Etienne II fut élu
pape le 26 mars 752. Il succéda au pape Zacharie, mais
non immédiatement : un autre avait été élu
sous le nom d'Etienne ; mais comme il mourut au bout de quatre
jours, sans avoir été sacré, il n'est point
compté dans la liste des souverains
pontifes. Celui-ci
était romain de naissance. Après avoir passé
par tous les ordres ecclésiastiques dans le palais de
Latran,
où il avait été élevé auprès
des papes, il fut nommé lui-même leur successeur,
et sa haute piété lui valut tous les suffrages.
Son premier soin, en montant sur le Saint-Siège, fut de
rétablir quatre hôpitaux abandonnés dans Rome,
et d'en fonder un cinquième ; il en établit deux
autres hors de la ville, près l'
Eglise de St-Pierre, et
les dota richement.
Son pontificat est remarquable par le commencement d'une grande
révolution, qui changea la face de l'
Europe entière. Pépin
était monté sur le trône de France avec l'assentiment du pape
Zacharie, qu'il avait sollicité.
Astolphe, roi des Lombards, après
avoir détruit l'
Exarchat de
Ravenne, menaçait Rome elle-même.
Rien ne pouvait le fléchir, ni prières, ni présents ; il
venait de rompre, au bout de quatre mois, une trêve qu'il avait accordée
pour quarante ans.
Dans cette détresse,
Etienne II s'adressa
d'abord à l'empereur d'Orient, Constantin Copronyme, qui
ne lui envoya aucun secours, parce qu'il était occupé
lui-même d'une guerre en Orient, où la
division entre
les Omniades et les Abbassides lui avait procuré quelques
avantages momentanés, qui lui donnaient l'espoir de s'opposer
avec succès à la puissance naissante des
Musulmans.
Ce prince d'ailleurs protégeait hautement les
iconoclastes,
dont il fit triompher la doctrine dans le
concile de 754, et prenait
ainsi peu d'intérêt à la destinée du
pontife romain. Cependant,
Astolphe menaçait de passer
tous les Romains au fil de l'
épée, s'ils ne se soumettaient
à se puissance. Etienne ordonna une procession publique,
où il porta lui-même nu-pieds une image de Jésus-Christ
qui passait pour n'avoir pas été travaillée
de main d'homme. Il était suivi de tout le peuple, qui
avait la
cendre sur la tête et poussait de grands gémissements.
A la
croix était attaché le traité rompu
par
Astolphe ; mais rien n'arrêtait le
Lombard irrité
par une longue résistance. Ce fut alors que le pape eut
recours au monarque français ; il le fit prier par ses
émissaires secrets de l'engager à aller le trouver
; Pépin consentit à toutes les demandes d'Etienne,
qui sortit en effet de Rome le 14
octobre 753, et se rendit en
Lombardie auprès d'
Astolphe. Ce monarque voulut, mais inutilement,
s'opposer au voyage du pape. Pépin l'attendait à
Pontyon, en
Champagne ; il alla à sa rencontre, et l'ayant
joint, il descendit de
cheval et se prosterna devant lui avec
sa femme, ses
enfants et les seigneurs de sa cour ; il marcha
même quelque temps à côté du
cheval
du pape, en lui servant d'écuyer. Mais, le lendemain, Etienne
parut devant le roi sous la
cendre et le
cilice, et se prosterna
à son tour pour implorer le secours de ses armes contre
son persécuteur. Pépin lui promit son appui ; mais
l'
hiver qui s'approchait alors ne permit de s'occuper que de négociations
avec
Astolphe, qui rejeta toutes les propositions du monarque
français. Le pape passa tout ce temps à l'
abbaye
de St-Denis, et ce fut pendant son séjour que les clercs
de sa suite apprirent aux Français à mieux chanter
l'office divin.
Au printemps suivant, Pépin
célébra la fête de Pâques, qui était
le 14 avril 754, à Carisiac ou Quiercy-sur-Oise. Il y tint,
en présence du pape, l'assemblée des seigneurs de
son royaume, où il annonça son dessein de passer
en Italie. Il y fit donation au pape de plusieurs villes et territoires
usurpés par les Lombards, et qui étaient en grande
partie les propriétés conquises sur les domaines
de l'empire d'Orient, tel que l'
Exarchat de
Ravenne. Le 28 du
même mois, Etienne, après avoir accordé à
Pépin l'
absolution qu'il lui avait demandée, pour
s'être rendu criminel en manquant de
fidélité
à son roi légitime, lui donna l'onction royale qu'il
avait déjà reçue prcédemment de saint
Boniface,
archevêque de Mayence. Il sacra en même
temps la reine
Bertrade et les deux fils de pépin, Charles
et Carloman. Il défendit aux seigneurs français,
de l'autorité de saint Pierre, et sous peine d'excommunication,
de se donner, ni à eux ni à leurs descendants des
rois d'une autre race. Il conféra en même temps au
roi et à ses deux fils le titre de patrices des Romains.
