant au-dessus du front, symbole de la Lune. On la représentait chassant, ou dans le bain, ou se reposant des fatigues de la chasse. Les poètes la dépeignent tantôt sur un char traîné par des biches ou des cerfs blancs, tantôt montée elle-même sur un cerf, tantôt courant à pied avec son chien, et toujours entourée de ses nymphes, armées comme elle d'arcs et de flèches. La gravure ci-jointe représente le groupe de Diane à la biche, œuvre de Jean Goujon.


Cérès, en grec Dèmèeter

Cérès / Dèmèter      Cérès, fille de Saturne et d'Ops, ou de Vesta, ou de Cybèle, apprit aux hommes l'art de cultiver la terre, de semer, de récolter le blé, et d'en faire du pain, ce qui l'a fait regarder comme la déesse de l'agriculture. Jupiter, son frère, épris de sa beauté, eut d'elle Perséphone ou Proserpine. Elle fut aussi aimée de Neptune, et, pour échapper à sa poursuite, elle se changea en jument. Le dieu s'en aperçut et se métamorphosa en cheval. Les amours de Neptune la rendirent mère du cheval Arion.
      Honteuse de la violence que lui avait faite Neptune, elle prit le deuil et se retira dans une grotte, où elle séjourna si longtemps que le monde était en danger de mourir de faim, parce que, durant son absence, la terre était frappée de stérilité. Enfin Pan, étant à la chasse en Arcadie, découvrit sa retraite, et en informa Jupiter, qui, par l'intervention des Parques, l'apaisa et la rendit au monde privé de ses bienfaits.
      Les Phigaliens, en Arcadie, lui dressèrent une statue de bois dont la tête était celle d'une jument avec sa crinière d'où sortaient des dragons. On l'appelait la Cérès noire. Cette statue, ayant été brûlée par accident. les Phigaliens négligèrent le culte de Cérès, et furent punis d'une affreuse disette, qui ne cessa pas avant que, sur le conseil d'un oracle, la statue fût rétablie.
      Pluton ayant enlevé Proserpine, Cérès, inconsolable, se plaignit à Jupiter ; mais, peu satisfaite de la réponse, elle se mit à la recherche de sa fille. Les uns racontent qu'elle était montée sur un char traîné par des dragons ailés, et qu'elle tenait à la main un flambeau allumé au feu de l'Etna ; d'autres disent qu'elle allait à pied çà et là, de contrées en contrées. Après avoir couru pendant tout le jour, elle allumait un flambeau, et continuait sa course pendant la nuit.
      Cérès s'arrêta d'abord à Eleusis. Dans les campagnes voisines de cette ville, on voyait une pierre sur laquelle la déesse s'était assise, accablée de douleur, et qu'on nommait la pierre triste. On montrait aussi un puits près duquel elle s'était reposée. A Athènes, elle fut accueillie par Céléus, et reconnut son hospitalité en enseignant à Triptolème, son fils, l'art de l'agriculture. De plus, elle lui donna un char traîné par deux dragons, l'envoya par le monde pour y établir le labourage, et le pourvut de blé à cet effet. Ensuite elle fut reçue par Hippothoon et sa femme Méganise, mais refusa le vin qu'ils lui offraient, comme ne convenant pas à sa tristesse et à son deuil.
      Passant en Lycie, elle changea en grenouilles des paysans qui avaient troublé l'eau d'une fontaine où elle voulait étancher sa soif. Un fait identique est attribué par certains poètes à la déesse Latone.
      Enfin, après avoir parcouru le monde sans rien apprendre de sa fille, elle revint en Sicile, où la nymphe Aréthuse l'informa que Proserpine était femme de Pluton et reine des Enfers.
      En Sicile, tous les ans, en commémoration du départ de Cérès pour ses longs voyages, les insulaires, voisins de l'Etna, couraient la nuit avec des flambeaux allumés et en poussant de grands cris.
      En Grèce, les Démétries, Céréales, ou fête de Cérès, étaient nombreuses. Les plus curieuses étaient assurément celles où les adorateurs de la déesse se fustigeaient mutuellement avec des fouets faits d'écorce d'arbres. Athènes avait deux fêtes solennelles en l'honneur de Cérès, l'une nommée Eleusinia, l'autre Thesmophoria. Elles avaient été instituées, disait-on, par Triptolème. On immolait des porcs, à cause du dégât qu'ils causent aux biens de la terre, et l'on y faisait des libations de vin doux.
      Ces fêtes furent introduites plus tard à Rome : elles étaient célébrées par les dames romaines vêtues de blanc. Les hommes même, simples spectateurs, s'habillaient d'étoffes blanches. On croyait que ces fêtes, pour être agréables à la déesse, ne devaient pas être célébrées par des gens en deuil. C'est pour cette raison qu'elles furent omises l'année de la bataille de Cannes.
      Outre le porc, la truie ou la laie, Cérès agréait aussi le bélier comme victime. Dans ses solennités, les guirlandes dont on faisait usage étaient de myrte ou de narcisse ; mais les fleurs étaient interdites, parce que c'était en cueillant des fleurs que Proserpine avait été enlevée par Pluton. Le pavot seul lui était consacré, non seulement parce qu'il croît au milieu des blés, mais aussi parce que Jupiter lui en fit manger pour lui procurer du sommeil, et par conséquent quelque trêve à sa douleur.
      En Crète, en Sicile, à Lacédémone et dans plusieurs autres villes du Péloponnèse, on célébrait périodiquement les Eleusinies, ou mystères de Cérès. Mais ce sont les mystères d'Eleusis qui ont le plus de célébrité. D'Eleusis ils passèrent à Rome, où ils subsistèrent jusqu'au règne de Théodose. Ces mystères étaient divisés en grands et en petits. Les petits mystères étaient une préparation aux grands mystères ; ils se célébraient près d'Athènes, sur les bords de l'Ilissus. Ils conféraient une sorte de noviciat. Après un certain laps de temps plus ou moins long, le novice était initié aux grands mystères, dans le temple d'Eleusis, et pendant la nuit. Quatre ministres présidaient aux cérémonies de l'initiation. Le premier était l'Hiérophante, ou celui qui révèle les choses sacrées ; le second, le Dodonque, ou chef des Lampadophores ; le troisième, l'Hiérocéryce, ou chef des hérauts sacrés ; le quatrième, l'Assistant à l'autel, dont l'habillement allégorique représentait la lune. L'archonte-roi d'Athènes était le surintendant des fêtes d'Eleusis. Les ministres subalternes étaient fort nombreux et distribués en plusieurs classes, suivant l'importance de leurs mystérieuses fonctions. Les fêtes d'Eleusis duraient neuf jours, chaque année, dans le mois de septembre. Pendant ces neuf jours, les tribunaux étaient fermés.
      Les Athéniens faisaient initier leurs enfants aux mystères d'Eleusis, dès le berceau. Il était interdit, même aux femmes, de se faire mener au temple en voiture ou en chariot. Les initiés se considéraient comme placés sous la tutelle et la protection de Cérès : on leur faisait espérer une félicité sans bornes.
      Dans ces mystères, les cérémonies étaient sans doute emblématiques : on suppose qu'elles avaient trait uniquement aux évolutions des astres, à la succession des saisons et à la marche du soleil. Le silence étant religieusement observé par les initiés, on en est réduit à de pures hypothèses.
      Cérès est habituellement représentée sous l'aspect ne belle femme, d'une taille majestueuse, d'un teint coloré : elle a les yeux langoureux, et les cheveux blonds retombant en désordre sur ses épaules.
      Outre une couronne d'épis de blé, elle porte un diadème très élevé. Parfois elle est couronnée d'une guirlande d'épis ou de pavots, symbole de la fécondité. Elle a la poitrine forte, les seins gonflés ; elle tient de la main droite un faisceau d'épis, et de la gauche une torche ardente. Sa robe tombe jusque sur les pieds, et souvent elle porte un voile rejeté en arrière.
      Parfois on lui donne un sceptre ou une faucille : deux petits enfants, attachés à son sein et tenant chacun une corne d'abondance, indiquent assez la nourrice du genre humain. Elle porte une draperie de teinte jaune, couleur des blés mûrs.
      Icrelle est représentée dans l'attitude triomphante de la déesse des moissons. Elle est entièrement vêtue, symbole de la Terre qui dérobe aux yeux sa force fécondante et ne laisse voir que ses productions. De la main droite, elle retient son voile sur l'épaule gauche ; de l'autre main, elle serre contre elle un bouquet des champs : sa couronne d'épis est placée sur une chevelure artistement dressée, et elle porte vers le ciel un regard satisfait avec une expression de reconnaissance pour les autres dieux qui l'ont secondée.
      Son char est attelé de lions ou de serpents.
      Sur ses monuments, elle est appelée le plus souvent Magna Mater, Mater Maxima (Mère puissante, très puissante Mère) ; on l'appelle aussi Ceres deserta (Cérès l'abandonnée), ou tædifera (porte-flambeau), thesmophoros ou legifera (législatrice), parce qu'on attribuait à cette déesse l'invention des lois. Par ses attributs, elle rappelle l'lsis égyptienne.


