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Encyclique 'Humanum Genus' du pape Léon XIII

sur la secte des francs-maçons - I
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LETTRE ENCYCLIQUE DE N. T. S. P. LÉON XIII
SUR LA SECTE DES FRANCS-MAÇONS
(20 avril 1884)

__________________

      A tous Nos Vénérables Frères les Patriarches,
Primats, Archevêques et Evêques du monde catholique,
en grâce et communion avec le Siège Apostolique
,


LÉON XIII, PAPE


Salut et Bénédiction Apostolique.

Pape Léon XIII (1810-1903)      Depuis que, par la jalousie du démon, le genre humain s'est misérablement séparé de Dieu, auquel il était redevable de son appel à l'existence et des dons surnaturels, il s'est partagé en deux camps ennemis, lesquels ne cessent pas de combattre, l'un pour la vérité et pour la vertu, l'autre pour tout ce qui est contraire à la vertu et à la vérité. – Le premier est le royaume de Dieu sur la terre, à savoir la véritable Eglise de Jésus-Christ, dont les membres, s'ils veulent lui appartenir du fond du cœur et de manière à opérer leur salut, doivent nécessairement servir Dieu et son Fils unique, de toute leur âme, de toute leur volonté. Le second est le royaume de Satan. Sous son empire et en sa puissance se trouvent tous ceux qui, suivant les funestes exemples de leur chef et de Nos premiers parents, refusent d'obéir à la loi divine et multiplient leurs efforts, ici pour se passer de Dieu, là pour agir directement contre Dieu.

      Ces deux royaumes, saint Augustin les a vus et décrits avec une grande perspicacité sous la forme de deux cités opposées l'une à l'autre, soit par les lois qui les régissent, soit par l'idéal qu'elles poursuivent ; et, avec un ingénieux laconisme, il a mis en relief dans les paroles suivantes le principe constitutif de chacune d'elles : « Deux amours ont donné naissance à deux cités : la cité terrestre procède de l'amour de soi porté jusqu'au mépris de Dieu ; la cité céleste procède de l'amour de Dieu porté jusqu'au mépris de soi » [La Cité de Dieu, Livre XIV, Chapitre 17]. – Dans toute la suite des siècles qui nous ont précédés, ces deux cités n'ont pas cessé de lutter l'une contre l'autre, en employant toutes sortes de tactiques et les armes les plus diverses, quoique non toujours avec la même ardeur, ni avec la même impétuosité.

      A notre époque, les fauteurs du mal paraissent s'être coalisés dans un immense effort, sous l'impulsion et avec l'aide d'une société répandue en un grand nombre de lieux et fortement organisée, la société des francs-maçons. Ceux-ci, en effet, ne prennent plus la peine de dissimuler leurs intentions, et ils rivalisent d'audace entre eux contre l'auguste majesté de Dieu. C'est publiquement, à ciel ouvert, qu'ils entreprennent de ruiner la Sainte Eglise, afin d'arriver, si c'était possible, à dépouiller complètement les nations chrétiennes des bienfaits dont elles sont redevables au Sauveur Jésus-Christ.

      Gémissant à la vue de ces maux et sous l'impulsion de la charité, Nous Nous sentons souvent porté à crier vers Dieu : « Seigneur, voici que vos ennemis font un grand fracas. Ceux qui vous haïssent ont levé la tête. Ils ont ourdi contre votre peuple des complots pleins de malice, et ils ont résolu de perdre vos saints. Oui, ont-ils dit, venez et chassons-les du sein des nations [Psaumes, 82:24]. »

      Cependant, en un si pressant danger, en présence d'une attaque si cruelle et si opiniâtre livrée au christianisme, c'est Notre devoir de signaler le péril, de dénoncer les adversaires, d'opposer toute la résistance possible à leurs projets et à leur industrie, d'abord pour empêcher la perte éternelle des âmes dont le salut Nous a été confié ; puis, afin que le royaume de Jésus-Christ, que Nous sommes chargé de défendre, non seulement demeure debout et dans toute son intégrité, mais fasse par toute la terre de nouveaux progrès, de nouvelles conquêtes.

      Dans leurs vigilantes sollicitudes pour le salut du peuple chrétien, Nos prédécesseurs eurent bien vite reconnu cet ennemi capital au moment où, sortant des ténèbres d'une conspiration occulte, il s'élançait à l'assaut en plein jour. Sachant ce qu'il était, ce qu'il voulait, et lisant pour ainsi dire dans l'avenir, ils donnèrent aux princes et aux peuples le signal d'alarme, et les mirent en garde contre les embûches et les artifices préparés pour les surprendre.

