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Encyclique '<i>Qui Pluribus</i>' du pape Pie IX - I

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LETTRE ENCYCLIQUE DE N. T. S. P. PIE IX
(09 novembre 1846)

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A tous Nos Vénérables Frères les Patriarches, les Primats, les Archevêques et Evêques
en grâce et communion avec le Siège Apostolique,



PIE IX, PAPE


Vénérables Frères,
Salut et Bénédiction Apostolique.


Pape Pie IX (1792-1878)      Nous qui, depuis un nombre d'années assez considérable, Nous livrions comme Vous, selon toute la mesure de Nos forces, à l'accomplissement de cette charge épiscopale si pleine de travaux et de sollicitude de tout genre ; Nous, qui Nous efforcions de diriger et de conduire sur les monts d'Israël, aux bords des eaux vives, dans les pâturages les plus féconds, la portion du troupeau du Seigneur confiée à Nos soins ; Nous voici, par la mort de Grégoire XVI, notre très illustre prédécesseur, et dont la postérité, saisie d'admiration pour sa mémoire, lira les glorieux actes inscrits en lettres d'or dans les fastes de l'Eglise ; Nous voici porté au faîte du Suprême Pontificat, par un dessein secret de la Divine Providence, non seulement contre toute prévision et toute attente de Notre part, mais au contraire avec l'effroi et la perturbation extrêmes qui alors saisirent Notre âme. Si, en effet, et à toutes les époques, le fardeau du ministère apostolique a été et doit être toujours justement considéré comme extrêmement difficile et périlleux, c'est bien certainement de nos jours et de notre temps, si remplis de difficultés pour l'administration de la république chrétienne, qu'on doit le regarder comme extrêmement redoutable. Aussi, bien pénétré de Notre propre faiblesse, au premier et seul aspect des imposants devoirs de l'Apostolat suprême, surtout dans la conjoncture si difficile des circonstances présentes, Nous nous serions abandonné entièrement aux larmes et à la plus profonde tristesse, si Nous n'avions promptement fixé toute Notre espérance en Dieu. Notre salut, qui ne laisse jamais défaillir ceux qui espèrent en Lui, et qui, d'ailleurs, jaloux de montrer de temps à autre sa toute puissance, se plaît à choisir pour gouverner son Eglise les instruments les plus faibles, afin que de plus en plus tous les esprits soient amenés à reconnaître que c'est Dieu Lui-même, par son admirable Providence, qui gouverne et défend son Eglise. D'ailleurs, ce qui Nous console et soutient aussi considérablement notre courage, Vénérables Frères, c'est que, en travaillant au salut des âmes, Nous pouvons Vous compter comme Nos associés et Nos coadjuteurs, Vous qui, par vocation, partagez Notre sollicitude, et Vous efforcez, par Votre zèle et Vos soins sans mesure, de remplir Votre saint ministère et de soutenir le bon combat.

      Assis, malgré Notre peu de mérite, sur ce siège suprême du prince des apôtres, à peine avons-Nous reçu en héritage, dans la personne du bienheureux apôtre Pierre, cette charge si auguste et si grave, divinement accordée par le prince éternel au souverain de tous les pasteurs, de paître et de gouverner, non seulement les agneaux, c'est-à-dire tout le peuple chrétien, mais aussi les brebis, c'est-à-dire les chefs du troupeau eux-mêmes ; non, rien certainement n'a plus vivement excité Nos vœux et Nos désirs les plus pressants, que de Vous adresser les paroles qui Nous sont suggérées par les plus intimes sentiments de notre affection.

      C'est pourquoi, venant à peine de prendre possession du suprême pontificat dans notre basilique de Latran, selon l'usage et l'institution de nos prédécesseurs, sur le champ Nous Vous adressons les présentes lettres dans le but d'exciter encore Votre piété, déjà si éminente ; et afin que, par un surcroît de promptitude, de vigilance et d'effort, Vous souteniez les veilles de la nuit autour du troupeau confié à vos soins, et que, déployant la vigueur et la fermeté épiscopales dans le combat contre le plus terrible ennemi du genre humain, Vous soyez pour la maison d'Israël cet infranchissable rempart qu'offrent seuls les valeureux soldats de Jésus Christ.