Vulcain, en grec Hèphæstos

      Vulcain était fils de Jupiter et de Junon, ou, selon quelques mythologues, de Junon seule, avec le secours du vent. Honteuse d'avoir mis au monde un fils si difforme, la déesse le précipita dans la mer, afin qu'il restât éternellement caché dans les abîmes. Mais il fut recueilli par la belle Thétis et Eurynome, filles de l'Océan. Pendant neuf années, entouré de leurs soins, il demeura dans une grotte profonde, occupé à leur fabriquer des boucles, des agrafes, des colliers, des bagues, des bracelets. Cependant, la mer le cachait sous ses flots, si bien qu'aucun des dieux ni des hommes ne connaissait le lieu de sa retraite, sauf les deux divinités qui le protégeaient.
      Vulcain, conservant au fond de son cœur du ressentiment contre sa mère, à cause de cette injure, fit une chaise d'or qui avait un ressort mystérieux, et l'envoya dans le ciel. Junon admire un siège si précieux et, n'ayant aucune méfiance, veut s'y asseoir. Aussitôt, elle est prise comme dans un trébuchet. Elle y serait restée longtemps sans l'intervention de Bacchus, qui enivra Vulcain pour l'obliger à délivrer Junon. Cette aventure de la mère des dieux excita l'hilarité de tous les habitants de l'Olympe – c'est du moins ce que prétend Homère.
      Ailleurs, Homère raconte que ce fut Jupiter lui-même qui précipita Vulcain du haut du ciel. Le jour où, pour punir Junon d'avoir excité une tempête qui devait faire périr Hercule, Jupiter avait suspendu cette déesse au milieu des airs, Vulcain, par un sentiment de compassion ou de piété filiale, vint au secours de sa mère. Il paya cher ce mouvement de bonté. Jupiter le prit par les pieds et le lança dans l'espace. Après avoir roulé tout le jour dans les airs, l'infortuné Vulcain tomba dans l'île de Lemnos, où il fut recueilli et soigné par les habitants. Dans cette épouvantable chute, il se cassa les deux jambes, et resta boiteux pour toujours.
      Cependant, par le crédit de Bacchus, Vulcain fut rappelé dans le ciel et rétabli dans les bonnes grâces de Jupiter, qui lui fit épouser la plus belle et la plus infidèle de toutes les déesses, Vénus, mère de l'Amour.
      Ce dieu, si laid, si difforme, est de tous les habitants de l'Olympe le plus laborieux, et en même temps le plus industrieux. C'est lui qui, comme en se jouant, fabriquait les bijoux pour les déesses, lui qui, avec ses Cyclopes, dans l'île de Lemnos ou dans le mont Etna, forgeait les foudres de Jupiter. Il eut l'idée ingénieuse de faire des fauteuils qui se rendaient d'eux-mêmes à l'assemblée des dieux. Il n'est pas seulement le dieu du feu, mais encore celui du fer, de l'airain, de l'argent, de l'or, de toutes les matières fusibles. On lui attribuait tous les ouvrages forgés qui passaient pour des merveilles : le palais du Soleil, les armes d'Achille, celles d'Enée, le sceptre d'Agamemnon, le collier d'Hermione, la couronne d'Ariane, le réseau invisible dans lequel il prit Mars et Vénus, etc.
      Ce dieu avait plusieurs temples à Rome, mais hors des murs : le plus ancien, disait-on, avait été bâti par Romulus. Dans les sacrifices qui lui étaient offerts, on avait coutume de faire consumer par le feu toute la victime, de n'en réserver rien pour le festin sacré ; ainsi, c'étaient réellement des holocaustes. La garde de ses temples était confiée à des chiens ; le lion lui était consacré. Ses fêtes se célébraient au mois d'août, c'est-à-dire durant les chaleurs ardentes de l'été. En l'honneur du dieu du feu, ou plutôt considérant le feu comme le dieu même, le peuple jetait des victimes dans un brasier, afin de se rendre la divinité propice. A l'occasion de ces fêtes, qui duraient huit jours consécutifs, il y avait des courses populaires où les concurrents tenaient une torche à la main. Celui qui était vaincu donnait sa torche au vainqueur.
      On regarda comme fils de Vulcain tous ceux qui se rendirent célèbres dans l'art de forger les métaux. Les surnoms les plus ordinaires qu'on donne à Vulcain, ou Hèphæstos, sont Lemnius (le Lemnien), Mulciber ou Mulcifer (qui manie le fer), Etnæus (de l'Etna), Tardipes (à la marche lente), Junonigena (fils de Junon), Chrysor (brillant), Callopodion (qui a les pieds tordus, cagneux, boiteux), Amphigyéis (qui boite des deux pieds), etc.
      Sur les anciens monuments, ce dieu est représenté barbu, la chevelure un peu négligée, couvert à demi d'un habit qui ne lui descend qu'au-dessus du genou, portant un bonnet rond et pointu. De la main droite, il tient un marteau, et de la gauche, des tenailles. Bien que, selon la fable, il fût boiteux, les artistes supprimaient ce défaut ou l'exprimaient à peine sensible. Ainsi, il se présentait debout, mais sans aucune apparente difformité.
      Les poètes plaçaient la demeure ordinaire de Vulcain dans une des îles Eoliennes, couverte de rochers, dont le sommet vomit des tourbillons de fumée et de flamme. Du nom de cette île, appelée autrefois Volcanie, aujourd'hui Volcano, est venu le mot Volcan.


