Biographie universelle ancienne et moderne Jean XXIII, élu pape le 14 mai 1410, onze
jours après la mort d'Alexandre V, s'appelait
Balthazar Cossa : il était né à Naples d'une famille noble, mais pauvre. Il avait été
corsaire dans sa
jeunesse ; bientôt il abandonna ce métier pour entrer dans la carrière ecclésiastique : il avait de l'
esprit, de l'ambition, de l'audace. Il s'introduisit auprès de
Boniface IX, qui le fit
cardinal et son
légal à
Bologne. Sa conduite scandaleuse et
tyrannique lui attira la disgrâce d'
Innocent VII et de Grégoire XII ; mais l'impérieux
légat sut leur
résister et soutenir sa rébellion contre toute leur puissance. Alexandre V, auquel il avait rendu de grands services contre Ladislas, l'admit dans sa plus intime faveur. On soupçonna néanmoins Cossa de l'avoir empoisonné pour lui succéder plus promptement.
En montant sur le siège
pontifical, il prit le nom de Jean XXIII, se fit couronner à
Bologne, et se rendit à Rome, que Ladislas menaçait avec son armée. Quelques succès favorisèrent d'abord le parti du pape ; mais Ladislas reprit bientôt tous ses avantages. Jean XXIII fut obligé de le reconnaître comme roi de Naples au préjudice de Louis d'
Anjou. De son côté, Ladislas abandonna la cause de Grégoire XII, et reconnut Jean XXIII pour pape légitime. Mais Ladislas cachait des desseins perfides. Dès qu'il apprit que le pape avait fait retirer de Rome ses meilleures troupes, il y entra de nuit. Jean n'eut que le temps de monter à
cheval, et de se réfugier à Florence. Ladislas exerça mille cruautés dans la ville ; mais, quelque temps après, il mourut à
Pérouse, et l'on soupçonna une de ses maîtresses de l'avoir empoisonné.
Jean XXIII se vit alors obligé de recourir à l'empereur Sigismond, et de convenir avec lui de la convocation du
concile général qu'Alexandre V avait promis d'assembler au bout de trois ans : le lieu fut indiqué à Constance. Le pape y parut avec une grande représentation ; mais comme il se défiait de l'issue que cette affaire pouvait avoir, il eut soin de s'assurer d'avance l'amitié et le secours du
duc d'Autriche, qu'il fit général des troupes de l'
Eglise. Il ne s'était point trompé dans ses conjectures. On ne tarda pas à présenter
contre lui au
concile une liste d'accusations les plus graves, et l'on résolut de le contraindre à céder le
pontificat. Le danger devenait pressant ; et pour échapper à l'humiliation qui l'attendait, il sortit la nuit de Constance, à la faveur d'un déguisement, et se retira d'abord à Schaffhouse, puis à Lauffenbourg, enfin à
Fribourg en Brisgau, toujours dans les domaines du
duc d'Autriche, que Sigismond poursuivait et voulait punir d'avoir favorisé l'évasion du pape. Le
duc d'Autriche, poussé enfin aux dernières extrémités, fut obligé de livrer son protégé. Le
concile cependant avait continué et fini le procès par contumace. Il avait déclaré Jean XXIII atteint et convaincu d'avoir scandalisé l'
Eglise par ses mauvaises murs, d'avoir exercé publiquement la simonie en vendant les bénéfices, et comme tel l'avait déposé de sa dignité de pape, avec défense à tout fidèle de lui obéir. Le malheureux
lut cette sentence, et la ratifia d'un
air triste et humilié. On le transféra ensuite à Heidelberg.
Martin V ayant été élu à sa place, Jean XXIII vint le trouver à Florence, se jeta à ses pieds, implorant son pardon, et ratifiant pleinement l'acte de son abdication. Martin le reçut avec bonté : il le fit doyen du sacré
collège.
Jean XXIII mourut six mois après, le 22 novembre 1419, à Florence, et fut enterré magnifiquement par les soins de Côme de Médicis, son ami. Si
Balthazar Cossa eut une
jeunesse vicieuse, on ne peut lui refuser du moins quelque courage dans l'adversité qui ne cessa de le tourmenter au faîte de la grandeur. Il finit aussi ses
jours avec cette tranquillité modeste et résignée qui convient à un sincère repentir. Il ne manquait ni d'
esprit ni de talent. Il fit des vers latins assez élégants, où il peint tour à tour l'éclat de sa grandeur passée, et l'isolement où il termina sa carrière. On a vu qu'il avait eu pour successeur
Martin V.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 20 - Pages 609-610)