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Saint Benoît de Nursie

(480, à Norsia - 21 mars 543, au Mont-Cassin)
Fêté le 11 juillet
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      Saint Benoît, chef de l'ordre nombreux qui a porté son nom pendant plus de 1200 ans, est regardé comme le fondateur des ordres monastiques en Occident, ainsi que saint Antoine le fut en Orient, deux siècles auparavant. Il naquit en l'an 480, au territoire de Norcia, dans le duché de Spolète, d'une famille riche et illustrée. Il était frère jumeau de sainte Scolastique. Ses parents l'envoyèrent de bonne heure à Rome, où il fit ses premières études : il s'y distingua par son esprit, ses succès et surtout sa bonne conduite, chose assez difficile dans la capitale de l'univers, qui, malgré l'éloignement de ses maîtres, avait conservé ses fêtes, ses spectacles, le goût des arts et celui des plaisirs.

      Dès l'âge de 17 ans, Benoît était dégoûté du monde et désabusé de ses plaisirs. Il avait néanmoins devant lui une magnifique perspective, et il pouvait croire qu'aucune place et aucun genre de gloire n'étaient au-dessus de sa naissance ou de son ambition. Rien ne put le tenter ; il abandonna parents, amis, fortune, espérances, pour aller méditer des vérités éternelles, loin de Rome, dans une caverne affreuse, au milieu du désert de Subiaco, à 40 milles de Rome. Il y demeura pendant trois ans, seul, inconnu à l'univers entier, excepté à un moine des environs, nommé Romain, qui l'avait instruit des devoirs de la vie cénobitique, et qui lui apportait, tous les huit jours, la modique subsistance nécessaire au soutien de sa vie : il la lui descendait au moyen d'une corde à laquelle était attachée une sonnette pour l'avertir de son arrivée. Un secret si extraordinaire ne pouvait rester longtemps caché, et l'étrange vie que menait Benoît finit par exciter la curiosité et ensuite l'admiration de tous ceux qui entendirent parler de lui. On voulut voir et examiner de plus près ce prodige d'abstinence et d'humilité. La foule des curieux augmentait chaque jour ; le désert de Subiaco devint un point de réunion et un objet de pèlerinage pour un grand nombre d'habitants des environs, qui, attirés, les uns par l'ascendant d'une grande vertu, les autres par un simple mouvement de curiosité, voulaient voir un saint et entendre un apôtre : l'apôtre leur prêchait les vérités de la religion avec une onction qui les touchait ; et le saint achevait de les convertir par l'exemple de ses vertus. Ses auditeurs devinrent ses disciples, et voulurent rester et vivre avec lui ; il y consentit, et il bâtit avec eux des cellules pour les loger ; il ensemença des grains et des légumes pour les nourrir : la terre se vivifiait sous leurs mains ; et la petite colonie s'augmentait tous les jours.

      Dans un temps où le paganisme n'était pas encore abattu, de si grands triomphes de la religion chrétienne devaient exciter et les sarcasmes des esprits forts, et le zèle envieux des esprits faibles : Benoît fut calomnié, persécuté, et menacé de périr par le poison. Il résista quelque temps à l'orage ; mais s'apercevant que rien ne pouvait adoucir ni changer l'humeur de ses ennemis, il leur abandonna le champ de bataille, et conduisit sa petite colonie au Mont-Cassin : il y trouva d'autres idolâtres, mais non pas d'autres persécuteurs. Il eut peu de peine à les convertir par ses éloquentes prédications. Leur temple était consacré au culte d'Apollon ; il en fit un oratoire, consacré au culte du vrai Dieu. Ces mêmes idolâtres, devenus chrétiens, l'aidèrent à construire un vaste monastère, qui est devenu depuis le chef-lieu et le berceau de presque tous les ordres religieux de l'Europe. Le nom du fondateur devint célèbre en Italie.

      Totila, roi des Goths, ne fut point insensible au désir de voir un homme dont la renommée disait tant de bien ; mais en même temps, il voulut s'amuser à tromper la pénétration miraculeuse dont on assurait qu'il était doué. Il se mit à la suite d'un de ses écuyers qu'il avait fait vêtir d'habits royaux : dans cet équipage, il se présenta devant le modeste abbé du Mont-cassin ; mais celui-ci eut peu de peine à démêler la supercherie ; l'habitude du commandement avait imprimé sans doute, dans les yeux et sur le front du conquérant, des caractères de fierté qui n'échappèrent point à la sagacité du religieux. Sans s'arrêter aux apprences, il alla droit au-devant de celui qui voulait le tromper, et il osa lui parler en homme que ses vertus mettaient au-dessus de tous les rangs ; il lui reprocha ses cruautés, ses injustices et ses conquêtes : il alla plus loin, il osa lui prédire sa fin prochaine, en l'invitant à profiter du peu de temps qui lui restait à vivre pour réparer une partie des maux qu'il avait faits au monde. Soit conviction, soit étonnement, le fier barbare ne s'offensa point de cette noble hardiesse ; et l'on dit même que, depuis ce moment, il fut plus humain.