Mercure, en grec Hermès

Mercure à la bourse      Mercure était fils de Jupiter et de Maïa, fille d'Atlas. Les Grecs le nommaient "Hermès", c'est-à-dire interprète ou messager. Son nom latin venait du mot "Merces", marchandise. Messager des dieux et en particulier de Jupiter, il les servait avec un zèle infatigable et sans scrupule, même dans des emplois peu honnêtes. Il participait, comme ministre ou serviteur, à toutes les affaires. On le voit s'occuper de la paix et de la guerre, des querelles et des amours des dieux, de l'intérieur de l'Olympe, des intérêts généraux de monde, au ciel, sur la terre et dans les Enfers. Il se charge de fournir et servir l'ambroisie à la table des Immortels, il préside aux jeux, aux assemblées, écoute les harangues, y répond soit par lui-même, soit d'après les ordres qu'il a reçus. Il conduit aux Enfers les âmes des morts avec sa baguette divine ou son caducée ; il les ramène quelquefois sur la terre. On ne pouvait mourir avant qu'il eût entièrement rompu les liens qui rattachent l'âme au corps.
      Dieu de l'éloquence et de l'art de bien dire, il était aussi celui des voyageurs, des marchands et même des filous. Ambassadeur plénipotentiaire des dieux, il assiste aux traités d'alliance, les sanctionne, les ratifie, et ne reste pas étranger aux déclarations de guerre entre les cités et les peuples. De jour, de nuit, il ne cesse d'être vigilant, attentif, alerte. C'est en un mot le plus occupé des dieux et des hommes. S'agit-il d'accompagner, de garder Junon, il est là tout près d'elle ; faut-il la surveiller, l'empêcher d'ourdir quelque intrigue, il est là encore, toujours disposé à remplir son emploi. Il est envoyé par Jupiter pour lui préparer ses entrées auprès des plus aimables d'entre les mortelles, pour transporter Castor et Pollux à Pallène, pour accompagner le char de Pluton qui enlève Proserpine ; il s'élance du haut de l'Olympe, et traverse l'espace avec la rapidité de l'éclair. C'est à lui que les dieux confièrent la mission délicate de conduire devant le berger Pâris les trois déesses qui se disputaient le prix de la beauté.
      Tant de fonctions, tant d'attributs divers accordés à Mercure lui conféraient une importance considérable dans les conseils des dieux. D'autre part, les hommes ajoutaient encore à ses qualités divines, en lui attribuant mille talents industrieux. Non seulement il contribuait au développement du commerce et des arts, mais c'est lui, disait-on, qui avait formé le premier une langue exacte et régulière, lui qui avait inventé les premiers caractères de l'écriture, réglé l'harmonie des phrases, imposé des noms à une infinité de choses, institué des pratiques religieuses, multiplié et affermi les relations sociales, enseigné le devoir aux époux et aux membres de la même famille. Il avait aussi appris aux hommes la lutte et la danse, et en général tous les exercices du stade qui nécessitent de la force et de la grâce. Enfin il fut l'inventeur de la lyre, à laquelle il mit trois cordes, et qui devint l'attribut d'Apollon.
      Ses qualités ne laissaient pas d'être rachetées par quelques défauts. Son humeur inquiète, sa conduite artificieuse lui suscitèrent plus d'une querelle avec les autres dieux. Jupiter même, oubliant un jour tous les services de ce dévoué serviteur, le chassa du ciel et le réduisit à garder les troupeaux sur la terre : ce fut dans le temps où Apollon était frappé de la même disgrâce.
      On a mis sur le compte de Mercure un grand nombre de filouteries. Etant encore enfant, ce dieu des marchands et des larrons avait dérobé à Neptune son trident, à Apollon ses flèches, à Mars son épée, à Vénus sa ceinture. Il vola aussi les bœufs d'Apollon ; mais, en vertu d'une convention pacifique, il les échangea contre sa lyre. Ces larcins, allégories assez transparentes, indiquent que Mercure, sans doute personnification d'un mortel illustre, était à la fois habile navigateur, adroit à tirer de l'arc, brave à la guerre, élégant et gracieux dans tous les arts, commerçant consommé, faisant l'échange de l'agréable contre l'utile.
      Il se rendit coupable d'un meurtre pour servir les amours de Jupiter.
      Argus, fils d'Arestor, avait cent yeux, dont cinquante restaient ouverts pendant que le sommeil fermait les cinquante autres. Junon lui confia la garde d'Io changée en vache ; mais Mercure endormit au son de sa flûte ce gardien vigilant, et lui coupa la tête. Junon, désolée et déçue, prit les yeux d'Argus et les répandit sur la queue du paon. D'autres racontent qu'Argus fut métamorphosé en paon par cette déesse.
      Le culte de Mercure n'avait rien de particulier, sinon qu'on lui offrait les langues des victimes, emblème de son éloquence. Par la même raison, on lui offrait du lait et du miel. On lui immolait des veaux et des coqs. Il était spécialement honoré en Crète, pays de commerce, et à Cyllène en Elide, parce qu'on le croyait né sur le mont du même nom, situé près de cette ville. Il avait aussi un oracle en Achaïe. Après beaucoup de cérémonies, on parlait au dieu à l'oreille, pour lui demander ce qu'on désirait. Ensuite on sortait du temple, les oreilles bouchées avec les mains, et les premières paroles qu'on entendait étaient la réponse du dieu.
      A Rome, les négociants célébraient une fête en son honneur, le 15 mai, jour où on lui avait dédié un temple dans le cirque. Ils sacrifiaient une truie pleine et s'aspergeaient de l'eau d'une certaine fontaine à laquelle on attribuait une vertu divine, priant le dieu de favoriser leur trafic et de leur pardonner leurs petites supercheries.
      Les "ex-voto" que les voyageurs lui offraient au retour d'un long et pénible voyage étaient des pieds ailés.
      Comme divinité tutélaire, Mercure est ordinairement représenté avec une bourse à la main gauche, et à l'autre un rameau d'olivier et une massue, symboles, l'un de la paix, utile au commerce, l'autre de la force et de la vertu, nécessaires au trafic. En qualité de négociateur des dieux, il porte à la main le caducée, baguette magique ou divine, emblème de la paix. Le caducée est entrelacé de deux serpents, de sorte que la partie supérieure forme un arc ; il est de plus surmonté de deux ailerons. Le dieu a des ailes sur son bonnet, et quelquefois à ses pieds, pour marquer la légèreté de sa course et la rapidité avec laquelle il exécute les ordres.
      On le représente d'ordinaire en jeune homme, beau de visage, d'une taille dégagée, tantôt nu, tantôt avec un manteau sur les épaules, mais qui le couvre à peine. Il a souvent un chapeau qu'on appelle "pétase", auquel sont attachées des ailes. Il est rare de le voir assis. Ses différents emplois au ciel, sur la terre, et dans les Enfers, le tenaient continuellement en activité. Dans quelques peintures, on le voit avec la moitié du visage claire, et l'autre noire et sombre : ce qui indique que tantôt il est dans le ciel ou sur la terre, tantôt dans les Enfers où il conduit les âmes des morts.
      Lorsqu'on le représentait avec une longue barbe et une figure de vieillard, on lui donnait un manteau descendant jusqu'à ses pieds.
      Mercure est, dit-on, le père du dieu Pan, fruit de ses amours avec Pénélope. Mais Pénélope ne fut pas la seule mortelle ou déesse honorée de ses faveurs ; il y eut encore Acacallis, fille de Minos, Hersé, fille de Cécrops, Eupolémie, fille de Myrmidon, qui le rendit père de plusieurs enfants, Antianire, mère d'Echion, Proserpine, et la nymphe Lara, dont il eut les dieux Lares.
      "Hermès" étant au propre le nom grec de Mercure, on appelait de ce nom certaines statues, faites de marbre et quelquefois de bronze, sans bras et sans pieds. Les Athéniens et, à leur exemple, les autres peuples de la Grèce, et même, par la suite, les Romains plaçaient des hermès dans les carrefours des villes et les grandes routes, parce que Mercure présidait aux voyages et aux chemins. Ordinairement, l'hermès n'est qu'un pilastre surmonté d'une tête ; s'il y a deux têtes, c'est toujours celle de Mercure réunie à celle d'une autre divinité.
      Le mercredi, jour de la semaine, lui est consacré ("Mercurii dies").


Mars, en grec Arès

Mars au repos - Statue de la villa Ludovisi, imitation probable de l'oeuvre de Scopas de Paros      Mars ou Arès, c'est-à-dire "le brave", était fils de Jupiter et de Junon. Les poètes latins lui donnent une autre origine. Jalouse de ce que Jupiter avait mis au monde Minerve, sans sa participation, Junon avait voulu, à son tour, concevoir et engendrer. La déesse Flore lui indiqua une fleur qui croissait dans les campagnes d'Olène en Achaïe, et dont le seul contact produisait ce merveilleux effet. Grâce à cette fleur, elle devint mère de Mars. Elle le fit élever par Priape, de qui il apprit la danse et les autres exercices du corps, préludes de la guerre.
      Les Grecs ont chargé l'histoire de Mars d'un certain nombre d'aventures.
      Allyrothius, fils de Neptune, ayant fait violence à Alcippe, fille de Mars, ce dieu la vengea en tuant l'auteur du crime. Neptune, désespéré de la mort de son fils, assigna Mars en jugement devant les douze grands dieux de l'Olympe, qui l'obligèrent à défendre sa cause. Il la défendit si bien qu'il fut absous. Le jugement eut lieu sur une colline d'Athènes appelée depuis "l'Aréopage" (colline de Mars), où s'établit le fameux tribunal athénien.
      Ascalaphus, fils de Mars, qui commandait les Béotiens au siège de Troie, ayant été tué, le dieu courut le venger lui-même, malgré Jupiter qui avait défendu aux dieux de prendre parti pour ou contre les Troyens. Le roi du ciel eut un accès de colère furieuse, mais Minerve l'apaisa, en promettant de soutenir les Grecs. En effet, elle excita Diomède à se battre contre Mars, qui fut blessé au flanc par la lance de ce héros. C'est Minerve qui avait dirigé le coup. Mars, en retirant l'arme de sa blessure, jette un cri épouvantable, et aussitôt il remonte dans l'Olympe au milieu d'un tourbillon de poussière. Jupiter le gourmande sévèrement, mais ne laisse pas d'ordonner au médecin des dieux de guérir son fils. Péon met sur sa blessure un baume qui le guérit sans peine, car, dans un dieu, il n'y a rien qui soit mortel.
      Homère et Ovide ont raconté les amours de Mars et de Vénus. Mars s'était mis en garde contre les yeux clairvoyants de Phébus, qui était son rival auprès de la belle déesse, et avait placé en sentinelle Alectryon, son favori ; mais, celui-ci s'étant endormi, Phébus aperçut les coupables et courut prévenir Vulcain. L'époux outragé les enveloppa dans un réseau aussi solide qu'invisible, et rendit tous les dieux témoins de leur crime et de leur confusion. Mars punit son favori, en le métamorphosant en coq ; depuis cette époque, cet oiseau tâche de réparer sa faute, en annonçant par son chant le lever de l'astre du jour. Vulcain, à la prière de Neptune, et sous sa caution, défait les merveilleux liens. Les captifs, mis en liberté, s'envolent aussitôt, l'un dans la Thrace, son pays natal, l'autre à Paphos, dans sa retraite préférée.
      Les poètes donnent à Mars plusieurs femmes et plusieurs enfants. Il eut de Vénus deux fils, Deimos et Phobos (la Terreur et la Crainte), et une fille, Hermione ou Harmonie, qui épousa Cadmus. Il eut de Rhéa Romulus et Rémus ; de Thébé, Evadné, femme de Capanée, un des sept chefs thébains ; et de Pirène, Cycnus qui, monté sur le cheval Arion, combattit contre Hercule et fut tué par ce héros. Les anciens habitants de l'Italie donnaient à Mars, pour épouse, Néréine.
      Ce dieu a pour sœur ou pour femme Bellone. C'est elle qui attelait et conduisait son char ; la Terreur (Deimos) et la Crainte (Phobos) l'accompagnaient. Les poètes la dépeignent au milieu des combats, courant ça et là, les cheveux épars, le feu dans les yeux, et faisant retentir dans les airs son fouet ensanglanté.
      Comme dieu de la guerre, Mars est toujours accompagné de la Victoire. Cependant, il n'était pas toujours invincible.
      Son culte paraît avoir été peu répandu chez les Grecs. On ne parle d'aucun temple élevé en son honneur, et l'on ne cite que deux ou trois de ses statues, en particulier celle de Sparte, qui était liée et garrottée, afin que le dieu n'abandonnât pas les armées durant la guerre.
      Mais, à Rome, Mars était tout spécialement honoré. Dès le règne de Numa, il eut au service de son culte et de ses autels un collège de prêtres, choisis parmi les patriciens. Ces prêtres, appelés Saliens, étaient préposés à la garde des douze boucliers sacrés, ou anciles, dont l'un, disait-on, était tombé du ciel. Tous les ans, à la fête du dieu, les Saliens, portant les boucliers, et vêtus d'une tunique de pourpre, parcouraient la ville en dansant et sautant.
      Leur chef marchait à leur tête, commençait la danse, et ils en imitaient les pas. Cette procession très solennelle se terminait au temple du dieu par un somptueux et délicat festin. Parmi les temples nombreux que Mars avait à Rome, le plus célèbre fut celui qu'Auguste lui dédia sous le nom de Mars Vengeur.
      On lui offrait comme victimes le taureau, le verrat, le bélier, et, plus rarement, le cheval. Le coq et le vautour lui étaient consacrés. Les dames romaines lui sacrifiaient un coq le premier jour du mois qui porte son nom, et c'est par ce mois que l'année romaine commença jusqu'au temps de Jules César.
      Les anciens Sabins l'adoraient sous l'effigie d'une lance ("Quiris") : d'où le nom de "Quirinus" donné à son fils Romulus, et celui de "Quirites" employé pour désigner les citoyens romains.
      Il y avait à Rome une fontaine vénérée et spécialement consacrée à Mars. Néron s'y baigna. Ce mépris des croyances populaires ne fit qu'augmenter l'aversion qu'on éprouvait pour ce tyran. A dater de ce jour, sa santé étant devenue languissante, le peuple ne douta point que, par son sacrilège, il s'était attiré la vengeance des dieux.
      Les anciens monuments représentent le dieu Mars d'une manière assez uniforme, sous la figure d'un homme armé d'un casque, d'une pique et d'un bouclier ; tantôt nu, tantôt en costume de guerre, même avec un manteau sur les épaules. Quelquefois il porte toute sa barbe, mais le plus souvent il est imberbe, et parfois il tient à la main le bâton de commandement. Sur sa poitrine, on distingue l'égide avec la tête de Méduse. Il est tantôt monté sur son char traîné par des chevaux fougueux, tantôt à pied, toujours dans une attitude guerrière. Son surnom de "Gravidus" signifie : "celui qui s'avance à grand pas".
      Notre gravure représente Mars au repos : il a ses armes auprès de lui ; et l'amour, à ses pieds, semble le guetter en vain : il est encore soucieux et à peine remis de ses combats.
      Le mardi, jour de la semaine, lui était consacré ("Martii dies").


