Albert Poisson
Symbole de l'
étain.
Albert Poisson, Théories et symboles des alchimistes (1891) - Dictionnaire des symboles hermétiques
Pierre Commelin

Jupiter, disent les poètes, est le père, le roi des
dieux et des hommes ; il règne dans l'
Olympe et, d'un signe de tête, ébranle l'univers. Il était le fils de
Rhéa et de
Saturne qui dévorait ses
enfants à mesure qu'ils venaient au monde. Déjà
Vesta, sa fille aînée,
Cérès,
Pluton,
Neptune avaient été dévorés, lorsque
Rhéa, voulant sauver son
enfant, se réfugia en
Crète, dans l'antre de
Dicté, où elle donna le
jour, en même temps, à Jupiter et à
Junon. Celle-ci fut dévorée par
Saturne. Quant au jeune Jupiter,
Rhéa le fit nourrir par
Adrasté et
Ida, deux nymphes de
Crète, qu'on appelait les Mélisses, et recommanda son enfance aux
Curètes, anciens habitants du pays. Cependant, pour tromper son mari,
Rhéa lui fit avaler une pierre emmaillotée. Les Mélisses nourrirent Jupiter avec le lait de la
chèvre Amalthée et le miel du mont
Ida de
Crète.
Devenu adolescent, il s'associa la déesse Métis, c'est-à-dire la Prudence. Ce fut par le conseil de Métis qu'il fit prendre à
Saturne un breuvage dont l'effet fut de lui faire vomir premièrement la pierre qu'il avait avalée, et ensuite tous les
enfants engloutis dans son sein.
Avec l'aide de ses
frères,
Neptune et
Pluton, il se proposa d'abord de détrôner son père et de bannir les
Titans, cette branche rivale qui faisait obstacle à sa
royauté. Il leur déclara donc la guerre ainsi qu'à
Saturne. La
Terre lui prédit une victoire complète, s'il pouvait délivrer ceux des
Titans que son père tenait enfermés dans le Tartare, et les engager à combattre pour lui. Il l'entreprit, et en vint à bout, après avoir tué Campé, la geôlière, qui avait la garde des
Titans dans les Enfers.
C'est alors que les
Cyclopes donnèrent à Jupiter le tonnerre, l'éclair et la foudre, à
Pluton un casque, et à
Neptune un trident. Avec ces armes, les trois
frères vainquirent
Saturne, le chassèrent du trône et de la société des
dieux, après lui avoir fait subir de cruelles tortures. Les
Titans qui avaient aidé
Saturne à combattre furent précipités dans les profondeurs du Tartare sous la garde des
Géants.
Après cette victoire, les trois
frères, se
voyant maîtres du monde, se le partagèrent entre eux : Jupiter eut le
ciel,
Neptune la mer, et
Pluton les Enfers.
Mais à la guerre des
Titans succéda la révolte des
Géants,
enfants du
Ciel et de la
Terre. D'une taille monstrueuse et d'une
force proportionnée, ils avaient les jambes et les pieds en forme de
serpent ; quelques-uns avaient cent bras et cinquante têtes. Résolus de détrôner Jupiter, ils entassèrent Ossa sur Pélion, et l'
Olympe
sur Ossa d'où ils essayèrent d'escalader le
ciel. Ils lançaient contre les
dieux des rochers dont les uns, tombant dans la mer, devenaient des îles, et les autres, retombant à terre, formaient des
montagnes.

Jupiter était dans une grande inquiétude, parce qu'un ancien oracle annonçait que les
Géants seraient invincibles, à moins que les
dieux n'appelassent un mortel à leur secours. Ayant défendu à l'
Aurore, à la
Lune et au
Soleil de découvrir ses desseins, il devança la
Terre qui cherchait à secourir ses
enfants ; et, par l'avis de
Pallas, ou
Minerve, il fit venir
Hercule qui, de concert avec
les autres
dieux, l'aida à exterminer les
Géants Encelade,
Polybétès, Alcyonée,
Porphyrion, les deux Aloïdes
Ephialte
et
Otus,
Eurytus, Clytius, Tityus,
Pallas, Hippolytus,
Agrius,
Thaon
et le redoutable
Typhon qui, seul, donna plus de peine aux
dieux
que tous les autres.
