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Mythologie grecque et romaine

Pierre Commelin
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Didon

      Didon, fille de Bélus, roi de Tyr, avait épousé un prêtre d’Hercule nommé Sicarbas ou Sichée, le plus riche de tous les Phéniciens. Après la mort de Bélus, Pygmalion, son fils, monta sur le trône. Ce prince, aveuglé par la passion des richesses, surprit un jour Sichée, dans le temps qu'il sacrifiait aux dieux, et l'assassina au pied de l'autel. Il cacha longtemps ce meurtre, flattant sa sœur d'une vaine espérance. Mais l'ombre de Sichée, privé des honneurs de la sépulture, apparut en songe à Didon, lui montra l'autel au pied duquel il avait été immolé, et lui conseilla de fuir et d'emporter des trésors cachés depuis longtemps dans un endroit qu'il lui indiqua.

      Didon, à son réveil, dissimule sa douleur, prépare sa fuite, s'assure des vaisseaux qui étaient au port, y reçoit tous ceux qui haïssaient ou craignaient le tyran, et part avec les richesses de Sichée et celles de l'avare Pygmalion. La flottille toucha d'abord à l'île de Chypre où Didon enleva cinquante jeunes filles qu'elle donna à ses compagnons. De là elle conduisit sa colonie sur la côte d'Afrique, et y bâtit Carthage.

      Pour fixer l'enceinte de sa nouvelle ville, elle achète autant de terrain que la peau d'un bœuf coupée en lanières peut en entourer, ce qui lui fournit assez d'espace pour pouvoir y construire une citadelle qui fut, appelée Byrsa, c'est-à-dire, en grec, cuir de bœuf.

      Elle fut demandée en mariage par Iarbas, roi de Mauritanie ; mais l'amour qu'elle conservait pour son premier mari lui fit rejeter cette alliance. Dans la crainte d'y être forcée par les armes de ce prince et par les vœux de ses sujets, elle demanda trois mois pour y réfléchir. Durant cet intervalle elle fit les préparatifs de ses funérailles, et, le terme fatal arrivé, elle se poignarda. Cet acte si énergique lui fit donner le nom de Didon, femme de résolution, au lieu de celui d'Elissa qu'elle avait porté jusqu'alors.

      Virgile, par un anachronisme d'au moins trois cents ans, a rapproché Didon du héros troyen dont il la suppose éprise, et qu'elle voudrait retenir à Carthage. Lorsque le héros s'éloigne, elle appelle sa sœur Anna, lui annonce qu'elle ne peut se consoler du départ d'Enée ; puis elle monte sur son bûcher funèbre et s'y donne la mort. Pendant que la flotte des Troyens cingle vers la Sicile et l'Italie, Enée peut apercevoir sur le rivage les flammes qui consument celle qu'il a délaissée pour obéir au Destin.



Pygmalion

      Pygmalion, fils de Bélus, roi de Tyr, frère de Didon et d'Anna, et qui tua Sichée, son beau-frère, pour s'emparer de ses trésors, ne doit pas être confondu avec un autre Pygmalion, fameux statuaire de l'île de Chypre.

      Celui-ci, révolté contre le mariage à cause de l'inconduite des Propœtides dont il était chaque jour témoin, se voua au célibat. Mais il devint amoureux d'une statue d'ivoire, ouvrage de son ciseau, et obtint de Vénus, à force de prières, de l'animer. Son vœu étant exaucé, il l'épousa, et eut d'elle un fils appelé Paphos, qui fut plus tard le fondateur d'une ville à laquelle il donna son nom.

      Les Propœtides, femmes de Chypre, avaient nié la divinité de Vénus. Cette déesse les punit, en allumant dans leurs cœurs le feu de l'impudicité. Elles finirent par perdre toute honte, et furent insensiblement changées en rochers.