Vénus, en grec Aphrodite

La Vénus de Milo      Vénus ou Aphrodite est une des divinités les plus célèbres de l'antiquité : c'est elle qui présidait aux plaisirs de l'amour. Sur son origine, comme sur celle de beaucoup d'autres dieux ou déesses, les poètes ne sont pas d'accord. On a d'abord distingué deux Vénus : l'une s'est formée de l'écume de la mer échauffée par le sang de Cælus ou Uranus, qui s'y mêla, quand Saturne porta une main sacrilège sur son père. On ajoute que de ce mélange, la déesse naquit près de l'île de Chypre, dans une nacre de perle. Homère dit qu'elle fut portée dans cette île par Zéphyre, et qu'il la remit entre les mains des Heures, qui se chargèrent de l'élever. Cette déesse ainsi conçue serait la véritable Aphrodite, c'est-à-dire née de l'écume, en grec "Aphros".
      On a donné quelquefois à cette divinité une origine moins bizarre, en disant qu'elle était issue de Jupiter et de Dioné, fille de Neptune, et par conséquent sa cousine germaine.
      Quelque origine que les différents poètes aient donnée à Vénus, et quoique souvent le même poète en ait parlé différemment, ils ont toujours eu en vue la même Vénus, à la fois céleste et marine, déesse de la beauté et des plaisirs, mère des Amours, des Grâces, des Jeux et des Ris : c'est à la même qu'ils ont attribué toutes les fables qu'ils ont créées sur cette divinité. Elle fut donnée par Jupiter comme épouse à Vulcain ; ses galanteries éclatantes avec Mars firent la risée des dieux. Elle aima passionnément Adonis, fut la mère d'Eros ou Cupidon ou encore l'Amour, celle du pieux Enée, celle d'un grand nombre de mortels, car ses liaisons avec les habitants du ciel, de la terre et de la mer furent incalculables, infinies.
      On lui éleva des temples dans l'île de Chypre, à Paphos, à Amathonte ; dans l'île de Cythère, etc. De là ses noms de Cypris, Paphia, Cythérée. On l'appelait aussi Dioné, comme sa mère ; Anadyomène, c'est-à-dire "sortant des eaux", etc.
      Elle avait une ceinture où étaient renfermées les grâces, les attraits, le sourire engageant, le doux parler, le soupir plus persuasif, le silence expressif et l'éloquence des yeux. On raconte que Junon l'emprunta de Vénus, pour ranimer les feux de Jupiter et pour le gagner à la cause des Grecs contre les Troyens.
      Après son aventure avec Mars, elle se retira d'abord à Paphos, puis alla se cacher dans les bois du Caucase. Tous les dieux la cherchèrent longtemps en vain ; mais une vieille leur apprit le lieu de sa retraite : la déesse la punit en la métamorphosant en rocher.
      Rien n'est plus célèbre que la victoire remportée par Vénus, au jugement de Pâris, sur Junon et Pallas, bien que ses deux rivales eussent exigé d'elle que, avant de comparaître, elle déposât sa redoutable ceinture. Elle témoigna perpétuellement sa reconnaissance à Pâris, qu'elle rendit possesseur de la belle Hélène, et aux Troyens, qu'elle ne cessa de protéger contre les Grecs et Junon même.
      L'amour le plus constant de Vénus fut celui qu'elle éprouva pour le charmant et jeune Adonis, fils de Myrrha et de Cynire. Myrrha, sa mère, fuyant le courroux paternel, s'était retirée en Arabie, où les dieux la changèrent en l'arbre qui porte la myrrhe. Le terme de la naissance étant arrivé, l'arbre s'ouvrit pour faire jour à l'enfant. Adonis fut reçu par les Nymphes, qui le nourrirent dans les grottes du voisinage. Devenu adolescent, il passa en Phénicie. Vénus le vit, l'aima, et, pour le suivre à la chasse dans les forêts du mont Liban, elle abandonna le séjour de Cythère, d'Amathonte et de Paphos, et dédaigna l'amour des dieux. Mars, jaloux et indigné de cette préférence donnée à un simple mortel, se changea en sanglier furieux, s'élança sur Adonis, et lui fit à la cuisse une blessure qui causa sa mort. Vénus était accourue, mais trop tard, au secours de l'infortuné jeune homme. Accablée de douleur, elle prit dans ses bras le corps d'Adonis, et, après l'avoir longtemps pleuré, le changea en anémone, fleur éphémère du printemps.
      D'autres racontent qu'Adonis fut tué par un sanglier que Diane lança contre lui, pour se venger de Vénus qui avait causé la mort d'Hippolyte.
      Adonis, descendu aux Enfers, fut aimé encore de Proserpine. Vénus s'en plaignit à Jupiter. Le maître des dieux termina le débat en ordonnant qu'Adonis serait libre quatre mois de l'année, qu'il en passerait quatre avec Vénus, et le reste avec Proserpine.
      Sous le voile de cette fable, on peut reconnaître dans Adonis la Nature en ses diverses phases et sous ses différents aspects. Au printemps, elle se montre belle et féconde ; l'hiver, elle semble morte, mais bientôt elle reparaît avec la même splendeur et la même fécondité.
      Vénus n'est pas toujours, il s'en faut, la déesse aimable des Ris et des Grâces. Elle était fort vindicative, et impitoyable dans ses vengeances. Pour punir le Soleil (Phébus) de l'indiscrétion qu'il avait eue d'avertir Vulcain de ses amours avec Mars, elle le rendit malheureux dans la plupart de ses amours. Elle le poursuivit même par les armes, jusque dans ses descendants. Elle se vengea de la blessure qu'elle avait reçue de Diomède devant Troie, en inspirant à Egialée, sa femme, une passion pour d'autres hommes. Elle punit de même la muse Clio qui avait blâmé son amour pour Adonis, Hippolyte qui avait dédaigné ses attraits. Enfin, Tyndare lui ayant fait une statue avec des chaînes aux pieds, elle le punit par l'impudicité de ses filles, Hélène et Clytemnestre.
      Son fils Cupidon est aussi aimable et aussi cruel que sa mère.
      Dans le culte de Vénus, si répandu en Grèce et dans le monde ancien, se mêlent toutes les pratiques superstitieuses, les plus innocentes et les plus criminelles, les moins impures comme les plus déréglées. Les hommages qui lui sont rendus se rattachent à la diversité de ses origines et à l'opinion qu'en avaient eue différents peuples, à des époques diverses. Ce culte rappelait à la fois celui des divinités assyriennes et chaldéennes, de l'Isis égyptienne et de l'Astarté des Phéniciens.
      Vénus présidait aux mariages, même aux naissances, mais particulièrement à la galanterie. On lui consacra, parmi les fleurs, la rose ; parmi les fruits, la pomme et la grenade ; parmi les arbres, le myrte ; parmi les oiseaux, le cygne, le moineau et surtout la colombe. On lui sacrifiait le bouc, le verrat, le lièvre, et rarement de grandes victimes.
      On la représentait entièrement ou à demi nue, jeune, belle, habituellement riante, tantôt émergeant du sein des flots, debout, le pied sur une tortue, sur une conque marine, ou montée sur un hippocampe, avec un cortège de Tritons et de Néréides, tantôt traînée sur un char attelé de deux colombes ou deux cygnes. Les Spartiates la représentèrent tout armée, en souvenir de leurs femmes qui avaient pris les armes pour défendre leur ville.
      Le peintre Apelle avait représenté dans un admirable tableau la naissance de Vénus surnommée "Anadyomène", c'est-à-dire "qui sort de la mer". Ce tableau fut consacré à la déesse même par l'empereur Auguste, et il existait encore à l'époque du poète latin Ausone qui en fait une courte, mais vive description. « Voyez, dit-il, comme cet excellent maître a bien exprimé cette eau pleine d'écume qui coule à travers les mains et les cheveux de la déesse, sans rien cacher de leurs grâces » ; aussi, dès que Pallas l'eut aperçue, elle adressa ces paroles à Junon : « Cédons, cédons, ô Junon, à cette déesse naissante tout le prix de la beauté. »
      Il existe de Vénus un grand nombre de statues : les plus belles et les plus célèbres sont la "Vénus de Médicis"que l'on croit être une copie de la "Vénus de Cnide", exécutée par Praxitèle, la "Vénus d'Arles", la "Vénus de Milo", découverte à Milo par le comte de Marcellus, en 1820.
      Sur une médaille de l'impératrice Faustine, on voit l'image de "Vénus mère" : elle tient une pomme de la main droite, et de la gauche un petit enfant enveloppé de langes. Sur une autre médaille de la même impératrice, on a représenté "Vénus victorieuse". Elle s'efforce, par ses caresses, de retenir le dieu Mars qui part pour la guerre.
      Une des plus curieuses statues de cette déesse variété de la Vénus hermaphrodite, c'était la "Vénus barbata". Elle se trouvait à Rome, et représentait dans sa partie supérieure un homme portant une chevelure et une barbe abondantes, tandis que dans sa partie inférieure, elle figurait une femme. Cette singulière statue fut consacrée à la déesse à l'occasion d'une maladie épidémique, à la suite de laquelle les dames romaines perdaient leurs cheveux. C'est à Vénus qu'on en attribua la guérison.
      Dans plusieurs tableaux modernes, cette divinité est représentée sur son char, traîné par deux cygnes : elle porte une couronne de roses et une chevelure blonde : la joie rayonne dans ses yeux, le sourire est sur ses lèvres : autour d'elle se jouent deux colombes et mille petits amours.
      Le vendredi, jour de la semaine, lui était consacré ("Veneris dies").


