LETTRE ENCYCLIQUE DE N.
T. S. P. LÉON XIII
SUR LA SECTE DES FRANCS-MAÇONS
(20 avril 1884)
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Quant à Vous,
Vénérables Frères, Nous
Vous
prions, Nous Vous conjurons d'unir Vos efforts aux Nôtres, et d'employer
tout Votre zèle à faire disparaître l'impure contagion du
poison qui circule dans les veines de la société et l'infecte tout
entière. Il s'agit pour Vous de procurer la gloire de
Dieu et le salut
du prochain. Combattant pour de si grandes causes, ni le courage ni la
force ne
Vous feront défaut. Il Vous appartient de déterminer dans Votre
sagesse par quels moyens plus efficaces Vous pourrez avoir raison des difficultés
et des obstacles qui se dresseront contre Vous. Mais puisque l'autorité
inhérente à Notre charge Nous impose le devoir de Vous tracer Nous-même
la ligne de conduite que Nous estimons la meilleure, Nous Vous dirons :
En premier lieu, arrachez à la
Franc-Maçonnerie
le masque dont elle se couvre et faites-la voir telle qu'elle est.
Secondement, par Vos discours et par des Lettres pastorales spécialement
consacrées à cette question, instruisez Vos peuples ; faites-leur
connaître les artifices employés par ces sectes pour séduire
les hommes et les attirer dans leurs rangs, montrez-leur la perversité
de leurs doctrines et l'
infamie de leurs actes. Rappelez-leur qu'en vertu des
sentences plusieurs fois portées par Nos prédécesseurs, aucun
catholique, s'il veut rester digne de son nom, et avoir de son salut le souci
qu'il mérite, ne peut, sous aucun prétexte, s'affilier à
la secte des francs-maçons. Que personne donc ne se laisse tromper par
de fausses apparences d'honnêteté. Quelques personnes peuvent, en
effet, croire que, dans les projets des francs-maçons, il n'y a rien de
formellement contraire à la sainteté de la
religion et des murs.
Toutefois, le principe fondamental qui est comme l'
âme de la secte, étant
condamné par la morale, il ne saurait être permis de se
joindre à
elle, ni de lui venir en aide d'aucune façon.
Il faut ensuite, à l'aide de fréquentes instructions et exhortations,
faire en sorte que les masses acquièrent la connaissance de la
religion.
Dans ce but, Nous conseillons très fort d'exposer, soit par écrit,
soit de vive voix et dans des discours
ad hoc, les
éléments
des principes sacrés qui constituent la philosophie chrétienne.
Cette dernière recommandation a surtout pour but de guérir, par
une science de bon aloi, les maladies intellectuelles des hommes et les prémunir
tout à la fois contre les formes multiples de l'erreur et contre les nombreuses
séductions du vice, surtout en un temps où la licence des écrits
va de pair avec une insatiable avidité d'apprendre. Pour l'accomplir, Vous
aurez avant tout l'aide et la collaboration de Votre clergé, si Vous donnez
tous Vos soins à le bien former et à le maintenir dans la perfection
de la discipline ecclésiastique et dans la science des saintes lettres.
Toutefois, une cause si belle et d'une si haute importance
appelle encore à son secours le dévouement intelligent des
laïques
qui unissent les bonnes murs et l'instruction à l'
amour de la
religion
et de la patrie. Mettez en commun,
Vénérables Frères, les
forces de ces deux ordres, et donnez tous Vos soins à ce que les hommes
connaissent à fond l'
Eglise catholique et l'aiment de tout leur cur.
Car, plus cette connaissance et cet
amour grandiront dans les
âmes, plus
on prendra en dégoût les Sociétés secrètes,
plus on sera empressé de les fuir.
Nous profitons
à dessein de la nouvelle occasion qui nous est offerte d'insister sur la
recommandation déjà faite par Nous en faveur du Tiers-Ordre de
Saint-François,
à la discipline duquel Nous avons apporté de sages tempéraments.
Il faut mettre un grand zèle à le propager et à l'affermir.