Midas

      Midas, fils de Gorgias et de Cybèle, régna dans cette partie de la grande Phrygiecoule le Pactole. Bacchus étant venu en ce pays, accompagné des Satyres et de Silène, le bon vieillard s'arrêta près d'une fontaine où Midas avait fait verser du vin pour l'attirer. Quelques paysans qui le trouvèrent ivre en cet endroit, après l'avoir paré de guirlandes, le conduisirent à Midas. Ce prince, instruit dans les mystères par Orphée et Eumolpe, reçut de son mieux le vieux Silène, le retint pendant dix jours qui se passèrent en réjouissances et en festins, et le rendit à Bacchus.

      Ce dieu, charmé de revoir son père nourricier, dit au roi de Phrygie de lui demander tout ce qu'il souhaiterait. Midas le pria de faire en sorte que tout ce qu'il toucherait se changeât en or. Bacchus y consentit.

      Les premiers essais de Midas l'éblouirent ; mais, ses aliments mêmes se changeant en or, il se vit pauvre au milieu de cette trompeuse abondance qui le condamnait à mourir d'inanition, et fut obligé de prier Bacchus de lui retirer un don fatal qui n'avait de bien que l'apparence. Bacchus, touché de son repentir, lui ordonna de se plonger dans le Pactole. Midas obéit, et, en perdant la vertu de convertir en or tout ce qu'il touchait, il la communiqua au Pactole qui, depuis ce temps, roule un sable d'or.

      Ovide ajoute à cette première fable celle qui suit, et qui se rattache à celles de Pan et d'Apollon : « Pan, s'applaudissant un jour, en présence de quelques jeunes nymphes, sur la beauté de sa voix et sur les doux accents de sa flûte, eut la témérité de les préférer à la lyre et aux chants d'Apollon, et poussa la vanité jusqu'à lui porter un défi. Midas, ami de Pan, pris pour juge entre les deux rivaux, adjugea la victoire à son ami. Apollon, pour s'en venger, lui donna des oreilles d'âne. Judas prenait grand soin de cacher cette difformité, et la couvrait sous une tiare magnifique. Le barbier qui avait soin de ses cheveux s'en était aperçu, mais n'osait en parler. Fatigué du poids d'un tel secret, il va dans un lieu écarté, fait un trou dans la terre, en approche la bouche, et y dit à voix basse que son maître a des oreilles d' âne ; puis il ferme le trou, et se retire. Quelque temps après, il en sortit des roseaux qui, séchés au bout d'une année, et agités par le vent, répétèrent les paroles du barbier, et apprirent à tout le monde que Midas avait des oreilles d'âne. »



Baucis et Philémon

      Baucis, femme pauvre et âgée, vivait, avec son mari Philémon, presque aussi vieux qu'elle, dans une petite cabane. Jupiter, sous la figure d'un simple mortel, et accompagné de Mercure, voulut visiter la Phrygie. Les deux voyageurs arrivèrent dans un bourg auprès duquel demeuraient Philémon et Baucis, et, affectant de succomber de fatigue, ils frappèrent à toutes les portes, demandant l'hospitalité. Pas un habitant ne voulut les recevoir. Ils sortirent du bourg, et allèrent frapper à la cabane des deux vieillards qui s'empressèrent de leur prodiguer leurs soins.

      Tout était pauvre et vieux chez Philémon et Baucis, mais leur générosité, leur bon cœur suppléant à la fortune, tout ce qu'ils avaient fut mis à la disposition des dieux. Pour les récompenser, Jupiter les invita à le suivre jusqu'au haut d'une montagne ; et ils le suivirent docilement, malgré leur grand âge et leur marche pénible. Là ils regardèrent derrière eux, et ils virent tout le bourg et les environs submergés, excepté leur petite cabane qui fut changée en un temple merveilleux. Alors Jupiter dit à ces hôtes pieux et humains de lui exprimer un vœu, promettant de leur accorder de suite tout ce qu'ils demanderaient. Les deux époux souhaitèrent seulement d'être les ministres de ce temple, et de ne point mourir l'un sans l'autre.

