TEMPS HÉROÏQUES - CROYANCES POPULAIRES
Les différents âges
Il était de tradition chez les Grecs et les Latins que l'humanité primitive, exempte de vices, eût
possédé toutes les joies, tous les plaisirs et toutes les perfections. De là cette
conception de l'Age d'or qui avait commencé sous le règne de
Saturne. Mais insensiblement la perversité s'insinua dans le cur des hommes, et déjà, vers la fin du règne de l'antique
Saturne, l'Age d'or avait fait place à l'Age d'
argent. On était bon et vertueux encore, on comptait beaucoup de gens de bien, mais on s'était relâché des principes rigoureux de la justice ; et la nature, jusqu'alors si généreuse, si prodigue de ses bienfaits, se montra plus parcimonieuse : les campagnes étaient
fertiles, les saisons clémentes, mais la terre, qui auparavant ouvrait spontanément son sein et présentait d'elle-même ses produits, dissimula ses trésors et se laissa cultiver.
Le règne de
Saturne fini, l'injustice leva la tête
sans que la perversité se déclarât encore ouvertement. L'Age d'
argent était passé ; l'Age d'
airain lui succédait. Tous les biens avaient été communs jusqu'à cette époque ; mais les injustes
prétentions, les querelles entre voisins éclatèrent, et firent comprendre la nécessité de recourir à des partages, de
fixer des limites aux propriétés, et de promulguer des lois. Il restait cependant quelques vestiges de l'honnêteté première, et les hommes usaient entre eux d'une certaine modération ; aussi, en récompense, la terre fournissait assez de
fruits et d'aliments pour les dispenser de dures et ingrates fatigues.
Mais bientôt vint l'Age de fer : toutes les injustices, tous les crimes débordèrent de toutes parts. Les hommes, les peuples s'armèrent les uns contre les autres ; la méchanceté, le mensonge, la perfidie, la trahison, le libertinage, la violence triomphèrent effrontément ; la sainte Pudeur, l'inviolable Justice, la
Bonne Foi, se
voyant rebutées et méconnues ici-bas, s'enfuirent au
ciel. Alors commença pour l'homme une vie d'épreuves et de misères. Pour arracher ses aliments à la terre, il dut la cultiver péniblement et l'
arroser de ses sueurs ; la nature garda pour elle ses richesses et ses secrets, et ce ne fut qu'au prix de longues veilles, de calculs, d'efforts et de patience qu'on put les lui dérober.
Deucalion et Pyrrha
Deucalion, fils de Prométhée, était l'
époux de Pyrrha, fille de son oncle
Epiméthée. Fatigué du
séjour sauvage de la
Scythie où son père l'avait relégué, il saisit la première occasion, et vint s'établir et
régner en Thessalie, près du Parnasse. Ce fut sous son règne qu'arriva le fameux
déluge.
Jupiter,
voyant croître la malice des hommes, résolut de submerger le genre humain. La surface de la terre fut inondée, hors une seule
montagne de la
Phocide, où vint s'arrêter la petite barque qui portait.
Deucalion, le plus juste des hommes, et Pyrrha, la plus vertueuse des femmes. Dès que les
eaux se furent retirées, ils allèrent consulter la déesse
Thémis qui rendait des oracles au pied du Parnasse, et reçurent cette réponse : « Sortez du temple, voilez-vous le visage ; détachez vos ceintures, et jetez derrière vous les os de votre grand'mère. » Ils ne comprirent pas d'abord le sens de l'oracle, et leur piété fut alarmée d'un ordre qui paraissait cruel. Mais
Deucalion, après y avoir bien pensé, comprit que, la terre étant leur mère commune, ses os étaient des pierres. Ils en ramassèrent donc, et, les ayant jetées derrière eux, ils s'aperçurent que celles de
Deucalion étaient changées en hommes, et celles de Pyrrha en femmes.
Ainsi fut repeuplée la terre ; mais l'Age de fer continua avec le genre humain dont la dureté de cur et l'endurance au travail rappellent cette seconde origine.
Amphictyon, fils de
Deucalion et de Pyrrha, partagea avec
Hellen, son
frère, les Etats de
Deucalion ; il obtint l'Orient et régna aux Thermopyles, où il établit le fameux
conseil des amphictyons. Ce conseil formé des délégués de douze villes grecques confédérées se réunissait pour délibérer sur les intérêts communs de la Grèce, deux fois par an.