Tel, en effet, qu'il a été établi par son auteur, il consiste
tout entier en ceci : attirer les hommes à l'
amour de Jésus-Christ,
à l'
amour de l'
Eglise, à la pratique des vertus chrétiennes.
Il peut donc rendre de grands services pour aider à vaincre la contagion
de ces sectes détestables. Que cette sainte Association fasse donc tous
les
jours de nouveaux progrès. Parmi les nombreux avantages que l'on peut
attendre d'elle, il en est un qui prime tous les autres : cette Association est
une véritable école de
Liberté, de
Fraternité, d'Egalité,
non selon l'absurde façon dont les francs-maçons entendent ces choses,
mais telles que Jésus-Christ a voulu en enrichir le genre humain et que
saint
François les a mises en pratique.
Nous
parlons donc ici de la
liberté des
enfants de
Dieu, au nom de laquelle
Nous refusons d'obéir à des maîtres
iniques qui s'appellent
Satan et les mauvaises passions. Nous parlons de la fraternité qui Nous
rattache à
Dieu, comme au Crétaeur et Père de tous les hommes.
Nous parlons de l'égalité qui, établie sur les fondements
de la justice et de la
charité, ne rêve pas de supprimer toute distinction
entre les hommes, mais excelle à faire de la variété des
conditions et des devoirs de la vie, une
harmonie admirable et une sorte de merveilleux
concert dont profitent naturellement les intérêts et la dignité
de la vie civile.
En troisième lieu, une
institution due à la sagesse de nos pères et momentanément
interrompue par le cours des temps pourrait, à l'époque où
nous sommes, redevenir le type et la forme de créations analogues. Nous
voulons parler de ces corporations ouvrières destinées à
protéger, sous la tutelle de la
religion, les intérêts du
travail et les murs des travailleurs. Si la pierre de touche d'une longue
expérience avait fait apprécier à nos ancêtres l'utilité
de ces associations, notre âge en retirerait peut-être de plus grands
fruits, tant elles offrent de précieuses ressources pour combattre avec
succès et pour écraser la puissance des sectes. Ceux qui n'échappent
à la misère qu'au prix du labeur de leurs mains, en même temps
que, par leur condition, ils sont souverainement dignes de la charitable assistance
de leurs semblables, sont aussi les plus exposés à être trompés
par les séductions et les ruses des apôtres du mensonge. Il faut
donc leur venir en aide avec une grande habileté et leur ouvrir les rangs
d'associations honnêtes pour les empêcher d'être enrôlés
dans les mauvaises. En conséquence, et pour le salut du peuple, Nous souhaitons
ardemment de voir se rétablir, sous les auspices et le patronage des
Evêques,
ces corporations appropriées aux besoins du temps présent. Ce n'est
pas pour Nous une joie médiocre d'avoir vu déjà se constituer
en plusieurs lieux des associations de ce genre, ainsi que des Sociétés
de patrons, le but des unes et des autres étant de venir en aide à
l'honnête classe des prolétaires, d'assurer à leurs familles
et à leurs
enfants le bienfait d'un patronage tutélaire, de leur
fournir les moyens de garder, avec de bonnes murs, la connaissance de la
religion et l'
amour de la piété.
Nous
ne saurions ici passer sous silence une Société qui a donné
tant d'exemples admirables et qui a si bien mérité des classes populaires
: Nous voulons parler de celle qui a pris le nom de son père, saint
Vincent
de Paul. On connaît assez les uvres accomplies par cette Société
et le but qu'elle se propose. Les efforts de ses membres tendent uniquement à
se porter par une charitable initiative au secours des pauvres et des malheureux,
ce qu'ils font avec une merveilleuse
sagacité et une non moins admirable
modestie. Mais, plus cette Société cache le bien qu'elle opère,
plue elle est apte à pratiquer la
charité chrétienne et à
soulager les misères des hommes.