      Leurs souhaits furent accomplis. Parvenus à la plus grande vieillesse, ils se trouvaient un jour l'un pris de l'autre devant le temple ; tout à coup Philémon s'aperçut que Baucis se métamorphosait en arbre, en un magnifique tilleul, et Baucis, de son côté, fut étonnée de voir que Philémon devenait un superbe chêne. Ils s'adressèrent alors les adieux les plus tendres, qui cessèrent peu à peu comme un doux murmure dans leurs branches et sous leur feuillage.

      Cette simple et gracieuse légende est bien connue par le récit en vers de La Fontaine.



Héro et Léandre

      Héro, prêtresse de Vénus, demeurait à Sestos, ville située sur les bords de l'Hellespont, du côté de l'Europe ; vis-à-vis était Abydos, du côté de l'Asie, où demeurait le jeune Léandre. Celui-ci, l'ayant vue dans une fête de Vénus, devint amoureux d'elle, s'en fit aimer, et passait à la nage l'Hellespont, dont le trajet, en cet endroit, était de huit cent soixante-quinze pas.

      Héro tenait toutes les nuits un flambeau allumé au haut d'une tour, pour le guider dans sa route. Après plusieurs entrevues, la mer devint orageuse ; sept jours se passèrent : Léandre, impatient, ne put attendre le calme, se jeta à la nage, manqua de force, et les vagues jetèrent son corps sur le rivage de Sestos. Héro, ne voulant pas survivre à son amant, se précipita dans la mer.

      Des médailles représentent Léandre précédé par un Cupidon qui vole, un flambeau à la main, pour le guider dans sa périlleuse traversée.

      Cette légende a inspiré au grammairien grec Musée un petit poème épique, joli et gracieux chef-d'œuvre.



Pyrame et Thisbé

      Pyrame, jeune Assyrien, était passionnément épris d'amour pour la jeune et belle Thisbé, qui éprouvait pour lui les mêmes sentiments. Ils habitaient la même ville, presque la même maison, et cependant ils ne pouvaient ni se voir, ni s'entretenir ensemble librement, tant leurs parents mettaient d'obstacles à leurs entrevues et à leurs entretiens. Ils projetèrent un rendez-vous hors de la ville, sous un mûrier blanc.

      C'était le soir et, par un clair de lune, Thisbé, enveloppée dans un voile, arriva la  première au rendez-vous convenu. Là elle fut attaquée par une lionne qui avait la gueule ensanglantée, et dont elle se sauva avec tant de précipitation, qu'elle laissa tomber son voile. La bête, le trouvant sur son passage, le mit en pièces et l'ensanglanta.

      Pyrame arriva peu après, ramassa le voile qu'il reconnut avec épouvante, et, croyant que Thisbé était dévorée, il se perça de son épée. Sur ces entrefaites, Thisbé, sortie du lieu où elle s'était sauvée, revint au rendez vous ; mais, ayant trouvé Pyrame expirant, elle ramassa l'épée fatale, et se la plongea dans le cœur.

      On rapporte que le mûrier fut teint du sang de ces amants, et que les mitres qu'il portait devinrent rouges de blanches qu'elles étaient auparavant.

      Ce sujet a été traité en vers par La Fontaine.



Cycnus

      Cycnus, fils de Sthénélus, roi de Ligurie, uni par les liens du sang à Phaéton du côté de sa mère, ayant appris la mort de son ami, abandonna ses Etats pour le pleurer sur les bords de l'Eridan, car il était inconsolable dans sa douleur. Tout le jour, et souvent la nuit, il allait dans la solitude, le long du fleuve, exhalant ses plaintes par des chants mélancoliques auxquels se mêlaient le doux clapotement des eaux et le frémissement des peupliers. Il parvint ainsi à la vieillesse sans pouvoir se consoler. Les dieux eurent pitié de lui ; ils changèrent en plumes ses cheveux blancs, et le métamorphosèrent en cygne.

      Sous cette forme, Cycnus se souvient encore de la foudre de Jupiter qui a fait périr son ami ; il pousse encore de tristes plaintes, n'ose prendre son essor, rase la terre, et habite l'élément le plus contraire au feu.