      Personne d'entre Vous n'ignore, Vénérables Frères, dans notre époque déplorable, cette guerre si terrible et si acharnée qu'a machinée contre l'édifice de la foi catholique cette race d'hommes qui, unis entre eux par une criminelle association, ne pouvant supporter la saine doctrine, fermant l'oreille à la vérité, ne craignent pas d'exhumer du sein des ténèbres, où elles étaient ensevelies, les opinions les plus monstrueuses, qu'ils entassent d'abord de toutes leurs forces, qu'ils étalent ensuite et répandent dans tous les esprits à la faveur de la plus funeste publicité. Notre âme est saisie d'horreur, et Notre cœur succombe de douleur, lorsque Nous nous rappelons seulement à la pensée toutes ces monstruosités d'erreurs, toute la variété de ces innombrables moyens de procurer le mal ; toutes ces embûches et ces machinations par lesquelles ces esprits ennemis de la lumière se montrent artistes si habiles à étouffer dans toutes les âmes le saint amour de la piété, de la justice et de l'honnêteté ; comment ils parviennent si promptement à corrompre les mœurs, à confondre ou à effacer les droits divins et humains, à saper les bases de la société civile, à les ébranler, et, s'ils pouvaient arriver jusque là, à les détruire de fond en comble.

      Car, Vous le savez bien, Vénérables Frères, ces implacables ennemis du nom chrétien, tristement entraînés par on ne sait quelle fureur d'impiété en délire, ont poussé l'excès de leurs opinions téméraires à ce point d'audace, jusque là inouï, qu'ils n'ouvrent leur bouche que pour vomir contre Dieu des blasphèmes ; qu'ouvertement et par toutes les voix de la publicité, ils ne rougissent pas d'enseigner que les sacrés mystères de notre religion sont des fables et des inventions humaines, que la doctrine de l'église catholique est contraire au bien et aux intérêts de la société. Ils vont plus loin encore : ils ne redoutent pas de nier le Christ et jusqu'à Dieu Lui-même. Pour fasciner encore plus aisément les peuples, pour tromper surtout les esprits imprévoyants et les ignorants, et les entraîner avec eux dans les abîmes de l'erreur, ils osent se vanter d'être les seuls en possession de la connaissance des véritables sources de la prospérité ; ils n'hésitent pas à s'arroger le nom de philosophes, comme si la philosophie, dont l'objet est de rechercher et d'étudier la vérité de l'ordre naturel, devait rejeter avec dédain tout ce que le Dieu suprême et très clément, l'auteur de toute la nature, par un effet spécial de sa bonté et de sa miséricorde, a daigné manifester aux hommes pour leur véritable bonheur et pour leur salut.

      C'est pour cela qu'employant une manière de raisonner déplacée et trompeuse, ils ne cessent d'exalter la force et l'excellence de la raison humaine, de vanter sa supériorité sur la foi très sainte en Jésus-Christ, et qu'ils déclarent audacieusement que cette foi est contraire à la raison humaine. Non, rien ne saurait être imaginé ou supposé de plus insensé, de plus impie et de plus contraire à la raison elle-même.

      Car, bien que la foi soit au-dessus de la raison, jamais on ne pourra découvrir qu'il y ait opposition et contradiction entre elles deux ; parce que l'une et l'autre émanent de ce Dieu très excellent et très grand, qui est la source de la vérité éternelle. Elles se prêtent bien plutôt un tel secours mutuel que c'est toujours à la droite raison que la vérité de la foi emprunte sa démonstration, sa défense et son soutien les plus sûrs ; que la foi, de son côté, délivre la raison des erreurs qui l'assiègent, qu'elle l'illumine merveilleusement par la connaissance des choses divines, la confirme et la perfectionne dans cette connaissance.

      Les ennemis de la révélation divine, Vénérables Frères, n'ont pas recours à des moyens de tromperie moins funestes lorsque, par des louanges extrêmes, ils portent jusqu'aux nues les progrès de l'humanité. Ils voudraient, dans leur audace sacrilège, introduire ce progrès jusque dans l'église catholique : comme si la religion était l'ouvrage non de Dieu, mais des hommes, une espèce d'invention philosophique à laquelle les moyens humains peuvent surajouter un nouveau degré de perfectionnement.

