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Pape Boniface VIII

Benedetto Caetani (1235, à Anagni - 11 octobre 1303, à Rome)
191ème pape - Pape du 24 décembre 1294 au 11 octobre 1303
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      Boniface VIII, élu pape le 24 décembre 1294, était né à Agnani, d'une famille originaire de Catalogne. Appliqué dès sa jeunesse à l'étude du droit, il fut successivement chanoine de Paris et de Lyon, puis avocat et notaire du pape à Rome. Elevé au rang de cardinal par Martin IV, il exerça les fonctions de légat en Sicile et au Portugal, et fut chargé de différentes négociations auprès de plusieurs souverains : on lui confia le soin d'arranger quelques contextations entre eux, et principalement entre le roi de Sicile et Alphonse d'Aragon, entre Philippe le Bel et le roi d'Angleterre, Edouard Ier.

      L'élection de Boniface VIII se fit à Naples, dix jours après l'abdication de Célestin V. Ce mode inusité fit naître des murmures, surtout de la part des Colonna, Gibelins déclarés, par conséquent amis des empereurs, et grands ennemis des papes. Boniface sentait bien que l'abdication d'un souverain doit toujours entraîner des soupçons injurieux pour celui qui succède, des regrets incommodes, et souvent des intrigues plus inquiétantes encore. Il voulut dissiper les doutes et prévenir les orages. C'était dans cette intention qu'il ramenait avec lui Célestin à Rome ; mais celui-ci, pendant la route, parvint à s'échapper, avec le dessein de se retirer à Sulmona, dans son ancienne cellule. Il apprit qu'on le poursuivait, et résolut alors de passer en Grèce. On le rejoignit à Vesti, ville de la Capitenate, où il était près de s'embarquer. Ramené à Rome, Boniface le traita avec douceur. Il y fit son entrée monté sur un âne. Le peuple se pressait en foule sur son passage, et lui donnait des marques de vénération extravagantes. Cependant, Boniface le persuada de se retirer volontairement au château de Fumone, en Campagnie, où il mourut dix mois après, âgé de plus de 80 ans, soit des infirmités de la vieillesse, soit des suites d'une rigoureuse détention.

      Délivré de cet embarras, Boniface ne négligea point de se venger des Colonna, qu'il excommunia , et songea ensuite à l'établissement de sa puissance. Son installation fut magnifique et fastueuse. Les rois de Sicile et de Hongrie tenaient la bride de son cheval lorsqu'il se transporta à St-Jean-de-Latran ; ils le servirent à table, au festin solennel, la couronne en tête. Cependant, Boniface ne fut pas heureux dans les premiers essais de sa puissance : il ne put obtenir l'exécution du traité fait entre Charles, roi de Sicile, et Jacques, roi d'Aragon. On lui refusa l'hommage de la Sicile ; les peuples couronnèrent Frédéric, et s'embarrassèrent peu de l'excommunication lancée contre eux.

      Le pape ne réussit pas mieux dans sa médiation entre la France et l'Angleterre. Aux propositions de paix que ses légats firent à Londres, on répondit que rien ne pouvait se faire sans la participation d'Adolphe de Nassau, roi des Romains. Boniface ordonna entre les trois puissances une trêve qui ne fut point acceptée. Il crut parvenir à son but par une autre voie ; et comme la guerre exige toujours de nouveaux tributs, il voulut la faire cesser, en affranchissant le clergé de toute contribution, ou, ce qui revient au même, en établissant pour principe qu'aucun ecclésiastique ne pouvait être imposé sans le consentement du Saint-Siège : tel est l'esprit de la bulle Clericis laicos, qu'il fulmina en 1296. Ce fut le premier brandon d'une discorde qui ne devait pas s'éteindre si tôt. Cette bulle fut applaudie unanimement par le clergé d'Angleterre ; mais celui de France n'osa pas l'approuver, initimidé par la violente opposition de Philippe et des seigneurs. Ici commencent les fameux démêlés entre Philippe et Boniface, qui occupèrent si longtemps la scène politique, et qui finirent par une affligeante catastrophe (Cf. Histoire du différend entre le pape Boniface VIII et le roi Philippe le Bel, par Pierre Dupuy, Paris, 1655, in-fol.) La bulle aurait pu recevoir quelques modifications ; le pape ne paraissait pas éloigné de s'y prêter ; déjà même il avait ratifié la levée de quelques décimes surle clergé, en reconnaissant dans la puissance royale la faculté d'imposer, et ne se réservant que celle d'empêcher les exactions. Boniface, en 1297, fit encore un acte plus agréable à la nation française ; il consacra la mémoire de saint Louis, et cette canonisation fut reçue avec des transports universels d'allégresse et de reconnaissance (Cf. la bulle de canonisation et les deux sermons que le pape prononça à cette occasion, dans Duchesne, Historia Francorum Scriptores, tome 5).