Pépin, fidèle à ses engagements, passa les
Alpes, et essaya d'abord, sur les instances du pape, la voie des
remontrances auprès d'
Astolphe ; mais il se vit obligé
d'en venir aux hostilités. Bientôt, pressé
dans
Pavie, où Pépin le tenait assiégé,
le prince lombard fut réduit à traiter avec le vainqueur.
Il s'obligea, par écrit, ainsi que ses principaux seigneurs,
de restituer
Ravenne et plusieurs autres villes. Content de cette
soumission, Pépin se retira et repassa en France, malgré
les prières du pape, qui l'exhortait à ne pas se
fier aux promesses du
Lombard.
Ce qu'Etienne avait prévu ne manqua
point d'arriver.
Astolphe, débarrassé de la présence
de Pépin, loin de faire la restitution promise, marcha
de nouveau contre Rome, où Etienne était retourné.
Pressé par les mêmes dangers, le pape implora le
même protecteur qui l'avait déjà sauvé
des fureurs de son
ennemi. Il écrivit à Pépin
avec les instances les plus vives. Il le conjura «
par
le Seigneur notre Dieu, par sa glorieuse mère, par toutes
les vertus célestes ; par saint Pierre qui l'avait sacré
roi, de faire tout rendre à la sainte Eglise de Dieu, suivant
la donation qu'il en avait faite à saint Pierre. Vous rendrez
compte, ajoutait-il,
à Dieu et à saint Pierre,
au jour terrible du jugement, de la manière dont vous les
aurez défendus. C'est vous que Dieu a choisi pour cette
grande oeuvre, par sa préscience de toute éternité
; car ceux qu'il a prédestinés, il les a appelés,
et ceux qu'il a appelés, il les a justifiés.
» C'est ainsi que le bon pape appliquait les paroles de
saint Paul à des affaires temporelles.
Astolphe, cependant,
continuait ses ravages autour de Rome, et la menaçait de
nouveau de toute sa colère. Etienne redoubla ses prières
à Pépin ; il lui peignit avec
force toutes les horreurs
exercées par les Lombards, dans une lettre écrite
dans le même sens, qu'il imagina de composer au nom de saint
Pierre lui-même, mais qu'il ne faut pas regarder comme une
supercherie ; c'est une prosopopée, de mauvait
goût,
à la vérité. Quoi qu'il en soit, la politique
et la gloire de Pépin ne lui permettaient pas de balancer.
Il repassa les Alpes. Bientôt
Astolphe, pressé de
nouveau dans
Pavie, fut obligé de demander quartier ; et
cette fois, le vainqueur prit des mesures irrévocables
pour assurer la restitution déjà promise et inexécutée.
Elle composa la donation définitive et à
perpétuité
que Pépin fit à saint Pierre, à l'
Eglise
romaine et au pape, et l'acte en fut gardé dans les archives
de cette
église. Le bibliothécaire Anastase, qui
l'avait lue, nomme les 22 villes qui y étaient comprises,
et, quoique ce titre ait été perdu depuis, il n'est
plus permis de le révoquer en doute. Telle fut, du reste,
l'origine de la seigneurie temporelle de l'
Eglise romaine.
Un an après ce traité, en 753,
Astolphe mourut ; et Didier,
duc de Toscane, se fit élire
pour lui succéder, au préjudice de Rachis,
frère
d'
Astolphe. Etienne s'empressa de reconnaître Didier, qui
promit de confirmer le traité de restitution, et obtint
aussi, aux mêmes conditions, le consentement et l'appui
de Pépin.
Le pape
Etienne II mourut vers la fin avril
757, après un
pontificat de cinq ans et vingt-huit
jours.
Il assembla souvent son clergé dans le palais de
Latran,
et l'exhortait fortement à l'étude de l'Ecriture
sainte et aux lectures spirituelles, pour avoir de quoi répondre
victorieusement aux
ennemis de l'
Eglise. Il avait accordé
à Fulrad, abbé de St-Denis, le privilège
d'avoir un
évêque particulier qui serait élu
par l'abbé et les moines, et consacré par les
évêques
du pays, pour gouverner ce
monastère et les autres que
Fulrad avait fondés, et qui étaient tous sous la
protection du Saint-Siège. Il eut pour successeur Paul
Ier.
(Biographie universelle
ancienne et moderne - Tome 24 - Page 546)