Après les avoir défaits, Jupiter
les précipita jusqu'au fond du Tartare, ou, suivant d'autres
poètes, il les enterra vivants, les uns dans un pays, les
autres dans un autre.
Encelade fut enseveli sous le mont
Etna. C'est
lui dont l'
haleine embrasée, dit Virgile, exhale les
feux
que lance le volcan ; lorsqu'il essaie de se retourner, il fait
trembler la
Sicile, et une épaisse fumée obscurcit
l'atmosphère. Polybétès fut enterré
sous l'île de Lango,
Otus sous l'île de
Candie, et
Typhon
sous l'île d'Ischia.
Selon Hésiode, Jupiter fut marié sept fois ; il épousa successivement Métis,
Thémis,
Eurynome,
Cérès,
Mnémosyne,
Latone et
Junon, sa sur, qui fut la dernière de ses femmes.
Il s'éprit aussi d'
amour pour un grand nombre de simples mortelles, et des unes et des autres lui naquirent beaucoup d'
enfants qui tous furent mis
au rang des
dieux et demi-dieux.
Son autorité
suprême, reconnue par tous les habitants du
ciel et de la terre, fut cependant plus d'une fois contrariée par
Junon, son
épouse. Cette déesse osa même une fois ourdir contre lui une conspiration des
dieux. Grâce au concours de Thétis et à l'intervention du terrible
géant Briarée, cette conspiration fut promptement étouffée, et l'
Olympe rentra dans l'éternelle obéissance.
Parmi les divinités, Jupiter tenait toujours le premier rang ; et son culte était le plus solennel et le plus universellement répandu. Ses trois plus fameux oracles étaient ceux de Dodone, de Libye et de
Trophonius. Les victimes les plus ordinaires qu'on lui
immolait étaient la chèvre, la brebis et le taureau blanc dont on avait eu soin de dorer les cornes. On ne lui sacrifiait point de victimes humaines ; souvent on se contentait de lui offrir de la farine, du sel et de l'encens. L'
aigle, qui plane en haut des cieux et fond comme la foudre sur sa proie, était son
oiseau favori.
Le jeudi,
jour de la semaine, lui était consacré (
Jovis dies).
Dans la
fable, le nom de Jupiter précède celui de beaucoup d'autres
dieux, même de rois : Jupiter-Ammon en Libye, Jupiter-Sérapis en Egypte, Jupiter-Bélus en Assyrie, Jupiter-Apis, roi d'
Argos, Jupiter-Astérius, roi de
Crète, etc.
Le plus ordinairement, il est représenté sous la figure d'un homme majestueux, avec de la barbe, une abondante chevelure, et assis sur un trône. De la main droite, il tient la foudre figurée de deux manières, ou par un tison flamboyant des deux bouts ou par une machine pointue des deux côtés et armée de deux
flèches. De la main gauche, il tient une Victoire, et à ses pieds se trouve un
aigle aux ailes déployées qui enlève
Ganymède. La partie supérieure du
corps est nue, et la partie inférieure couverte.
Mais cette manière de le représenter n'était pas uniforme. L'imagination des artistes modifiait son image ou sa statue, suivant les circonstances et le lieu même où Jupiter était honoré. Les Crétois le représentaient sans oreilles, pour marquer son impartialité ; les
Lacédémoniens, au contraire, lui en donnaient quatre, pour démontrer qu'il est en état d'entendre toutes les prières. A côté de Jupiter, on voit souvent la Justice, les
Grâces et les
Heures.
La statue de Jupiter, par Phidias, était d'or et d'ivoire : le
dieu paraissait assis sur un trône, ayant sur la tête une
couronne d'olivier, tenant de la main gauche une Victoire aussi d'or et d'ivoire, ornée de bandelettes et couronnée. De la droite, il tenait un sceptre sur le bout duquel reposait un
aigle resplendissant de l'éclat de toutes sortes de métaux. Le trône du
dieu était incrusté d'or et de pierreries : l'ivoire et l'ébène y faisaient par leur mélange une agréable variété. Aux quatre coins, il y avait quatre Victoires qui semblaient se donner la main pour danser, et deux autres aux pieds de Jupiter. A l'endroit le plus élevé du trône, au-dessus de la tête du
dieu, on avait placé d'un côté les
Grâces, de l'autre les
Heures, les unes et les autres comme filles de Jupiter.
Pierre Commelin, Mythologie grecque et romaine, pp. 18-24.