      Mais ces liens de rapprochement furent bientôt brisés, et l'affaire de l'évêché de Pamiers réveilla tous les ressentiments. L'établissement de cet évêché nouvellement créé par le pape, et démembré de l'archevêché de Toulouse, dont le ressort avait été trouvé trop étendu, éprouvait de fortes oppositions. Le nouvel évêque, Bernard de Saisset, s'était permis des propos injurieux contre la personne du roi. Philippe l'avait fait arrêter, et remettre à la garde de l'archevêque de Narbonne, jusqu'au jugement de son procès. Boniface réclama le prisonnier comme justiciable de lui seul, et enjoignit à Philippe de lui rendre sa liberté et ses biens. Il lui adressa en même temps la bulle Ausculta, fili, dans laquelle il développa de la manière la plus hardie et la plus offensante les principes de cette suprématie absolue qu'il s'attribuait. Philippe ne garda plus de mesures ; après avoir convoqué une assemblée d'ecclésiastiques et de seigneurs, il fit brûler en leur présence cette bulle, qui lui reprochait en outre l'altération des monnaies, et contenait une sommation au clergé de France de se trouver au concile que le pape se proposait d'assembler. Le conseil de Philippe s'animait à l'exemple du maître, qui, dans une réponse à Boniface, lui avait écrit : Sciat fatuitas vestra. Pierre Flotte, Garde des Sceaux, Guillaume de Nogaret, avocat du roi, un gentilhomme nommé Guillaume de plasian, se faisaient remarquer par la véhémence de leurs injures. Ils accusaient Boniface de duplicité, de simonie, d'intrusion, d'hérésie, d'impudicité. Le clergé gardait en général un ton plus modéré ; cependant, Gilles Aycelin, archevêque de Narbonne, paraît avoir adopté le langage du jour. En décriant les moeurs de Boniface, il articulait que ce pontife avait séduit deux de ses nièces mariées, dont il avait plusieurs enfants, et là-dessus, il s'écriait : Ô père très fécond !

      De débats aussi vifs, il ne pouvait éclore qu'une résolution violente. Il fut donc arrêté que l'on convoquerait à Lyon un concile général, où Boniface serait jugé, et pourrait être déposé, le roi et la nation entière appelant du tout au concile futur et au futur pape. Boniface ne demeura pas tranquille, ni insensible à ces attaques ; il y répondit par la bulle Unam sanctam, où il fait la distinction des deux glaives, et en attribue la puissance exclusive à l'autorité spirituelle ; mais il sentit en même temps qu'il fallait joindre d'autres armes à ces écrits comminatoires; Il chercha à se rapprocher d'Albert d'Autriche, roi des Romains, dont il avait précédemment désapprouvé l'élection, parce qu'il lui imputait la mort d'Adolphe de Nassau. Il lui promettait l'empire, s'il voulait se déclarer contre Philippe ; il lui offrait même la couronne de France à ce prix. Albert, flatté de ces avances, reconnut formellement qu'il tenait du Saint-Siège la puissance du glaive matériel, et que l'élection du roi des Romains avait été accordée par la cour de Rome aux trois électeurs ecclésiastiques ; il confirma de nouveau les donations de Charlemagne et d'Othon ; et, quant à la couronne de France, il répondit qu'il l'accepterait si Boniface voulait rendre l'empire héréditaire dans sa famille. Boniface travailla en même temps à gagner l'amitié de Frédéric, roi de Sicile, en favorisant son parti contre les prétentions de Charles de Valois. Le pape fit aussi au roi d'Angleterre des propositions d'alliance, qui ne furent pas très utiles à sa cause.