Les Pygmées

      Les Pygmées, peuple fabuleux qu'on disait avoir existé en Thrace, étaient des hommes de toute petite taille. Ils avaient tout au plus une coudée de haut ; leurs femmes étaient mères de famille à l'âge de trois ans, et très vieilles à huit ans. Leurs villes et leurs maisons n'étaient bâties que de coquilles d'œufs ; à la campagne, ils se retiraient dans des trous qu'ils faisaient sous terre ; ils coupaient leur blé avec des cognées, comme s'il eût été question d'abattre une forêt.

      Une armée de ces petits hommes attaqua Hercule qui s'était endormi après la défaite du géant Antée, et prit pour le vaincre les mêmes précautions qu'on prendrait pour former un siège : les deux ailes de cette petite armée fondent sur la main du héros ; et, pendant que le corps de bataille s'attache à la gauche, et que les archers tiennent ses pieds assiégés, la reine, avec ses plus braves sujets, livre un assaut à la tête. Hercule se réveille, et, riant du projet de cette fourmilière, les enveloppe tous dans sa peau de lion, et les porte à Eurysthée.

      Les Pygmées avaient guerre déclarée contre les grues qui, tous les ans, venaient de la Scythie les attaquer : nos champions, montés sur des perdrix, ou, selon d'autres, sur des chèvres et des béliers d'une taille proportionnée à la leur, s'armaient de toutes pièces pour aller combattre leurs ennemis.

      Les Grecs qui, dans leurs fables, admettaient l'existence des géants, c'est-à-dire des hommes d'une grandeur extraordinaire, imaginèrent, pour faire contraste, ces petits hommes d'une coudée, qu'ils appelèrent Pygmées, du mot grec pygmé, mesure de 18 doigts, valant environ 338 millimètres.

      L'idée de ces petits hommes vint peut-être aux Grecs de certains peuples d'Ethiopie, appelés Péchiniens. Ces peuples étaient d'une taille bien au-dessous de l'ordinaire ; les grues se retirant tous les hivers dans leur pays, ils s'assemblaient pour leur faire peur et les empêcher de dévaster leurs champs.

      Homère, dans L'Iliade, compare les Troyens à des grues qui fondent sur les Pygmées, preuve manifeste que celle fable était populaire en Grèce dès les temps les plus reculés. Beaucoup de vases grecs, d'ailleurs, représentent les combats des Pygmées et des grues.



Gygès

      Gygès était un berger de Candaule, roi de Lydie. Se promenant un jour dans la campagne, il aperçut une profonde excavation qui s'était produite dans la terre, à la suite de pluies torrentielles. Il eut la curiosité d'y pénétrer, et, là, il fit une étrange découverte. Devant lui se trouvait un énorme cheval de bronze dans les flancs duquel étaient pratiquées des portes. Gygès, les ayant ouvertes, vit à l'intérieur du cheval le squelette d'un géant qui avait au doigt un anneau d'or. Il prit cet anneau, se le passa aussi au doigt, et, sans dire un mot de son aventure, il alla rejoindre les autres bergers du voisinage.

      Lorsqu'il fut dans leur compagnie, il remarqua que, toutes les fois qu'il tournait le chaton de sa bague en dedans, du côté de la paume de la main, il devenait invisible pour tous, mais ne laissait pas lui-même de voir et d'entendre ce qui se passait autour de lui. Dès qu'il avait ramené le chaton en dehors, à sa place ordinaire, il redevenait visible.

      S'étant assuré par mainte expérience de la merveilleuse propriété de son anneau, il se rendit à la cour et, comme il était ambitieux, tua le roi Candaule, épousa la reine et usurpa la royauté.



Milon de Crotone

      Milon de Crotone, fils de Diotime, fut un des plus célèbres athlètes de la Grèce. On dit qu'il fut six fois vainqueur à la lutte aux jeux olympiques, la première fois, dans la classe des enfants. Il se présenta une septième fois à Olympie ; mais il ne put y combattre, faute d'antagoniste. Dans les autres jeux de la Grèce il eut partout le même succès.

