Saint Protais,
frère de
saint Gervais, suivant les actes de saint Vital, était fils de ce dernier et de sainte Valérie, morts
martyrs vers l'an 62, l'un à
Ravenne, l'autre à Milan. Une
épître aux
évêques d'Italie, attribuée à
saint Ambroise, donne sur la vie et le
martyre de
saint Gervais et saint Protais, dans un style barbare, des particularités qui ne conviennent ni à l'
esprit, ni au caractère de ce
prélat, et qui ont fait rejeter cette lettre comme
apocryphe par les
bénédictins éditeurs de ses uvres. L'
épître de ce père à Marcelline, sa sur, est le seul acte authentique où l'on puise quelques détails sur les circonstances, non de la vie et de la mort, mais de l'exhumation du
corps de ces saints. D'après le motif qu'Ennodius avait placé sous Néron le
martyre de saint Nazaire, et vu le petit nombre de victimes de la foi que l'
Eglise de Milan pouvait compter, on a cru devoir mettre
saint Gervais et saint Protais au rang des plus anciens
martyrs de Milan. Le Ménologe des Grecs et les bollandistes ont suivi le même sentiment. (Voyez aussi Jean-Antoine Sassi,
Dissert. apologet.,
Bologne, 1799.) Ce qui est certain, c'est qu'on avait perdu la mémoire de ces
martyrs comme celle de leurs noms, quand on découvrit leurs
corps au IVème siècle. C'était à l'époque où l'
impératrice Justine, mère de Valentinien, persécutait, à la suscitation des
ariens, la foi
catholique, et Ambroise qui la défendait. Une nouvelle
église avait été édifiée par les soins du
prélat ; mais il désirait trouver des
reliques de
martyrs pour la consacrer selon l'usage. Une vision, rapportée par
Paulin, son secrétaire et l'auteur de sa vie, lui révéla, suivant saint Augustin, en quel lieu étaient les
reliques de
saint Gervais et saint Protais. Un vif pressentiment porta soudain l'
évêque à faire fouiller la terre devant les tombeaux de saint Félix et saint Nabor. On trouva, en effet, dans cet endroit deux
squelettes, très grands et entiers, dont les os étaient dans leur situation naturelle, sauf la tête séparée du
corps, avec des marques de sang, qui annonçaient des
martyrs décapités ; on ne dit pas si leurs noms étaient inscrits sur leur tombe. Les
corps furent transportés, le
jour même, à la
basilique de fauste, aujourd'hui St-Vital, et le lendemain, au milieu d'un grand concours de peuple, à la
basilique ambroisienne. C'est durant cette translation, comme l'atteste
saint Ambroise et comme le témoignent
Paulin et saint Augustin, qu'arriva le miracle célèbre d'un aveugle connu à Milan sous le nom de
Sévère, qui, ayant touché le brancard où étaient portés les
reliques, recouvra la
vue et resta depuis attaché au service de la
basilique comme une preuve vivante de cet événement.
Saint Ambroise, à ce sujet, adressa au peuple, en l'honneur des
martyrs, un discours sur la foi
catholique, qu'il a inséré dans la lettre à sa sur. Les
ariens furent confondus malgré leurs railleries, et les violences exercées à leur instigation contre l'
évêque de Milan et les chrétiens fidèles s'arrêtèrent.
La fête des deux saints est célébrée, dans l'
Eglise latine, le 19
juin,
jour où leur translation eut lieu, en 386, selon Tillemont ; mais l'
Eglise grecque les honore au 14
octobre, époque où elle présume qu'ils furent décapités. Parmi les
églises anciennes établies sous leur invocation, celle de Rome, élevée dès le Vème siècle, fut due au legs d'une
dame romaine.
Celle de
Paris, sous les mêmes noms, existait dès le temps de saint Germain, vers 550.
Ce fut onze cents ans après, lors de la renaissance de l'art, que fut retracée, d'après la tradition, l'
histoire de
saint Gervais et de
saint Protais, dans les six tableaux qui décoraient la
nef de cette
église. Le premier, de Lesueur, nous montre les deux saints suivant la lettre attribuée à
saint Ambroise, conduits, par l'ordre d'Astasius, devant la statue de Jupiter pour sacrifier aux
idoles (Voyez
Lesueur). Le deuxième, du beau-frère de Lesueur, d'après l'esquisse de ce dernier, représente, selon le même
épître, saint Germain expirant sous les coups de fouets plombés, quoique
les deux frères eussent été décapités. Le troisième tableau, la
Décollation de saint Protais, est de Sébastien
Bourdon. Ce peintre devait être chargé de l'exécution des six tableaux ; mais la manière libre dont il parla des miracles de
saint Gervais et saint Protais fit révoquer cette commission. Voyez son article et les
Considérations sur la vie et les ouvrages de Bourdon (par Xavier Adger),
Paris, 1818, in-8°. Les trois autres tableaux : l'
Apparition des
Saints à Ambroise, l'
Invention des
reliques et leur
Translation, sont de Philippe
Champagne. Des six tableaux dont les copies, en tapisseries, sont restées à la même
église, la notice du musée en désigne quatre au Louvre, deux de
Champagne et deux de
Bourdon et de Lesueur, tous différant pour la vérité, la
couleur ou l'expression.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 34 - Pages 412-413)