        Le péril fut dénoncé pour la première fois par Clément XII [Const. In eminenti, du 24 avril 1738] en 1738, et la constitution, promulguée par ce pape, fut renouvelée et confirmée par Benoit XIV [Const. Providas, du 18 mai 1751]. Pie VII [Const. Ecclesiam a Jesu Christo, du 13 septembre 1821] marcha sur les traces des Pontifes, et Léon XII, renfermant dans sa constitution apostolique Quo graciora [Const. data du 13 mars 1825] tous les actes et décrets des précédents papes sur cette matière, les ratifia et les confirma pour toujours. Pie VIII [Encyclique Traditi, du 21 mai 1829], Grégoire XII [Encyclique Mirari, du 15 août 1832] et, à diverses reprises, Pie IX [Encyclique Qui pluribus, du 9 novembre 1846. Allocution Multiplices inter, du 25 septembre 1865, etc.] ont parlé dans le même sens.

      Le but fondamental et l'esprit de la secte maçonnique avaient été mis en pleine lumière par la manifestation évidente de ses agissements, la connaissance de ses principes, l'exposition de ses règles, de ses rites et de leurs commentaires auxquels, plus d'une fois, s'étaient ajoutés les témoignages de ses propres adeptes. En présence de ces faits, il était tout simple que ce Siège Apostolique dénonçât publiquement la secte des francs-maçons, comme une association criminelle, non moins pernicieuse aux intérêts du christianisme qu'à ceux de la société civile. Il édicta donc contre elle les peines les plus graves dont l'Eglise a coutume de frapper les coupables, et interdit de s'y affilier.

      Irrités de cette mesure, et espérant qu'ils pourraient, soit par le dédain, soit par la calomnie, échapper à ces condamnations ou en atténuer la force, les membres de la secte accusèrent les Papes qui les avaient portées, tantôt d'avoir rendu des sentences iniques, tantôt d'avoir excédé la mesure dans les peines infligées. C'est ainsi qu'ils s'efforcèrent d'éluder l'autorité ou de diminuer la valeur des Constitutions promulguées par Clément XII, Benoît XIV, Pie VII et Pie IX.

      Toutefois, dans les rangs mêmes de la secte, il ne manqua pas d'associés pour avouer, même malgré eux, que, étant données la doctrine et la discipline catholiques, les Pontifes romains n'avaient rien fait que de très légitime. A cet aveu, il faut joindre l'assentiment explicite d'un certain nombre de princes ou de chefs d'Etats au Siège Apostolique, soit de la frapper eux-mêmes comme dangereuse en portant des lois contre elle, ainsi que cela s'est pratiqué en Hollande, en Autriche, en Suisse, en Espagne, en Bavière, en Savoie et dans quelques parties de l'Italie.

      Il importe souverainement de faire remarquer combien les événements donnèrent raison à la sagesse de Nos prédécesseurs. Leurs prévoyantes et paternelles sollicitudes n'eurent pas partout ni toujours le succès désirable : ce qu'il faut attribuer soit à la dissimulation et à l'astuce des hommes engagés dans cette secte pernicieuse, soit à l'imprudente légèreté de ceux qui auraient eu cependant l'intérêt le plus direct à la surveiller attentivement. Il en résulte que, dans l'espace d'un siècle et demi, la secte des francs-maçons a fait d'incroyables progrès. Employant à la fois l'audace et la ruse, elle a envahi tous les rangs de la hiérarchie sociale et commence à prendre, au sein des Etats modernes, une puissance qui équivaut presque à la souveraineté. De cette rapide et formidable extension sont précisément résultés pour l'Eglise, pour l'autorité des Princes, pour le salut public, les maux que Nos prédécesseurs avaient depuis longtemps prévus. On est venu à ce point qu'il y a lieu de concevoir pour l'avenir les craintes les plus sérieuses ; non, certes, en ce qui concerne l'Eglise, dont les solides fondements ne sauraient être ébranlés par les efforts des hommes, mais par rapport à la sécurité des Etats, au sein desquels sont devenues trop puissantes ou cette secte de la Franc-Maçonnerie ou d'autres associations similaires qui se font ses coopératrices et ses satellites.