Bacchus, en grec Dionysos

      Bacchus ou Dionysos était fils de Jupiter et de Sémélé, princesse thébaine, fille de Cadmus.
      Junon, toujours jalouse, et voulant faire périr à la fois la mère et l'enfant qui allait naître, vint trouver la princesse, sous les traits de Béroé, sa nourrice, et lui conseilla d'exiger de Jupiter qu'il se présentât devant elle dans tout l'appareil de sa gloire. Sémélé suivit ce perfide conseil. Jupiter, après bien des résistances, céda enfin aux sollicitations de celle qu'il aimait, et lui apparut bientôt au milieu des foudres et des éclairs. Le palais s'embrasa, et Sémélé périt au milieu des flammes. Cependant Junon fut trompée dans son attente. Jupiter fit retirer Bacchus du brasier par Vulcain. Macris, fille d'Aristée, reçut l'enfant dans ses bras, et le donna à Jupiter, qui le mit dans sa cuisse où il le garda le temps nécessaire pour qu'il vit le jour.
      D'autres racontent que les Nymphes le retirèrent du milieu des cendres maternelles, et se chargèrent de l'élever. Quoi qu'il en soit, Bacchus passa toute son enfance loin de l'Olympe et des regards malveillants de Junon, dans les campagnes de Nysa, ville fabuleuse de l'Arabie Heureuse ou peut-être des Indes. Là, sa tante Ino, par ordre de Jupiter, veilla à sa première éducation avec le secours des Hyades, des Heures et des Nymphes, jusqu'à ce qu'il fût en âge d'être instruit par les Muses et Silène.
      Devenu grand, il fit la conquête des Indes avec une troupe d'hommes et de femmes portant, au lieu d'armes, des thyrses et des tambours. Son retour fut une marche triomphale de jour et de nuit. Ensuite, il passa en Egypte, où il enseigna l'agriculture et l'art d'extraire le miel ; il planta la vigne, et fut adoré comme le dieu du vin.
      Il punit sévèrement tous ceux qui voulurent s'opposer à l'établissement de son culte. A Thèbes, Penthée, successeur de Cadmus, fut mis en pièces par les Bacchantes ; les Ménéides ou filles de Minyas furent changées en chauves-souris. Elles étaient trois, Iris, Clymène, Alcithoé. Soutenant que Bacchus n'était pas fils de Jupiter, elles continuèrent à travailler pendant ses fêtes, et refusèrent d'assister à la célébration des Orgies.
      Bacchus triompha de tous ses ennemis et de tous les dangers auxquels les persécutions incessantes de Junon l'exposaient. Un jour, fuyant devant l'implacable déesse, il tomba de fatigue et s'endormit. Un serpent à deux têtes l'attaqua, et le dieu, à son réveil, le tua d'un coup de sarment. Junon finit par le frapper de folie, et le fit errer dans une grande partie du monde. Il fut d'abord accueilli avec bienveillance par Protée, roi d'Egypte, puis il passa en Phrygie, où, ayant été admis aux expiations, il fut initié aux mystères de Cybèle. Dans la guerre des géants, il se transforma en lion, et combattit avec rage. Pour l'animer, Jupiter lui criait sans cesse : «Evohé, courage, mon fils. »
      Venu dans l'île de Naxos, il consola et épousa Ariane abandonnée par Thésée, et lui donna la fameuse couronne d'or, chef-d'œuvre de Vulcain. C'est Bacchus, dit-on, qui le premier établit une école de musique ; c'est en son honneur que furent données les premières représentations théâtrales.
      Silène, son père nourricier et en même temps son précepteur, était fils de Mercure ou de Pan et d'une nymphe. On le représente d'ordinaire avec une tête chauve, des cornes, un gros nez retroussé, une petite taille et une corpulence charnue, le plus souvent monté sur un âne, et, comme il est en état d'ivresse, il a peine à se tenir sur sa monture. S'il est à pied, il marche d'un pas chancelant, appuyé sur un bâton ou sur un thyrse, sorte de long javelot. On le reconnaît aisément à sa couronne de lierre, à la tasse qu'il tient, à son air jovial et même un peu goguenard.
      Malgré son portrait si peu flatteur, Silène, quand il n'était pas ivre, était un grand sage, capable de donner à son divin élève des leçons de philosophie.
      Dans une églogue de Virgile, les vapeurs du vin n'empêchent pas cet étrange vieillard d'exposer sa doctrine sur la formation du monde.
      Le cortège de Bacchus était fort nombreux. Sans compter Silène et les Bacchantes, on y remarquait des nymphes, des satyres, des bergers, des bergères, et même le dieu Pan. Tous portaient le thyrse enlacé de feuillage, des ceps de vigne, des couronnes de lierre, des coupes et des grappes de raisin. Bacchus ouvre la marche, et tout le cortège le suit, en poussant des cris et faisant retentir de bruyants instruments de musique.
      Les Bacchantes ou Ménades étaient primitivement les nymphes ou les femmes que Bacchus avait emmenées avec lui à la conquête des Indes. Plus tard, on désigna de ce nom des jeunes filles qui, simulant un transport bachique, célébraient les Orgies ou fêtes de Bacchus par une attitude, des cris et des bonds désordonnés. Elles avaient les yeux hagards, la voix menaçante : leur chevelure flottait éparse sur leurs épaules nues.
      Bacchus est représenté ordinairement avec des cornes, symboles de la force et de la puissance, couronné de pampre, de lierre ou de figuier, sous les traits d'un jeune homme riant et enjoué. D'une main, il tient une grappe de raisin ou une corne en forme de coupe ; de l'autre, un thyrse entouré de feuillage et de bandelettes. Il a les yeux noirs, et, sur ses épaules descend en tresses ondoyantes sa longue chevelure blonde aux reflets d'or. Il est le plus souvent imberbe, sa jeunesse étant éternelle comme celle d'Apollon. Il est vêtu d'un manteau de pourpre.
      Il est tantôt assis sur un tonneau, tantôt monté sur un char traîné par des tigres ou des panthères, quelquefois par des centaures dont les uns jouent de la lyre, les autres de la double flûte. Sur les monuments les plus anciens, il est représenté avec une tête de taureau ; sur quelques médailles, on le représente debout, barbu, avec une robe triomphale qui tombe jusque sur ses pieds. Le musée du Louvre possède plusieurs statues de Bacchus, entre autres celle de Bacchus au repos.
      On lui immolait la pie, parce que le vin délie les langues, et rend les buveurs indiscrets ; le bouc et le lièvre, parce qu'ils mangent les bourgeons de la vigne. Parmi les oiseaux fabuleux, le phénix lui était consacré ; parmi les quadrupèdes, la panthère ; et parmi les arbres, la vigne, le lierre, le chêne et le sapin.
      Ce dieu avait, en Arcadie, un temple où l'on flagellait cruellement les jeunes filles devant ses autels.
      Il est parfois nommé Liber (Libre), parce que le dieu du vin délivre l'esprit de tout souci ; Evan, parce que ses prêtresses, dans leurs orgies, couraient de tous côtés en criant : Evohé ; Bacchus, dérivé d'un mot grec qui signifie "crier", allusion aux cris des bacchantes ou des grands buveurs. Il porte encore d'autres surnoms empruntés à son pays d'origine ou aux effets de l'ivresse : Nysaeus, de Nysa, Lyaeus, qui chasse le chagrin, Bromius, bruyant, etc.
      Les orgies ou bacchanales étaient célébrées primitivement par des femmes, dans les bois, les montagnes, au milieu des rochers. Elles affectaient un caractère mystérieux. Plus tard, elles admirent des personnes des deux sexes à leur célébration. Il en résulta souvent d'infâmes désordres.
      A Athènes, les fêtes de Bacchus, les Dionysiaques, se célébraient officiellement avec plus de pompe que dans tout le reste de la Grèce. C'était le premier archonte qui y présidait. Les principales cérémonies consistaient en processions où l'on portait des thyrses, des vases remplis de vin, des couronnes de pampre, et les principaux attributs de Bacchus. Des jeunes filles, appelées "canéphores", portaient sur leurs têtes des corbeilles dorées, pleines de fruits d'où s'échappaient des serpents apprivoisés qui terrifiaient les spectateurs. Dans le cortège figuraient aussi des hommes travestis en Silènes, Pans et Satyres qui faisaient mille gestes bizarres, mille gambades, simulant ainsi les folies de l'ivresse. On distinguait les grandes et les petites dionysiaques : celles-là se célébraient vers le mois de février, celles-ci en automne. A l'occasion des dionysiaques, on instituait non seulement des courses, des luttes, des jeux, mais encore des concours de poésie et de représentations dramatiques.
      A Rome, on célébrait, en l'honneur de Bacchus ou Liber, des fêtes dites Libérales. Dans ces fêtes très licencieuses, les dames romaines ne rougissaient pas de tenir des propos indécents, et de couronner les moins honnêtes représentations du dieu. L'an 558 de la fondation de la ville, le sénat rendit un décret pour remédier à cette licence, remède inefficace, les coutumes ou les mœurs étant plus fortes que les lois.
      Chose remarquable, on lui faisait, ainsi qu'à Mercure, des libations avec du vin coupé d'eau, tandis que les libations se faisaient aux autres dieux avec du vin pur.
      Le culte de Bacchus ou Dionysos fut introduit assez tard dans la religion grecque ; il est du moins bien postérieur à celui des grands dieux proprement dits ; il semble avoir été importé en Grèce de la Haute Asie ou peut-être de l'Egypte. En tout cas, si Bacchus apparut tardivement, il n'en eut pas moins d'adorateurs.
      Il eut d'Ariane plusieurs enfants : Céranus, Thoas, Enopion, Tauropolis, etc., qui ne sont guère connus que de nom.