      Il était d'une force extraordinaire, et, pour en donner une idée, on raconte de lui des choses étonnantes. – Il tenait une grenade dans sa main, et, par la seule application de ses doigts, sans écraser ni presser ce fruit, il la tenait si bien que personne ne pouvait la lui arracher. – Il mettait le pied sur un palet graissé d'huile, et par conséquent très glissant ; cependant, quelque effort que l'on fît, il n'était pas possible de l'ébranler, ni de lui faire lâcher pied. – Il se ceignait la tête avec une corde, en guise de ruban ; puis il retenait sa respiration : dans cet état violent, le sang se portant au front lui en enflait tellement les veines, que la corde rompait. – Il tenait le bras droit derrière le dos, la main ouverte, le pouce levé, les doigts joints, et alors nul homme n'eût pu lui séparer le petit doigt d'avec les autres.

      Ce qu'on dit de sa voracité est presque incroyable : vingt livres de viande, autant de pain et quinze pintes de vin suffisaient à peine à le rassasier. Un jour, ayant parcouru toute la longueur du stade, portant sur ses épaules un taureau de quatre ans, il l'assomma d'un coup de poing, et le mangea tout entier dans la journée.

      Il eut une fois occasion de faire un bel usage de ses forces. Un jour qu'il écoutait les leçons de Pythagore, le plafond de la salle où l'auditoire était assemblé menaçant de s'effondrer, il le soutint lui seul, donna aux auditeurs le temps de se retirer et se sauva après eux. La confiance qu'il avait en ses forces finit par lui être fatale.

      Avant trouvé en son chemin un vieux chêne abattu et entr’ouvert par quelques coins de bois qu'on y avait enfoncés avec force, il entreprit d'achever de le fendre avec ses mains ; mais sous l'effort qu'il fit les coins se dégagèrent, les deux parties de l'arbre se rejoignirent, ses mains furent prises comme dans un étau : il ne put les retirer, et fut dévoré par les loups.

      Dans le groupe de marbre, œuvre de Puget, qui est au Louvre, Milon de Crotone est dévoré par un lion, fantaisie du sculpteur.



Romulus et Rémus

      Silvius Procas, douzième roi d'Albe-la-Longue, laissa deux fils dont le plus jeune, Amulius, s'empara du trône, au préjudice de Numitor, son frère aîné. Afin d'assurer la couronne sur sa tête et sur celle de ses enfants, Amulius, dans une partie de chasse, tua Lausus, fils de Numitor, et força en même temps Rhéa Silvia, sœur de Lausus, de se consacrer au culte de Vesta, espérant la priver de postérité, puisque le mariage ainsi lui serait interdit.

      Cependant le dieu Mars rendit Silvia mère de deux jumeaux, Romulus et Rémus. Amulius, en ayant été informé, jeta cette vestale en prison, et fit exposer sur le Tibre les deux nouveau-nés placés dans le même berceau. Le fleuve était débordé ; bientôt les eaux se retirèrent, et les enfants restèrent à sec dans un endroit sauvage. Une louve, qui venait de perdre ses petits, entendit les vagissements de Romulus et de Rémus, et les allaita avec un soin maternel.

      Un berger du voisinage, Faustulus, ayant remarqué les allées et venues de la louve, la suivit, trouva les enfants, les prit, et les donna à élever, dans sa cabane, à sa femme Acca Laurentia. Les deux frères grandirent et se fortifièrent au milieu des bergers, parcourant les bois et les montagnes, se livrant à la chasse et luttant parfois contre les brigands qui enlevaient leur bétail. Il arriva qu'un jour Rémus tomba entre leurs mains, et fut conduit par eux au roi Amulius. Devant lui, ils l'accusèrent d'avoir dévasté les troupeaux de Numitor.