      Benoît mourut un an après cette singulière entrevue, le 21 mars 543 ; son corps resta déposé au Mont-Cassin, jusqu'au temps où les Lombards ayant fait une irruption dans ce pays, ils pillèrent et détruisirent le monastère. On ignore si les restes du saint fondateur périrent dans l'incendie : mais ils devinrent par la suite un sujet de contestation entre les bénédictins d'Italie et ceux de France : ceux-ci prétendaient qu'ayant été découverts dans les débris du monastère, par Aigulfe, moine de Fleury-sur-Loire, ils avaient été transportés en France, en 660 ; et, en effet, les bénédictins de France célébraient cette translation par une fête solennelle ; mais ceux d'Italie ne reconnaissaient ni la fête, ni la cause qui l'avait fait instituer ; ils assuraient que le corps du saint avait été retrouvé intact dans son propre tombeau, et n'en était jamais sorti.

      Quoi qu'il en soit de cette contestation, aujourd'hui de peu d'importance, saint Benoît laissa à ses disciples, dans l'exemple de sa vie, une succession plus riche et plus précieuse que celle de ses dépouilles mortelles. Ce qu'il avait constamment pratiqué dans le cours de sa longue pénitence, il en fit la règle de leur conduite. « Voulez-vous, disait saint Grégoire, avoir un abrégé de la règle de saint Benoît ? Lisez sa vie. Voulez-vous avoir un abrégé de sa vie ? Lisez sa règle. » Cette règle, adoptée par la plus grande partie des ordres religieux de l'Europe, est, suivant l'expression du même pontife, aussi remarquable par le style que par l'esprit de sagesse qui l'a dictée : Discretione præcipua, sermone luculenta. « Saint Benoît, dit Linguet, ne prétendait pas, comme saint Pacôme, l'avoir reçue des mains d'un ange ; mais il faut avouer qu'elle était plus douce, plus humaine, et, s'il est permis de le dire, plus raisonnable qu'aucune de celles qui l'avaient précédée dans les autres parties du monde. » Elle n'ordonnait rien qui surpassât les forces de l'homme ; elle n'exigeait ni macérations extraordinaires, ni efforts surnaturels ; elle renfermait les principes de conduite les plus propres à contenir en paix une multitude d'hommes rassemblés et vivant en commun ; elle tendait surtout à les détourner de cette contemplation oisive et dangereuse qui avait produit tant de maux dans les monastères d'Orient. Le travail des mains, prescrit par ce saint législateur, fut à la fois un principe de santé pour ses disciples, la cause de la plus grande tranquillité dans son ordre qui était très étendu, et les sources d'une véritable prospérité dans les Etats qui eurent le bon esprit de le recevoir et de le protéger. Ces religieux, qui passaient une partie de la journée à défricher les landes, à dessécher les marais, à fertiliser les terres, rentraient modestement dans leurs cellules pour se livrer à d'autres travaux non moins utiles et plus relevés : ils étudiaient les livres saints ; ils enseignaient le dogme et la morale ; ils copiaient les anciens manuscrits ; ils nous conservaient les trésors des sciences et des lettres que les Grecs et les Romains nous avaient légués, mais qui auraient péri avec leur puissance, si de pieux cénobites n'en avaient senti le prix et n'en avaient multiplié les copies, tandis que les Goths et les Vandales, les soldats, les barbares de toutes les nations pillaient et ensanglantaient la terre. Pendant que ces barbares achevaient d'anéantir l'empire romain, ce fut au fond des monastères, que l'opinion rendait sacrés, que furent conservés les précieux restes de l'antiquité. Les guerres continuelles et la licence effrénée du soldat exposaient chaque jour au pillage le harmeau du paysan et le château du baron ; mais l'église et les monastères furent respectés ; c'est là qu'Homère et Aristote se réfugièrent, poursuivis par l'ignorance des Goths et des Vandales ; c'est là que furent déposés les manuscrits de Virgile, d'Horace, de Tacite, d'Hérodote, de Tite-Live et de Platon. A la renaissance des lettres, on les retira de leur retraite. On découvrit, dans un monastère d'Amalli, une copie des Pandectes de Justinien, ce monument des lois romaines, qui donna à l'Europe l'idée d'une jurisprudence plus parfaite. Les Institutions de Quintilien furent trouvées, en 1415, par le Pogge, dans une tour de l'abbaye de St-Gall ; on retrouva de la même manière la plupart des auteurs classiques. Sans les monastères, que notre orgueil dédaigne aujourd'hui, nous aurions été forcés de recommencer tout ce qui avait été fait, et de créer une seconde fois les sciences, les lettres et les arts. Voltaire lui a même rendu justice à ces utiles travaux : « Ce fut, dit-il en parlant de l'ordre de saint Benoît, une consolation qu'il y eût de ces asiles ouverts à tous ceux qui voulaient fuir les oppressions du gouvernement goth et vandale. Presque tout ce qui n'était pas seigneur de château était esclave : on échappait, dans la douceur des cloîtres, à la tyrannie et à la guerre... Le peu de connaissances qui restait chez les barbares fut perpétué dans les cloîtres ; les bénédictins transcrivaient quelques livres ; peu à peu il sortit des cloîtres quelques inventions utiles. D'ailleurs, ces religieux cultivaient la terre, chantaient les louanges de Dieu, vivaient sobrement, étaient hospitaliers, et leurs exemples pouvaient servir à mitiger la férocité de ces temps de barbarie. »

