Dictionnaire M. Bescherelle Hérésiarque originaire de Lybie et attaché comme
prêtre à l'
Eglise d'
Alexandrie ; il osa soutenir que le Fils de
Dieu est fait et créé, c'est-à-dire tiré du néant ; qu'il n'est point égal à son Père, ni de la même substance ; qu'il n'a pas toujours existé ; que, quoique la plus parfaite des créatures, il a été capable du vice et de la vertu par son
libre arbitre ; qu'enfin il n'était
Dieu que par participation, comme on peut le dire des hommes. Fut excommunié dans le
concile cuménique de
Nicée, en 325.
M. Bescherelle, aîné, Dictionnaire national ou Dictionnaire universel de la langue française - Volume I (A-F) (1856), p. 232.
Biographie universelle ancienne et moderne Arius, le plus fameux
hérésiarque qui ait paru dans les premiers siècles de l'
Eglise, était natif de la Lybie cyrénaïque. C'était un homme d'une taille avantageuse, d'une figure imposante, d'un maintien grave qui inspirait le respect.
Son abord affable et gracieux, sa conversation douce et agréable appelaient la confiance. Des murs austères, un
air pénitent, un zèle apparent pour la
religion, soutenu par des connaissances assez étendues dans les sciences
profanes et ecclésiastiques, et par un rare talent pour la dialectique, faisaient espérer que l'
Eglise trouverait en lui de grands secours contre ses
ennemis. Malheureusement tout cela couvrait un fond de mélancolie, d'inquiétude, d'ambition, et un
goût secret pour les nouveautés, qui, joints à tant de qualités éminentes, n'en firent qu'un dangereux chef de parti.
Ces qualités en imposèrent à trois saints
patriarches qui se succédèrent immédiatement sur le siège
d'
Alexandrie ; à Pierre, qui l'ordonna diacre, et fut ensuite obligé de l'interdire, à cause de ses liaisons avec les
méléciens ; à Achillas, qui, touché de son repentir hypocrite, l'éleva au sacerdoce ; et à Alexandre, qui lui donna le premier rang dans son clergé, et le chargea du soin d'une
église considérable.
Après la mort de saint Achillas,
Arius, qui s'était
mis sur les rangs pour le remplacer, avait conçu une violente jalousie de la préférence donnée à Alexandre, bien résolu de saisir la première occasion de s'en venger. Un
jour que le
patriarche, conférant avec son clergé, dit qu'il y avait unité de substance dans les trois personnes divines,
Arius l'accusa hautement de donner dans l'erreur de
Sabellius qui avait confondu ces trois personnes, et il soutint que le Fils était une pure créature tirée du néant ; que le nom de
Dieu ne lui convenait que par participation, comme à toutes les autres créatures douées de grâces extraordinaires. Ebion, Artémas et Théodote avaient bien nié, avant
Arius, la divinité de Jésus-Christ ; mais il était le premier qui eût dit que le fils de
Dieu est tiré du néant et sujet au péché.
Il commença d'abord à insinuer sa nouvelle doctrine dans des assemblées particulières, et ne la produisit en public qu'après s'être assuré d'un grand nombre de
sectateurs. Alors il la débita dans le monde, la prêcha dans l'
église, et la propagea dans les campagnes ; pour l'insinuer plus facilement dans les dernières classes du peuple, il la mit en chansons et en
cantiques burlesques, dont le plus fameux, connu sous le nom de
Thalie, était sur la mesure et sur l'
air des chansons que Sotade avait autrefois composées pour les festins et les danses
profanes.
Saint Alexandre, après avoir inutilement cherché
à le ramener par toutes les voies de douceur que sa
charité put lui suggérer, le cita en plein
concile.
Arius y soutint sa doctrine avec tant d'obstination, que les Pères furent obligés de le condamner, et d'anathématiser sa personne et celle de ses partisans, au nombre desquels se trouvaient deux
évêques, des
prêtres, des diacres et des vierges. Dès ce moment,
Arius se mit à courir les provinces voisines, cherchant partout à apitoyer sur son sort, à jeter de l'odieux sur Alexandre, déguisant ses erreurs sous des formes
équivoques, n'annonçant que des dispositions pacifiques. Plusieurs
évêques se laissèrent
séduire par ses discours hypocrites. Eusèbe de
Nicomédie l'absout, dans un
concile de Bithynie, de l'
excommunication lancée contre lui par le
concile d'
Alexandrie, et il écrivit à tous les
évêques d'Orient, au nom de son
concile, pour les engager à le recevoir dans leur communion. Ce
prélat courtisan, consulté par l'empereur Constantin, qui commençait à s'alarmer des troubles que causait la
division entre
Arius et Alexandre, voulut lui faire entendre qu'il ne s'agissait que d'une querelle particulière sur une question de mots, qui ne touchait point au fond de la
religion ; que le plus grand mal venait de l'aversion de l'
évêque Alexandre pour le
prêtre Arius, et qu'il fallait employer l'autorité impériale pour imposer silence au premier ; mais les procédés
séditieux se multipliant chaque
jour à
Alexandrie, Constantin chargea le célèbre Osius d'aller faire des informations sur les lieux : elles ne furent pas favorables à
Arius, qui, plein de confiance dans le crédit de l'
évêque de
Nicomédie, son zélé protecteur, présenta à l'empereur une confession de foi captieuse, pour infirmer le rapport d'Osius ; mais ce prince jugea, d'après ce rapport, que le sujet de la dispute était assez important pour avoir besoin d'être sérieusement examiné dans un
concile par tous les
évêques de son empire.