      Au lieu de punir Rémus, Amulius le fit conduire à Numitor lui-même qui était intéressé à se venger du coupable. Le jeune prisonnier ressemblait à Silvia sa mère. A cause de cette frappante ressemblance avec sa fille, Numitor hésitait à se rendre justice. Sur ces entrefaites, Romulus, instruit de son origine et de sa famille par le berger Faustulus, accourut brusquement à Albe, délivra son frère, tua le roi Amulius, et, s'étant fait reconnaître, rétablit son grand-père Numitor sur le trône.

      Peu de temps après, Romulus et Rémus songèrent à fonder une ville à l'endroit où ils avaient été exposés et recueillis. Ils consultèrent les auspices pour savoir lequel des deux donnerait son nom à la ville nouvelle. Ils se rendirent sur une colline et observèrent l'espace. Rémus vit le premier six vautours sur le mont Aventin ; Romulus en vit après lui douze sur le mont Palatin. Là-dessus il s'éleva entre eux une violente dispute qui, selon une tradition, se termina par la mort de Rémus.

      Mais la légende ordinaire admet que Rémus finit par céder dans cette occasion, et permit à Romulus de donner en partie son propre nom à la ville de Rome. Plus tard le plan de cette ville fut tracé par un simple sillon, et, dès ce moment, Romulus, par un édit solennel, défendit à qui que ce fût de franchir ce qu'il appelait déjà ses remparts. Rémus s'en moqua, et en plaisantant sauta par-dessus le fossé. Aussitôt Romulus, furieux, tua son frère et, sans pitié, s'écria : « Ainsi périsse désormais quiconque essayera de franchir de force mes remparts ! »

      Meurtrier de son frère, mais persistant dans ses ambitieux projets, Romulus bâtit la ville, y fit venir les bergers et les brigands d'alentour, accueillit dans un asile inviolable les aventuriers, les esclaves fugitifs, se fit proclamer roi par ce ramassis de gens sans feu ni lieu, et établit une forme de gouvernement. Mais dans cette multitude méprisée des peuplades voisines il n'y avait pas de femmes. Pour lui en procurer Romulus eut recours à l'artifice ; il fit annoncer partout une grande représentation, des jeux extraordinaires qui auraient lieu dans la ville. Les Sabins s'y rendirent avec leurs femmes et leurs enfants ; et, pendant la fête, à un signal donné, les compagnons de Romulus enlevèrent les Sabines.

      Cet outrage occasionna d'abord des guerres sanglantes qui se seraient continuées pendant de longues années si les Sabins, par la médiation des Sabines enlevées, n'eussent préféré la paix et, l'union avec les Romains de façon qu'ils ne fissent plus qu'un même peuple avec eux. Tatius, leur roi, partagea le même trône avec Romulus.

      Après avoir constitué un véritable et sage gouvernement dans Rome, et s'être entouré d'un collège d'augures et de prêtres, d'une armée, d'un sénat, Romulus disparut subitement dans une assemblée au Champ-de-Mars pendant un orage, au milieu des éclairs et des coups de tonnerre. Il est à présumer qu'il fut mis à mort par ses nouveaux sujets. On dit même que les sénateurs l'emportèrent par lambeaux sous les plis de leurs robes. Toutefois, un certain Proculus affirma sous le sceau du serment qu'il avait vu monter au ciel Romulus, et que ce roi avait ordonné qu'on lui rendît les honneurs divins.

      Aussitôt on bâtit un temple où on l'honora sous le nom de Quirinus, et on créa pour lui un prêtre particulier appelé Flamine Quirinal.

      Hersilie, une des Sabines enlevées par les Romains, et devenue la femme de Romulus, fut aussi placée, après sa mort, au rang des divinités. On l'honorait, dans le même temple que Quirinus, sous les noms d'Hora ou d'Horta. Son culte avait quelque rapport avec celui d'Hébé, et on l'invoquait pour attirer sa protection sur la jeunesse romaine. Elle passait pour inspirer aux jeunes gens le goût de la vertu et des actions glorieuses. Ses sanctuaires ne se fermaient jamais, symbole de la nécessité où est l'homme, jour et nuit, d'être excité à faire le bien. On l'appelait aussi Stimula.




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