      Jamais hommes si déplorablement en délire ne méritèrent mieux le reproche que Tertullien adressait aux philosophes de son temps : « Le christianisme que vous mettez en avant n'est autre que celui des stoïciens, des platoniciens et des dialecticiens ».

      En effet, notre très sainte religion n'ayant pas été inventée par la raison, mais directement manifestée aux hommes par Dieu, tout le monde comprend aisément que cette religion, empruntant toute sa force et sa vertu de l'autorité de la Parole de Dieu Lui-même, n'a pu être produite et ne saurait être perfectionnée par la simple raison. Donc, pour que la raison humaine ne se trompe ni ne s'égare dans une affaire aussi grave et de cette importance, il faut qu'elle s'enquière soigneusement du fait de la révélation, afin qu'il lui soit démontré, d'une manière certaine, que Dieu a parlé, et qu'en conséquence, selon le très sage enseignement de l'apôtre, elle lui doit une soumission raisonnable. Mais qui donc ignore ou peut ignorer que, lorsque Dieu parle, on lui doit une foi entière, et qu'il n'y a rien de plus conforme à la raison elle-même, que de donner son assentiment et de s'attacher fortement aux vérités incontestablement révélées par Dieu, qui ne peut ni tromper ni se tromper ?

      Et combien nombreuses, combien admirables, combien splendides sont les preuves par lesquelles la raison humaine doit être amenée à cette conviction profonde : que la religion de Jésus-Christ est divine, et qu'elle a reçu du Dieu du ciel la racine et le principe de tous ses dogmes, et que par conséquent il n'y a rien au monde de plus certain que notre foi, rien de plus sûr ni de plus vénérable et qui s'appuie sur des principes solides. C'est cette foi qui est la maîtresse de la vie, le guide du salut, le destructeur de tous les vices, la mère et la nourrice féconde de toutes les vertus ; consolidée par la naissance, la vie, la mort, la résurrection, la sagesse, les prodiges et les prophéties de son divin auteur et consommateur, Jésus-Christ ; répandant de tous côtés l'éclat de sa doctrine surnaturelle, enrichie des trésors inépuisables et vraiment célestes de tant de prophéties inspirées à ses prophètes, du resplendissant éclat de ses miracles, de la constance de tant de martyrs, de la gloire de tant de saints personnages. De plus en plus insigne et remarquable, elle porte partout les lois salutaires de Jésus-Christ ; et de jour en jour, acquérant et puisant sans cesse de nouvelles forces dans les persécutions les plus cruelles, armée du seul étendard de la croix, elle conquiert l'univers entier, et la terre et la mer, depuis le levant jusqu'au couchant ; et, après avoir renversé les trompeuses idoles, dissipé les ténèbres épaisses de l'erreur, triomphé des ennemis de toute espèce, elle a répandu les bienfaisants rayons de sa lumière sur tous les peuples, sur toutes les nations et sur tous les pays, quel que fût le degré de férocité de leurs mœurs, de leur naturel et de leur caractère barbare, les courbant sous le joug si suave de Jésus-Christ, et annonçant à tous la paix et le bonheur.

      Certes, toutes ces magnificences resplendissent assez de toute part de l'éclat de la puissance et de la sagesse divines, pour que toute pensée et toute intelligence puissent saisir promptement et comprendre facilement que la foi chrétienne est l'œuvre de Dieu.

      Donc, d'après ces splendides et inattaquables démonstrations, la raison humaine est amenée à ce point qui l'oblige à reconnaître clairement et manifestement que Dieu est l'auteur de cette même foi ; la raison humaine ne saurait s'avancer au-delà ; mais, rejetant et écartant toute difficulté et tout doute, elle doit à cette même foi une soumission sans réserve, puisqu'elle est elle-même assurée que tout ce que la foi propose aux hommes de croire et de pratiquer, tout cela vient de Dieu.  (suite)




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