Ce fut ce qui produisit la convocation du célèbre
concile de Nicée, en 325.
Arius, appelé dans des conférences
préliminaires, exposa sa doctrine sans détour, et la soutint avec impudence. Il comparut ensuite dans le
concile, où elle fut examinée
contradictoirement en présence de Constantin. Plusieurs formules de profession de foi y furent proposées.
Arius rejeta toutes celles où la divinité de Jésus-Christ et la
consubstantialité du Verbe étaient exprimées. N'ayant voulu, ni céder à l'autorité des Pères, ni se rendre à leurs pressantes sollicitations, il fut anathématisé par le
concile, et exilé en
Illyrie par l'empereur, avec les deux seuls
évêques qui lui étaient restés attachés.
Après trois ans d'exil, Constantin, gagné par un
prêtre arien, qui était l'
agent secret d'Eusèbe de
Nicomédie,
le rappela sur une confession de foi
équivoque, où il semblait adhérer aux décisions du
concile de Nicée, et le renvoya à
Alexandrie pour y reprendre possession de son
église ; mais le grand Athanase, successeur de saint Alexandre, qui connaissait la fourberie d'
Arius, ne voulut jamais l'admettre. Il eut plus de succès dans les
conciles de
Tyr et de Jérusalem,
où les
eusébiens qui y dominaient, le reçurent sans difficulté à leur communion, et le recommandèrent à saint Athanase, qui connaissait trop bien ses ruses et celles de ses partisans pour se laisser
prendre à une semblable recommandation.
Arius, mandé à Constantinople pour rendre raison des troubles que sa présence excitait à
Alexandrie, présenta à l'empereur une troisième confession de foi, rédigée avec tant d'artifice, que l'hérésie n'y paraissait point. Il protesta même, avec serment, de sa soumission au
concile de Nicée. Le
patriarche Alexandre fit de vains efforts pour détromper l'empereur. Il eut ordre de recevoir
Arius. Les
eusébiens menacèrent de l'introduire de
force
dans l'
Eglise, si le
patriarche entreprenait de s'y opposer : alors le saint vieillard,
prosterné au pied de l'
autel,
fondant en larmes, le visage contre terre, adressa cette prière à
Dieu : « Seigneur, si
Arius doit être reçu dans l'
Eglise, retirez votre serviteur de ce monde ; mais si vous avez encore pitié de votre troupeau, ne permettez pas que votre héritage soit livré à l'
opprobre, ne souffrez pas qu'il soit souillé par la présence de l'
hérésiarque. » Cependant les
eusébiens
s'avaçaient en triomphe.
Arius, à leur tête, haranguait le peuple qui le suivait en foule. Comme il s'approchait du temple, où on lui avait préparé une réception solennelle, il sentit tout à coup les douleurs d'une colique violente, qui lui déchirait les entrailles. Pressé par un besoin naturel, il alla dans un lieu retiré, et l'
histoire rapporte que, lorsque étonné de ce qu'il ne paraissait plus, on alla le chercher, il fut trouvé mort dans une affreuse attitude, et ayant rendu ses entrailles. Ses
sectateurs dirent qu'il avait été empoisonné, et les
catholiques regardèrent cet événement, vraiment extraordinaire dans la circonstance, comme un effet miraculeux des prières d'Alexandre, et, pendant longtemps, ils n'approchèrent qu'avec horreur du lieu où il était arrivé, en 336.
On peut consulter, sur les détails de l'
histoire d'
Arius, la vie qu'en a publiée à
Venise, en 1746, le père Travasi, théatin, auteur des
Vies des hérésiarques
des trois premiers siècles. L'
Eglise ne fut point délivrée, par la mort de cet
hérésiarque, des maux qu'il lui avait causés. Tant que les
ariens furent unis entre eux, ils formèrent une secte dangereuse dans l'
Eglise et une
faction redoutable dans l'Etat, et ils firent éprouver aux
catholiques des vexations de tout genre. Forcés, sous l'empire de Théodose le Grand, de se replier sur eux-mêmes, ils agitèrent entre eux diverses questions subtiles qui les divisèrent. Tous ces partis ne communiquèrent bientôt plus les uns avec les autres ; ils se donnèrent des noms odieux, se rendirent ridicules, tombèrent dans le mépris, et s'éteignirent insensiblement, de sorte qu'au commencement du Vème siècle, les
ariens n'avaient plus ni
évêques, ni
églises, et ne formaient plus
corps dans l'empire. Cependant, l'
arianisme subsista encore parmi les
Vandales, chez les
Goths, qui les communiquèrent aux Bourguignons, et même chez les
Francs, où il disparut insensiblement après la conversion de Clovis.
Plusieurs siècles après, il ressuscita, du principe de la réforme qui soumet tous les dogmes de la
religion à l'examen particulier. Capitor, Cellarius, Servet, guidés par ce principe, combattirent la
consubstantialité du Verbe. L'
arianisme se répandit en Allemagne, en Pologne, en Hollande, en Angleterre, à Genève, et forma une infinité de sectes dans ces différents pays. Parmi les noms
illustres inscrits sur la liste des nouveaux
ariens, on distingua les Locke, les Newton, les Clarke, les Whiston, les Leclerc, les Sandius, les Zuickerfi. Heureusement, l'
arianisme moderne, réduit à n'être qu'une erreur systématique, n'a point fait de fanatiques comme l'ancien : néanmoins ses progrès ont paru si alarmants pour la
religion en Angleterre, qu'on y a fait, dans le dernier siècle, pour le combattre, une fondation semblable à celle que Boyle avait faite pour combattre l'athéisme.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 28 - Pages 225-226)