Quatrièmement,
afin d'atteindre plus aisément le but de nos désirs, Nous recommandons
avec une nouvelle instance à Votre foi et à Votre vigilance la
jeunesse
qui est l'espoir de la société. Appliquez à sa formation
la plus grande partie de Vos sollicitudes pastorales. Quels qu'aient déjà
pu être à cet égard Votre zèle et Votre prévoyance,
croyez que Vous n'en ferez jamais assez pour soustraire la
jeunesse aux écoles
et aux maîtres près desquels elle serait exposée à
respirer le souffle empoisonné des sectes. Parmi les prescriptions de la
doctrine chrétienne, il en est une sur laquelle devront insister les parents,
les pieux instituteurs, les curés, sous l'impulsion de leurs
Evêques.
Nous voulons parler de la nécessité de prémunir leurs
enfants
ou leurs élèves contre ces Sociétés criminelles, en
leur apprenant de bonne heure à se défier des artifices perfides
et variés à l'aide desquels leurs prosélytes cherchent à
enlacer les hommes. Ceux qui ont charge de préparer les jeunes gens à
recevoir les sacrements comme il faut, agiraient sagement s'ils amenaient chacun
d'eux à prendre la feme résolution de ne s'agréger à
aucune Société à l'insu de leurs parents, ou sans avoir consulté
leur curé ou leur
confesseur.
Du reste, Nous
savons très bien que nos communs labeurs, pour arracher du champ du Seigneur
ces semences pernicieuses, seraient tout à fait impuissants si, du haut
du
ciel, le Maître de la vigne ne secondait nos efforts. Il est donc nécessaure
d'implorer son assistance et son secours avec une grande ardeur et par des sollicitations
réitérées, proportionnées à la nécessité
des circonstances et à l'intensité du péril. Fière
de ses précédents succès, la secte des franc-maçons
lève insolemment la tête et son audace semble ne plus connaître
aucunes bornes. Rattachés les uns aux autres par le lien d'une fédération
criminelle et de leurs projets
occultes, ses
adeptes se prêtent un mutuel
appui et se provoquent entre eux à oser et à faire le mal.
A une si violente attaque doit répondre une défense
énergique. Que les gens de bien s'unissent donc, eux aussi, et forment
une immense coalition de prière et d'efforts. En conséquence, Nous
leur demandons de faire entre eux, par la
concorde des
esprits et des curs,
une cohésion qui les rende invincibles contre les assauts des
sectaires.
En outre, qu'ils tendent vers
Dieu des mains suppliantes et que leurs gémissements
s'efforcent d'obtenir la prospérité et les progrès persévérants
du christianisme, la paisible jouissance pour l'
Eglise de la
liberté nécessaire,
le retour des égarés au bien, le triomphe de la vérité
sur l'erreur, de la vertu sur le vice.
Demandons
à la Vierge
Marie, Mère de
Dieu, de se faire notre auxiliaire et
notre interprète. Victorieuse de Satan dès le premier instant de
sa
conception, qu'elle déploie sa puissance contre les sectes réprouvées
qui font si évidemment revivre parmi nous l'
esprit de révolte, l'incorrigible
perfidie et la ruse du démon. Appelons à notre aide le prince des
Milices célestes, saint MICHEL, qui a précipité dans les
enfers les
anges révoltés ; puis saint JOSEPH, l'
époux de
la Très Sainte Vierge, le céleste et tutélaire patron de
l'
Eglise catholique, et les grands apôtres saint PIERRE et saint PAUL, ces
infatigables semeurs et ces champions invincibles de la foi
catholique. Grâce
à leur protection et à la persévérance de tous les
fidèles dans la prière, Nous avons la confiance que
Dieu daignera
envoyer un secours opportun et
miséricordieux au genre humain en proie
à un si grand danger.
En attendant, comme
gage des dons célestes et comme témoignage de Notre bienveillance,
Nous Vous envoyons du fond du cur la bénédiction
apostolique,
à Vous,
Vénérables Frères, ainsi qu'au clergé
et aux peuples confiés à Votre sollicitude.
Donné à Rome, près
Saint-Pierre, le 20 avril 1884,
de Notre
Pontificat la septième année.
LÉON XIII, PAPE