      Cependant, Philippe ne négligeait aucun des moyens qui pouvaient assurer l'exécution de ses desseins. Il avait fait arrêter les bulles qui prononçaient son excommunication, et chasser honteusement les messagers qui les apportaient. Il avait envoyé Nogaret en Italie, pour se saisir de la personne de Boniface, et l'amener au concile de Lyon. Nogaret trouva en Toscane un homme bien capable de seconder son entreprise, parce qu'il avait aussi des injures à venger : c'était Sciarra Colonna, qui se souvenait avoir été excommunié et proscrit avec toute sa famille. Ces deux hommes réunirent bientôt leurs intérêts et leurs moyens ; ils séduisirent les esprits, achetèrent des soldats, et disposèrent tout pour un coup de main. L'imprudent Boniface VIII, qui n'avait pas su conjurer l'orage, abandonna Rome, et se réfugia dans Anagni avec ses richesses et une partie de sa cour. Le 08 septembre 1303, il devait publier contre Philippe la dernière bulle d'excommunication, par laquelle il déliait se sujets de leur serment de fidélité ; mais la veille, Nogaret et Colonna entrèrent dans Anagni avec 300 chevaux et quelques gens de pied, aux cris répétés de : Meure le pape Boniface ! Vive le roi de France ! Après avoir forcé la maison du marquis Caetani, neveu du pape, et pillé les trésors et les meubles qui tombèrent sous leurs mains, ils se dirigèrent vers la demeure du pontife. Boniface, surpris et consterné, voulut cependant déployer une sorte de courage qui imposât à ses ennemis. « Puisque je suis trahi comme Jésus-Christ, s'écria-t-il, je veux au moins mourir en pape » ; et à l'instant, il se fit revêtir du manteau pontifical, prit en tête la tiare, et, tenant dans ses mains les clefs et la croix, s'assit sur la chaire pontificale. Cet appareil n'arrêta point Nogaret, qui s'avança en lui signifiant hautement les ordres de Philippe, et lui déclara qu'il devait le mener à Lyon pour être jugé par le concile. « Je me consolerai aisément, répondit Boniface, d'être condamné par des Patarins. » C'était le nom injurieux qu'on donnait aux Albigeois, et le sarcasme tombait directement sur Nogaret, dont l'aïeul avait été brûlé vif comme l'un de ces sectaires. A ce reproche sanglant, Nogaret demeura interdit ; mais Colonna, outré de colère, accabla Boniface d'injures. Quelques historiens ajoutent qu'il poussa la brutalité jusqu'à le frapper à la joue avec son gantelet. Heureusement pour la mémoire de Colonna, il reste encore quelque doute sur cet emportement, aussi lâche qu'inhumain, envers un vieillard faible et désarmé. Tant d'outrages, tant d'indignités arrachèrent à Boniface des larmes de dépit et de fureur, dont ses ennemis furent peu touchés. Ils s'emparèrent de sa personne, et le retinrent prisonnier dans sa propre maison. Tels sont les principaux traits de cete scène de violences et d'humiliations, où la force triompha sans danger et sans gloire, et où la victime ne sut pas honorer son malheur. Grégoire VII avait couru le même péril ; mais Grégoire, surpris dans Rome, arraché de l'autel au milieu de la nuit, vit à l'instant même les Romains voler à son secours ; au lieu que Boniface, fugitif dans Anagni, et insulté sur le trône pontifical, attendit pendant deux jours la vengeance de ses compatriotes. Ce fut alors seulement qu'ils prirent les armes, en criant : Vive le pape, et meurent les traîtres ! Ils dissipèrent ou massacrèrent les troupes commises à la garde de Boniface. Le tumulte et le désordre furent si grands, que la bannière de France ne put être sauvée. Le pape, devenu libre, se fit transporter à Rome, où il se proposait d'assembler un concile ; mais la Providence en avait ordonné autrement : le coup mortel était porté ; Boniface, pendant sa détention, avait refusé toute espèce de nourriture, dans la crainte d'être empoisonné : la révolution cruelle qu'il avait éprouvée alluma dans son sang une fièvre continue qui l'emporta dans l'espace dun mois. Il mourut le 11 octobre 1303, après environ neuf années de pontificat. L'histoire de Boniface ne se termine point à sa mort. Son successeur, Benoît XI, aussitôt après son exaltation, fit faire des enquêtes pour venger les insultes faites à Boniface, et retrouver le trésor de l'Eglise pillé dans Anagni. Les recherches furent inutiles : on ne retrouva point le trésor ; mais Nogaret et Colonna furent excommuniés. Quatre ans après, sous le pontificat de Clément V, l'implacable Philippe le Bel poursuivit la mémoire de Boniface, comme coupable d'hérésie, et voulait faire brûler ses os. Philippe, dit-on, déclara au pape que c'était l'article secret qu'il lui avait fait jurer pour l'élever à la tiare. Clément V traîna la procédure en longueur. Philippe, qui avait besoin de lui pour de plus grands desseins, se désista enfin de ses poursuites, et Nogaret obtint son absolution. La vie politique de Boniface VIII a été si pleine, si agitée, qu'elle éclipse sa vie privée, et que celle-ci n'est qu'imparfaitement connue. Ses procès rigoureux envers son malheureux prédécesseur, procédés que justifie peut-être la nécessité des circonstances politiques, prouvent qu'il ne manquait ni de pénétration, ni de prévoyance. On ne peut lui refuser non plus une certaine hardiesse dans les vues, et quelque ténacité dans les résolutions ; mais ces qualités furent obscurcies par les vices de son caractère. Ambitieux et vain, arrogant et faible, il se jeta dans des entreprises téméraires qui tournèrent à sa confusion ; vindicatif et souple, on le voit poursuive à outrance les Colonna ; mais il caresse Albert, qu'il avait hautement dénoncé comme meurtrier ; avare et fastueux, il donna tout à un vain luxe d'apparat, et rien à la bienfaisance réelle. Il fut libéral envers ses proches, et quelques écrivains font monter à 22 le nombre de ses parents qu'il avait comblés de dignités et de richesses.