      Il est encore une justice qu'il faut rendre aux bénédictins ; c'est que, dans tous les temps de troubles et de guerre civile, on ne vit aucun d'eux porter les armes contre sa patrie, ou prêcher la désobéissance aux lois. Ces titres à la reconnaissance des hommes valent mieux aux yeux de la saine raison, et même à ceux de la religion, que l'honneur singulier, réclamé par quelques biographes de cet ordre illustre, et consigné dans la Chronique de saint Benoît, d'avoir produit 40 papes, 200 cardinaux, 50 patriarches, 1400 archevêques, 4600 évêques, et 3600 saints canonisés. L'ordre de saint Benoît, répandu dans tous les Etats catholiques, prospéra longtemps à l'abri des sages institutions qui entretenaient et garantissaient la pieuse ferveur de ses membres : il déclina, dès que l'esprit des institutions s'affaiblit ; les réformes devinrent nécessaires ; et celles qu'on y introduisit en différents temps ont détaché du tronc principal différentes branches, connues depuis sous le nom de congrégations, dont les plus célèbres sont celles de Cluny, qui doit sa naissance à saint Bernon, abbé de Cluny en 910 ; celle du Mont-Cassin, qui fut établie en 1408, et renouvelée en 1504 ; celle de saint Vannes et de saint Hidulphe, établie en Lorraine, dans le XVIIème siècle, par D. Didier de la Cour ; celle de saint Maur, fondée en 1621, par les soins du même D. Didier, et qui s'est soutenue avec honneur dans l'Eglise et dans les sciences jusqu'à l'époque du grand bouleversement du trône et de l'autel. Dans les dernières années de leur existence, les religieux de cette congrégation s'étaient voués spécialement à l'éducation de la jeunesse. Louis XVI leur avait confié plusieurs écoles militaires qu'ils conduisaient avec succès. Leur vêtement consistait dans un habit long de couleur noire, un capuchon et un scapulaire ; l'habit de chœur était une ample robe, comme celle des avocats, surmontée d'un capuchon. Ils prononçaient trois vœux, à savoir : de chasteté, de stabilité et de conversion des mœurs. Leur général faisait sa résidence à l'abbaye de St-Germain-des-Prés ; et, tous les trois ans, ils tenaient un chapitre dans celle de Marmoutier, près de Tours.

      La règle de saint Benoît a été imprimée plusieurs fois, et notamment en 1734, en 2 vol. in-4°, avec des commentaires de D. Calmet. La vie du même saint a été écrite et publiée par D. Mège, en 1690, 1 vol. in-4° (Voyez les Annales ord. S. Benedicti, par D. Mabillon ; l'histoire de cet ordre, par Bulteau, 1684, in-4° ; la Méthode pour étudier l'histoire, par Lenglet-Dufresnoy, et la dissertation curieuse de Claude Lancelot sur l'hémine de vin et la livre de pain de St. Benoît, Paris, 1688, in-8°, où l'on trouve des recherches particulières sur le jour et l'heure de la mort du saint cénobite.)  (Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 3 - Pages 643-645)




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