Thémis

      Thémis, fille du Ciel et de la Terre ou d'Uranus et de Titée, était sœur aînée de Saturne et tante de Jupiter. La fable dit qu'elle voulait garder sa virginité, mais que Jupiter la força de l'épouser, et qu'il la rendit mère de trois filles, l'Equité, la Loi et la Paix.
      On fait encore de Thémis la mère des Heures et des Parques. Dans l'Olympe, cette déesse est assise auprès du trône de Jupiter ; elle aide le dieu de ses conseils qui sont tous inspirés par la prudence et l'amour de la justice. Elle préside ou assiste aux délibérations des dieux. C'est elle que Jupiter charge des missions les plus difficiles et les plus importantes. On la regardait comme la déesse de la Justice dont on lui fit porter le nom.
      Dès l'origine, elle eut des temples où se rendaient des oracles. Sur le mont Parnasse, elle avait même un oracle de moitié avec Tellus (la Terre) ; elle le céda plus tard à Apollon de Delphes. Elle prédisait l'avenir non seulement aux hommes, mais encore aux dieux. C'est elle qui révéla ce que les Parques avaient ordonné du fils qui devait naître de Thétis. Elle empêcha Jupiter, Neptune et Apollon d'épouser cette Néréide dont ils étaient amoureux, parce qu'elle devait être mère d'un fils plus grand que son père.
      Ses attributs ordinaires sont ceux de la Justice : la balance et l'épée, ou un faisceau de haches entouré de verges, symbole de l'autorité chez les Romains. Une main au bout d'un sceptre est encore un de ses attributs. Quelquefois on la représente avec un bandeau sur les yeux, pour désigner l'impartialité qui convient au caractère du juge.


Cupidon, ou l'Amour

      Nous avons cru devoir expliquer ci-dessus ce que, dans un sens très général, les Grecs entendaient par les mots Éros, Antéros. Ces deux expressions prirent avec le temps une signification beaucoup plus restreinte dans la langue commune aussi bien que dans la langue poétique. Éros finit donc par désigner “l'amour”, avec l'acception du terme latin équivalent, amor. Son composé Antéros eut dès lors non plus seulement le sens de contre-amour, mais encore et plus souvent celui d'amour pour amour.
      Vénus, disent les poètes, se plaignant à Thémis de ce qu'Éros, son fils, restait toujours enfant, la déesse consultée répondit qu'il ne grandirait point tant qu'elle n'en aurait pas d'autre. Alors sa mère lui donna pour frère Antéros avec lequel il commença à grandir. Par cette jolie fiction, les poètes ont voulu faire entendre que l'amour, pour croître, a besoin de retour. On représentait Antéros, comme son frère, sous la figure d'un petit enfant, avec des ailes, un carquois, des flèches et un baudrier.
      Le nom de Cupidon, en latin, implique l'idée d'amour violent, de désir amoureux, en grec Iméros. Mais, dans la mythologie latine, on prête à ce dieu à peu près la même origine, la même histoire qu'au dieu grec Éros, amour.
      Cupidon, d'après le plus grand nombre des poètes, naquit de Mars et de Vénus. Dès qu'il eut vu le jour, Jupiter, qui connut à sa physionomie tous les troubles qu'il causerait, voulut obliger Vénus à s'en défaire. Pour le dérober à la colère de Jupiter, elle le cacha dans les bois, où il suça le lait des bêtes féroces. Aussitôt qu'il put manier l'arc, il s'en fit un de frêne, employa le cyprès à faire des flèches, et essaya sur les animaux les coups qu'il destinait aux hommes. Depuis il échangea son arc et son carquois contre d'autres en or.
      Il est ordinairement représenté sous la figure d'un enfant de sept à huit ans, l'air désœuvré, mais malin: armé d’un arc et d'un carquois rempli de flèches ardentes, quelquefois d'une torche allumée ou d'un casque et d'une lance; couronné. de roses, emblème des plaisirs. Tantôt, il est aveugle, car l'Amour n'aperçoit pas de défauts dans l'objet aimé; tantôt il tient une rose d'une main et un dauphin de l'autre. Quelquefois on le voit entre Hercule et Mercure, symbole de ce que peuvent en amour la valeur et l'éloquence. Parfois il est placé près de la Fortune ayant comme lui un bandeau sur les yeux. Il est toujours peint avec des ailes, et ces ailes sont de couleur d'azur, de pourpre et d'or. Il se montre dans l'air, le feu, sur la terre et la mer. Il conduit des chars, touche la lyre, ou monte des lions, des panthères et quelquefois un dauphin, pour indiquer qu'il n'y a point de créature qui échappe au pouvoir de l'Amour.
      Il n'est pas rare de le voir représenté auprès de sa mère qui joue avec lui, le taquine ou le pressa tendrement contre son cœur.
      Parmi les oiseaux, il aime le coq et le cygne, oiseau favori de Vénus; lui-même prend parfois des ailes de vautour, symbole de la cruauté. Il se plaît à monter sur le cygne dont il embrasse le cou; et, quand il se tient sur le dos du bélier, on voit paraître sur son visage autant d'allégresse et de fierté que lorsqu'il est assis sur un lion, sur un centaure ou sur les épaules d'Hercule.
      S'il porte le casque, la pique et le bouclier, il affecte de prendre une attitude, une démarche guerrières, montrant ainsi qu'il est partout victorieux, et que Mars lui-même se laisse désarmer par l'Amour.
      Cupidon s'éprit d'une violente passion pour une simple mortelle, Psyché, princesse d'une beauté ravissante; et il voulut devenir son époux. Longtemps Vénus fit opposition à ce mariage, et soumit Psyché à de difficiles et presque insurmontables épreuves. Enfin Cupidon alla se plaindre à Jupiter qui se déclara pour lui. Mercure reçut l'ordre d'enlever au ciel Psyché qui, étant admise en la compagnie des dieux, but le nectar, l'ambroisie, et devint immortelle. On prépara le festin des noces. Chaque dieu y joua son personnage; Vénus même y dansa. Plus tard Psyché mit au monde une fille qu'on appela Volupté. La fable de Psyché (mot grec qui signifie âme) a inspiré Apulée, La Fontaine, le poète V. de Laprade, le grand peintre baron Gérard, etc.
      Les invocations à Cupidon ou à l'Amour sont nombreuses dans les poètes. Son culte était le plus souvent associé à celui de sa mère, Vénus ou Aphrodite.