      Quant à ses moeurs, il serait injuste de les condamner seulement d'après les déclamations violentes de ses ennemis. L'histoire n'articule aucun fait positif ; le sage Fleury surtout garde le silence sur ce point important. Le Dante a placé Boniface dans son enfer parmi les simoniaques, entrfe Nicolas III et Clément V. On a fait souvent des rapprochements entre ce pape et Grégoire VII, dont Boniface semble en effet avoir adopté les principes ; mais, au lieu d'imiter son modèle, il l'exagéra dans sa conduite. Il mit de la jactance et de l'entêtement où Grégoire avait montré de l'élévation et de la fermeté. D'ailleurs, Grégoire était bien supérieur à son antagoniste, l'empereur Henri IV ; Boniface n'avait pas le même avantage sur Philippe le Bel, qui, sous tous les rapports, méritait plus d'égards et de ménagements. Boniface, dans ses écrits, parle de la royauté avec une hauteur, un dédain que Philippe ne devait pas souffrir. Il est vrai que le monarque altéra la bonté de sa cause par des invectives indignes de la majesté du trône ; il y ajouta des procédés violents ; il abusa de sa force, et son ressentiment survécut à sa vengeance. Ce n'était pas ainsi que saint Louis avait su résister aux entreprises de la cour de Rome. Boniface et Philippe avaient oublié ces grands exemples, et le choc de deux caractères aussi impétueux ne pouvait que produire des événements funestes.

      Boniface, en 1300, institua le jubilé séculaire ; ce fut aussi lui qui ajouta à la tiare une seconde couronne, sur la fin de son pontificat. (Cf., à ce sujet, l'ouvrage de Joseph Garampi, intitulé : Illustrazione di un antico sigillo della Garfagnana, Rome, 1762, in-4°, où ce judicieux critique combat avec avantage tous les systèmes contraires, entre autres l'opinion de Marangoni, et où il établit en même temps que l'idée de la seconde couronne était antérieure à ce siècle, ainsi qu'on le verra à l'article de Nicolas II.) Boniface VIII était un homme fort instruit pour le siècle où il vivait ; il fit recueillir, en 1298, les décrétales appelées le Sexte, parce que ce recueil fait suite aux cinq livres des décrétales de Grégoire IX ; l'édition la plus rare est celle de Mayence, 1465, in-fol. ; mais ses ouvrages les plus marquants, ce sont les bulles : c'est celle appelée Unam sanctam qu'il faut consulter surtout pour connaître son esprit et le goût du temps. « Quiconque, dit le pape, résiste à la souveraine puissance spirituelle, résiste à l'ordre de Dieu, à moins qu'il n'admette deux principes, et que, par conséquent, il ne soit manichéen ; car Moïse a dit : In principio Deus creavit coelum et terram, il n'a pas dit : in principiis », d'où Boniface conclut qu'il n'y a qu'un seul principe, et non pas deux.  (Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 24 - Page 546)




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