      Pour tous ces motifs, à peine avions-Nous mis la main au gouvernail de l'Eglise, que Nous avons clairement senti la nécessité de résister à un si grand mal et de dresser contre lui, autant qu'il serait possible, Notre autorité apostolique. – Aussi, profitant de toutes les occasions favorables, Nous avons traité les principales thèses doctrinales sur lesquelles les opinions perverses de la secte maçonnique semblent avoir exercé la plus grande influence. C'est ainsi que, dans notre encyclique Quod apostolici muneris, Nous Nous sommes efforcé de combattre les monstrueux systèmes des socialistes et des communistes. Notre autre encyclique Arcanum Nous a permis de mettre en lumière et de défendre la notion véritable et authentique de la société domestique, dont le mariage est l'origine et la source. Dans l'encyclique Diuturnum, Nous avons fait connaître, d'après les principes de la sagesse chrétienne, l'essence du pouvoir politique et montré ses admirables harmonies avec l'ordre naturel, aussi bien qu'avec le salut des peuples et des princes.

      Aujourd'hui, à l'exemple de Nos prédécesseurs, Nous avons résolu de fixer directement Notre attention sur la société maçonnique, sur l'ensemble de sa doctrine, sur ses projets, ses sentiments et ses actes traditionnels, afin de mettre en une plus éclatante évidence sa puissance pour le mal, et d'arrêter dans ses progrès la contagion de ce funeste fléau.

      Il existe dans le monde un certain nombre de sectes qui, bien qu'elles diffèrent les unes des autres par le nom, les rites, la forme, l'origine, se ressemblent et sont d'accord entre elles par l'analogie du but et des principes essentiels. En fait, elles sont identiques à la Franc-Maçonnerie qui est pour toutes les autres comme le point central d'où elles procèdent et où elles aboutissent. Et, bien qu'à présent, elles aient l'apparence de ne pas aimer à demeurer cachées, bien qu'elles tiennent des réunions en plein jour et sous les yeux de tous, bien qu'elles publient leurs journaux, toutefois, si l'on va au fond des choses, on peut voir qu'elles appartiennent à la famille des sociétés clandestines et qu'elles en gardent les allures. Il y a, en effet, chez elles, des espèces de mystères que leur constitution interdit avec le plus grand soin de divulguer, non seulement aux personnes du dehors, mais même à bon nombre de leurs adeptes. A cette catégorie appartiennent les conseils intimes et suprêmes, les noms des chefs principaux, certaines réunions plus occultes et intérieures, ainsi que les décisions prises, avec les moyens et les agents d'exécution. A cette loi du secret concourent merveilleuse-ment : la division faite entre les associés, des droits, des offices et des charges, la distinction hiérarchique, savamment organisée, des ordres et des degrés, et la discipline sévère à laquelle tous sont soumis. La plupart du temps, ceux qui sollicitent l'initiation doivent promettre, bien plus, ils doivent faire le serment solennel de ne jamais révéler à personne, à aucun moment, d'aucune manière, les noms des associés, les notes caractéristiques et les doctrines de la société. C'est ainsi que, sous les apparences mensongères, et en faisant de la dissimulation une règle constante de conduite, comme autrefois les Manichéens, les francs-maçons n'épargnent aucun effort pour se cacher et n'avoir d'autres témoins que leurs complices.

      Leur grand intérêt étant de ne pas paraître ce qu'ils sont, ils jouent le personnage d'amis des lettres ou de philosophes réunis ensemble pour cultiver les sciences. Ils ne parlent que de leur zèle pour les progrès de la civilisation, de leur amour pour le pauvre peuple. A les en croire, leur seul but est d'améliorer le sort de la multitude et d'étendre à un plus grand nombre d'hommes les avantages de la société civile. Mais, à supposer que ces intentions fussent sincères, elles seraient loin d'épuiser tous leurs desseins. En effet, ceux qui sont affiliés doivent promettre d'obéir aveuglément et sans discussion aux injonctions des chefs ; de se tenir toujours prêts, sur la moindre notification, sur le plus léger signe, à exécuter les ordres donnés, se vouant d'avance, en cas contraire, aux traitements les plus rigoureux et même à la mort. De fait, il n'est pas rare que la peine du dernier supplice soit infligée à ceux d'entre eux qui sont convaincus, soit d'avoir livré la discipline secrète, soit d'avoir résisté aux ordres des chefs ; et cela se pratique avec une telle dextérité que, la plupart du temps, l'exécuteur de ces sentences de mort échappe à la justice établie pour veiller sur les crimes et en tirer vengeance. – Or, vivre dans la dissimulation et vouloir être enveloppé de ténèbres ; enchaîner à soi par les liens les plus étroits, et sans leur avoir préalablement fait connaître à quoi ils s'engagent, des hommes réduits ainsi à l'état d'esclaves ; employer à toutes sortes d'attentats ces instruments passifs d'une volonté étrangère; armer pour le meurtre des mains à l'aide desquelles on s'assure l'impunité du crime ; ce sont là de monstrueuses pratiques condamnées par la nature elle-même. La raison et la vérité suffisent donc à prouver que la société dont Nous parlons est en opposition formelle avec la justice et la morale naturelles.

