Biographie universelle ancienne et moderne Urbain II, élu pape le 12 mars 1088, succéda à Victor III, qui l'avait désigné en mourant pour le remplacer. Il était Français et portait le nom d'Eudes ou Odon, fils du seigneur de
Lagny, près
Châtillon-sur-Marne, ce qui l'a fait quelquefois désigner
sous le nom d'
Eudes de Chastillon. Il avait fait ses études à
Reims, sous saint Bruno, et il devint
chanoine de la
cathédrale, puis
archidiacre de la même ville. Retiré ensuite à Clugny, il y fut nommé prieur par saint Hugues, qui en était abbé et qui l'envoya au pape Grégoire VII. Ce
pontife, frappé du mérite et des talents d'Odon, le nomma
évêque d'Ostie et lui donna toute sa confiance. Quoique sincèrement attaché à Grégoire, Odon soutint fortement même à Didier, en présence de Henri, que le consentement de l'Empereur était nécessaire pour l'installation du pape. Il est à remarquer que cette dissidence d'opinion ne brouilla point l'
évêque d'Ostie avec Didier, puisque celui-ci contribua puissamment à l'élévation d'Odon.
Dès le lendemain de sa nomination, le nouveau pape, qui avait pris le nom d'Urbain II, en fit part à tous les
catholiques et leur déclara par écrit qu'il suivrait en tout les traces de Grégoire VII. Cependant l'
antipape (Voyez
Guibert) était toujours dans Rome. Urbain ayant manifesté de l'
indulgence pour ses partisans, les Romains se réunirent pour chasser honteusement Guibert, auquel ils firent promettre par serment qu'il n'usurperait plus le
saint-siège. Mais il conservait toujours celui de
Ravenne. La
disposition des
esprits ne tarda pas à changer. La prise de Mantoue par Henri rehaussa le courage des schismatiques, c'est-à-dire de ses partisans et de ceux de l'
antipape, qu'ils rappellèrent alors dans les mêmes murs d'où ils venaient de l'expulser. Ces mouvements si fréquents, en sens contraires, se firent encore sentir plusieurs fois pendant le
pontificat d'Urbain II et ne finirent que sous Pascal, son successeur, par la mort de l'auteur de ces troubles déplorables.
La France attira bientôt l'attention d'Urbain. Le roi
Philippe Ier venait de répudier sa femme Berthe, pour
épouser Bertrade,
femme de Foulques, comte d'
Anjou et encore vivant. Ce divorce doublement criminel excita l'animadversion d'Urbain contre l'
évêque de
Senlis, qui avait donné la bénédiction nuptiale. Urbain écrivit à ce sujet une lettre très sévère à l'
archevêque de
Reims, pour lui intimer de faire réparer le scandale donné par son suffrage, de remontrer au roi la faute qu'il avait commise, et la nécessité de l'effacer. Philippe fut excommunié dans le
concile d'
Autun et dans celui de
Clermont, mais avec des formes moins sévères que celles qui avaient été employées contre Robert, son aïeul. On sait au surplus que Philippe fut enfin absous, après avoir promis de quitter
Bertrade.
En 1095, un projet plus vaste appela Urbain II dans cette même France, où déjà avait éclaté le dessein de la première
croisade. L'éloquence d'Urbain acheva, au
concile de
Clermont, ce que les inspirations de Pierre l'Ermite avaient si glorieusement commencé. Les peuples se crurent appelés par la voix même du
ciel à des succès infaillibles, lorsque le chef suprême de la
religion eut promis l'
absolution des péchés et béni les armes de tous ceux qui combattraient dans cette sainte entreprise : leurs espérances ne furent point trompées. Mais ces grands tableaux historiques sortent du cercle dans lequel nous devons nous renfermer. Nos faibles esquisses pâliraient auprès de ces
compositions brillantes qui sont récemment sorties du sein de nos premiers
corps littéraires
(1). Qu'il nous suffise de remarquer que ce fut un pape français, qui vint dans sa patrie donner le premier mouvement à cette révolution mémorable où le triomphe de la
religion chrétienne amena des changements prodigieux dans les murs et dans la politique de tous les Etats civilisés, et prépara, par des résultats inespérés, l'affermissement des trônes et la
liberté des peuples.
En 1098, Urbain II revint en Italie ; il y tint le
concile de Bari, où les Grecs se trouvèrent, et où il discuta la question de la procession du St-Esprit avec la supériorité de talent dont il avait déjà donné tant de preuves. Urbain vécut assez pour apprendre les premiers succès des
croisés, qui s'étaient rendus maîtres d'Antioche, le 03
juin 1098 ; Jérusalem fut prise encore de son vivant, le 15
juillet 1099. Il mourut à Rome le 29, après onze ans quatre mois et dix-huit
jours de
pontificat. On trouve cinquante-neuf lettres d'Urbain II dans le recueil des
conciles du P. Labbe. Sa vie, écrite en latin par Ruinart, d'une manière très intéressante, est insérée dans les
uvres posthumes de
dom Mabillon. Urbain eut pour successeur
Pascal II.
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(1) Voyez l'
Influence des croisades, par le comte Maxime de
Choiseul, de l'Académie des inscriptions, et l'
Histoire des croisades, par Michaud, de l'Académie française.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 42 - Page 363)