Iris

      Iris, fille de Thaumas et d'Electra, était la messagère des dieux, et principalement de Junon, comme Mercure était le messager de Jupiter. Thaumas étant fils de la Terre, Iris, à cause de son origine, doit être considérée comme aussi antique que les plus anciens dieux. Toujours assise auprès du Trône de Junon, elle est prête à exécuter ses ordres. Son emploi le plus important était de couper le cheveu fatal des femmes qui allaient mourir, de même que Mercure était chargé de faire sortir des corps les âmes des hommes qui allaient terminer leurs jours. C'est elle qui avait soin de l'appartement ainsi que du lit de sa maîtresse, et qui l'aidait à sa toilette. Lorsque cette déesse revenait des Enfers dans l'Olympe, c'est Iris qui la purifiait avec des parfums. Junon avait pour elle une affection sans bornes, parce qu'elle ne lui apportait jamais que de bonnes nouvelles.
      On la représente sous la figure d'une grâcieuse jeune fille, avec des ailes brillantes de toutes les couleurs réunies. Les poètes prétendaient que l'arc-en-ciel était la trace du pied d'Iris descendant rapidement de l'Olympe vers la terre pour porter un message ; c'est pourquoi on la représente le plus souvent avec l'arc-en-ciel au-dessous ou au-dessous d'elle.
      Ce phénomène céleste se désigne aussi poétiquement par le nom d'écharpe d'Iris.


Hébé et Ganymède

      Hébé était fille de Jupiter et de Junon. Selon quelques poètes, Junon seule était sa mère : elle l'avait spontanément conçue en mangeant force laitues sauvages à un festin offert par Apollon. Jupiter, charmé de la beauté de sa fille, la nomma déesse de la jeunesse, et lui confia l'honorable fonction de servir à boire à la table des dieux. Mais un jour qu'elle s'était laissée tomber d'une manière peu décente, .Jupiter lui ôta son emploi pour le donner à Ganymède. Cependant Junon, sa mère, la retint à son service, et lui confia le soin d'atteler son char. Plus tard, Hercule, devenu immortel et ayant pris place parmi les dieux, épousa Hébé dans le ciel, et eut de cette déesse une fille, Alexiare, et un fils, Anicetus. A la prière d'Hercule, elle rajeunit Iotas, neveu et compagnon de ce héros.
      Elle avait en Grèce plusieurs temples, dont quelques-uns jouissaient du droit d'asile. On la représente couronnée de fleurs, avec une coupe d'or à la main.
      Ganymède, qui remplaça Hébé dans ses fonctions, était fils de Tros, roi de Dardanie, qui, à partir de son règne, prit le nom de Troie. Ce jeune prince était d'une si éclatante beauté, que Jupiter voulut en faire son échanson. Un jour que Ganymède chassait sur le mont Ida en Phrygie, le dieu se métamorphosa en aigle et l'enleva dans l'Olympe.
      Cette fable est, dit-on, fondée sur un fait historique. Tros ayant envoyé en Lydie son fils Ganymède offrir un sacrifice à Jupiter, fut enlevé et retenu par Tantale, roi de ce pays. Cet enlèvement fit éclater entre les deux princes une longue guerre qui ne se termina que par une première ruine de Troie.
      Quoi qu'il en soit, la fable a persisté. Dans un ancien monument, on voit un aigle, avec les ailes déployées, enlevant Ganymède qui tient de la main droite une pique, et de la gauche un vase, symbole de l'emploi qu'il va occuper.



Les Grâces ou Charites

      Les Grâces ou Charites étaient filles de Jupiter et d'Eurynome ou Eunomie ; selon d'autres, du Soleil et d'Eglé, ou de Jupiter et de Junon ; ou, selon l'opinion la plus commune, de Bacchus et de Vénus : la plupart des poètes en comptent trois et les nomment Aglaé (brillante), Thalie (verdoyante), Euphrosyne (joie de l'âme). Compagnes de Vénus, la déesse de la beauté leur devait le charme et l'attrait qui assurent son triomphe. Leur pouvoir s'étendait à tous les agréments de la vie. Elles dispensaient aux hommes non seulement la bonne grâce, la gaieté, l'égalité d'humeur, la facilité des manières, mais encore la libéralité, l'éloquence, la sagesse. Leur plus belle prérogative était de présider aux bienfaits et à la reconnaissance.
      On les représentait jeunes et vierges, et d'une taille élancée. Elles se tenaient par la main, et dans une attitude dansante. Le plus souvent elles étaient nues ou à peine vêtues de légères étoffes, sans agrafes ni ceintures, avec un voile flottant. Dans un groupe de leurs statue, à Élis, l'une tenait à la main une rose, l'autre un dé à jouer, et la troisième une branche de myrte.
      Ces divinités aimables ne manquaient ni de temples ni d'autels. Elles en avaient particulièrement à Elis, à Delphes, à Périnthe, à Byzance, etc. Elles partageaient aussi les honneurs rendus, dans des temples communs, à l'Amour, à Vénus, à Mercure et, aux Muses.


Les Muses

      Les Muses étaient filles de Jupiter et de Mnémosyne ou Mémoire. Au même titre que les Grâces, elles ont leur place dans l'Olympe, dans les réunions, les festins, les concerts, les réjouissances des dieux. Toutes sont jeunes, également belles, quoique différentes dans leur genre de beauté. Selon Hésiode elles sont au nombre de neuf, et, sur la Terre, comme dans l'Olympe, chacune a ses attributions, sinon distinctes, du moins déterminées :
      CLIO, nom formé d'un mot grec qui signifie gloire, renommée, était la muse de l'Histoire. On la représente sous la figure d'une jeune fille couronnée de lauriers, tenant en sa main droite une trompette, et de sa main gauche un livre qui a pour titre Thucydide. A ces attributs on joint parfois le globe terrestre sur lequel elle pose, et le Temps qui se voit près d'elle, afin de montrer que l'Histoire embrasse tous les lieux et tous les temps. Ses statues tiennent quelquefois une guitare d'une main, et un plectre de l'autre, parce que Clio était aussi considérée comme l'inventrice de la guitare.
      EUTERPE (en grec, qui sait plaire) avait inventé la flûte ou suggéré son invention ; elle présidait à la Musique. C'est une jeune fille couronnée de fleurs et jouant de la flûte. Des papiers de musique, des hautbois et autres instruments sont auprès d'elle. Par ces attributs, les anciens ont voulu exprimer combien les lettres ont de charme pour ceux qui les cultivent.
      THALIE (ainsi nommée du mot grec qui signifie fleurir) présidait à la Comédie. C'est une jeune fille à l'air enjoué ; elle est couronnée de lierre, chaussée de brodequins, et tient un masque à la main. Plusieurs de ses statues ont un clairon ou porte-voix, instrument dont on se servait pour soutenir la voix des acteurs dans la comédie antique.
      MELPOMÈNE (d'un mot grec signifiant chanter) était la muse de la Tragédie. Son maintien est grave et sérieux : elle est richement vêtue, et chaussée d'un cothurne ; elle tient d'une main un sceptre et des couronnes, de l'autre un poignard ensanglanté. Parfois on lui donne pour suivantes la Terreur et la Pitié.
      TERPSICHORE (en grec, qui aime la danse) était la muse de la Danse. C'est une jeune fille, vive, enjouée, couronnée de guirlandes, et tenant une harpe au son de laquelle elle dirige en cadence tous ses pas. Des auteurs la font mère des Sirènes.
RATO (d'Eros, amour) présidait à la poésie lyrique et anacréontique. C'est une jeune nymphe vive et folâtre, couronnée de myrte et de roses. De la main gauche elle tient une lyre, et de la droite un archet ; près d'elle est un petit amour, et parfois des tourterelles se becquètent à ses pieds.
      POLYMNIE (ou POLYHYMNIE, nom composé de deux mots grecs qui signifient beaucoup et hymne ou chanson) était la muse de la Rhétorique. Elle est couronnée de fleurs, quelquefois de perles et de pierreries, avec des guirlandes autour d'elle, et habillée de blanc. Sa main droite est en action comme pour haranguer, et elle tient de la main gauche tantôt un sceptre, tantôt un rouleau sur lequel est écrit le mot latin suadere "persuader".
      URANIE (du grec Ouranos "ciel") présidait à l'Astronomie. On la représente vécue d'une robe de couleur d'azur, couronnée d'étoile, et soutenant des deux mains un globe qu'elle semble mesurer, ou bien ayant près d'elle un globe posé sur un trépied, et plusieurs instruments de mathématiques. Selon Catulle, Bacchus la rendit mère de l'Hyménée.
      CALLIOPE (nom composé grec qui signifie un beau visage) était la muse de la poésie héroïque et de la grande éloquence. Elle est représentée sous les traits d'une jeune fille à l'air majestueux, le front ceint d'une couronne d'or, emblème qui, selon Hésiode, indique sa suprématie parmi les autres muses. Elle est ornée de guirlandes, tient d'une main une trompette, et de l'autre un poème épique. Les poètes la disent mère d'Orphée.
      Non seulement les Muses furent considérées comme des déesses, mais on leur prodigua tous les honneurs de la divinité. On leur offrait des sacrifices en plusieurs villes de la Grèce et de la Macédoine. Elles avaient à Athènes un magnifique autel ; à Rome elles avaient plusieurs temples. Ordinairement le temple des Muses était aussi celui des Grâces, les deux cultes étaient communs ou rarement séparés.
      On ne faisait guère de festins sans les invoquer et sans les saluer la coupe en main. Mais personne ne les a tant honorées que les poètes qui ne manquent jamais de leur adresser une invocation au commencement de leurs poèmes.
      Le Parnasse, l'Hélicon, le Pinde, le Piérus étaient leur demeure ordinaire. Le cheval ailé, Pégase, qui ne prête son clos et ses ailes qu'aux poètes, venait paître habituellement sur ces montagnes et aux environs. Parmi les fontaines et les fleuves, l'Hippocrène, Castalie et le Permesse leur étaient consacrés, ainsi que, parmi les arbres, le palmier et le laurier. Quand elles se promenaient en chœur, Apollon, couronné de laurier, et la lyre en main, ouvrait la marche et conduisait le cortège.
      On les surnommait, à Rome, Camènes, expression qui signifie “agréables chanteuses”. Leur surnom de Piérides vient de ce qu'elles fréquentaient le mont Piérus en Macédoine. Mais certains poètes donnent à ce mot une autre explication.
      Piérus, roi de Macédoine, disent-ils, avaient neuf filles. Toutes excellaient dans la poésie et la musique. Fières de leur talent, elles osèrent aller défier les Muses jusque sur le Parnasse. Le combat fut accepté, et les nymphes de la contrée, désignées pour arbitres, se prononcèrent pour les Muses. Indignées de ce jugement, les Piérides s'emportèrent en invectives et voulurent même frapper leurs rivales. Mais Apollon intervint, et les métamorphosa en pies. A cause de leur victoire dans ce concours, les Muses auraient pris le nom de Piérides.
      Le surnom de Libéthrides, donné aussi aux Muses, leur vient soit de la fontaine Libéthra, en Magnésie, soit du mont Libéthrius, lesquels leur étaient consacrés.