      D'autres preuves, d'une grande clarté, s'ajoutent aux précédentes et font encore mieux voir combien, par sa constitution essentielle, cette association répugne à l'honnêteté. Si grandes, en effet, que puissent être parmi les hommes, l'astucieuse habileté de la dissimulation et l'habitude du mensonge, il est impossible qu'une cause, quelle qu'elle soit, ne se trahisse pas par les effets qu'elle produit : « Un bon arbre ne peut pas porter de mauvais fruits, et un mauvais n'en peut porter de bons » [Matthieu, 7:18].

      Or, les fruits produits par la secte maçonnique sont pernicieux et des plus amers. Voici, en effet, ce qui résulte de ce que Nous avons précédemment indiqué, et cette conclusion Nous livre le dernier de ses desseins. Il s'agit pour les francs-maçons – et tous leurs efforts tendent à ce but – il s'agit de détruire de fond en comble toute la discipline religieuse et sociale qui est née des institutions chrétiennes, et de lui en substituer une nouvelle façonnée à leurs idées, et dont les principes fondamentaux et des lois sont empruntés au naturalisme.

      Tout ce que Nous venons ou ce que Nous Nous proposons de dire doit être entendu de la secte maçonnique envisagée dans son ensemble, en tant qu'elle embrasse d'autres sociétés qui sont pour elle des sœurs et des alliées. Nous ne prétendons pas appliquer toutes ces réflexions à chacun de leurs membres pris individuelle-ment. Parmi eux, en effet, il s'en peut trouver, et même en bon nombre, qui, bien que non exempts de faute pour s'être affiliés à de semblables sociétés, ne trempent cependant pas dans leurs actes criminels et ignorent le but final que ces sociétés s'efforcent d'atteindre. De même encore, il se peut faire que quelques-uns des groupes n'approuvent pas les conclusions extrêmes auxquelles la logique devrait les contraindre d'adhérer puisqu'elles découlent nécessairement des principes communs à toute l'association. Mais le mal porte avec lui une turpitude qui, d'elle-même, repousse et effraye. En outre, si des circonstances particulières de temps et de lieux peuvent persuader à certaines fractions de demeurer en deçà de ce qu'elles souhaiteraient de faire, ou de ce que font d'autres associations, il n'en faut pas conclure pour cela que ces groupes soient étrangers au pacte fondamental de la Maçonnerie. Ce pacte demande à être apprécié, moins par les actes accomplis et par leurs résultats, que par l'esprit qui l'anime et par ses principes généraux.

      Or, le premier principe des naturalistes, c'est qu'en toutes choses la nature ou la raison humaine doit être maîtresse et souveraine. Cela posé, s'il s'agit des devoirs envers Dieu, ou bien ils en font peu de cas, ou ils en altèrent l'essence par des opinions vagues et des sentiments erronés. Ils nient que Dieu soit l'auteur d'aucune révélation. Pour eux, en dehors de ce que peut comprendre la raison humaine, il y a ni dogme religieux, ni vérité, ni maître en la parole de qui, au nom de son mandat officiel d'enseignement, on doive avoir foi. Or, comme la mission tout à fait propre et spéciale de l'Eglise catholique consiste à recevoir dans leur plénitude et à garder dans une pureté incorruptible les doctrines révélées de Dieu, aussi bien que l'autoriré établie pour les enseigner avec les autres secours donnés du ciel en vue de sauver les hommes, c'est contre elle que les adversaires déploient le plus d'acharnement et dirigent leurs plus violentes attaques.




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