Les Heures

      Par le mot "Heures", les Grecs, primitivement, désignèrent, non pas les divisions du jour, mais celles de l'année. Les Heures étaient filles de Jupiter et de Thémis. Hésiode en compte trois : Eunomie, Dicé et Irène, c'est-à-dire le Bon Ordre, la Justice et la Paix. Homère les nomme les "portières du ciel", et leur confie le soin d'ouvrir et de fermer les portes éternelles de l'Olympe. La mythologie grecque ne reconnut donc d'abord que trois Heures ou trois Saisons : le Printemps, l'Eté et l'Hiver. Ensuite, quand on y ajouta l'Automne et le solstice d'hiver, c'est-à-dire sa partie la plus froide, la mythologie créa deux nouvelles Heures, Carpo et Thalatte, qu'elle établit pour veiller aux fruits et aux fleurs. Enfin, quand les Grecs partagèrent le jour en douze parties égales, les poètes multiplièrent le nombre des Heures jusqu'à douze, employées au service de Jupiter, et les nommèrent "les douze sœurs".
      Ce furent ces divinités qui se chargèrent de l'éducation de Junon ; elles avaient aussi la mission de descendre aux Enfers pour prendre Adonis et le ramener à Vénus.
      Souvent les Heures sont accompagnées des Grâces : les poètes et les artistes les représentent communément dansantes, avec un vêtement qui ne descend que jusqu'aux genoux. Sur les monuments, elles paraissent toutes du même âge : leur tête est couronnée de feuilles de palmier qui se redressent.
      Lorsqu'on fixa quatre Saisons, l'art introduisit à son tour quatre Heures, mais les représenta dans des âges différents, avec de longues robes et sans couronne de palmier. L'Heure du printemps fut représentée sous la figure d'une adolescente aux traits naïfs, à la taille svelte et mince, aux formes à peine accusées. Ses trois sœurs augmentent en âge par gradation.
      Les Heures présidaient à l'éducation des enfants, et réglaient toute la vie des hommes : aussi les voit-on assister à toutes les noces célébrées dans la mythologie.
      Les Athéniens leur offraient les prémices des fruits de chaque saison. Ce culte gracieux ne fut pas transporté à Rome, où cependant Hersilie, la femme de Romulus, fut considérée comme la divinité présidant aux Saisons. On l'appelait Hora. Mais, comme on le verra en son lieu, cette déesse avait encore d'autres attributions.
      Les modernes représentent les Heures avec des ailes de papillon ; Thémis ordinairement les accompagne, et elles soutiennent des cadrans, des horloges, ou d'autres symboles de leurs attributions dans la fuite rapide du temps.


Les Parques

Les Parques      Les Parques, divinités maîtresses du sort des hommes, étaient trois sœurs, filles de la Nuit ou de l'Erèbe, ou bien de Jupiter et de Thémis, ou, selon quelques poètes, filles de la Nécessité et du Destin. L'obscurité de leur naissance indique qu'elles ont exercé leurs fatales fonctions dès l'origine des êtres et des choses ; elles sont aussi vieilles que la Nuit, que la Terre et le Ciel. Elles se nomment Clotho, Lachésis et Atropos, et habitent un séjour voisin de celui des Heures, dans les régions olympiques, d'où elles veillent non seulement sur le sort des mortels, mais encore sur le mouvement des sphères célestes, et l'harmonie du monde. Elles ont un palais où les destinées des hommes sont gravées sur le fer et sur l'airain, de sorte que rien ne peut les effacer. Immuables dans leurs desseins, elles tiennent ce fil mystérieux, symbole du cours de la vie, et rien ne peut les fléchir et les empêcher d'en couper la trame. Une fois cependant, elles consolèrent Proserpine de la violence qu'on lui avait faite, calmèrent la douleur de Cérès affligée de la perte de sa fille ; et, lorsque cette déesse fut outragée par Neptune, ce fut à leurs prières qu'elle consentit à sortir d'une caverne de SicilePan la découvrit.
      Clotho, ainsi nommée d'un mot grec qui signifie "filer", paraît être la moins vieille, pour ne pas dire la plus jeune des Parques. C'est elle qui tient le fil des destinées humaines. On la représente vêtue d'une longue robe de diverses couleurs, portant une couronne formée de sept étoiles, et tenant une quenouille qui descend du ciel en terre. La couleur qui domine dans ses draperies est le bleu clair.
      Lachésis, nom qui en grec signifie "sort" ou "action de tirer au sort", est la Parque qui met le fil sur le fuseau. Ses vêtements sont quelquefois parsemés d'étoiles, et on la reconnaît au grand nombre de fuseaux épars autour d'elle. Ses draperies sont couleur de rose.
      Atropos, c'est-à-dire en grec "inflexible", coupe impitoyablement le fil qui mesure la durée de la vie de chaque mortel. Elle est représentée comme la plus âgée des trois sœurs, avec un vêtement noir et lugubre ; près d'elle, on voit plusieurs pelotons de fil plus ou moins garnis, suivant la longueur ou la brièveté de la vie mortelle qu'ils mesurent.
      Les anciens représentaient les Parques sous la forme de trois femmes au visage sévère, accablées de vieillesse, avec des couronnes faites de gros flocons de laine entremêlée de narcisse. D'autres leur donnent des couronnes d'or ; quelquefois une simple bandelette leur entoure la tête ; rarement elles paraissent voilées.
      Les Grecs et les Romains rendirent de grands honneurs aux Parques, et les invoquaient ordinairement après Apollon, parce que, comme ce dieu, elles pénétraient l'avenir. On leur immolait des brebis noires, comme aux Furies.
      Ces divines et infatigables filandières n'avaient pas seulement pour fonction de dérouler et de trancher le fil des destins. Elles présidaient aussi à la naissance des hommes. Enfin, elles étaient chargées de conduire à la lumière et de faire sortir du Tartare les héros qui avaient osé y pénétrer. C'est ainsi qu'elles servirent de guides à Bacchus, à Hercule, à Thésée, à Ulysse, à Orphée, etc. C'est à elles encore que Pluton confiait son épouse, lorsque, suivant l'ordre de Jupiter, elle retournait dans le ciel pour y passer six mois auprès de sa mère.




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